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Avis juridique important

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61999C0206

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 20 février 2001. - SONAE - Tecnologia de Informação SA contre Direcção-Geral dos Registos e Notariado. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto - Portugal. - Rassemblement de capitaux - Directive 69/335/CEE - Droits ayant un caractère rémunératoire - Droits d'inscription au registre du commerce. - Affaire C-206/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-04679


Conclusions de l'avocat général


1. Le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto demande à la Cour d'interpréter, à titre préjudiciel, la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (ci-après la «directive»).

2. La juridiction de renvoi sollicite, aux fins de l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive, certaines précisions sur la notion de coût réel du service rendu et souhaite, en outre, savoir si elle doit réduire le montant à payer, conformément à la limite maximale fixée dans la législation nationale postérieure à l'exécution de l'acte imposable.

I - Les faits du litige au principal

3. SONAE - Tecnologia de Informação SA (ci-après «SONAE») a fait consigner en écriture publique la modification de ses statuts, une scission-fusion et une augmentation de son capital. Pour l'inscription de ces actes, il a été facturé à la requérante une somme de 7 662 000 PTE, liquidée selon le tarif des émoluments du registre du commerce.

4. SONAE a contesté cette liquidation, en faisant valoir qu'elle viole la directive au motif qu'elle constitue, en réalité, un impôt sur le capital des sociétés et non des droits perçus par une entité publique en contrepartie d'un service rendu.

II - La réglementation interne en vigueur

5. La réglementation portugaise applicable figure dans le «code du registre du commerce», approuvé par décret-loi n° 403/86, du 3 décembre 1986 .

6. L'article 1er du code indique que le registre du commerce vise à donner une publicité à la situation juridique des commerçants, des sociétés commerciales, des sociétés de droit civil constituées sous forme commerciale et des établissements individuels à responsabilité limitée, dans le but de garantir la sécurité juridique du commerce.

7. Selon l'article 3, sous q), doivent faire l'objet d'une inscription au registre du commerce la prorogation, la fusion, la scission, la transformation et la dissolution des sociétés ainsi que l'augmentation, la réduction ou la reconstitution du capital social, de même que toute autre modification du contrat de société.

8. L'inscription au registre produit des effets constitutifs. L'acte par lequel une société est créée et les modifications ultérieures ne peuvent être invoqués par les parties et leurs héritiers que lorsqu'ils ont été enregistrés (article 13, paragraphe 2), moment à partir duquel ils produisent des effets juridiques à l'égard des tiers (article 14).

9. L'enregistrement des augmentations de capital est obligatoire et doit être demandé dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l'acte consignant le fait qui l'occasionne a été dressé (article 15, paragraphe 1). Conformément à l'article 70, les actes dont l'enregistrement est obligatoire doivent être publiés au Diário da República.

10. Par ailleurs, en vertu de l'article 6 du décret-loi n° 403/86, les émoluments perçus au titre de l'enregistrement des actes visé par le code constituent une recette du Cofre dos Conservadores, Notarios e Funcionarios de Justiça (caisse des conservateurs, notaires et fonctionnaires de justice), qui couvre également les frais d'installation et de fonctionnement du système organisationnel du registre du commerce.

11. Les émoluments sont fixés par un arrêté du ministère de la Justice (Tabela de Emolumentos do Registo Comercial). Au moment de l'enregistrement de SONAE était en vigueur l'arrêté n° 883/89, du 13 octobre 1989 , qui a ensuite été modifié par l'arrêté n° 996/98, du 25 novembre 1998 .

12. Conformément à l'article 1er, paragraphe 3, du tarif des émoluments, si la valeur déterminée de l'acte qui fait l'objet de l'enregistrement est supérieure à 100 000 PTE, s'ajoutent au total du montant indiqué aux paragraphes 1 et 2, pour chaque tranche de 1 000 PTE ou fraction de celle-ci, a) 10 PTE, si la valeur n'excède pas 200 000 PTE; b) 5 PTE, pour l'excédent compris entre 200 000 PTE et 1 000 000 PTE; c) 4 PTE, s'il est compris entre 1 000 000 PTE et 10 000 000 PTE; et d) 3 PTE au-delà de ce dernier montant.

13. Il n'est pas inutile de rappeler que la validité de certains actes des sociétés, comme l'augmentation de capital ou la fusion et la scission, notamment, dépend de leur consignation en écriture publique devant notaire, qui doit faire l'objet d'une inscription au registre du commerce ainsi qu'au registre national des personnes morales. En conséquence, le droit portugais taxe plusieurs fois les opérations d'augmentation de capital: aux émoluments du registre du commerce s'ajoutent en effet ceux du notaire et du registre national des personnes morales .

