Avis juridique important
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 11 juin 1998. - Karlheinz Fischer contre Finanzamt Donaueschingen. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Baden-Württemberg, Freiburg - Allemagne. - Dispositions fiscales - Sixième directive TVA - Application à l'organisation de jeux de hasard illicites - Détermination de la base d'imposition. - Affaire C-283/95.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-03369
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Sixième directive - Champ d'application - Exploitation illégale de jeux de hasard - Inclusion
(Directive du Conseil 77/388, art. 2)
2 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Exonérations prévues par la sixième directive - Exonération pour les jeux de hasard - Pouvoir des États membres de déterminer les conditions et les limites de l'exonération - Limites - Exonération de la taxe pour les seuls jeux de hasard licites - Inadmissibilité
(Directive du Conseil 77/388, art. 13, B, f))
1 Si des importations ou livraisons de marchandises qui, en raison de leurs caractéristiques particulières, ne sont pas susceptibles d'être mises dans le commerce ni intégrées au circuit économique, telles que les stupéfiants ou la fausse monnaie, sont tout à fait étrangères aux dispositions de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires et ne donnent lieu à aucune dette au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, en revanche, en dehors de ces hypothèses où toute concurrence entre un secteur économique licite et un secteur illicite est exclue, le principe de neutralité fiscale s'oppose, en matière de perception de la taxe sur la valeur ajoutée, à une différenciation généralisée entre les transactions illicites et les transactions licites.
Ces considérations à propos de l'importation ou de la cession de marchandises s'appliquent également aux prestations de services telles que l'organisation des jeux de hasard. Or, ces jeux, et notamment la roulette, sont exploités de manière licite dans plusieurs États membres. Les opérations illicites d'exploitation d'un jeu de hasard se trouvant en concurrence avec des activités licites, le principe de neutralité fiscale s'oppose à ce qu'elles soient traitées de manière différente du point de vue de la taxe sur la valeur ajoutée. Il s'ensuit que l'exploitation illégale d'un jeu de hasard, en l'occurrence la roulette, relève du champ d'application de la sixième directive.
2 L'article 13, B, sous f), de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires doit être interprété en ce sens qu'un État membre ne peut soumettre l'exploitation illégale d'un jeu de hasard à la taxe sur la valeur ajoutée alors que l'activité correspondante effectuée par un casino public agréé bénéficie d'une exonération.
Les exonérations prévues à l'article 13, B, de la directive doivent être appliquées dans le respect du principe de la neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Cette exigence s'impose également lorsque, conformément à l'article 13, B, sous f), les États membres font usage de la faculté de déterminer les conditions et les limites de l'exonération. Or, le principe de neutralité fiscale s'oppose, en matière de perception de la taxe sur la valeur ajoutée, à une différenciation généralisée entre les transactions illicites et les transactions licites. Il s'ensuit que les États membres ne peuvent réserver l'exonération aux seuls jeux de hasard ayant un caractère licite.
Dans l'affaire C-283/95,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Finanzgericht Baden-Württemberg, Freiburg (Allemagne), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Karlheinz Fischer
et
Finanzamt Donaueschingen,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),
LA COUR
(sixième chambre),
composée de MM. H. Ragnemalm, président de chambre, G. F. Mancini (rapporteur), P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray et G. Hirsch, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
considérant les observations écrites présentées:
- pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et Bernd Kloke, Oberregierungsrat au même ministère, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. Stephen Braviner, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assisté de M. Peter Mantle, barrister,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Jürgen Grunwald, conseiller juridique, en qualité d'agent,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales du gouvernement allemand, représenté par M. Ernst Röder, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. John E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent, assisté de M. Kenneth Parker, QC, et de la Commission, représentée par M. Jürgen Grunwald, à l'audience du 30 janvier 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 mars 1997,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 21 août 1995, parvenue à la Cour le 25 août suivant, le Finanzgericht Baden-Württemberg, Freiburg, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Fischer au Finanzamt Donaueschingen (ci-après le «Finanzamt») à propos du paiement de la taxe sur le chiffre d'affaires pour des jeux de hasard illicites et punissables.
