Avis juridique important
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 29 mai 2001. - Freemans plc contre Commissioners of Customs & Excise. - Demande de décision préjudicielle: VAT and Duties Tribunal, London - Royaume-Uni. - Sixième directive TVA - Base d'imposition - Ristourne acquise au moment où s'effectue l'opération - Réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération. - Affaire C-86/99.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-04167
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Base d'imposition - Système de promotion des ventes, dans le cadre d'un crédit autofinancé mis en place par le fournisseur, donnant lieu à une ristourne sur le prix catalogue - Base d'imposition constituée par l'intégralité du prix catalogue, réduit à due concurrence du montant de la ristourne au moment de son utilisation
irective du Conseil 77/388, art. 11, A, § 3, b), et C, § 1)
$$L'article 11, A, paragraphe 3, sous b), et C, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires doit être interprété en ce sens que la base d'imposition pour les biens fournis par correspondance à partir d'un catalogue à un client pour son propre usage, lorsque le fournisseur accorde au client une ristourne sur le prix catalogue, un compte séparé étant crédité au bénéfice de celui-ci du montant de cette ristourne au moment du versement des mensualités au fournisseur - ristourne qui peut alors être immédiatement retirée ou utilisée d'une autre manière par le client -, est l'intégralité du prix catalogue des biens vendus au client, réduit à due concurrence du montant de cette ristourne au moment où celle-ci est retirée ou utilisée d'une autre manière par le client.
( voir point 36 et disp. )
Dans l'affaire C-86/99,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Freemans plc
et
Commissioners of Customs & Excise,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), et C, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, V. Skouris, R. Schintgen, Mmes F. Macken et N. Colneric (rapporteur), juges,
avocat général: M. J. Mischo,
greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, chef de division,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Freemans plc, par MM. P. Trevett, QC, et F. Fitzpatrick, barrister, mandatés par Herbert Smith, solicitors,
- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme R. Magrill, en qualité d'agent, assistée de M. K. Parker, QC,
- pour le gouvernement hellénique, par M. M. Apessos et Mme E. Mamouna, en qualité d'agents,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. E. Traversa et Mme F. Riddy, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Freemans plc, représentée par MM. P. Trevett et F. Fitzpatrick, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. K. Parker, du gouvernement hellénique, représenté par M. M. Apessos, et de la Commission, représentée par M. R. Lyal, en qualité d'agent, à l'audience du 9 novembre 2000,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 11 janvier 2001,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 14 janvier 1999, parvenue à la Cour le 12 mars suivant, le VAT and Duties Tribunal, London, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), et C, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige qui oppose Freemans plc (ci-après «Freemans») aux Commissioners of Customs & Excise (ci-après les «Commissioners»), compétents au Royaume-Uni en matière de perception de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), au sujet de la détermination de la base d'imposition de cette taxe concernant des biens fournis dans le cadre d'un système de promotion des ventes mis en place par Freemans.
La réglementation communautaire
3 En son titre V («Opérations imposables»), la sixième directive dispose à son article 5, paragraphe 1:
«Est considéré comme livraison d'un bien le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire.»
4 L'article 11, A, paragraphes 1, sous a), et 3, sous b), de la sixième directive prévoit:
«A. À l'intérieur du pays
1. La base d'imposition est constituée:
a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations;
[...]
3. Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition:
[...]
b) les rabais et ristournes de prix consentis à l'acheteur ou au preneur et acquis au moment où s'effectue l'opération».
5 L'article 11, C, paragraphe 1, premier alinéa, de la sixième directive dispose:
«C. Dispositions diverses
1. En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.»
6 L'article 27 de la sixième directive, dont il constitue le titre XV, intitulé «Mesures de simplification», prévoit, à son paragraphe 1:
«1. Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d'éviter certaines fraudes ou évasions fiscales. Les mesures destinées à simplifier la perception de la taxe ne peuvent influer, sauf de façon négligeable, sur le montant de la taxe due au stade de la consommation finale.»
La réglementation nationale
7 Conformément à l'article 27 de la sixième directive, le Royaume-Uni a mis en place des régimes spéciaux pour les détaillants, leur permettant de calculer la TVA grevant leurs opérations en aval par référence à la valeur globale des fournitures taxables durant une période comptable, sur la base du concept des «recettes brutes journalières» plutôt que par référence à la valeur de chaque livraison particulière.