14. La réglementation qui était en vigueur au moment où le fait imposable s'est produit ne contenait aucune disposition fixant une limite maximale applicable aux émoluments. Par la suite, la législation portugaise en la matière a été modifiée et, même si le montant à acquitter continue d'être calculé en fonction de la valeur de l'acte pratiqué, un plafond fixe a été institué pour les tarifs d'émoluments approuvés par l'arrêté n° 996/98. En particulier, l'article 23, sous c), du tarif des émoluments du registre du commerce prévoit un plafond de 15 millions de PTE pour tout type d'inscription.

15. En droit portugais, les employés du registre du commerce sont des fonctionnaires et sont soumis à un régime juridique de droit public spécifique.

III - La réglementation communautaire

16. La directive a pour objectif de promouvoir la libre circulation des capitaux, en tant que condition essentielle à la création d'une union économique ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur (premier considérant).

17. Selon le huitième considérant, le maintien d'autres impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d'apport ou le droit de timbre sur les titres risque de remettre en cause les buts poursuivis par les mesures prévues par la directive et, dès lors, leur suppression s'impose.

18. En vertu de l'article 1er de la directive, les États membres perçoivent un droit sur les apports à des sociétés de capitaux, harmonisé conformément aux dispositions des articles 2 à 9 et dénommé ci-après «droit d'apport» .

19. L'article 4, l'article 8 tel que modifié par la directive 85/303/CEE du Conseil et l'article 9 énumèrent les opérations soumises au droit d'apport, ainsi que certains actes que les États membres peuvent exonérer de ce droit.

Ainsi, l'article 4, paragraphe 1, soumet au droit d'apport, notamment, la constitution d'une société de capitaux [sous a)] et l'augmentation du capital social d'une société de capitaux au moyen de l'apport de biens de toute nature [sous c)].

20. Aux termes de l'article 7, modifié par l'article 1er, point 2, de la directive 85/303, les États membres exonèrent du droit d'apport les opérations, autres que celles visées à l'article 9, qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984. L'article dispose également que les États membres peuvent soit exonérer du droit d'apport toutes les opérations autres que celles visées au paragraphe 1, soit les soumettre à un taux unique ne dépassant pas 1 %.

21. Selon l'article 10 de la directive, en dehors du droit d'apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit: a) pour les opérations visées à l'article 4; b) pour les apports, prêts ou prestations, effectués dans le cadre des opérations visées audit article; c) pour l'immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs peut être soumise en raison de sa forme juridique.

22. L'article 12, paragraphe 1, contient une liste exhaustive des impositions, distinctes du droit d'apport, que les États membres, nonobstant les dispositions des articles 10 et 11, peuvent percevoir. En particulier, l'article 12, paragraphe 1, sous e), indique que les États membres peuvent percevoir des droits ayant un caractère rémunératoire.

IV - Les questions préjudicielles

23. Par ordonnance déposée le 31 mai 1999, le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto a déféré les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les émoluments payés pour ces services [] peuvent-ils être calculés et perçus en fonction de la valeur de l'acte?

a) Cette valeur peut-elle être illimitée?

b) Cette valeur peut-elle être calculée sous la forme exposée sous 1) s'il y a une limite maximale?

2) En application de la directive la juridiction de l'État membre doit-elle réduire le montant à payer, conformément à la limite maximale fixée dans la législation nationale postérieure à l'exécution de l'acte?

3) Les émoluments payés pour ces services doivent-ils être calculés compte tenu des coûts inhérents à la prestation du service?

4) Ces coûts sont-ils ceux qui dérivent de la réalisation de l'acte et du maintien des services nécessaires à sa réalisation?

5) Le critère lié à l'avantage économique que l'utilisateur retire de l'acte peut-il être utilisé pour calculer le montant à payer pour l'établissement de l'acte?»

V - Examen des questions préjudicielles

24. Les questions posées en l'espèce par le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto sont très proches de celles qui ont été résolues par la Cour dans les affaires Modelo I , Modelo et IGI . Par les première, troisième, quatrième et cinquième questions, la juridiction de renvoi demande des précisions sur la manière dont il convient de calculer les émoluments du registre du commerce pour qu'ils revêtent le caractère rémunératoire mentionné à l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive.

