Avis juridique important
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 6 février 1997. - Finanzamt Augsburg-Stadt contre Marktgemeinde Welden. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Sixième directive TVA - Location de biens immeubles - Autorité publique. - Affaire C-247/95.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-00779
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Assujettis - Organismes de droit public - Non-assujettissement pour les activités exercées en tant qu'autorités publiques - Notion - Inclusion, au choix des États membres, des activités exonérées en vertu de l'article 13 de la sixième directive, indépendamment de leur mode d'exercice
(Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5, al. 4)
L'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires doit être interprété en ce sens qu'il permet aux États membres de considérer que les activités énumérées à l'article 13 de la même directive sont exercées par des organismes de droit public en tant qu'autorités publiques, même si elles sont exercées d'une manière analogue à celles d'un opérateur économique privé. En effet, ladite disposition n'opère aucune distinction au sein des activités dont l'exonération est prévue par l'article 13 et que les États membres sont autorisés à considérer comme des activités de l'autorité publique dès lors qu'elles sont exercées par un organisme de droit public.
Dans l'affaire C-247/95,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Bundesfinanzhof (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Finanzamt Augsburg-Stadt
et
Marktgemeinde Welden,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 4, paragraphes 1, 2 et 5, et de l'article 13, B et C, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),
LA COUR
(sixième chambre),
composée de MM. G. F. Mancini, président de chambre, J. L. Murray, C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn et H. Ragnemalm (rapporteur), juges,
avocat général: M. A. La Pergola,
greffier: M. R. Grass,
considérant les observations écrites présentées:
- pour le Finanzamt Augsburg-Stadt, par M. Alto Schwarz, leitender Regierungsdirektor, Amtvorsteher, en qualité d'agent,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Juergen Grunwald, conseiller juridique, en qualité d'agent,
vu le rapport du juge rapporteur,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 24 octobre 1996,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 21 mars 1995, parvenue à la Cour le 17 juillet suivant, le Bundesfinanzhof a posé à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 4, paragraphes 1, 2 et 5, et de l'article 13, B et C, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant le Finanzamt Augsburg-Stadt à la Marktgemeinde Welden, une commune allemande (ci-après la «commune»), au sujet de sa qualité d'assujetti au régime de la TVA.
3 L'article 4 de la sixième directive définit l'assujetti. En ce qui concerne les organismes de droit public, son paragraphe 5 dispose:
«Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.
Toutefois, lorsqu'ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.
En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d'assujettis notamment pour les opérations énumérées à l'annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.
Les États membres peuvent considérer comme activités de l'autorité publique les activités des organismes précités exonérées en vertu des articles 13 ou 28.»
4 L'article 13 de la sixième directive prévoit que certaines activités ou opérations sont exonérées de la taxe. Parmi ces activités ou opérations, l'article 13, B, sous b), mentionne l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception de certaines opérations qui ne sont pas en cause dans l'affaire présente.
5 L'article 13, C, de la sixième directive énonce toutefois que les États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d'opter pour la taxation de l'affermage et de la location des biens immeubles.
6 Selon l'article 4, point 12, de l'Umsatzsteuergesetz de 1980 (loi allemande relative à la taxe sur le chiffre d'affaires, ci-après l'«UStG»), la location et l'affermage d'immeubles sont en principe exonérés de la taxe sur le chiffre d'affaires.
7 Aux termes de l'article 9 de l'UStG, l'entrepreneur peut traiter un chiffres d'affaires non soumis à la taxe en vertu de, notamment, l'article 4, point 12, de la même loi, comme s'il était assujetti à la taxe, lorsque le chiffre d'affaires est réalisé auprès d'un autre entrepreneur pour les besoins de son entreprise.
8 Le terme «entrepreneur» est défini à l'article 2, paragraphe 1, de l'UStG, comme «celui qui exerce une activité industrielle, commerciale ou professionnelle à titre indépendant». En vertu du paragraphe 3 de la même disposition, les personnes morales de droit public n'exercent une telle activité que dans le cadre de leurs établissements à caractère industriel ou commercial et de leurs exploitations agricoles ou sylvicoles.
9 Il ressort du dossier au principal que la commune a entrepris la construction d'un nouveau bâtiment dont les locaux ont été donnés en location, par la commune elle-même, à une brasserie qui y a exploité une auberge. La commune n'a pas fourni l'équipement de l'auberge, tels les cuisinières, les machines, les hottes, le mobilier et la vaisselle.
10 Conformément à l'article 9 de l'UStG, la commune a renoncé à l'exonération des loyers, prévue par l'article 4, point 12, de la même loi et a déclaré comme taxe versée en amont la taxe sur le chiffre d'affaires afférente aux frais de construction de l'immeuble.
11 L'administration fiscale, le Finanzamt Augsburg-Stadt, n'a pas admis la renonciation faite par la commune, considérant que la location de l'auberge dans le nouveau bâtiment ne constituait pas une activité à caractère industriel ou commercial, car l'équipement nécessaire à son exploitation n'avait pas été loué en même temps. N'ayant pas agi en qualité d'entrepreneur, la commune ne pouvait pas, dès lors, être considérée comme assujettie au régime de la TVA.
