Avis juridique important
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 20 juin 1996. - Wellcome Trust Ltd contre Commissioners of Customs and Excise. - Demande de décision préjudicielle: Value Added Tax Tribunal, London - Royaume-Uni. - Sixième directive TVA - Notion d'activité économique. - Affaire C-155/94.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-03013
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
Dispositions fiscales ° Harmonisation des législations ° Taxes sur le chiffre d' affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée ° Activités économiques au sens de l' article 4 de la sixième directive ° Achat et vente de titres dans le cadre de la gestion d' un trust caritatif ° Exclusion
(Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 2)
La notion d' activités économiques au sens de l' article 4, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388 en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires doit être interprétée en ce sens qu' elle n' inclut pas une activité qui consiste dans l' achat et dans la vente d' actions et d' autres titres par un trustee dans le cadre de la gestion des biens d' un trust caritatif.
En effet, si la circonstance qu' un tel trust n' a pas la qualité de professionnel de la négociation de titres n' exclut pas nécessairement qu' une activité comme celle en cause puisse, le cas échéant, être qualifiée d' activité économique, l' article 4 assignant un champ d' application très large à la taxe sur la valeur ajoutée, ne constitue pas une telle activité le simple exercice du droit de propriété que constituent les prises et cessions de participations financières dans d' autres entreprises par un trust qui gère le patrimoine qu' il détient, à l' instar d' un investisseur privé, et dont les activités d' investissement consistent essentiellement dans lesdites opérations en vue de maximiser les dividendes ou les rendements du capital destinés à fournir les moyens de la réalisation de son objectif non commercial.
Dans l' affaire C-155/94,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CE, par le Value Added Tax Tribunal, London, et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Wellcome Trust Ltd
et
Commissioners of Customs & Excise,
une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),
LA COUR (cinquième chambre),
composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, J.-P. Puissochet, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), C. Gulmann et P. Jann, juges,
avocat général: M. C. O. Lenz,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
considérant les observations écrites présentées:
° pour la partie demanderesse au principal, par MM. Andrew Thornhill, QC, Roger Thomas et Mme Julie Anderson, barristers, mandatés par Cameron Markby Hewitt, solicitors,
° pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. John E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d' agent, assisté de M. Paul Lasok, QC,
° pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Thomas F. Cusack, conseiller juridique, et Enrico Traversa, membre du service juridique, en qualité d' agents,
vu le rapport d' audience,
ayant entendu les observations orales de partie demanderesse au principal, représentée par MM. Andrew Thornhill et Roger Thomas, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. Paul Lasok, assisté de Mme Melanie Hall, barrister, et de la Commission, représentée par M. Thomas F. Cusack, à l' audience du 5 octobre 1995,
ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 7 décembre 1995,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 16 mai 1994, parvenue à la Cour le 13 juin suivant, le Value Added Tax Tribunal, London, a posé, en vertu de l' article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l' interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "directive").
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant la société Wellcome Trust Ltd (ci-après le "trust" ou la "demanderesse au principal"), agissant en tant que trustee unique du Wellcome Trust, oeuvre de bienfaisance constituée en charitable trust (trust caritatif), aux Commissioners of Customs & Excise (administration des contributions indirectes, ci-après les "Commissioners"), à propos d' une demande tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA"), acquittée en amont lors d' une vente d' actions et correspondant à la proportion des actions qui ont été cédées à des acquéreurs extérieurs à la Communauté européenne.
3 En 1924, la Wellcome Foundation Ltd (ci-après la "fondation") avait repris les activités de l' entreprise pharmaceutique Burroughs, Wellcome and Co., créée en 1880 par deux pharmaciens, Silas Burroughs et Henry Wellcome, sous forme de société de personnes (partnership). Sir Henry Wellcome, qui est décédé en 1936, avait, par testament, confié la gestion de l' ensemble de sa participation dans la fondation au Wellcome Trust dont les trustees ont été chargés d' affecter les revenus tirés des actions à la recherche en médecine vétérinaire et humaine ainsi qu' à l' étude de l' histoire de la médecine. A la suite d' une décision de justice du 1er juin 1992, la demanderesse au principal a été désignée pour agir en tant que seul et unique trustee, en remplacement des personnes physiques ayant exercé antérieurement cette fonction.
4 En 1980, la valeur de la participation détenue par le trust dans la fondation était de 250 millions de UKL. En 1984, il a été jugé prudent de diversifier les investissements, alors que les actifs du trust étaient jusqu' alors constitués d' actions et de titres de la fondation.