Le seul élément novateur introduit par le juge a quo figure dans la deuxième question, qui vise à savoir si la juridiction de l'État membre doit réduire le montant à payer, conformément à la limite maximale fixée dans la législation nationale postérieure à l'exécution de l'acte.

1. Le caractère rémunératoire des émoluments du registre du commerce

25. Comme je l'ai déjà souligné, la Cour a eu l'occasion d'analyser en profondeur la question relative à la manière dont il convient de calculer les émoluments pour qu'ils revêtent un caractère rémunératoire et puissent coexister avec le droit d'apport. Ainsi, dans l'affaire Modelo I , la Cour s'est interrogée sur la compatibilité avec la directive d'émoluments exigés pour l'établissement d'un acte notarié constatant l'augmentation du capital social ainsi que la modification de la dénomination sociale et du siège d'une société de capitaux. Aussitôt après, dans l'affaire Modelo , à l'occasion de circonstances de fait analogues , le juge national a demandé certaines précisions sur la notion de droit ayant un caractère rémunératoire. Enfin, dans l'affaire IGI , de nouvelles questions ont été posées autour de la même notion, cette fois dans le cadre d'un litige relatif aux droits d'inscription au registre national des personnes morales.

26. Dans la mesure où les dispositions relatives aux droits ayant un caractère rémunératoire constituent une exception aux interdictions posées par l'article 10 de la directive, la Cour, dans ces trois arrêts, a examiné, à titre préalable, si les droits litigieux étaient visés par une de ces interdictions.

27. Il convient, par conséquent, de procéder de la même façon avec les émoluments du registre du commerce portugais. La Cour a déclaré que, en vertu de l'article 10, sous c), de la directive, sont interdites les impositions pour l'immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société peut être soumise en raison de sa forme juridique. Cette interdiction se justifie par le fait que, si les impositions en cause ne frappent pas les apports de capitaux en tant que tels, elles sont néanmoins perçues en raison des formalités liées à la forme juridique de la société, c'est-à-dire de l'instrument utilisé pour rassembler des capitaux, de sorte que leur maintien risquerait de mettre également en cause les buts poursuivis par la directive .

28. Cette interdiction vise non seulement les droits acquittés à l'occasion de l'immatriculation des nouvelles sociétés, mais également les droits dus pour l'enregistrement des augmentations de capital dès lors qu'ils sont aussi perçus en raison d'une formalité essentielle liée à la forme juridique des sociétés en cause. Sans constituer formellement une procédure préalable à l'exercice de l'activité des sociétés de capitaux, l'enregistrement des augmentations de capital n'en conditionne pas moins l'exercice et la poursuite de cette activité .

29. En droit portugais, la modification des statuts d'une société, la scission-fusion et l'augmentation de capital doivent obligatoirement faire l'objet d'une inscription au registre du commerce. Cette inscription au registre constitue une formalité essentielle liée à la forme juridique de la société et conditionne l'exercice et la poursuite de l'activité de celle-ci . En conséquence, les droits dus au titre de cette inscription, lorsqu'ils constituent une imposition au sens de la directive, sont, en principe, prohibés en vertu de l'article 10, sous c), de la directive.

30. Dans les précédents que j'ai cités, la Cour a examiné l'exception prévue à l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive, à savoir la question qui fait précisément l'objet de la présente procédure de renvoi préjudiciel. Cette disposition indique que les États membres peuvent percevoir des droits ayant un caractère rémunératoire.

31. Or la Cour a estimé que les droits ayant un caractère rémunératoire sont ceux qui comprennent les seules rétributions dont le montant est calculé sur la base du coût du service rendu. Une rétribution dont le montant serait dénué de tout lien avec le coût de ce service particulier ou dont le montant serait calculé non en fonction du coût de l'opération dont elle est la contrepartie, mais en fonction de l'ensemble des coûts de fonctionnement et d'investissement du service chargé de cette opération devrait être regardée comme une imposition relevant de la seule interdiction instituée par l'article 10 de la directive .

32. Selon cette jurisprudence, il peut être difficile de déterminer le coût de certaines opérations, telles que l'immatriculation d'une société. L'évaluation de ce coût ne peut, dans un tel cas, être que forfaitaire et doit être établie de façon raisonnable en prenant en compte, notamment, le nombre et la qualification des agents, le temps passé par ces agents ainsi que les divers frais matériels nécessaires à l'accomplissement de cette opération .