8 Jusqu'au 28 février 1997, le Royaume-Uni a autorisé des détaillants à calculer leurs recettes brutes journalières selon la méthode standard des recettes brutes («standard method of gross takings», ci-après la «SMGT»), qui se fondait sur les paiements reçus d'un détaillant durant une période comptable. À compter du 1er mars 1997, le Royaume-Uni a supprimé la SMGT et a exigé que les détaillants calculent leurs recettes brutes conformément à un nouveau régime reposant sur la méthode optionnelle de calcul des recettes brutes («optional method of gross takings», ci-après l'«OMGT»). L'OMGT se fondait sur le montant total facturé par le détaillant.
Le litige au principal et la question préjudicielle
9 Freemans vend ses produits par correspondance à des clients au moyen de catalogues que la société envoie à des particuliers afin que ces derniers lui servent d'agents. Freemans dispose approximativement de 900 000 agents actifs, qui commandent des marchandises soit pour eux-mêmes (ci-après les «achats propres»), soit pour d'autres clients. Les achats sont payés dans le cadre d'un système de crédit autofinancé mis en place par Freemans, les agents payant les marchandises au prix figurant au catalogue (ci-après le «prix catalogue»), par mensualités, échelonnées en général sur une période de 50 semaines. Freemans a établi, dans ses livres, un compte créditeur séparé pour les agents, sur lequel est automatiquement créditée au bénéfice de l'agent une somme égale à 10 % de chaque versement effectué par celui-ci à Freemans, cette somme correspondant plus précisément à une ristourne de 10 % pour les achats propres (ci-après la «ristourne achats propres») et à une commission de 10 % pour les achats effectués pour d'autres clients (ci-après la «commission»).
10 L'agent peut retirer le montant crédité de son compte à tout moment par chèque, par virement postal ou sous la forme de bons de la Loterie nationale; il peut également utiliser ce montant soit pour compenser des soldes débiteurs dus par lui ou par un client, soit pour de nouveaux achats qui lui donneront droit à une nouvelle ristourne de 10 %. Toutefois, les agents ne peuvent pas payer dès le début le prix catalogue moins la ristourne achats propres.
11 Si un agent ne respecte pas une échéance, le solde total à payer sur son compte deviendra immédiatement exigible. Dans un tel cas, en principe, la ristourne achats propres ou la commission ne pourront plus être versées jusqu'à ce que la situation du compte soit régularisée.
12 Lorsque le montant crédité sur le compte des agents n'est pas réclamé durant une certaine période, il est rayé des livres de Freemans. Toutefois, en pratique, alors même que les agents feraient valoir tardivement leur droit à obtenir la ristourne achats propres et que celui-ci serait techniquement prescrit, ils ne sont pas privés du bénéfice de ce droit. Une part importante de ces ristournes achats propres, en réalité, n'est cependant pas réclamée et demeure acquise à Freemans.
13 En vertu de la SMGT, Freemans pouvait d'emblée déduire la ristourne achats propres de ses recettes brutes journalières. Depuis le 1er mars 1997, date de la mise en application de l'OMGT, Freemans est tenue de calculer ses recettes brutes journalières sans effectuer la déduction pour les ristournes achats propres, à moins que et jusqu'à ce qu'elles soient retirées par l'agent en espèces ou qu'elles soient utilisées en déduction du prix d'achat de produits.
14 Nonobstant la suppression de la SMGT, Freemans a continué à établir ses déclarations de TVA pour les périodes d'avril et de juillet 1997 sur cette base, à savoir en déduisant la ristourne achats propres du prix catalogue. Les Commissioners ont cependant taxé les opérations effectuées par Freemans selon la nouvelle méthode OMGT. Freemans a introduit un recours contre cette décision devant le VAT and Duties Tribunal, London.
15 Devant cette juridiction, Freemans soutient que la base d'imposition pour les produits fournis à un agent pour son propre usage est constituée par le prix catalogue de ces produits moins la ristourne achats propres de cet agent, étant donné que Freemans ne se trouve jamais dans une situation contractuelle qui lui donnerait le droit de recevoir de l'agent le prix catalogue intégral.
