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Avis juridique important

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61999C0073

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 23 mars 2000. - Viktor Movrin contre Landesversicherungsanstalt Westfalen. - Demande de décision préjudicielle: Sozialgericht Münster - Allemagne. - Sécurité sociale - Traité CE - Règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil - Titulaire de pensions de retraite - Assurance maladie obligatoire dans l'Etat membre de résidence - Contribution - Attribution par la législation d'un autre Etat membre. - Affaire C-73/99.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-05625


Conclusions de l'avocat général


1 La présente affaire porte sur la compatibilité avec le règlement (CEE) n_ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2; ci-après le «règlement 1408/71») (1) du refus par l'institution allemande compétente, à savoir le Landesversicherungsanstalt Westfalen (l'office régional d'assurance de Westphalie; ci-après le «LVA Westfalen»), de verser une allocation destinée à concourir au règlement des cotisations dans le cadre du régime légal d'assurance maladie des Pays-Bas auquel est tenu M. Movrin, un ressortissant néerlandais résidant aux Pays-Bas et bénéficiant de pensions de vieillesse versées par le LVA Westfalen et par l'institution compétente des Pays-Bas. Selon la loi allemande, les titulaires d'une pension affiliés à titre obligatoire ou volontaire à un régime légal d'assurance maladie, ou bénéficiaires d'une assurance maladie privée ont droit à cette allocation, sauf s'ils résident dans un autre Etat membre et sont affiliés à titre obligatoire à un régime légal d'assurance maladie de cet Etat membre.

La réglementation nationale

2 Le Sozialgesetzbuch Erstes Buch (le code allemand de la sécurité sociale, livre Ier) dispose que les allocations destinées aux dépenses d'assurance maladie peuvent être revendiquées au titre du régime légal d'assurance pension (2). Les autres dispositions pertinentes se trouvent dans le Sozialgesetzbuch Fünftes Buch (le code de la sécurité sociale, livre V; ci-après «SGB V»), qui régit le système légal d'assurance maladie et le Sozialgesetzbuch Sechstes Buch (le code de la sécurité sociale, livre VI; ci-après «SGB VI»), qui régit le système légal d'assurance pension. Leur contenu peut être résumé comme suit.

3 Les institutions allemandes d'assurance pension paient la moitié des cotisations d'assurance maladie dues par les bénéficiaires d'une pension allemande affiliés à titre obligatoire au régime légal d'assurance maladie allemand, même s'ils résident dans un autre Etat membre (3). Ces cotisations sont calculées sur base du montant des pensions reçues au titre du régime légal d'assurance (4). Les versements aux fins du paiement des cotisations sont effectués directement à l'institution d'assurance maladie (5). En outre, les institutions allemandes d'assurance pension paient la moitié des cotisations d'assurance maladie dues par les titulaires d'une pension allemande, qui sont affiliés à titre volontaire au régime légal d'assurance maladie allemand ou couverts par une assurance maladie privée souscrite auprès d'une entreprise établie en Allemagne ou dans un autre Etat membre, même s'ils résident dans un autre Etat membre. Ce paiement est effectué directement au titulaire de la pension (6). Nous ferons référence aux deux types de paiement en utilisant le terme d'allocation. Par contre, les institutions allemandes d'assurance pension ne versent aucune allocation en vue du paiement des cotisations d'assurance maladie dues par le titulaire d'une pension allemande qui réside dans un autre Etat membre où il est obligatoirement affilié au régime légal d'assurance maladie de cet Etat.

Réglementation communautaire pertinente

4 L'article 1er, sous t), du règlement 1408/71 dispose:

«les termes `prestations', `pensions' et `rentes' désignent toutes les prestations, pensions et rentes, y compris tous les éléments à charge des fonds publics, les majorations de revalorisation ou allocations supplémentaires, sous réserve des dispositions du titre III, ainsi que les prestations en capital qui peuvent être substituées aux pensions ou rentes et les versements effectués à titre de remboursement de cotisations».