33. Conformément à la jurisprudence citée, les États membres, pour calculer le montant des droits ayant un caractère rémunératoire, sont en droit de prendre en compte non seulement les coûts, matériels et salariaux, qui sont directement liés à l'accomplissement des opérations d'enregistrement dont ils constituent la contrepartie, mais aussi la fraction des frais généraux de l'administration compétente qui sont imputables à ces opérations .

34. Selon cette jurisprudence également, il peut être admis qu'un État membre ne perçoive de droits que pour les opérations d'enregistrement les plus importantes et qu'il répercute sur eux les coûts d'opérations mineures effectuées gratuitement .

35. Le montant d'un droit à caractère rémunératoire ne doit pas nécessairement varier en fonction des frais réellement exposés par l'administration à l'occasion de chaque opération d'enregistrement et un État membre est en droit de fixer à l'avance, sur la base des coûts moyens d'enregistrement prévisibles, des droits standard pour l'accomplissement des formalités d'inscription des sociétés de capitaux. Rien ne s'oppose, en outre, à ce que les montants de ces droits soient établis pour une durée indéterminée dès lors que l'État membre s'assure, à intervalles réguliers, par exemple chaque année, qu'ils continuent de ne pas dépasser ses coûts d'enregistrement .

36. Un droit, dont le montant augmente directement et sans limites en proportion du capital nominal souscrit, ne saurait, par sa nature même, constituer un droit à caractère rémunératoire au sens de la directive. En effet, même s'il peut exister, dans certains cas, un lien entre la complexité d'un service rendu et l'importance des capitaux souscrits, le montant d'un tel droit sera généralement sans rapport avec les frais concrètement exposés par l'administration ayant rendu le service .

37. Comme on peut le constater, la réponse aux questions préjudicielles posées se trouve dans la jurisprudence de la Cour. Dans le cadre du litige au principal, le montant des droits d'enregistrement croît directement en fonction de l'augmentation du capital. La Cour a déclaré, toutefois, que l'on ne peut pas considérer qu'un droit ainsi calculé puisse constituer un droit ayant un caractère rémunératoire au sens de la directive. Si pour certaines opérations, comme l'immatriculation d'une société, le coût de l'opération doit être calculé de manière forfaitaire, il doit être établi de façon raisonnable. Or la notion de coût raisonnable n'est pas compatible avec le calcul des émoluments en fonction de la valeur de l'acte, a fortiori si elle est illimitée.

Même lorsqu'un plafond applicable au montant des émoluments existe, il paraît difficile de conclure que ce montant satisfait à l'exigence selon laquelle il doit refléter le coût du service rendu. En tout état de cause, c'est à la juridiction nationale qu'il appartient de déterminer, à la lumière des éléments de fait et de droit dont elle dispose, si les émoluments en question correspondent aux coûts moyens de l'opération d'enregistrement et de fonctionnement du service.

38. Par ses troisième et quatrième questions, le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto demande si les émoluments doivent être calculés compte tenu des coûts inhérents à la prestation du service et si ces coûts sont ceux qui dérivent de la réalisation de l'acte et du maintien des services nécessaires à sa réalisation.

39. J'ai déjà souligné que, pour que les droits présentent un caractère rémunératoire, ils doivent comprendre les seules rétributions dont le montant est calculé sur la base du coût du service rendu. Une rétribution dont le montant serait dénué de tout lien avec le coût de ce service particulier ou dont le montant serait calculé non en fonction du coût de l'opération dont elle est la contrepartie, mais en fonction de l'ensemble des coûts de fonctionnement et d'investissement du service chargé de cette opération, ne remplirait pas cette condition.

40. Lorsque les droits ne peuvent être calculés que de manière forfaitaire, ils doivent être établis de façon raisonnable en prenant, notamment, en compte le nombre et la qualification des agents, le temps passé par ces agents ainsi que les divers frais matériels nécessaires à l'accomplissement de l'opération.

41. Pour calculer les montants des droits à caractère rémunératoire, un État membre est en droit de prendre en compte non seulement les coûts, matériels et salariaux, qui sont directement liés à l'accomplissement des opérations d'enregistrement dont ils constituent la contrepartie, mais aussi la fraction des frais généraux de l'administration compétente qui sont imputables à ces opérations, en application des principes généralement admis en matière de comptabilité analytique .

42. Enfin, la juridiction nationale demande, par sa cinquième question, si, pour calculer le montant à payer pour l'établissement de l'acte, il convient d'utiliser le critère lié à l'avantage économique que l'utilisateur retire de cet acte.

