Avis juridique important
Arrêt de la Cour du 11 juillet 2002. - Marie-Nathalie D'Hoop contre Office national de l'emploi. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Liège - Belgique. - Citoyenneté de l'Union - Principe de non-discrimination - Réglementation nationale n'accordant le droit à des allocations d'attente aux ressortissants nationaux qu'à la condition qu'ils aient terminé leurs études secondaires dans un établissement d'enseignement de leur propre État membre - Ressortissant national à la recherche d'un premier emploi ayant terminé ses études secondaires dans un établissement d'enseignement d'un autre État membre. - Affaire C-224/98.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-06191
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Citoyenneté de l'Union européenne - Dispositions du traité - Champ d'application personnel - Ressortissant d'un État membre résidant légalement sur le territoire d'un autre État membre - Inclusion - Effet - Jouissance des droits associés au statut de citoyen de l'Union européenne - Application par un État membre à l'un de ses ressortissants ayant exercé le droit de libre circulation d'un traitement moins favorable qu'en cas de non-exercice de ce droit - Inadmissibilité
(Traité CE, art. 6, 8 et 8 A (devenus, après modification, art. 12 CE, 17 CE et 18 CE))
2. Citoyenneté de l'Union européenne - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Allocations d'attente en faveur de jeunes à la recherche de leur premier emploi - Octroi subordonné à l'achèvement des études secondaires dans un établissement d'enseignement de l'État membre concerné - Refus d'octroi à un ressortissant de cet État membre du seul fait de l'achèvement des études secondaires dans un autre État membre - Inadmissibilité - Justification - Absence
(Traité CE, art. 8 A (devenu, après modification, art. 18 CE))
1. Le statut de citoyen de l'Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d'obtenir dans le domaine d'application ratione materiae du traité, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique. Parmi les situations relevant du domaine d'application du droit communautaire figurent celles relatives à l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité, notamment celles relevant de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l'article 8 A du traité (devenu, après modification, article 18 CE).
Dans la mesure où un citoyen de l'Union doit se voir reconnaître dans tous les États membres le même traitement juridique que celui qui est accordé aux ressortissants de ces États membres se trouvant dans la même situation, il serait incompatible avec le droit de la libre circulation qu'il puisse se voir appliquer dans l'État membre dont il est ressortissant un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s'il n'avait pas fait usage des facilités ouvertes par le traité en matière de circulation.
Ces facilités ne pourraient en effet produire leurs pleins effets si un ressortissant d'un État membre pouvait être dissuadé d'en faire usage par les obstacles mis, à son retour dans son pays d'origine, par une réglementation pénalisant le fait qu'il les a exercées.
( voir points 28-31 )
2. Le droit communautaire s'oppose à ce qu'un État membre refuse à l'un de ses ressortissants, étudiant à la recherche d'un premier emploi, l'octroi des allocations d'attente au seul motif que cet étudiant a terminé ses études secondaires dans un autre État membre.
En effet, la réglementation d'un État membre qui lie l'octroi des allocations d'attente à la condition d'avoir obtenu le diplôme requis sur son territoire désavantage certains ressortissants nationaux du seul fait qu'ils ont exercé leur liberté de circuler aux fins de suivre un enseignement dans un autre État membre.
Une telle inégalité de traitement est contraire aux principes qui sous-tendent le statut de citoyen de l'Union, à savoir la garantie d'un même traitement juridique dans l'exercice de sa liberté de circuler.
La condition en cause ne pourrait être justifiée que si elle se fondait sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l'objectif légitimement poursuivi par le droit national. À cet égard, s'il est légitime pour le législateur national, dans le cadre d'allocations d'attente destinées à faciliter, pour les jeunes, le passage de l'enseignement au marché du travail, de vouloir s'assurer de l'existence d'un lien réel entre le demandeur desdites allocations et le marché géographique du travail concerné, une condition unique relative au lieu d'obtention du diplôme de fin d'études secondaires présente toutefois un caractère trop général et exclusif et va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi.