5 L'article 10, paragraphe 1, première phrase, du règlement 1408/71 dispose:

«À moins que le présent règlement n'en dispose autrement, les prestations en espèces d'invalidité, de vieillesse ou de survivants, les rentes d'accident du travail ou de maladie professionnelle et les allocations de décès acquises au titre de la législation d'un ou de plusieurs Etats membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d'un Etat membre autre que celui où se trouve l'institution débitrice.»

6 L'article 27 du règlement 1408/71 dispose:

«Le titulaire de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs Etats membres, dont celle de l'Etat membre sur le territoire duquel il réside, et qui a droit aux prestations au titre de la législation de ce dernier Etat membre, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 18 et de l'annexe VI, ainsi que les membres de sa famille, obtiennent ces prestations de l'institution du lieu de résidence et à la charge de cette institution, comme si l'intéressé était titulaire d'une pension ou d'une rente due au titre de la seule législation de ce dernier Etat membre.»

Les faits

7 M. Movrin, un ressortissant néerlandais résidant aux Pays-Bas, a accompli des périodes d'assurance vieillesse aussi bien aux Pays-Bas qu'en Allemagne et le droit à une pension de vieillesse lui a été accordé tant par les autorités néerlandaises, depuis le 1er août 1995, que par les autorités allemandes, depuis le 1er septembre 1995. Il est tenu, en vertu du droit néerlandais, de payer des cotisations d'assurance maladie calculées en fonction du montant cumulé de ses pensions néerlandaise et allemande. Les titulaires d'une pension néerlandaise bénéficient de montants destinés à compenser la charge des cotisations d'assurance maladie. M. Movrin perçoit de tels montants, mais ils sont calculés sur base de sa seule pension néerlandaise.

8 Au mois de novembre 1995, M. Movrin a sollicité du LVA Westfalen le versement d'une allocation d'assurance maladie correspondant à la part de ses cotisations d'assurance maladie néerlandaise assise sur sa pension allemande. Le LVA Westfalen a refusé par une décision du 9 janvier 1997. Après que le LVA Westfalen a rejeté sa réclamation contre cette décision, il a introduit sans succès un recours devant le Sozialgericht Münster. En appel, le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen a annulé la décision du Sozialgericht et a renvoyé l'affaire devant cette juridiction. Le Sozialgericht, exprimant un doute quant à la conformité au droit communautaire du refus d'octroyer l'allocation, a soumis à la Cour la question suivante:

«En refusant au demandeur, auquel elle verse une pension de vieillesse, le bénéfice d'une allocation destinée à concourir au règlement des cotisations afférentes à son assurance maladie néerlandaise, la défenderesse agit-elle en violation du droit communautaire?»

Analyse

9 M. Movrin soutient que l'allocation constitue une prestation en espèces de vieillesse au sens de l'article 10, paragraphe 1, du règlement 1408/71 et doit, par conséquent, être exportable en vertu de cette disposition. De même, la Commission considère que l'allocation constitue une allocation supplémentaire, au sens de l'article 1er, sous t), du règlement 1408/71, s'ajoutant à une pension de vieillesse et est donc, de ce fait, soumise à l'article 10, paragraphe 1. Le gouvernement allemand estime, toutefois, que l'allocation n'est pas une «prestation» au sens de l'article 1er, sous t), du règlement et ne relève donc pas de l'article 10, paragraphe 1. Les observations de LVA Westfalen partent, quant à elles, du principe que l'allocation d'assurance maladie est une prestation de maladie et que, dès lors, l'article 27 du règlement 1408/71 s'applique, avec pour conséquence que l'institution allemande n'a aucune obligation de verser l'allocation.

10 La question fondamentale est celle de savoir si l'allocation constitue une prestation en espèces de vieillesse au sens de l'article 10, paragraphe 1, du règlement 1408/71, auquel cas elle est due à M. Movrin, bien qu'il ne réside pas en Allemagne. L'allocation ne peut relever de l'article 10, paragraphe 1, si elle n'entre pas dans la catégorie des «prestations, pensions et rentes» définie à l'article 1er, sous t). Par conséquent, nous commencerons par ce premier aspect.

L'allocation relève-t-elle de l'article 1er, sous t)?

11 A notre avis, l'allocation d'assurance maladie, dont l'objet est de contribuer au paiement des cotisations d'assurance maladie, est une prestation au sens de l'article 1er, sous t), du règlement 1408/71.

