Avis juridique important
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 8 mars 2001. - Commission des Communautés européennes contre République portugaise. - Manquement d'Etat - Sixième directive TVA - Articles 12 et 28, paragraphe 2 - Taux réduit. - Affaire C-276/98.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-01699
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Recours en manquement - Mesures arrêtées par l'État membre concerné après l'introduction du recours - Défaut de pertinence
(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))
2. États membres - Obligations - Exécution des directives - Manquement - Justification - Inadmissibilité
(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))
3. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Faculté pour les États membres d'appliquer un taux réduit à titre transitoire - Maintien d'un taux réduit de 5 % applicable aux opérations concernant certains biens et services ne figurant pas à l'annexe H de la sixième directive - Inadmissibilité
(Directive du Conseil 77/388, art. 12, § 3, et 28, § 2)
4. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Assujettis - Organismes de droit public - Non-assujettissement pour les activités exercées en tant qu'autorités publiques - Assujettissement en cas de distorsion de concurrence d'une certaine importance
(Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5, al. 1 et 2)
1. Dans le cadre d'un recours en manquement, ne peuvent être prises en considération par la Cour les mesures arrêtées par l'État membre concerné, pour satisfaire à ses obligations, postérieurement à l'introduction du recours.
( voir point 20 )
2. Un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l'absence de mise en oeuvre d'une directive dans le délai prescrit.
( voir point 20 )
3. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12, paragraphe 3, et 28, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires un État membre qui maintient en vigueur un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée de 5 % applicable aux opérations concernant certains biens et services ne figurant pas sur la liste de l'annexe H de la sixième directive. Les États membres qui, au 1er janvier 1991, appliquaient un taux réduit auxdites opérations sont en droit, en effet, d'appliquer un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée à ces opérations, en vertu des dispositions précitées, qui ne peut pas être inférieur à 12 %.
( voir points 17, 21 et disp. )
4. Dès lors que les conditions prévues à l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, à savoir l'exercice d'activités par un organisme public et l'exercice d'activités accomplies en tant qu'autorité publique, sont remplies, les prestations de services fournies par l'organisme de droit public ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, si le non-assujettissement à ladite taxe de l'activité en cause donnait lieu à des distorsions de concurrence d'une certaine importance au sens de l'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive, l'activité serait taxable en vertu de cette même disposition.
( voir points 25, 27-28 )
Dans l'affaire C-276/98,
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme T. Figueira et M. E. Traversa, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République portugaise, représentée par MM. L. Fernandes et Â. Seiça Neves, ainsi que par Mme T. Lemos, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, en maintenant en vigueur ou en introduisant des dispositions législatives aux termes desquelles un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée de 5 % est applicable à l'importation et à la livraison de certains biens et à certaines prestations de services, énumérés à la liste I figurant en annexe au code portugais de la taxe sur la valeur ajoutée, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12 et 28, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 92/77/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, complétant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388 (rapprochement des taux de TVA) (JO L 316, p. 1),
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. V. Skouris, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, J.-P. Puissochet, R. Schintgen, Mmes F. Macken et N. Colneric (rapporteur), juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 3 octobre 2000, au cours de laquelle la Commission a été représentée par Mme T. Figueira et la République portugaise par M. V. Guimarães, en qualité d'agent,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 23 novembre 2000,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 juillet 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en maintenant en vigueur ou en introduisant des dispositions législatives aux termes desquelles un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») de 5 % est applicable à l'importation et à la livraison de certains biens et à certaines prestations de services, énumérés à la liste I figurant en annexe au code portugais de la TVA, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12 et 28, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 92/77/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, complétant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388 (rapprochement des taux de TVA) (JO L 316, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
La réglementation communautaire
2 La sixième directive prévoit que les États membres ne peuvent pas fixer un taux de la TVA inférieur à un pourcentage déterminé de la base d'imposition. À ces fins, son article 12, paragraphe 3, dispose:
«3. a) À partir du 1er janvier 1993, les États membres appliquent un taux normal qui, jusqu'au 31 décembre 1996, ne peut être inférieur à 15 %.
[...]
Les États membres peuvent également appliquer soit un, soit deux taux réduits. Les taux réduits ne peuvent être inférieurs à 5 % et ils s'appliquent uniquement aux livraisons de biens et prestations de services des catégories visées à l'annexe H.»
3 Par la directive 96/95/CE du Conseil, du 20 décembre 1996, modifiant, en ce qui concerne le niveau du taux normal, la directive 77/388 (JO L 338, p. 89), l'article 12, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive a été remplacé par le texte suivant:
«Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d'imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de service. À partir du 1er janvier 1997 et jusqu'au 31 décembre 1998, ce pourcentage ne peut être inférieur à 15 %.