( voir points 34-36, 38-40 et disp. )
Dans l'affaire C-224/98,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Tribunal du travail de Liège (Belgique) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Marie-Nathalie D'Hoop
et
Office national de l'emploi,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et 7 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),
LA COUR,
composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann (rapporteur), Mme F. Macken et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, R. Schintgen, V. Skouris, J. N. Cunha Rodrigues et C. W. A. Timmermans, juges,
avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Mme D'Hoop, par Mes N. Simar et M. Strongylos, avocats,
- pour l'Office national de l'emploi, par Me J.-E. Derwael, avocat,
- pour le gouvernement belge, par M. J. Devadder, en qualité d'agent,
- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M. Wolfcarius et M. P. J. Kuijper, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Mme D'Hoop, représentée par Mes M. Strongylos et R. Capart, avocat, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. D. Wyatt, QC, et de la Commission, représentée par Mme M. Wolfcarius et M. D. Martin, en qualité d'agent, à l'audience du 20 novembre 2001,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 21 février 2002,
rend le présent
Arrêt
1 Par jugement du 17 juin 1998, parvenu à la Cour le 22 juin suivant, le Tribunal du travail de Liège a, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), posé à la Cour une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et 7 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme D'Hoop à l'Office national de l'emploi (ci-après l'«ONEM») à propos de la décision de ce dernier refusant de lui attribuer le bénéfice des allocations d'attente prévues par la législation belge.
La réglementation nationale
3 La réglementation belge prévoit l'octroi aux jeunes qui viennent de terminer leurs études et qui sont à la recherche de leur premier emploi d'allocations de chômage, désignées sous le terme d'«allocations d'attente».
4 Ces allocations permettent aux bénéficiaires d'être considérés comme des «chômeurs complets indemnisés» au sens de la réglementation en matière d'emploi et de chômage et leur ouvrent l'accès à des programmes spéciaux de mise au travail.
5 L'article 36, paragraphe 1, premier alinéa, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, portant réglementation du chômage (Moniteur belge du 31 décembre 1991, p. 29888), dispose:
«Pour être admis au bénéfice des allocations d'attente, le jeune travailleur doit satisfaire aux conditions suivantes:
1_ ne plus être soumis à l'obligation scolaire;
2_ a) soit avoir terminé des études de plein exercice du cycle secondaire supérieur ou du cycle secondaire inférieur de formation technique ou professionnelle dans un établissement d'enseignement organisé, subventionné ou reconnu par une Communauté;
[...]»
6 Par arrêt du 12 septembre 1996, Commission/Belgique (C-278/94, Rec. p. I-4307), la Cour a dit pour droit que, en exigeant, comme condition pour l'octroi des allocations d'attente, que les enfants à la charge de travailleurs migrants communautaires résidant en Belgique aient terminé leurs études secondaires dans un établissement subventionné ou reconnu par l'État belge ou par l'une de ses communautés, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 48 du traité et 7 du règlement n_ 1612/68.
7 Afin de mettre la réglementation nationale en conformité avec le droit communautaire, un arrêté royal du 13 décembre 1996 (Moniteur belge du 31 décembre 1996, p. 32265) a introduit, sous la lettre h), une disposition nouvelle dans le paragraphe 1, premier alinéa, point 2, dudit article 36. Cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 1997, est libellée comme suit:
«Pour être admis au bénéfice des allocations d'attente, le jeune travailleur doit satisfaire aux conditions suivantes:
[...]
2_ [...]
h) soit avoir suivi des études ou une formation dans un autre État membre de l'Union européenne, si les conditions suivantes sont remplies simultanément:
- le jeune présente des documents dont il ressort que les études ou la formation sont de même niveau et équivalentes à celles mentionnées aux litterae précédents;
- au moment de la demande d'allocations, le jeune est, comme enfant, à charge de travailleurs migrants au sens de l'article 48 du Traité CE, qui résident en Belgique;
[...]»
Le litige au principal et la question préjudicielle
8 Mme D'Hoop, de nationalité belge, a terminé ses études secondaires en France, où elle a obtenu en 1991 le diplôme du baccalauréat. Ce diplôme a été reconnu en Belgique comme équivalent au certificat homologué d'enseignement secondaire supérieur, accompagné du diplôme homologué d'aptitude à accéder à l'enseignement supérieur.