Le cadre réglementaire
3 Aux termes de l'article 2 de la sixième directive:
«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:
1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;
...»
4 En vertu de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), la base d'imposition pour les livraisons de biens et les prestations de services est constituée, en principe, par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.
5 L'article 13, B, prévoit:
«Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
...
f) les paris, loteries et autres jeux de hasard ou d'argent, sous réserve des conditions et limites déterminées par chaque État membre;
...»
6 L'article 33, dans sa version en vigueur à l'époque des faits au principal, précisait que, sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les dispositions de la sixième directive ne faisaient pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un État membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires.
7 En droit allemand, conformément à l'article 1er, paragraphe 1, de l'Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires, BGBl. I, 1979, p. 1953, ci-après l'«UStG»), sont soumises à la taxe sur le chiffre d'affaires les livraisons et autres prestations effectuées à titre onéreux sur le territoire fiscal considéré par un entrepreneur dans le cadre de son activité.
8 En vertu de l'article 4, paragraphe 9, sous b), de l'UStG, sont exonérés de la taxe les chiffres d'affaires relevant de la loi sur les paris et les loteries, de même que les chiffres d'affaires réalisés au moyen du jeu par les casinos publics agréés.
9 L'article 284 du code pénal allemand sanctionne d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans toute personne qui organise des jeux de hasard ouverts au public sans autorisation administrative. Sont également considérés comme ouverts au public les jeux de hasard organisés dans des cercles ou des sociétés fermés dans le cadre desquels des jeux de hasard sont régulièrement organisés.
10 Conformément à l'article 40 de l'Abgabenordnung (code fiscal de 1977, BGBl. I, p. 613), il est sans pertinence aux fins de l'application de l'impôt qu'un comportement qui répond totalement ou partiellement au critère d'une loi fiscale soit contraire à une obligation ou à une interdiction légales, ou constitue une atteinte aux bonnes moeurs.
Les faits de l'affaire au principal
11 Entre 1987 et 1989, M. Fischer a organisé à plusieurs endroits en Allemagne des jeux de hasard. Il disposait de l'autorisation administrative requise pour exploiter un jeu d'adresse exigeant le recours à un appareil dénommé «Roulette Opta II». Cependant, il s'est à tel point écarté des termes de cette autorisation que le jeu a fini par ressembler au jeu de roulette tel qu'il est pratiqué dans les casinos publics dûment autorisés.
12 Les appareils utilisés par M. Fischer comportaient une couronne de cases numérotées de 1 à 24 et colorées en rouge ou en noir, plus deux cases pour les signes 0 et X. Le but pour les joueurs était de prévoir, en plaçant des jetons sur les cases correspondantes, l'endroit où la boule lancée par le croupier s'arrêterait. Les joueurs achetaient des jetons d'une valeur de 5 DM la pièce et pouvaient, à chaque partie, jouer un ou plusieurs jetons. Si la boule tombait sur le chiffre, la ligne ou la couleur qui avaient été joués, le croupier payait respectivement 24 fois, 12 fois ou 2 fois la mise.
13 Les gains étaient payés en jetons immédiatement après le jeu gagnant et les autres mises étaient ramassées par le croupier. Les joueurs qui voulaient cesser de jouer pouvaient échanger les jetons qui leur restaient contre de l'argent.
14 A l'issue d'un contrôle, le Finanzamt a estimé que M. Fischer effectuait des prestations imposables au titre de la taxe sur le chiffre d'affaires, consistant à octroyer des chances de gain aux joueurs. Selon le Finanzamt, l'assiette aurait dû être constituée par les mises placées par les joueurs, déduction faite des gains distribués. Toutefois, comme M. Fischer n'avait pas tenu de comptes pour ces opérations, le montant imposable a été calculé sur la base d'un calcul de probabilité, en multipliant les recettes par le facteur 6.