[...]
Les États membres peuvent également appliquer soit un soit deux taux réduits. Ces taux sont fixés à un pourcentage de la base d'imposition qui ne peut être inférieur à 5 % et ils s'appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de service visées à l'annexe H.»
4 L'article 28, paragraphe 2, de la sixième directive dispose:
«Nonobstant l'article 12 paragraphe 3, les dispositions ci-après sont d'application au cours de la période transitoire visée à l'article 28 terdecies.
[...]
d) Les États membres qui, au 1er janvier 1991, appliquaient un taux réduit à la restauration, aux vêtements et chaussures pour enfants et au logement, peuvent continuer d'appliquer un tel taux à la livraison de ces biens ou à la prestation de ces services.
e) Les États membres qui, au 1er janvier 1991, appliquaient un taux réduit aux livraisons de biens et aux prestations de services autres que celles visées à l'annexe H, peuvent appliquer le taux réduit ou l'un des deux taux réduits prévus à l'article 12 paragraphe 3 à ces livraisons ou prestations, à condition que ce taux ne soit pas inférieur à 12 %.
[...]»
5 Aux termes de l'article 2 de la sixième directive:
«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:
1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;
2. les importations de biens.»
6 L'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, qui concerne la qualité d'«assujettis des organismes de droit public», prévoit:
«Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.
Toutefois, lorsqu'ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.
En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d'assujettis notamment pour les opérations énumérées à l'annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.
Les États membres peuvent considérer comme activités de l'autorité publique les activités des organismes précités exonérées en vertu des articles 13 ou 28.»
La réglementation nationale
7 Le code portugais de la TVA, approuvé par le décret-loi n° 394-B/84, du 26 décembre 1984, modifié par les lois nos 2/92, du 9 mars 1992, et 39-B/94, du 27 décembre 1994 (ci-après le «code»), prévoit en son article 18, paragraphe 1, sous a):
«Les importations, cessions de biens et prestations de services visées par la liste I annexée à ce texte législatif sont soumises à un taux de 5 %.»
8 Ladite liste I, énumérant les biens et services faisant l'objet d'un taux de taxation réduit de 5 %, comprend notamment:
«1.8 Vins ordinaires
[...]
2.11 Appareils, machines et autres équipements exclusivement ou principalement destinés aux activités suivantes:
a) Captage et utilisation d'énergie solaire, éolienne ou géothermique;
b) Captage et utilisation d'autres formes alternatives d'énergie;
c) Production d'énergie par incinération ou transformation de détritus, ordures ou autres résidus;
d) Prospection et recherche de pétrole et/ou développement de la découverte de pétrole et de gaz naturel;
e) Mesures et contrôles visant à éviter et à réduire les diverses formes de pollution.
[...]
2.19 Péages afférents au franchissement routier du Tage à Lisbonne.
[...]
3.8 Ustensiles et équipements agricoles, silos mobiles, motoculteurs, motopompes, électropompes, tracteurs et autres machines exclusivement ou principalement destinées à l'agriculture, à l'élevage ou à la sylviculture.»
9 En ce qui concerne les péages acquittés pour le franchissement du pont sur le Tage à Lisbonne (Portugal), le gouvernement portugais a, par la loi n° 2/92, abrogé le taux réduit de 8 % en vigueur au 1er janvier 1991 et institué, à compter de cette dernière date, un taux normal pour lesdits péages. En vertu du point 2.19 de la loi n° 39-B/94, le gouvernement portugais a rétabli un nouveau taux réduit applicable à ces péages.
10 Aucun des biens ou des prestations de services mentionnés au point 8 du présent arrêt ne figure sur la liste de l'annexe H de la sixième directive.
La procédure précontentieuse
11 Par lettre de mise en demeure du 10 avril 1996, la Commission a informé le gouvernement portugais que, selon elle, l'article 18, paragraphe 1, sous a), du code était contraire aux articles 12 et 28, paragraphe 2, de la sixième directive, dans la mesure où ladite disposition nationale fixait un taux de 5 % pour certaines opérations qui n'étaient pas visées à l'annexe H de la sixième directive.
12 Par lettres des 2 juillet et 20 novembre 1996, les autorités portugaises ont informé la Commission de leur intention d'introduire un nouveau taux réduit de 12 % qui n'existait pas jusqu'alors au Portugal, notamment pour les opérations non prévues à l'annexe H de la sixième directive, dans la perspective de faire passer progressivement ces opérations au taux normal de 17 % en vigueur au Portugal.