16 En revanche, les Commissioners soutiennent que, si l'on interprète correctement l'accord conclu entre Freemans et son agent, la contrepartie, au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, est le prix d'achat intégral des produits du catalogue que l'agent est contractuellement tenu de payer à Freemans.
17 La juridiction nationale relève que les Commissioners ne réclament pas à Freemans la TVA sur une somme supérieure à celle effectivement payée par le consommateur final. Elle ajoute que le moment où s'effectue la livraison de biens aboutissant à la ristourne achats propres est antérieur au paiement de ces biens qui est à l'origine de ladite ristourne. Selon la juridiction nationale, de telles circonstances militent en faveur du rejet du recours de Freemans.
18 Toutefois, considérant que la solution du litige dont elle est saisie nécessite une interprétation de l'article 11 de la sixième directive, le VAT and Duties Tribunal, London, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Si l'on interprète correctement l'article 11, A et C, de la sixième directive, quelle est la base d'imposition pour des biens fournis par correspondance à partir d'un catalogue à un client pour le propre usage du client lorsque le fournisseur, en appliquant des conditions de crédit autofinancé, accorde au client une ristourne sur le prix catalogue (ristourne achats propres), cette ristourne étant créditée au client au moment du versement des mensualités au fournisseur (ou au moment où il utilise une ristourne accordée antérieurement pour réduire ou acquitter une mensualité), mais que la ristourne achats propres qui dérive des paiements effectués peut être immédiatement retirée ou utilisée par le client même si de futures mensualités seront dues par ce client?
La base d'imposition est-elle:
1) l'intégralité du prix catalogue des biens vendus au client moins la ristourne achats propres sur ce prix ou
2) l'intégralité du prix catalogue des biens vendus au client, réduit au moment où la ristourne achats propres est créditée au client ou
3) l'intégralité du prix catalogue des biens vendus au client, réduit au moment où la ristourne achats propres est retirée ou utilisée par le client ou
4) un autre montant et, dans ce cas, lequel?»
Sur la question préjudicielle
19 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, chaque fois que l'on se trouve, comme dans l'affaire au principal, devant la question de la qualification d'un élément du prix qui pourrait être constitutif de la base d'imposition ou, inversement, qui pourrait être expressément exclu de celle-ci, il faut examiner d'abord si l'élément en cause entre dans l'une des catégories visées à l'article 11, A, paragraphes 2 et 3, de la sixième directive et c'est seulement en cas de réponse négative qu'il y a lieu de se référer à la notion générale de base d'imposition visée à l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de ladite directive (voir arrêt du 27 mars 1990, Boots Company, C-126/88, Rec. p. I-1235, point 16).
20 À cet égard, la Commission soutient que le libellé de l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, notamment dans la version française de cette disposition, suggère que les rabais et ristournes de prix sont acquis au sens de celle-ci dès que l'acheteur a acquis un droit légal à en bénéficier. Étant donné que l'agent, dans l'affaire au principal, a droit à la ristourne achats propres au moment où il achète le bien, ladite disposition serait applicable, de sorte que la base d'imposition est dès le début le prix catalogue moins la ristourne.
21 Les gouvernements du Royaume-Uni et hellénique contestent que l'existence d'un tel droit à une ristourne soit suffisant pour que l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive soit applicable. Ils font valoir que, au moment où s'effectue la livraison des biens achetés, la contrepartie est le prix catalogue intégral parce que c'est celui-ci que l'agent doit payer à Freemans.
22 Il y a lieu de rappeler que, selon le libellé de l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, les ristournes de prix consenties à l'acheteur et acquises au moment où s'effectue l'opération ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition. Quant aux livraisons de biens, le moment où s'effectue l'opération au sens de ladite disposition est, conformément à l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive, celui où le pouvoir de disposer du bien acheté est transféré, c'est-à-dire, dans l'affaire au principal, le moment où les produits sont pris en charge par l'agent.
23 Si, au moment de ce transfert, les acheteurs payaient un prix réduit, ils bénéficieraient d'un rabais; si le vendeur leur ristournait une partie du prix déjà payée, les acheteurs profiteraient d'une ristourne au sens de l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêt Boots Company, précité, point 18).