Les questions préjudicielles
15 Le Finanzgericht Baden-Württemberg, saisi par M. Fischer, s'est demandé en premier lieu, à la lumière des arrêts du 5 juillet 1988, Mol (269/86, Rec. p. 3627), et Happy Family (289/86, Rec. p. 3655), si les opérations en cause au principal constituaient effectivement des prestations de services au sens de l'article 2, point 1, de la sixième directive ou si, en tant qu'activités illicites, elles échappaient au champ d'application de ladite directive. En second lieu, au cas où les prestations en cause seraient imposables conformément à la sixième directive, il s'est interrogé sur le point de savoir si la méthode de calcul de la base d'imposition dégagée par la Cour dans l'arrêt du 5 mai 1994, Glawe (C-38/93, Rec. p. I-1679), et consistant à retenir exclusivement les recettes nettes après paiement des gains aux joueurs trouvait à s'appliquer dans l'affaire qui lui était soumise. En troisième lieu, si tel n'était pas le cas, le Finanzgericht a estimé qu'il convenait de déterminer une autre méthode de calcul de la base d'imposition.
16 La juridiction nationale a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L'article 2, point 1, de la sixième directive CE doit-il être interprété en ce sens que les prestations de services fournies aux joueurs par un organisateur de jeux de hasard illicites et punissables ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée?
2) En cas de réponse négative à la première question: l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive CE doit-il être interprété en ce sens que, pour les jeux de hasard illicites, en l'occurrence pour la roulette, la base d'imposition des prestations de services fournies par l'organisateur aux joueurs est constituée par le montant qui est resté à l'organisateur au cours d'une période fiscale donnée?
3) En cas de réponse négative à la deuxième question: comment faut-il déterminer la base d'imposition dans les cas visés aux première et deuxième questions?»
Sur la première question
17 En vue de fournir une réponse utile à la juridiction nationale, la première question doit être comprise comme visant à déterminer si l'exploitation illégale d'un jeu de hasard, en l'occurrence la roulette, relève du champ d'application de la sixième directive et si un État membre peut soumettre cette activité à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») alors que l'activité correspondante effectuée par un casino public agréé bénéficie d'une exonération.
18 Il y a lieu de constater d'abord que ladite directive vise expressément les jeux de hasard ou d'argent à l'article 13, B, sous f), lorsqu'elle prévoit leur exonération et à l'article 33 lorsqu'elle précise que ses dispositions ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction, par les États membres, de taxes sur les jeux et paris. Il est donc manifeste que de telles opérations n'échappent pas, en tant que telles, à l'application de la sixième directive.
19 Il convient d'examiner ensuite les doutes exprimés par la juridiction nationale quant à la possibilité de soumettre à la TVA des activités illicites. Dans ses arrêts du 28 février 1984, Einberger II (294/82, Rec. p. 1177, points 19 et 20), Mol et Happy Family, précités, respectivement points 15 et 17, et du 6 décembre 1990, Witzemann (C-343/89, Rec. p. I-4477, point 19), la Cour a jugé que des importations ou livraisons illégales de stupéfiants ou de fausse monnaie, dont l'introduction dans le circuit économique et commercial de la Communauté est par définition exclue, et qui ne peuvent donner lieu qu'à des mesures répressives, sont tout à fait étrangères aux dispositions de la sixième directive et ne donnent lieu à aucune dette au titre de la TVA.
20 Ainsi que la Cour l'a relevé dans l'arrêt du 2 août 1993, Lange (C-111/92, Rec. p. I-4677, point 12), ce principe ne concerne que des marchandises qui, en raison de leurs caractéristiques particulières, ne sont pas susceptibles d'être mises dans le commerce ni intégrées au circuit économique.
21 En revanche, en dehors de ces hypothèses où toute concurrence entre un secteur économique licite et un secteur illicite est exclue, le principe de neutralité fiscale s'oppose, en matière de perception de la TVA, à une différenciation généralisée entre les transactions illicites et les transactions licites. Ainsi la Cour a-t-elle jugé que l'interdiction d'exporter certaines marchandises vers des destinations précises, en raison de la possibilité de les utiliser à des fins stratégiques, ne saurait suffire par elle-même à faire échapper de telles exportations au champ d'application de la sixième directive (arrêt Lange, précité, points 16 et 17).