5 En 1985, les Charity Commissioners (administration chargée de surveiller les fondations charitables) ont élaboré un plan autorisant la cession d' une partie de la participation détenue dans la fondation (ci-après la "première vente d' actions") à condition que le trust conserve 50% des actions assorties d' un droit de vote. En outre, les actions de la fondation ont été échangées contre les actions d' une nouvelle société de portefeuille, la Wellcome plc.
6 La vente effectuée cette même année a rapporté 200 millions de UKL qui ont été utilisés pour réaliser d' autres investissements.
7 Par décision judiciaire, rendue en juillet 1987, les compétences du trust en matière d' investissement ont été considérablement étendues. Cette décision a toutefois imposé aux trustees de faire tout ce qui serait raisonnablement possible pour s' abstenir de se livrer au commerce dans le cadre de l' exercice de leurs pouvoirs en matière d' investissements.
8 Il ressort encore de l' ordonnance de renvoi que, fin septembre 1991, le portefeuille d' investissements du trust était évalué à 277 millions de UKL. Des acquisitions avaient été réalisées durant l' exercice pour une somme de 126 millions de UKL et des ventes pour un montant de 94 millions de UKL. Les mouvements sur titres à revenu fixe, qui portaient sur 44 millions de UKL, étaient plus importants que ceux qui concernaient les actions. Les autres actifs étaient constitués de 632 millions d' actions de la Wellcome plc, évaluées à 4 772 millions de UKL, de dépôts à terme d' un montant de 57,5 millions de UKL, de dépôts bancaires et de liquidités d' un montant de 12,5 millions de UKL, ainsi que de créances, de paiements par anticipation et de crédits d' impôts pour un total de 4,2 millions de UKL. Le passif s' élevait à 102 millions de UKL, dont 92 millions correspondant à des subventions accordées non encore versées. Les dépenses s' élevaient à 78 millions de UKL, dont 61 millions correspondant à des subventions et 10 millions à des activités de recherche directe. Les recettes totales s' élevaient à 90,2 millions de UKL, dont 67,4 millions correspondant à des dividendes de la Wellcome plc; les dividendes des titres cotés en bourse et les intérêts représentaient 13,7 millions de UKL, les intérêts sur dépôts à terme et dépôts bancaires 9,7 millions de UKL. Une perte de 670 000 UKL résultait de la vente d' actions et d' autres titres.
9 Le 2 mars 1992, une communication conjointe du trust et de la Wellcome plc a fourni des indications sur la vente d' une nouvelle tranche d' actions de cette dernière (ci-après la "deuxième vente d' actions"). Par une décision judiciaire du 30 avril 1992, une demande d' extension des compétences du trust en matière de vente de titres a été approuvée, à condition que le trust conserve 214 951 378 actions de la Wellcome plc.
10 Comme le volume de la deuxième vente d' actions avait été jugé trop important pour pouvoir s' effectuer par les canaux habituels, à savoir une souscription publique, il a été décidé de recourir à la méthode dite "du bookbuilding", forme d' adjudication consistant à donner aux investisseurs la faculté de faire une offre pour les actions durant une période prédéterminée, au terme de laquelle le volume et le prix de l' offre sont fixés en fonction de la demande exprimée. Cette méthode de vente impliquait une longue période de planification et d' importants frais d' honoraires pour les services de juristes, conseillers fiscaux et experts en relations publiques dont l' intervention était nécessaire pour réaliser l' opération.
11 La période d' adjudication a commencé à courir le 6 juillet 1992. L' offre publique a été clôturée le 21 juillet suivant et la période d' adjudication s' est terminée cinq jours plus tard. 288 millions d' actions ont été vendues au prix de 8 UKL l' unité, dont 33,22 % à des acquéreurs extérieurs à la Communauté. L' objectif de la vente par adjudication était de recueillir des fonds de façon à les réinvestir sous des formes plus diversifiées. En l' espèce, l' opération a rapporté 2,18 milliards de UKL. Comme en 1987, le trust a confié la gestion des fonds à des institutions extérieures, tout en exerçant une surveillance très stricte sur leurs résultats. Plus de 1,8 milliards de UKL ont été investis avant le 15 septembre 1992.
12 De l' ordonnance de renvoi, il résulte en outre que le trust est habilité à investir dans les options et dans divers autres instruments qui, traditionnellement, ne sont pas considérés comme des investissements. A l' époque de l' audience, les investissements en contrats à terme ou en options représentaient entre 1 et 2% de l' ensemble des investissements. Leur utilisation a un caractère purement défensif et non spéculatif. Le directeur des finances du trust surveille tous les portefeuilles pour s' assurer que le trust ne détient pas fortuitement, dans une société, des participations qui l' obligeraient à fournir des informations à une autorité de contrôle.