24 Toutefois, tel n'est pas le cas dans l'affaire au principal. En effet, audit moment, les agents doivent payer le prix catalogue intégral par mensualités, alors que Freemans est tenue de créditer un compte séparé d'une valeur égale à 10 % pour chaque versement que lesdits agents effectueront. Les sommes qui devront ainsi être créditées au fur et à mesure des versements ne constituent pas encore des ristournes au sens de l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive.
25 En effet, contrairement à ce que la Commission prétend, pour que l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), soit applicable, il ne suffit pas que l'acheteur acquière lors de l'achat, comme dans l'affaire au principal, une ristourne pouvant juridiquement être réclamée.
26 Il est vrai que la version française de ladite disposition pourrait suggérer d'interpréter le terme «acquis» au sens de «juridiquement acquis». Toutefois, la version allemande de la même disposition («erhält») suggère plutôt que la ristourne doit être effectivement payée au moment où l'opération s'effectue. En tout état de cause, force est de constater qu'aucune des versions linguistiques de l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), ne comporte les expressions «juridiquement acquis» ou «effectivement acquis», lesquelles auraient été claires et dépourvues d'ambiguïté. Il y a donc lieu d'interpréter le texte à la lumière des objectifs de l'article 11 de la sixième directive.
27 À cet égard, il convient de rappeler que l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive n'est qu'une application de la règle établie par l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de celle-ci, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour (voir arrêt Boots Company, précité, point 19). Selon cette dernière disposition, la base d'imposition est constituée, pour la livraison d'un bien, par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur de la part de l'acheteur. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, la base d'imposition définitive pour la livraison d'un bien est constituée par la contrepartie réellement reçue à cet effet (voir arrêts du 5 mai 1994, Glawe, C-38/93, Rec. p. I-1679, point 8, et du 24 octobre 1996, Argos Distributors, C-288/94, Rec. p. I-5311, point 16). L'article 11, A, paragraphe 1, sous a), assure ainsi la neutralité fiscale, principe inhérent au système commun de TVA, dans le respect duquel les dispositions de la sixième directive doivent être interprétées (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 1996, Elida Gibbs, C-317/94, Rec. p. I-5339, points 26 à 31).
28 Or, dans l'affaire au principal, en calculant la TVA, dès le début, sur le prix catalogue, déduction faite des montants à créditer par Freemans, cette dernière obtiendrait, lorsque les clients par la suite ne disposent pas des montants crédités, une somme correspondant à une partie du prix de vente lequel constitue la contrepartie des biens livrés, ladite somme ne faisant toutefois pas partie de la base d'imposition. Une telle modalité de calcul de la TVA violerait donc l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, interprété en harmonie avec le principe de neutralité fiscale.
29 Dès lors, un assujetti qui utilise un système de promotion des ventes tel que celui en cause au principal ne saurait à bon droit faire valoir que, dès le début, la contrepartie au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive est constituée par le prix intégral moins la ristourne achats propres.
30 Certes, ainsi que Freemans le rappelle à juste titre, la Cour a jugé, en ce qui concerne les appareils automatiques de jeux d'argent avec possibilité de gains (machines à sous), que la contrepartie est constituée par le total des mises engagées moins la proportion qui correspond aux gains versés aux joueurs (arrêt Glawe, précité, point 13). Toutefois, il convient de relever, tout d'abord, que les opérations de jeux de hasard se prêtent mal à l'application de la TVA, ainsi que la Commission l'a exposé dans sa proposition de sixième directive (voir Bulletin des Communautés européennes, Supplément 11/73, p. 16). Il n'apparaît donc guère opportun de tirer des conclusions générales de la taxation de ces opérations pour en faire application à la taxation des livraisons ordinaires de biens. Ensuite, il importe de tenir compte du fait que dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Glawe, précité, la proportion des mises engagées qui n'a pas été incluse dans la base d'imposition était effectivement remise aux joueurs qui gagnaient. L'arrêt Glawe, précité, est donc intervenu dans des circonstances essentiellement différentes de celles de l'affaire au principal, où il s'agit d'un élément du prix payé par le consommateur final qui, si ce dernier n'en dispose pas, reste acquis à l'assujetti.