22 Les considérations qui précèdent et qui ont été faites à propos de l'importation ou de la cession de marchandises s'appliquent également aux prestations de services telles que l'organisation des jeux de hasard. Or, ces jeux, et notamment la roulette, sont exploités de manière licite dans plusieurs États membres. Les opérations illicites en cause dans l'affaire au principal se trouvant en concurrence avec des activités licites, le principe de neutralité fiscale s'oppose à ce qu'elles soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA.
23 Il s'ensuit que l'exploitation illégale de jeux de hasard relève du champ d'application de la sixième directive.
24 Il convient enfin de vérifier si, comme le gouvernement du Royaume-Uni l'a soutenu dans ses observations écrites, l'article 13, B, sous f), de la sixième directive interdit aux États membres de soumettre à la TVA les jeux de hasard illicites lorsque l'activité correspondante, effectuée de manière licite dans des casinos publics dûment autorisés, bénéficie d'une exonération.
25 Il résulte du texte même de cette disposition que les jeux de hasard ou d'argent doivent être exonérés, en principe, de la TVA. Les États membres demeurent compétents pour déterminer les conditions et les limites de cette exonération.
26 La Commission a toutefois fait valoir que l'article 13, B, sous f), ne comporte pas une interdiction absolue de taxer les jeux de hasard. Lors de l'audience, le gouvernement du Royaume-Uni s'est écarté du point de vue qu'il avait défendu dans ses observations écrites et a soutenu que les États membres, en déterminant les conditions et les limites de l'exonération, sont en droit d'exiger que les transactions en cause interviennent dans des casinos publics dûment autorisés.
27 A cet égard, il convient de relever que les exonérations prévues à l'article 13, B, doivent être appliquées dans le respect du principe de la neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 1997, Commission/Italie, C-45/95, Rec. p. I-3605, point 15). Cette exigence s'impose également lorsque, conformément à l'article 13, B, sous f), les États membres font usage de la faculté de déterminer les conditions et les limites de l'exonération. En effet, en reconnaissant aux États membres cette faculté, le législateur communautaire ne les a pas autorisés à porter atteinte au principe de neutralité fiscale, qui sous-tend la sixième directive.
28 Or, ainsi qu'il a été rappelé au point 21 du présent arrêt, il ressort de l'arrêt Lange, précité, que le principe de neutralité fiscale s'oppose, en matière de perception de la TVA, à une différenciation généralisée entre les transactions illicites et les transactions licites. Il s'ensuit que les États membres ne peuvent réserver l'exonération aux seuls jeux de hasard ayant un caractère licite.
29 Il ne saurait être objecté, ainsi que l'a fait le gouvernement allemand, que les conditions dans lesquelles se déroulent les jeux licites ne sont pas comparables à celles qui prévalent dans le cas des jeux illicites, au motif que les casinos autorisés seraient soumis à un prélèvement calculé sur la base de leurs gains.
30 En effet, d'une part, le système commun de la TVA serait faussé si les États membres pouvaient en moduler l'application en fonction de l'existence d'autres taxes non harmonisées. D'autre part, ainsi que le gouvernement allemand l'a lui-même reconnu lors de l'audience, rien ne s'oppose à ce que des prélèvements analogues à ceux dont sont redevables les casinos autorisés soient également exigés des organisateurs de jeux de hasard illicites.
31 Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'exploitation illégale d'un jeu de hasard, en l'occurrence la roulette, relève du champ d'application de la sixième directive. L'article 13, B, sous f), de ladite directive doit être interprété en ce sens qu'un État membre ne peut soumettre cette activité à la TVA alors que l'activité correspondante effectuée par un casino public agréé bénéficie d'une exonération.
Sur les deuxième et troisième questions
32 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n'y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions posées par la juridiction nationale.
Sur les dépens
33 Les frais exposés par les gouvernements allemand et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(sixième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Finanzgericht Baden-Württemberg, Freiburg, par ordonnance du 21 août 1995, dit pour droit:
L'exploitation illégale d'un jeu de hasard, en l'occurrence la roulette, relève du champ d'application de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme. L'article 13, B, sous f), de ladite directive doit être interprété en ce sens qu'un État membre ne peut soumettre cette activité à la taxe sur la valeur ajoutée alors que l'activité correspondante effectuée par un casino public agréé bénéficie d'une exonération.