12 La Cour a précisé à de nombreuses reprises qu'une prestation peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale dans la mesure où, premièrement, la prestation en cause est octroyée, en dehors de toute appréciation individuelle discrétionnaire des besoins personnels, aux bénéficiaires sur la base d'une situation légalement définie et où, deuxièmement, elle se rapporte à un des risques énumérés expressément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement 1408/71 (7). Cette énumération comprend tant les prestations de maladie (article 4, paragraphe 1, sous a)) que les prestations de vieillesse (article 4, paragraphe 1, sous c)). La classification d'une prestation dans une branche de sécurité sociale est essentiellement déterminée par ses caractéristiques, notamment ses finalités et ses conditions d'octroi (8). Comme le fait observer la Commission, il ressort de la législation nationale que ces deux facteurs sont des indices de ce que l'allocation est un élément de la pension de vieillesse. L'allocation est accordée par les institutions de l'assurance pension et elle est calculée en fonction du niveau des cotisations payées à l'assurance maladie, dont le montant est fixé sur la base de la pension perçue. Le montant de l'allocation dépend donc du niveau de la pension, sans faire l'objet d'une appréciation discrétionnaire de l'institution. En outre, le versement de l'allocation est, d'une part, conditionné par l'existence d'un droit à pension et, d'autre part, dû de plein droit aux titulaires d'une pension, à nouveau sans qu'il n'y ait d'appréciation discrétionnaire. Elle est donc par nature une allocation supplémentaire s'ajoutant à la pension, visée à l'article 1er, sous t), du règlement 1408/71.

13 Le gouvernement allemand soutient que, en ce qui concerne, en tout cas, le titulaire d'une pension affilié à titre obligatoire au régime légal d'assurance maladie allemand, le fait que l'allocation soit versée par l'institution d'assurance pension non pas au titulaire de la pension mais directement à l'institution d'assurance maladie indique qu'il ne peut constituer une «prestation» au sens de l'article 1er, sous t), du règlement 1408/71. Cependant, comme le fait remarquer la Commission, le versement n'en est pas moins effectué en faveur du titulaire de la pension et constitue une prestation par rapport à lui: il a, dès lors, pour effet de compléter la pension réellement perçue et relève donc de l'article 1er, sous t). Il est utile de noter que l'article 1er, sous t), du règlement 1408/71 inclut expressément dans la définition des «prestations» «les versements effectués à titre de remboursement de cotisations». Le versement d'une allocation en vue du paiement d'une cotisation aboutit au même résultat. On pourrait, en effet, également avancer que l'allocation destinée aux cotisations d'assurance maladie relève de cette branche de l'article 1er, sous t). En outre, le gouvernement allemand a semblé admettre à l'audience que l'allocation due (par le biais du versement au titulaire d'une pension) pour les cotisations d'assurance maladie entrait dans le champ d'application de cette disposition lorsque le titulaire de la pension était soit affilié à titre volontaire, soit bénéficiaire d'une assurance maladie privée. Nous ne voyons, toutefois, aucune différence fondamentale entre cette forme d'allocation et celle versée directement à l'institution d'assurance maladie lorsque le titulaire de la pension est assuré à titre obligatoire. Nous ne sommes, dès lors, pas convaincu par l'argument du gouvernement allemand.

L'allocation est-elle due à des non-résidents?