12 La commune a alors introduit un recours contre cette décision devant le Finanzgericht qui lui a donné raison en se fondant sur le raisonnement suivant. Selon une opinion généralement admise en Allemagne, la location d'un établissement n'est assimilée à une activité à caractère industriel ou commercial que si le bailleur fournit l'équipement au cas où les installations le requièrent et qu'il permet au preneur de l'utiliser. A défaut, il s'agit d'une gestion de patrimoine. Toutefois, il ressortirait des dispositions de la sixième directive que la qualité d'entrepreneur ne sera refusée à un organisme de droit public que si cet organisme agit dans le cadre de la puissance publique. Comme, en l'espèce, la commune n'a pas agi à l'égard du preneur en tant qu'autorité publique, mais bien en tant que gestionnaire privé, le Finanzgericht estime qu'elle a la qualité d'entrepreneur et qu'elle peut se prévaloir directement de la sixième directive.
13 Le Finanzamt Augsburg-Stadt s'est pourvu en «Revision» devant le Bundesfinanzhof, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes:
«1) L'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la directive 77/388/CEE permet-il aux États membres de considérer des activités exonérées d'organismes de droit public, qui peuvent néanmoins opter pour leur taxation, comme étant des activités qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques s'ils les exercent de la même manière que des opérateurs économiques privés et dans des conditions juridiques analogues?
2) Au cas où la première question appellerait une réponse négative: la portée du droit d'opter pour la taxation peut-elle faire l'objet d'une restriction au titre de l'article 13, partie C, deuxième alinéa, de la directive 77/388/CEE, en ce sens que des activités visées à l'article 13, partie C, premier alinéa, de la directive 77/388/CEE ne sont considérées qu'à certaines conditions comme étant des activités d'entrepreneur dès lors qu'elles sont exercées par des organismes de droit public?
3) Au cas où cette question appellerait également une réponse négative: un organisme de droit public peut-il se prévaloir directement des dispositions combinées des paragraphes 1 et 2 et du paragraphe 5 de l'article 4 de la directive 77/388/CEE pour s'opposer à l'application d'une disposition nationale lorsque l'application de cette disposition de la directive a certes indirectement des effets avantageux par le jeu de la déduction, mais qu'au reste elle a des effets négatifs?»
Sur la première question
14 La Commission observe que l'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive permet aux États membres de traiter certains organismes de droit public, qui, selon le système de cette directive, devraient en principe être considérés comme des assujettis, comme des non-assujettis, lorsque leurs activités sont exonérées de la taxe conformément à l'article 13 de la même directive. Les deux solutions, à savoir ne pas conférer aux organismes de droit public la qualité d'assujetti ou leur reconnaître cette qualité et les exonérer de la taxe, aboutiraient au même résultat.
15 Cependant, en tant que disposition dérogatoire au système de principe mis en place par la sixième directive, l'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, devrait, selon la Commission, faire l'objet d'une interprétation stricte et ne s'appliquer aux activités exonérées par l'article 13 que dans la mesure où les dispositions de ce dernier les rattachent expressément aux organismes de droit public.
16 Par conséquent, la Commission estime que les États membres ne sont pas autorisés, en application de l'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, à exclure de l'assujettissement les organismes de droit public pour les activités qui, comme la location de biens immeubles, ne répondent pas à l'exigence indiquée au point précédent.
17 A cet égard, il convient tout d'abord de rappeler que les activités exercées en tant qu'autorités publiques au sens de l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive sont celles accomplies par les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, à l'exclusion des activités qu'ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés (arrêts du 17 octobre 1989, Ufficio distrettuale delle imposte dirette di Fiorenzuola d'Arda e.a., 231/87 et 129/88, Rec. p. 3233, et du 15 mai 1990, Comune di Carpaneto Piacentino e.a., C-4/89, Rec. p. I-1869, point 8).
18 En l'espèce au principal, il ne ressort pas du dossier que la commune a agi en tant qu'autorité publique au sens de l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive. Au contraire, il apparaît que l'activité de location a été exercée dans les mêmes conditions juridiques que celles auxquelles sont soumis les opérateurs économiques privés. Cette disposition ne permet donc pas de dénier à la commune la qualité d'assujetti.
19 Il y a lieu toutefois de se référer à l'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la directive, qui, en dehors des activités des organismes de droit public non imposables en vertu du premier alinéa de cette disposition, laisse aux États membres la faculté de considérer comme activités de l'autorité publique celles qui, en vertu de l'article 13 de la même directive, sont exonérées de la taxe et, par conséquent, d'exclure l'assujettissement des organismes de droit public pour ces activités.
20 L'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive n'opérant aucune distinction au sein de ces activités, les États membres sont autorisés à exclure l'assujettissement des organismes de droit public qui exercent des activités exonérées au sens de l'article 13 de la même directive, même si elles sont exercées d'une manière analogue à celles d'un opérateur économique privé.
21 Dans la mesure où un organisme de droit public, en vertu de l'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, est considéré comme ayant exercé une activité en tant qu'autorité publique, il appartient à la juridiction nationale d'apprécier, le cas échéant, si les conditions énoncées au deuxième alinéa de cette disposition sont remplies.
22 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu'il permet aux États membres de considérer que les activités énumérées à l'article 13 de la même directive sont exercées par des organismes de droit public en tant qu'autorités publiques, même si elles sont exercées d'une manière analogue à celles d'un opérateur économique privé.
Sur les deuxième et troisième questions
23 Les deuxième et troisième questions n'ayant été posées que pour le cas où une réponse négative serait apportée à la première question, il n'est pas nécessaire de les examiner.
Sur les dépens
24 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(sixième chambre),
statuant sur les questions qui lui ont été soumises par le Bundesfinanzhof, par ordonnance du 21 mars 1995, dit pour droit:
L'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens qu'il permet aux États membres de considérer que les activités énumérées à l'article 13 de la même directive sont exercées par des organismes de droit public en tant qu'autorités publiques, même si elles sont exercées d'une manière analogue à celles d'un opérateur économique privé.