31 Enfin, il y a lieu de constater que l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la base d'imposition constituée par le prix catalogue intégral doit être réduite, dans le cadre d'un système de promotion tel que celui en cause au principal, dès que ce dernier retire ou utilise d'une autre manière le montant dont son compte séparé a été crédité.
32 Freemans et la Commission soutiennent certes que l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive vise les cas dans lesquels la réduction de la contrepartie résulte d'une modification contractuelle intervenue après le moment où s'effectue l'opération. Ladite disposition ne serait donc pas applicable lorsque, comme dans l'affaire au principal, les relations contractuelles donnant lieu à la livraison prévoient, dès le début, l'octroi d'une ristourne, même si cette dernière n'est réellement acquise que plus tard. Dans ce cadre, elles invoquent le point 31 de l'arrêt Elida Gibbs, précité, dans lequel la Cour a jugé que ladite disposition se réfère au cas habituel des relations contractuelles, directement nouées entre deux parties contractantes, lesquelles subissent une modification ultérieure.
33 À cet égard, il suffit de constater que le libellé de l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive ne présuppose pas une telle modification ultérieure des relations contractuelles pour que cette disposition soit applicable. En effet, celle-ci oblige en principe les États membres à réduire la base d'imposition chaque fois que, postérieurement à la conclusion d'une opération, une partie ou la totalité de la contrepartie n'est pas perçue par l'assujetti (voir arrêt du 3 juillet 1997, Goldsmiths, C-330/95, Rec. p. I-3801, points 16 à 18). En outre, rien n'indique que la Cour, dans l'arrêt Elida Gibbs, précité, a voulu limiter le champ d'application de ladite disposition. Au contraire, il ressort des faits qui sont à la base de l'affaire Elida Gibbs qu'aucune modification des relations contractuelles n'était intervenue. Nonobstant, la Cour a jugé que l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive était applicable.
34 Subsidiairement, Freemans fait valoir que l'article 11, C, paragraphe 1, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre du système de promotion en cause au principal, la base d'imposition doit être réduite au moment où est porté au crédit du compte d'un agent le montant versé en tant que ristourne achats propres.
35 Toutefois, au moment où elle crédite du montant en cause le compte établi dans ses livres au bénéfice d'un agent, Freemans n'a pas encore réellement versé la ristourne achats propres à ce dernier. En effet, lorsque l'agent n'utilise pas ce montant, Freemans en dispose en ajoutant celui-ci à son compte de résultat. Ce n'est que lorsque le client utilise la ristourne achats propres que celle-ci lui est effectivement versée de sorte que, ainsi que l'article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive le prévoit, la base d'imposition de l'achat correspondant doit être réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.
36 Il y a donc lieu de répondre à la question préjudicielle que l'article 11, A, paragraphe 3, sous b), et C, paragraphe 1, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la base d'imposition pour les biens fournis par correspondance à partir d'un catalogue à un client pour son propre usage, lorsque le fournisseur accorde au client une ristourne sur le prix catalogue, un compte séparé étant crédité au bénéfice de celui-ci du montant de cette ristourne au moment du versement des mensualités au fournisseur - ristourne qui peut alors être immédiatement retirée ou utilisée d'une autre manière par le client -, est l'intégralité du prix catalogue des biens vendus au client, réduit à due concurrence du montant de cette ristourne au moment où celle-ci est retirée ou utilisée d'une autre manière par le client.
Sur les dépens
37 Les frais exposés par les gouvernements du Royaume-Uni et hellénique, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par le VAT and Duties Tribunal, London, par ordonnance du 14 janvier 1999, dit pour droit:
L'article 11, A, paragraphe 3, sous b), et C, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que la base d'imposition pour les biens fournis par correspondance à partir d'un catalogue à un client pour son propre usage, lorsque le fournisseur accorde au client une ristourne sur le prix catalogue, un compte séparé étant crédité au bénéfice de celui-ci du montant de cette ristourne au moment du versement des mensualités au fournisseur - ristourne qui peut alors être immédiatement retirée ou utilisée d'une autre manière par le client -, est l'intégralité du prix catalogue des biens vendus au client, réduit à due concurrence du montant de cette ristourne au moment où celle-ci est retirée ou utilisée d'une autre manière par le client.