14 Si l'allocation est une allocation supplémentaire s'ajoutant à une pension (ou si elle correspond à un versement effectué à titre de remboursement de cotisations) et, partant, une prestation au sens de l'article 1er, sous t), du règlement, elle constitue à l'évidence une prestation de vieillesse, telle que visée à l'article 10, paragraphe 1. La Cour a précisé que cette disposition a pour objet de favoriser la libre circulation des travailleurs en protégeant les intéressés contre les préjudices qui pourraient résulter du transfert de leur résidence d'un Etat membre à un autre: cette protection doit, dès lors, nécessairement s'étendre à un avantage qui, tout en étant prévu dans le cadre d'un régime particulier, se concrétise par une augmentation du niveau de la pension qui, autrement, reviendrait au bénéficiaire (9). En outre, il ressort de ce principe non seulement que l'intéressé conserve le droit de bénéficier des pensions, rentes et prestations acquises en vertu de la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, même aprés avoir fixé sa résidence dans un autre Etat membre, mais également qu'on ne peut lui refuser l'acquisition d'un tel droit pour la seule raison qu'il ne réside pas sur le territoire de l'Etat où se trouve l'institution débitrice (10): l'article 10 vise à sauvegarder non seulement le versement de prestations, mais aussi l'acquisition du droit à celles-ci (11). L'article 10 doit donc être interprété en ce sens que ni la naissance ni le maintien du droit aux prestations, rentes et allocations visées à cette disposition ne peuvent être refusés pour la seule raison que l'intéressé ne réside pas sur le territoire de l'Etat membre où se trouve l'institution débitrice (12). Dès lors que, comme le souligne la Commission, la raison pour laquelle M. Movrin ne reçoit pas les allocations litigieuses est précisément et uniquement qu'il réside dans un autre Etat membre, la question posée par la juridiction nationale appelle une réponse affirmative.

15 L'argument sous-entendu par LVA Westfalen que l'allocation est une prestation de maladie et que, partant, aux termes de l'article 27 du règlement 1408/71, elle n'est pas due par cette institution est, à notre avis, mal fondé. Ainsi que le font remarquer M. Movrin et la Commission, il n'est pas compatible avec la jurisprudence de la Cour dans l'arrêt Aulich (13). Cette affaire portait sur la nature d'une allocation similaire destinée au règlement de cotisations d'assurance maladie et prévue par le Reichsversicherungsordnung (le code allemand des assurances sociales). La Cour y a déclaré que, puisque l'allocation n'avait pas été accordée après la survenance du risque désigné par le titulaire, elle se situait hors du champ d'application de l'article 27 qui ne se rapporte qu'aux prestations de maladie (ou de maternité) après survenance du risque assuré. La Cour a souligné qu'il fallait distinguer les cotisations et prestations d'assurance. L'allocation en cause n'était pas une prestation versée en cas de maladie. Il s'agissait, au contraire, d'un versement destiné à concourir au règlement de cotisations d'assurance maladie, cette dernière étant une condition préalable à l'acquisition du droit de bénéficier, en cas de maladie, des prestations dues par l'institution d'assurance maladie. Pour reprendre la formule plus élégante utilisée par l'avocat général Gand dans l'affaire Dekker (14), une affaire antérieure concernant le même type d'allocation:

«Il y a antinomie entre la notion de cotisation et celle de prestation; la première, lorsqu'elle est exigée, conditionne la naissance du droit, la seconde suppose que le droit est né.»

16 Le gouvernement allemand a avancé l'argument que le traitement réservé par les Pays-Bas aux bénéficiaires de pensions perçues à la fois des Pays-Bas et d'un autre Etat membre est contraire au droit communautaire, et notamment à l'article 33 du règlement 1408/71. Une conduite illégale de cette nature ne saurait, poursuit le gouvernement allemand, servir de fondement juridique à une obligation de l'Allemagne de contribuer au règlement des cotisations qui en sont le résultat, du moins dans l'hypothèse où, comme c'est le cas pour M. Movrin en l'espèce, l'intéressé est en fait dans une position financière plus favorable que s'il résidait en Allemagne.

17 Le raisonnement du gouvernement allemand est articulé comme suit. Il affirme que, lorsque le bénéficiaire d'une pension allemande réside dans un autre Etat membre, le système de santé de cet Etat peut être soit financé exclusivement par l'impôt, comme c'est le cas au Royaume-Uni, auquel cas aucune retenue ne serait effectuée sur sa pension pour financer son assurance maladie de sorte que le versement d'une allocation ne serait pas justifiée, soit financé essentiellement par des cotisations. Dans ce dernier cas, l'Etat membre concerné ne devrait, afin de calculer le montant des cotisations, prendre en considération que le montant de la pension qu'il octroie. La pension éventuellement octroyée par un autre Etat membre au titre de son régime légal d'assurance pension ne devrait pas être prise en compte. Selon les informations dont dispose le gouvernement allemand, tous les Etats membres - à l'exception des Pays-Bas - procèdent de cette manière. Ainsi, dans tous ces Etats membres, les coûts de l'assurance maladie ne tiendraient pas compte d'une pension allemande perçue, de sorte qu'un allègement par le versement d'allocations d'assurance maladie serait sans pertinence.