9 Mme D'Hoop a ensuite poursuivi des études universitaires en Belgique jusqu'en 1995.
10 En 1996, Mme D'Hoop a demandé à l'ONEM à bénéficier des allocations d'attente.
11 Par décision du 17 septembre 1996, l'ONEM lui a refusé l'octroi des allocations demandées, au motif qu'elle ne remplissait pas la condition visée à l'article 36, paragraphe 1, premier alinéa, point 2, sous a), de l'arrêté royal du 25 novembre 1991.
12 Mme D'Hoop a attaqué cette décision devant le Tribunal du travail de Liège, lequel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Dans la mesure où il résulte de l'interprétation déjà donnée par la Cour à l'article 48 du traité CE et à l'article 7 du règlement n_ 1612/68 que l'article 36 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 ne peut s'opposer à l'octroi des allocations d'attente à un étudiant à charge d'un travailleur migrant communautaire, qui a terminé ses études secondaires dans un établissement d'un autre État membre que la Belgique, ces dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles prohibent en outre que cet article 36 de l'arrêté royal du 5 novembre 1991 s'oppose à l'octroi des allocations d'attente à un étudiant belge à la recherche de son premier emploi qui a, de même, terminé ses études secondaires dans un établissement d'un autre État membre que la Belgique?»
13 Par lettres des 22 juillet et 11 septembre 1998, le Tribunal du travail de Liège a informé la Cour qu'un appel de ce jugement avait été interjeté devant la Cour du travail de Liège (Belgique) et a demandé, en raison de l'effet suspensif attaché à cet appel, que la procédure devant la Cour soit suspendue.
14 Le 23 mars 2001, la Cour a été informée que ladite juridiction d'appel avait, par arrêt du 16 mars 2001, confirmé la décision de renvoi. En conséquence, la procédure devant la Cour a repris le 26 mars 2001.
15 Il ressort de l'arrêt rendu par la Cour du travail de Liège que, devant cette juridiction, l'ONEM a fait valoir que Mme D'Hoop ne remplit pas la seconde condition exigée par l'article 36, paragraphe 1, premier alinéa, point 2, sous h), de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, tel que modifié par l'arrêté royal du 13 décembre 1996. À cet égard, ladite juridiction a jugé que, bien que la nouvelle disposition de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 ne soit entrée en vigueur que le 1er janvier 1997, soit après l'introduction de la demande d'allocations d'attente, elle devait «compte tenu de la jurisprudence de la [Cour] [...] être appliquée au cas d'espèce, les parties n'élevant d'ailleurs aucune contestation à cet égard».
Sur la question préjudicielle
16 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si le droit communautaire s'oppose à ce qu'un État membre refuse à l'un de ses ressortissants, étudiant à la recherche d'un premier emploi, l'octroi des allocations d'attente au seul motif que cet étudiant a terminé ses études secondaires dans un autre État membre.
Sur l'applicabilité de l'article 48 du traité et du règlement n_ 1612/68
17 À titre liminaire, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que les allocations d'attente prévues en faveur des jeunes à la recherche d'un premier emploi constituent un avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n_ 1612/68 (arrêts du 20 juin 1985, Deak, 94/84, Rec. p. 1873, point 27, et Commission/Belgique, précité, point 25).
18 Toutefois, selon une jurisprudence constante, l'application du droit communautaire en matière de libre circulation des travailleurs à propos d'une réglementation nationale touchant à l'assurance chômage requiert, dans le chef de la personne qui l'invoque, qu'elle ait déjà accédé au marché du travail par l'exercice d'une activité professionnelle réelle et effective, lui ayant conféré la qualité de travailleur au sens communautaire (voir, à propos de l'octroi des allocations d'attente, arrêt Commission/Belgique, précité, point 40). Or, tel n'est pas, par définition, le cas des jeunes gens qui cherchent un premier emploi (arrêt Commission/Belgique, précité, point 40).