13 A la même époque, un investissement d' environ 72 millions de UKL avait été réalisé dans un portefeuille immobilier comprenant des bureaux, des locaux commerciaux et un entrepôt de distribution. Pour certains de ces biens immeubles, le trust a choisi de renoncer à l' exonération prévue par le Value Added Tax Act 1983 (loi de 1983 relative à la TVA, ci-après le "VAT Act 1983"), option permise par l' article 13, C, sous a), de la directive. Le trust participe également à des projets d' investissements à risque, qui ont une portée limitée quant à leur durée et quant aux obligations supportées. Le trust perçoit enfin des intérêts en consentant des prêts directs à des institutions et à des banques, cela indépendamment de tout investissement dans des valeurs mobilières.
14 Par lettre du 11 mars 1993, le trust a, sur le fondement de l' article 17, paragraphe 3, sous c), de la directive, demandé le remboursement à concurrence d' un montant de 297 832,65 UKL de la TVA acquittée en amont, afférente aux frais exposés en vue de la préparation de la deuxième vente d' actions et que le trust considère comme une activité économique au sens de la directive. Ce montant représente 33,22 % de la taxe totale acquittée sur les frais exposés et correspond à la proportion des actions qui ont été vendues à des personnes domiciliées en dehors de la Communauté.
15 L' article 17, paragraphe 3, sous c), de la directive prévoit que les États membres accordent à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la TVA due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti, dans la mesure où ces biens ou services sont utilisés pour les besoins:
"...
c) de ses opérations exonérées conformément à l' article 13 sous B sous a) et sous d) points 1 à 5, lorsque le preneur est établi en dehors de la Communauté ou lorsque ces opérations sont directement liées à des biens qui sont destinés à être exportés vers un pays en dehors de la Communauté".
16 Sont exonérées, conformément à l' article 13, B, sous d), point 5, de la directive:
"les opérations, y compris la négociation mais à l' exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d' associations, les obligations et les autres titres, à l' exclusion:
° des titres représentatifs de marchandises,
° des droits ou titres visés à l' article 5, paragraphe 3".
17 Selon l' article 2, paragraphe 1, du VAT Act 1983, la TVA est perçue sur toutes les fournitures de marchandises ou prestations de services effectuées au Royaume-Uni, s' il s' agit d' une fourniture ou d' une prestation taxable effectuée par un assujetti dans le cadre d' une activité à caractère économique ("business") exercée par ce dernier.
18 Par décision du 20 mars 1993, les Commissionners ont rejeté la demande susmentionnée, au motif que les actions et autres titres en possession du trust étaient détenus pour des motifs caritatifs et que les cessions en cause ne s' inscrivaient pas dans le cadre du développement de quelconques activités économiques du trust, mais dans le cadre d' une politique normale de gestion des investissements en vue de financer les activités de bienfaisance. Par conséquent, ils ont conclu que les taxes afférentes aux services professionnels dont le trust avait bénéficié dans le cadre de la vente d' actions ne constituaient pas une taxe en amont au sens du VAT Act 1983.
19 Le trust a interjeté appel de cette décision devant le Value Added Tax Tribunal, London. Selon la juridiction de renvoi, la question à trancher porte sur le point de savoir si la partie demanderesse au principal possède la qualité d' assujetti, soit en relation avec ses activités spécifiquement liées à la deuxième vente d' actions, soit en relation avec ses activités générales d' investissement dont cette vente constitue un élément.
20 Dans ces conditions, le Value Added Tax Tribunal, London, a décidé de surseoir à statuer jusqu' à ce que la Cour se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions suivantes:
"1) Les mots 'activités économiques' figurant à l' article 4, paragraphe 2 [de la sixième directive 77/388/CEE], peuvent-ils viser les ventes d' actions et autres titres effectuées par une personne n' ayant pas la qualité de professionnel de la négociation d' actions et autres titres?
2) De multiples ventes d' actions effectuées le même jour, au bénéfice d' un grand nombre d' acquéreurs, par une personne n' ayant pas la qualité de professionnel de la négociation d' actions et impliquant une préparation complexe s' étalant sur une longue période constituent-elles des 'activités économiques' au sens de l' article 4, paragraphe 2?
3) En cas de réponse affirmative à la question 1 et/ou 2, des ventes d' actions effectuées par un tel 'trustee' doivent-elles être considérées comme effectuées par un 'assujetti agissant en tant que tel' , au sens de l' article 2, paragraphe 1?