18 Les Pays-Bas constituent, toutefois, un cas particulier, étant donné que la pension payée au titre du régime légal de pension d'un autre Etat membre y est prise en compte dans son intégralité pour le calcul des cotisations d'assurance maladie. Le gouvernement allemand soutient que cela est incompatible avec le règlement 1408/71 et en particulier son article 33 (15). Une mesure illégale ne saurait servir de fondement juridique à l'obligation pour l'institution allemande qui sert la pension sur base de laquelle les cotisations sont calculées, de verser une allocation destinée à concourir au règlement de ces cotisations. Une telle allocation serait du moins exclue dans un cas de figure tel que le cas présent, où la cotisation que le demandeur doit verser à l'institution néerlandaise d'assurance maladie sur sa pension allemande (5,4 %) est inférieure à celle qu'il devrait verser sur sa pension allemande (environ 7 %) s'il résidait en Allemagne et était affilié à titre obligatoire auprès de l'institution allemande d'assurance maladie. Le demandeur se trouverait, dès lors, dans une meilleure position que celle qui aurait été la sienne en Allemagne. Ainsi, faute de désavantage à compenser, une allocation destinée à concourir au règlement des cotisations ne serait pas objectivement justifiée.

19 L'article 33, paragraphe 1 (16), du règlement 1408/71 dispose:

«L'institution d'un Etat membre débitrice d'une pension ou d'une rente qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations à la charge du titulaire d'une pension ou d'une rente, pour la couverture des prestations de maladie et de maternité, est autorisée à opérer ces retenues, calculées suivant ladite législation, sur la pension ou la rente due par elle, dans la mesure où les prestations servies en vertu des articles 27, 28, 28 bis, 29, 31 et 32 sont à la charge d'une institution dudit Etat membre.»

20 Nous ne voyons aucune raison de considérer la conduite des Pays-Bas comme incompatible avec cette disposition. L'article 33, paragraphe 1, vise à garantir que le titulaire d'une pension ou d'une rente ne se voie pas réclamer, du fait de sa résidence sur le territoire d'un Etat membre, des cotisations d'assurance obligatoire pour la couverture de prestations prises en charge par une institution d'un autre Etat membre. Par conséquent, il interdit à l'institution d'un Etat membre débitrice d'une pension ou d'une rente d'exiger des cotisations pour la couverture des prestations de maladie et de maternité prises en charge par une institution d'un autre Etat membre (17). Les retenues sur pension ne peuvent, par conséquent, être opérées par une institution d'un Etat membre que sur les seuls assurés sociaux qui, en contrepartie, bénéficient de prestations de maladie et de maternité de la part de l'institution de ce même Etat membre compétente pour ces prestations. De telles retenues ne peuvent pas être effectuées lorsque les prestations dont il s'agit ne sont pas à la charge d'une institution de cet Etat membre (18). Il semble bien qu'il n'y ait eu, en l'espèce, aucune retenue de cotisations effectuée par les Pays-Bas sur la pension de M. Movrin et concernant des prestations à la charge de l'institution allemande d'assurance maladie (cette dernière souligne, par ailleurs, dans ses observations écrites qu'elle n'est pas débitrice de l'assurance maladie de M. Movrin).

21 En tout état de cause, ainsi que la Commission l'a fait valoir à l'audience, si la conduite des Pays-Bas était illégale, comme cela a été avancé, cela n'affecterait pas les droits conférés à M. Movrin par le règlement 1408/71, et la procédure appropriée consisterait pour la Commission (ou l'Allemagne) à introduire un recours en manquement.