19 En réponse à une question posée lors de l'audience, Mme D'Hoop a déclaré que ses parents ont continué à résider en Belgique pendant qu'elle poursuivait et terminait ses études secondaires en France.
20 Il s'ensuit que Mme D'Hoop ne peut se prévaloir ni des droits conférés par l'article 48 du traité et par le règlement n_ 1612/68 aux travailleurs migrants ni des droits dérivés que ledit règlement institue en faveur des membres de la famille de tels travailleurs.
Sur l'applicabilité des dispositions du traité relatives à la citoyenneté de l'Union
Observations soumises à la Cour
21 Lors de l'audience, Mme D'Hoop et la Commission ont examiné la question posée à la Cour à la lumière des dispositions du traité relatives à la citoyenneté de l'Union. Elles ont fait valoir que, en tant que ressortissante d'un État membre ayant séjourné légalement sur le territoire d'un autre État membre afin d'y poursuivre des études, Mme D'Hoop relève du champ d'application personnel de ces dispositions. À ce titre, selon elles, Mme D'Hoop bénéficie des droits que l'article 8 du traité CE (devenu, après modification, article 17 CE) attache au statut de citoyen de l'Union, dont celui, prévu à l'article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE), de ne pas subir de discrimination en raison de la nationalité dans le champ d'application matériel du traité.
22 Le gouvernement du Royaume-Uni a contesté cette analyse. Il estime que le simple fait de résider légalement dans un autre État membre ne permet pas à un ressortissant communautaire de se prévaloir des dispositions du traité relatives à la citoyenneté de l'Union. Encore faudrait-il que l'activité exercée entre dans le champ d'application du droit communautaire. Tel aurait été le cas si Mme D'Hoop avait séjourné en France pour y suivre une formation professionnelle. Tel ne serait pas, en revanche, le cas des études générales que Mme D'Hoop a faites en France.
Appréciation de la Cour
Sur le champ d'application temporel des dispositions du traité relatives à la citoyenneté de l'Union
23 L'ONEM a motivé son refus d'octroyer à Mme D'Hoop les allocations d'attente qu'elle a sollicitées en 1996 par la circonstance que cette dernière avait terminé ses études secondaires en France. Dans la mesure où ce fait s'est produit en 1991, il convient d'examiner si la discrimination alléguée par Mme D'Hoop peut être appréciée au regard des dispositions relatives à la citoyenneté de l'Union, lesquelles sont entrées ultérieurement en vigueur.
24 À cet égard, il importe de relever que l'affaire au principal ne concerne pas la reconnaissance de droits d'origine communautaire prétendument acquis avant l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la citoyenneté de l'Union, mais est relative à une allégation de traitement discriminatoire actuel d'un citoyen de l'Union.
25 Or, les dispositions relatives à la citoyenneté de l'Union sont applicables dès leur entrée en vigueur. Il y a dès lors lieu de considérer qu'elles doivent être appliquées aux effets actuels de situations nées antérieurement (voir, en ce sens, arrêts du 30 novembre 2000, Österreichischer Gewerkschaftsbund, C-195/98, Rec. p. I-10497, points 54 et 55, ainsi que du 18 avril 2002, Duchon, C-290/00, non encore publié au Recueil, points 43 et 44).
26 Il s'ensuit que la discrimination alléguée par Mme D'Hoop peut être appréciée au regard de ces dispositions.
Sur le champ d'application personnel et matériel des dispositions du traité relatives à la citoyenneté de l'Union
27 L'article 8 du traité confère à toute personne ayant la nationalité d'un État membre le statut de citoyen de l'Union. Mme D'Hoop, en tant qu'elle possède la nationalité d'un État membre, bénéficie de ce statut.
28 Ce statut de citoyen de l'Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d'obtenir dans le domaine d'application ratione materiae du traité, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31).
29 Parmi les situations relevant du domaine d'application du droit communautaire figurent celles relatives à l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité, notamment celles relevant de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l'article 8 A du traité CE (devenu, après modification, article 18 CE) (arrêts du 24 novembre 1998, Bickel et Franz, C-274/96, Rec. p. I-7637, points 15 et 16, ainsi que Grzelczyk, précité, point 33).