4) Pour répondre aux questions 1 et/ou 2 et/ou 3, faut-il accorder quelque importance au point de savoir si la vente d' actions et autres titres constitue l' objet principal de l' activité dans le cadre de laquelle les ventes en cause sont effectuées? En cas de réponse affirmative à cette question, comment doit-on définir cette activité et son étendue?"
Sur les questions préjudicielles
21 Par les questions préjudicielles, la juridiction nationale vise, en substance, à savoir si la notion d' activités économiques au sens de l' article 4, paragraphe 2, de la directive doit être interprétée en ce sens qu' elle inclut une activité, telle que celle en cause dans le litige au principal, qui consiste dans l' achat et dans la vente d' actions et d' autres titres par un trustee dans le cadre de la gestion des biens d' un trust caritatif.
22 La demanderesse au principal estime qu' il y a lieu de répondre par l' affirmative à cette question.
23 Elle observe que, si les investissements effectués par des investisseurs ordinaires ne relèvent pas du champ d' application de la TVA, il en est autrement lorsque, en vertu de son statut ou du mandat qu' il exerce, l' investisseur effectue régulièrement des investissements afin d' obtenir un revenu ou d' augmenter son capital. Tel serait le cas en l' espèce.
24 La demanderesse au principal précise à cet égard que, tout comme les trusts d' investissements ou les fonds de pensions, dont l' activité d' investissement est considérée au Royaume-Uni comme relevant du champ d' application de la TVA, elle doit s' assurer que le capital s' accroît dans des proportions raisonnables, ce qui implique la vente régulière d' actions et d' autres titres.
25 La demanderesse au principal ajoute qu' il serait d' ailleurs contraire au principe de la neutralité fiscale de percevoir la TVA sur les opérations de vente ou d' achat d' actions effectuées par un professionnel, mais non sur celles effectuées par un investisseur comme le trust. En effet, la TVA doit être appliquée à toutes les activités économiques, quelle qu' en soit la nature, sans tenir compte des buts ni des résultats de l' activité en soi. Il est indifférent que son but ou son objet soit de réaliser des investissements ou de faire du commerce.
26 S' agissant, en particulier, de la deuxième vente d' actions, il ne ferait aucun doute que l' activité déployée constitue une activité économique. En effet, si, au lieu d' effectuer cette vente en un seul jour, le trust avait procédé à plusieurs ventes au cours des années 1991 et 1992, la régularité des ventes aurait conféré à l' activité ainsi déployée la nature d' une activité économique. Or, le fait que, pour des raisons techniques, le trust a exclu le recours à cette procédure ne saurait enlever à la deuxième vente d' actions sa nature d' activité économique au sens de la directive. Par conséquent, des fournitures d' une valeur substantielle, effectuées comme en l' espèce en un court espace de temps, constitueraient une activité économique.
27 Cette argumentation ne saurait être suivie.
28 L' article 2, paragraphe 1, de la directive soumet à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l' intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.
29 Conformément à l' article 4, paragraphe 1, de la directive, "Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d' une façon indépendante et quel qu' en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité".
30 La notion d' activités économiques est définie au paragraphe 2 de cette disposition comme englobant toutes les "activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées". Selon la même disposition, "Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l' exploitation d' un bien corporel ou incorporel en vue d' en retirer des recettes ayant un caractère de permanence".
31 Il convient de relever d' emblée que, si, comme il ressort des indications fournies par l' ordonnance de renvoi, le trust n' a pas, au Royaume-Uni, la qualité de professionnel de la négociation de titres, cette circonstance n' exclut pas nécessairement qu' une activité qui, telle celle en cause dans le litige au principal, consiste dans l' acquisition et la cession d' actions et d' autres titres puisse, le cas échéant, être qualifiée d' activité économique au sens de l' article 4 de la directive qui, conformément à la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 1991, Polysar Investments Netherlands, C-60/90, Rec. p. I-3111, point 12), assigne un champ d' application très large à la TVA.
32 Toutefois, il résulte de cette même jurisprudence que le simple exercice du droit de propriété par son titulaire ne saurait, en lui-même, être considéré comme constituant une activité économique. Ainsi la Cour en a-t-elle jugé à propos de prises de participations financières, par une société holding, dans d' autres entreprises (voir, notamment, arrêts Polysar Investments Netherlands, précité, point 13, et du 22 juin 1993, Sofitam, C-333/91, Rec. p. I-3513, point 12).