22 Nous ne voyons pas davantage comment les droits de M. Movrin conférés par la législation communautaire en matière de sécurité sociale pourraient s'éteindre par le fait, tel qu'allégué, qu'il paie en réalité moins de cotisations d'assurance maladie en tant que résident néerlandais qu'il ne devrait payer s'il résidait en Allemagne. Le point important est que le refus de lui accorder une allocation au motif qu'il réside aux Pays-Bas le place dans une situation pire que s'il résidait en Allemagne, ce qui est de toute évidence contraire au principe général de la libre circulation des travailleurs qui sous-tend le règlement 1408/71.

23 Nous concluerons dès lors que l'allocation destinée à concourir au règlement des cotisations d'assurance maladie constitue une «prestation» au sens de l'article 1er, sous t), du règlement 1408/71 et une prestation en espèces de vieillesse au sens de l'article 10, paragraphe 1, du règlement. Elle est, par conséquent, due même si le bénéficiaire supposé réside dans un Etat membre autre que celui de l'institution débitrice. A la lumière de cette conclusion, qui suffit à résoudre la question soumise par la juridiction de renvoi, il ne nous semble pas nécessaire d'examiner les arguments soulevés tantôt par M. Movrin, tantôt par la Commission et fondés sur les articles 6, 48 et 51 du traité CE (devenus, après modification, articles 12, 39 et 42 CE), sur l'article 3, paragraphe 1, du règlement 1408/71 et sur le règlement n_ 1612/68 (19).

Conclusion

24 Pour les motifs qui précèdent, il conviendrait, à notre avis, de répondre à la question présentée par le Sozialgericht Münster de la manière suivante:

Une allocation destinée au règlement de cotisations d'assurance maladie, telle que celle dont le versement est imposé par l'article 249 a du Sozialgesetzbuch Fünftes Buch et par l'article 106, paragraphe 1, du Sozialgesetzbuch Sechstes Buch, est une «prestation» au sens de l'article 1er, sous t), du règlement (CEE) n_ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et une prestation en espèces de vieillesse au sens de l'article 10, paragraphe 1, de ce règlement. Elle est, par conséquent, due au bénéficiaire d'une pension allemande qui réside dans un autre Etat membre où il est affilié à titre obligatoire au régime légal d'assurance maladie de cet Etat.

(1) - La dernière version remise à jour constitue la partie I de l'annexe A au règlement (CE) n_ 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, portant modification et mise à jour du règlement (CEE) n_ 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et du règlement (CEE) n_ 574/72 fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n_ 1408/71 (JO 1997 L 28, p. 1). Bien que le règlement 118/97 soit entré en vigueur après que le Landesversicherungsanstalt Westfalen a pris la décision faisant l'objet du litige au principal, les dispositions pertinentes sont les mêmes.

(2) - Article 23.

(3) - Article 249 a SGB V.

(4) - Article 226 SGB V.

(5) - Article 255, paragraphe 1, SGB V.

(6) - Article 106, paragraphe 1, SGB VI.

(7) - Voir, par exemple, l'arrêt du 2 août 1993, Acciardi (C-66/92, Rec. p. I-4567, point 14).

(8) - Arrêt de la Cour du 27 mars 1985, Hoeckx (249/83, Rec. p. 973, point 11).

(9) - Arrêt de la Cour du 7 novembre 1973, Smieja (51/73, Rec. p. 1213, points 20 et 21).

(10) - Arrêt de la Cour du 10 juin 1982, Camera (92/81, Rec. p. 2213, point 14).

(11) - Conclusions de l'avocat général Da Cruz Vilaça sous l'arrêt de la Cour du 24 février 1987, Giletti (379/85, 380/85, 381/85, 93/86, Rec. p. 955, point 69).

(12) - Arrêt Giletti, précité, point 17.

(13) - Arrêt du 26 mai 1976 (103/75, Rec. p. 697).

(14) - Conclusions sous l'arrêt de la Cour du 1er décembre 1965 (33/65, Rec. p. 1112, 1121).

(15) - Voir le point 19, ci-dessous.

(16) - L'article 33, paragraphe 2, n'a aucun rapport au cas d'espèce.

(17) - Arrêt de la Cour du 21 février 1991, Noij (140/88, Rec. p. I-387, points 11 et 14).

(18) - Arrêt de la Cour du 28 mars 1985, Commission/Belgique (275/83, Rec. p. 1097, point 3).

(19) - Règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).