13 Toutefois, les autorités portugaises faisaient valoir que l'application d'un taux de 12 % s'annonçait difficile étant donné l'importance sociale et économique de ces biens et de ces services ainsi que l'absence de majorité gouvernementale stable au Parlement.
14 N'étant pas satisfaite des observations du gouvernement portugais, la Commission a, en vertu de l'article 169 du traité, adressé, le 10 juin 1997, un avis motivé à la République portugaise, invitant cette dernière à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Cet avis motivé portait sur le taux réduit de la TVA de 5 % applicable, en vertu de l'article 18, paragraphe 1, sous a), du code, aux opérations concernant les biens et les services visés aux points 1.8, 2.11, 2.19 et 3.8 de la liste I figurant en annexe audit code.
15 Par lettre du 10 mars 1998, les autorités portugaises ont informé la Commission de l'intention du gouvernement portugais d'envisager, dans le cadre de la prochaine loi budgétaire, la taxation des opérations concernant ces biens et ces services ne figurant pas sur la liste de l'annexe H de la sixième directive à un taux de 12 %, bien que la situation politique soit susceptible de rendre difficile une telle modification du taux applicable.
Sur le recours
16 Par son recours, la Commission reproche à la République portugaise d'avoir, contrairement aux dispositions des articles 12 et 28, paragraphe 2, de la sixième directive, maintenu un taux réduit de la TVA de 5 % applicable aux opérations concernant les biens énumérés aux points 1.8, 2.11 et 3.8 de la liste I figurant en annexe au code, comprenant respectivement les vins, les machines et équipements destinés à la recherche de formes d'énergie alternatives, ainsi que les ustensiles et équipements agricoles, et d'avoir introduit un taux réduit de 5 % sur la prestation de service visée au point 2.19 de ladite liste, concernant le franchissement du pont à péage sur le Tage à Lisbonne.
Sur le taux réduit de la TVA applicable aux biens en cause
17 La République portugaise ayant appliqué, au 1er janvier 1991, un taux réduit aux opérations concernant les biens visés aux points 1.8, 2.11 et 3.8 de la liste I figurant en annexe au code, elle est en droit d'appliquer un taux réduit de la TVA auxdites opérations en vertu des articles 12, paragraphe 3, sous a), et 28, paragraphe 2, de la sixième directive. Toutefois, ainsi que la Commission le relève à juste titre, il résulte de cette dernière disposition que ce taux réduit ne peut pas être inférieur à 12 %.
18 Le gouvernement portugais admet que lesdites dispositions internes sont contraires à la sixième directive dans la mesure où elles fixent un taux réduit de 5 % au lieu de 12 %. Toutefois, il fait valoir que, lors de la procédure précontentieuse, il a explicitement exprimé son intention de porter le taux en cause à 12 % et qu'il a également évoqué l'existence de questions intérieures d'ordre politique à résoudre, en particulier dans le secteur du vin. Il suggère donc à la Cour de surseoir à statuer jusqu'à ce que soit adoptée la loi portant le taux de la TVA grevant les opérations concernant les biens en cause de 5 à 12 %.
19 Nonobstant les allégations du gouvernement portugais, il n'y a pas lieu pour la Cour de suspendre la procédure, mais de considérer comme fondé le recours introduit par la Commission, en ce qui concerne le taux réduit de la TVA applicable aux opérations concernant lesdits biens.
20 En effet, selon une jurisprudence constante, les mesures arrêtées par un État membre, pour satisfaire à ses obligations, postérieurement à l'introduction du recours en manquement, ne peuvent en tout état de cause être prises en considération par la Cour (voir arrêt du 1er octobre 1998, Commission/Espagne, C-71/97, Rec. p. I-5991, point 18). En outre, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l'absence de mise en oeuvre d'une directive dans le délai prescrit (voir arrêt du 13 avril 2000, Commission/Espagne, C-274/98, Rec. p. I-2823, point 19).
21 Par conséquent, il convient de constater que, en maintenant en vigueur un taux réduit de la TVA de 5 % applicable aux opérations concernant les biens énumérés aux points 1.8, 2.11 et 3.8 de la liste I figurant en annexe au code, comprenant respectivement les vins, les machines et équipements destinés à la recherche de formes d'énergie alternatives, ainsi que les ustensiles et équipements agricoles, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12 et 28, paragraphe 2, de la sixième directive.