43. La réponse découle également de façon implicite de l'analyse précédente. La Cour a déclaré à plusieurs reprises que les émoluments doivent être calculés en fonction du coût du service rendu, ce qui, en l'occurrence, exclut la possibilité d'utiliser un autre critère.

2. Sur la réduction rétroactive des émoluments versés

44. Par sa deuxième question préjudicielle, le juge a quo souhaite savoir si la législation nationale postérieure à l'exécution de l'acte imposable, fixant une limite maximale des émoluments à verser, doit être appliquée rétroactivement.

45. Cette question trouve son origine, selon l'ordonnance de renvoi, dans le fait que la législation portugaise a été modifiée et qu'elle prévoit désormais un plafond applicable au tarif des émoluments du registre du commerce. Ce plafond a été fixé à 15 millions de PTE .

46. Toutefois, comme il ressort également de l'ordonnance de renvoi de la juridiction nationale, le montant liquidé dans le cas de SONAE s'élève à 7 662 000 PTE et il est donc manifestement inférieur à la limite maximale fixée par la réglementation portugaise. Il s'ensuit que la modification réglementaire ne pourrait pas être appliquée en l'espèce.

47. Dans ces circonstances, il n'est pas inutile de rappeler la jurisprudence de la Cour en matière de recevabilité des questions préjudicielles. La Cour considère qu'il ne lui appartient pas de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques et rejette les questions qui n'ont manifestement aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal . Elle a déclaré, de plus, que les questions préjudicielles qui ne répondent pas à un besoin objectif pour la solution du litige au principal sont irrecevables .

48. En l'espèce, la modification réglementaire instituant une limite maximale des droits dus au titre de l'inscription au registre du commerce n'est pas applicable, car le montant liquidé dans le cas de SONAE est inférieur. Par conséquent, la question préjudicielle posée par la juridiction nationale et, partant, la décision que pourrait rendre la Cour n'apparaissent pas nécessaires pour trancher le litige au principal.

49. Au vu de ce qui précède, je propose à la Cour de déclarer irrecevable la deuxième question préjudicielle.

50. À titre subsidiaire, dans l'éventualité où la Cour ne suivrait pas cette proposition, j'examinerai brièvement la question posée par la juridiction portugaise.

51. J'observe, d'une part, que la limite en question ne constitue pas une règle de droit communautaire, lequel exige seulement, comme la Cour l'a déclaré à plusieurs reprises, que le montant des émoluments soit calculé sur la base du coût du service rendu. Si les émoluments ne sont pas calculés ainsi, il appartient à la juridiction nationale, après avoir constaté que l'interdiction prévue à l'article 10 de la directive est applicable aux droits perçus, d'ordonner le remboursement des sommes perçues en violation de cette disposition .

52. D'autre part, je constate que la règle instituant le plafond quantitatif ne prévoit pas son application rétroactive. Le gouvernement portugais et la Commission ont exprimé le même avis dans leurs observations. En tout état de cause, c'est à la juridiction nationale qu'il appartiendrait de déterminer, à la lumière de l'ordre juridique portugais, si cette disposition présente ou non un caractère rétroactif.

VI - Conclusion

53. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto:

«1) Des droits perçus pour l'inscription au registre du commerce d'actes de modification des statuts, de scission-fusion et d'augmentation de capital, tels que ceux qui font l'objet du litige au principal, dont le montant augmente directement et sans limites en proportion du capital social souscrit, ne sauraient constituer des droits à caractère rémunératoire au sens de l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, dans sa version modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985.

L'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335, dans sa version modifiée par la directive 85/303, doit être interprété en ce sens que, pour revêtir un caractère rémunératoire, le montant des droits perçus à l'occasion de l'immatriculation des sociétés de capitaux et lors des augmentations de capital dont ces sociétés font l'objet doit être calculé sur la base du seul coût des formalités en cause, étant entendu que ces montants peuvent également couvrir les dépenses engendrées par des opérations mineures effectuées gratuitement. Pour calculer ces montants, un État membre est en droit de prendre en compte l'ensemble des coûts liés aux opérations d'enregistrement, y compris la fraction des frais généraux qui leur sont imputables. En outre, un État membre a la faculté de prévoir des droits forfaitaires et d'établir leurs montants pour une durée indéterminée, dès lors qu'il s'assure, à intervalles réguliers, que ces montants continuent de ne pas dépasser le coût moyen des opérations en cause. L'avantage économique que l'utilisateur retire de l'acte ne peut pas être utilisé comme critère pour calculer le montant des émoluments.

2) La deuxième question préjudicielle est irrecevable.»