30 Dans la mesure où un citoyen de l'Union doit se voir reconnaître dans tous les États membres le même traitement juridique que celui qui est accordé aux ressortissants de ces États membres se trouvant dans la même situation, il serait incompatible avec le droit de la libre circulation qu'il puisse se voir appliquer dans l'État membre dont il est ressortissant un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s'il n'avait pas fait usage des facilités ouvertes par le traité en matière de circulation.
31 Ces facilités ne pourraient en effet produire leurs pleins effets si un ressortissant d'un État membre pouvait être dissuadé d'en faire usage par les obstacles mis, à son retour dans son pays d'origine, par une réglementation pénalisant le fait qu'il les a exercées (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 1992, Singh, C-370/90, Rec. p. I-4265, point 23).
32 Cette considération est particulièrement importante dans le domaine de l'éducation. Parmi les objectifs fixés à l'action de la Communauté figure en effet, à l'article 3, sous p), du traité CE [devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous q), CE], une contribution à une éducation et à une formation de qualité. Cette contribution doit, selon l'article 126, paragraphe 2, deuxième tiret, du traité CE (devenu article 149, paragraphe 2, deuxième tiret, CE), tendre notamment à favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants.
33 Or, dans des situations telles que celle de l'affaire au principal, la réglementation nationale introduit une différence de traitement entre les ressortissants belges qui ont fait toutes leurs études secondaires en Belgique et ceux qui, ayant fait usage de leur liberté de circuler, ont obtenu leur diplôme de fin d'études secondaires dans un autre État membre.
34 En liant l'octroi des allocations d'attente à la condition d'avoir obtenu le diplôme requis en Belgique, la réglementation nationale désavantage ainsi certains ressortissants nationaux du seul fait qu'ils ont exercé leur liberté de circuler aux fins de suivre un enseignement dans un autre État membre.
35 Une telle inégalité de traitement est contraire aux principes qui sous-tendent le statut de citoyen de l'Union, à savoir la garantie d'un même traitement juridique dans l'exercice de sa liberté de circuler.
36 La condition en cause ne pourrait être justifiée que si elle se fondait sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l'objectif légitimement poursuivi par le droit national (arrêt Bickel et Franz, précité, point 27).
37 À cet égard, ni le gouvernement belge ni l'ONEM n'ont présenté d'observations.
38 Les allocations d'attente prévues par la réglementation belge, qui ouvrent à leurs bénéficiaires l'accès à des programmes spéciaux de mise au travail, ont pour objectif de faciliter, pour les jeunes, le passage de l'enseignement au marché du travail. Dans un tel contexte, il est légitime pour le législateur national de vouloir s'assurer de l'existence d'un lien réel entre le demandeur desdites allocations et le marché géographique du travail concerné.
39 Toutefois, une condition unique relative au lieu d'obtention du diplôme de fin d'études secondaires présente un caractère trop général et exclusif. En effet, elle privilégie indûment un élément qui n'est pas nécessairement représentatif du degré réel et effectif de rattachement entre le demandeur des allocations d'attente et le marché géographique du travail, à l'exclusion de tout autre élément représentatif. Elle va ainsi au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi.
40 Dès lors, il y a lieu de répondre à la question posée que le droit communautaire s'oppose à ce qu'un État membre refuse à l'un de ses ressortissants, étudiant à la recherche d'un premier emploi, l'octroi des allocations d'attente au seul motif que cet étudiant a terminé ses études secondaires dans un autre État membre.
Sur les dépens
41 Les frais exposés par les gouvernements belge et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur la question à elle soumise par le Tribunal du travail de Liège, par jugement du 17 juin 1998, dit pour droit:
Le droit communautaire s'oppose à ce qu'un État membre refuse à l'un de ses ressortissants, étudiant à la recherche d'un premier emploi, l'octroi des allocations d'attente au seul motif que cet étudiant a terminé ses études secondaires dans un autre État membre.