33 Or, comme la Commission l' a relevé avec pertinence, si ces activités ne constituent pas, en elles-mêmes, une activité économique au sens de la directive, il en est de même pour celles qui consistent à céder de telles participations.
34 Il convient de relever à cet égard que le trust gère le patrimoine qu' il détient, qui est constitué en partie de sa participation dans la fondation et d' autres instruments financiers. Les activités d' investissement, telles qu' elles ont été décrites ci-dessus, consistent essentiellement dans l' acquisition et la cession d' actions et d' autres titres en vue de maximiser les dividendes ou les rendements du capital, qui sont destinés à encourager la recherche médicale.
35 Certes, il résulte de l' article 13, B, sous d), point 5, de la directive que les opérations portant sur les actions, les parts de sociétés ou d' associations, les obligations et autres titres, peuvent relever du champ d' application de la TVA. Tel est notamment le cas lorsque de telles opérations sont effectuées dans le cadre d' une activité commerciale de négociation de titres ou pour réaliser une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles s' est opérée la prise de participation (voir arrêt Polysar Investments Netherlands, précité, point 14). Toutefois, ainsi qu' il résulte de l' ordonnance de renvoi, de telles activités sont précisément interdites au trust qui est obligé de faire tout ce qui est raisonnablement possible afin d' éviter de se livrer au commerce dans l' exercice de ses pouvoirs et ne doit pas détenir des participations majoritaires dans d' autres sociétés.
36 Par conséquent, et indépendamment de la question de savoir si les activités en cause sont semblables à celles d' un trust d' investissement ou d' un fonds de pension, il convient de conclure qu' un trust se trouvant dans une situation telle que celle décrite par la juridiction de renvoi doit, au regard de l' article 4 de la directive, être considéré comme se limitant à gérer un portefeuille d' investissements à l' instar d' un investisseur privé.
37 Par ailleurs, contrairement à la thèse de la demanderesse au principal, ni l' ampleur d' une vente d' actions, telle que celle qui a été réalisée en second lieu en l' espèce au principal, ni le recours, dans le cadre d' une telle vente, à des sociétés de conseil ne sauraient constituer des critères de distinction entre les activités d' un investisseur privé, qui se situent en dehors du champ d' application de la directive, et celles d' un investisseur dont les opérations constituent une activité économique. En effet, outre le fait que d' importantes ventes d' actions peuvent également être effectuées par des investisseurs privés, adhérer à la position de la demanderesse au principal reviendrait à faire dépendre la qualification d' une opération comme activité économique de l' habileté et des compétences de l' investisseur.
38 Quant au principe de la neutralité fiscale, il n' a pas la portée que lui attribue la demanderesse au principal. En effet, s' il implique que toutes les activités économiques doivent être traitées de la même manière, il suppose également que l' activité en cause puisse être qualifiée d' activité économique, ce qui n' est pas le cas en l' espèce.
39 En outre, comme M. l' avocat général l' a démontré au point 27 des conclusions, considérer les activités du trust comme une activité économique au sens de la directive et, partant, permettre la déductibilité de la TVA acquittée en amont avantagerait un investisseur tel que le trust par rapport à d' autres investisseurs privés qui, pour leur part, ne pourraient pas déduire la TVA acquittée en amont conformément à l' article 17, paragraphe 3, sous c), de la directive lorsque les preneurs sont établis en dehors de la Communauté.
40 Enfin, compte tenu de ce qui précède, la réponse à la question de savoir si la vente d' actions et d' autres titres constitue l' objet principal de l' activité dans le cadre de laquelle les ventes en cause sont effectuées ne saurait avoir une quelconque incidence sur la qualification de l' activité d' investissement de la partie demanderesse au principal au regard de l' article 4 de la directive.
41 Il y a lieu dès lors de répondre à la juridiction nationale que la notion d' activités économiques au sens de l' article 4, paragraphe 2, de la directive doit être interprétée en ce sens qu' elle n' inclut pas une activité telle que celle en cause dans le litige au principal, qui consiste dans l' achat et dans la vente d' actions et d' autres titres par un trustee dans le cadre de la gestion des biens d' un trust caritatif.
Sur les dépens
42 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Value Added Tax Tribunal, London, par ordonnance du 16 mai 1994, dit pour droit:
La notion d' activités économiques au sens de l' article 4, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprétée en ce sens qu' elle n' inclut pas une activité telle que celle en cause dans le litige au principal, qui consiste dans l' achat et dans la vente d' actions et d' autres titres par un trustee dans le cadre de la gestion des biens d' un trust caritatif.