Sur les péages afférents au franchissement du pont sur le Tage
22 La Commission reproche à la République portugaise de violer les articles 12, paragraphe 3, et 28, paragraphe 2, de la sixième directive en soumettant les péages perçus pour le franchissement du pont à péage sur le Tage à Lisbonne à un taux réduit de la TVA de 5 % au lieu du taux normal s'élevant à 17 % au Portugal.
23 Or, force est de constater que la Commission n'a pas apporté à la Cour les éléments permettant à celle-ci d'établir l'existence du manquement allégué. En effet, il y a lieu de relever qu'il n'est pas établi que la prestation de service en cause était soumise à la TVA.
24 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 2, point 1, de la sixième directive, ne sont soumises à la TVA que les prestations de services effectuées par un assujetti agissant en tant que tel.
25 Selon l'article 4, paragraphe 5, de la même directive, les organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsqu'ils agissent à titre onéreux. Ainsi que la Cour l'a rappelé à maintes reprises, l'analyse de ce texte, à la lumière des objectifs de ladite directive, met en évidence le fait que deux conditions doivent être remplies cumulativement pour que la règle du non-assujettissement joue, à savoir l'exercice d'activités par un organisme public et l'exercice d'activités accomplies en tant qu'autorité publique (voir, notamment, arrêts du 12 septembre 2000, Commission/Grèce, C-260/98, point 34; Commission/France, C-276/97, point 39; Commission/Irlande, C-358/97, point 37; Commission/Royaume-Uni, C-359/97, point 49, et Commission/Pays-Bas, C-408/97, point 34, non encore publiés au Recueil).
26 Or, la Commission n'a pas contesté le fait que, ainsi que le gouvernement portugais l'a précisé à l'audience, c'est un organisme de droit public, agissant en tant qu'autorité publique, qui met à disposition des utilisateurs le pont à péage sur le Tage à Lisbonne.
27 Il y a donc lieu de constater que, les conditions prévues à l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive se trouvant remplies en l'espèce, les prestations de services fournies par l'organisme de droit public ne sont pas taxables. Dans ce cadre, la Commission prétend à tort que cette disposition offre seulement une faculté de déroger au principe général énoncé à l'article 2, point 1, de la sixième directive. En effet, il découle clairement du libellé de l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive que les États membres n'ont pas le droit de considérer des organismes de droit public comme des assujettis pour une activité accomplie en tant qu'autorité publique ne figurant pas, comme en l'espèce, à l'annexe D de la sixième directive et ne remplissant pas les conditions visées à l'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa. Par conséquent, ils ne peuvent pas, en vertu de l'article 2, point 1, de la sixième directive, taxer les opérations effectuées par lesdits organismes (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 1989, Comune di Carpaneto Piacentino e.a., 231/87 et 129/88, Rec. p. 3233, point 33).
28 Certes, si le non-assujettissement à la TVA de l'activité en cause donnait lieu à des distorsions de concurrence d'une certaine importance au sens de l'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive, la mise à disposition dudit pont moyennant paiement d'un péage serait taxable en vertu de cette même disposition. Toutefois, il y a lieu de constater que la Commission n'a, à aucun moment au cours de la procédure précontentieuse, invoqué l'existence de telles distorsions.
29 La République portugaise, en introduisant ou en maintenant en vigueur le taux réduit de la TVA sur les péages acquittés lors du franchissement du pont sur le Tage, n'a donc pas, contrairement à ce que la Commission lui reproche, violé les articles 12, paragraphe 3, et 28, paragraphe 2, de la sixième directive. Dans le cadre du présent recours, il n'est pas nécessaire de répondre à la question de savoir si ledit État membre a méconnu d'autres dispositions de la même directive. En effet, au cours de la procédure précontentieuse, aucun grief fondé sur la violation de dispositions différentes de celles des articles 12, paragraphe 3, et 28, paragraphe 2, de la sixième directive n'a été invoqué par la Commission, de sorte qu'une telle violation ne constitue pas l'objet du litige.
30 Il y a donc lieu de rejeter le recours de la Commission dans la mesure où il concerne les péages afférents au franchissement du pont sur le Tage à Lisbonne.
Sur les dépens
31 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et celle-ci ayant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
déclare et arrête:
1) En maintenant en vigueur un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée de 5 % applicable aux opérations concernant les biens énumérés aux points 1.8, 2.11 et 3.8 de la liste I figurant en annexe au code portugais de la taxe sur la valeur ajoutée, comprenant respectivement les vins, les machines et équipements destinés à la recherche de formes d'énergie alternatives, ainsi que les ustensiles et équipements agricoles, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12 et 28, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 92/77/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, complétant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388 (rapprochement des taux de TVA).
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La République portugaise est condamnée aux dépens.