Arrêt du Tribunal
Affaire T-308/00Salzgitter AG
contre
Commission des Communautés européennes
« Aides d'État – Article 4, sous c), CA, articles 67 CA et 95 CA – Interventions financières en faveur de l'entreprise Salzgitter – Frontière avec l'ex-République démocratique allemande et l'ex-République tchécoslovaque – Aides non notifiées – Sixième code des aides à la sidérurgie – Sécurité juridique »
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Arrêt du Tribunal (quatrième chambre élargie) du 1er juillet 2004 |
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Sommaire de l'arrêt
1.
CECA – Aides à la sidérurgie – Appréciation de légalité – Prise en compte de la jurisprudence du juge communautaire relative aux aides d’État relevant du traité CE – Limites
[Art. 4, c), CA]
2.
CECA – Aides à la sidérurgie – Notion – Spécificité ou sélectivité
[Art. 4, c), CA]
3.
CECA – Aides à la sidérurgie – Notion – Caractère juridique – Interprétation sur la base d’éléments objectifs – Contrôle juridictionnel – Portée
[Art. 4, c), CA ; art. 87, § 1, CE]
4.
CECA – Aides à la sidérurgie – Notion – Mesures fiscales – Caractère sélectif de la mesure
[Art. 4, c), CA]
5.
CECA – Aides à la sidérurgie – Aides en faveur des régions affectées par la division de l’Allemagne – Application des dispositions du traité CE – Exclusion
[Art. 4, c), CA ; art. 87, § 2, c), CE]
6.
CECA – Aides à la sidérurgie – Notion – Mesures présentées comme relevant des aides en faveur des régions affectées par la division de l’Allemagne – Exclusion à raison de leur caractère compensatoire – Pouvoir d’appréciation de la Commission
[Art. 4, c), CA ; art. 87, § 2, c), CE]
7.
CECA – Aides à la sidérurgie – Notion – Caractérisation d’une mesure fiscale en tant qu’avantage – Charge fiscale normale devant servir de point de comparaison
[Art. 4, c), CA]
8.
CECA – Aides à la sidérurgie – Notion – Inclusion aussi bien des subventions que des allégements de charges – Obligation pour la Commission de prouver l’équivalence des effets d’un allégement de charges et de ceux d’une subvention
– Absence
[Art. 4, c), CA]
9.
CECA – Aides à la sidérurgie – Interdiction – Affectation de la concurrence et des échanges entre États membres – Défaut de pertinence
[Art. 4, c), CA]
10.
CECA – Aides à la sidérurgie – Inapplicabilité de l’article 67 CA – Pratique de la Commission – Défaut de pertinence
[Art. 4, c), CA et 67 CA ; décision générale n° 2320/81]
11.
CECA – Aides à la sidérurgie – Autorisation par la Commission au titre de l’article 95 CA – Admissibilité – Pouvoir discrétionnaire de la Commission – Contrôle juridictionnel – Limites
[Art. 4, c), CA et 95 CA]
12.
CECA – Aides à la sidérurgie – Interdiction – Aide octroyée illégalement – Absence de règle édictant une prescription relativement à l’exercice de ses compétences par la Commission – Respect des exigences de la sécurité juridique
[Art. 4, c), CA]
13.
Droit communautaire – Principes – Protection de la confiance légitime – Sécurité juridique – Conditions d’invocabilité distinctes – Conséquences – Possibilité pour le bénéficiaire d’une aide illégale à la sidérurgie octroyée en violation de l’obligation de notification
d’invoquer la sécurité juridique pour contester la décision en ordonnant le remboursement nonobstant l’absence de création
d’une confiance légitime
14.
CECA – Aides à la sidérurgie – Procédure administrative – Situation équivoque créée par l’inaction de la Commission et le silence des deuxième et troisième codes des aides à la sidérurgie
– Obligation de clarifier cette situation avant de pouvoir ordonner la restitution d’aides déjà versées
(Décisions générales nos 1018/85 et 3484/85)
1.
Les précisions qu’a apportées le juge communautaire quant aux notions visées par les dispositions du traité CE en matière
d’aides d’État sont pertinentes pour l’application des dispositions correspondantes du traité CECA dans la mesure où ces précisions
ne sont pas incompatibles avec celui-ci. Il est donc justifié, dans cette mesure, de se référer à la jurisprudence sur les
aides d’État relevant du traité CE pour apprécier la légalité des décisions concernant des aides relevant du traité CECA.
(cf. point 28)
2.
La spécificité ou la sélectivité d’une mesure étatique constitue une des caractéristiques de la notion d’aide d’État, que
ce soit dans le cadre du traité CE ou dans le cadre du traité CECA, en dépit du fait que ce critère n’est pas explicitement
mentionné à l’article 4, sous c), CA. Il importe donc de vérifier si la mesure en question entraîne, ou non, des avantages
au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activité.
(cf. point 29)
3.
La notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité CE, présente un caractère juridique et doit être interprétée
sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge communautaire doit, en principe et compte tenu tant des éléments
concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission,
exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article
87, paragraphe 1, CE.
Il ne saurait en aller autrement s’agissant de la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article
4, sous c), CA, puisque l’exercice d’un tel contrôle juridictionnel n’est pas incompatible avec le traité CECA.
(cf. points 30-31)
4.
En principe, une mesure fiscale susceptible d’être qualifiée d’aide d’État se distingue d’une mesure fiscale générale par
le caractère limité, en droit ou en fait, du nombre de ses bénéficiaires. À cet égard, il importe peu que la sélectivité de
la mesure découle, par exemple, d’un critère sectoriel ou d’un critère de localisation géographique sur une partie délimitée
du territoire d’un État membre. Il importe, en revanche, pour qu’une mesure soit susceptible d’être qualifiée d’aide d’État,
que les entreprises bénéficiaires de celle-ci appartiennent à une catégorie bien déterminée par l’application, en droit ou
en fait, du critère établi par la mesure en question.
(cf. point 38)
5.
De ce que la question de l’octroi d’aides d’État fait l’objet des dispositions de l’article 4, sous c), CA, il résulte que,
en ce qui concerne cette question, les dispositions du traité CE ne peuvent s’appliquer dans le domaine couvert par le traité
CECA.
Ainsi, en l’absence de dispositions dans le traité CECA identiques ou équivalentes à celles de l’article 87, paragraphe 2,
sous c), CE, la reconnaissance dans le cadre du traité CE de la compatibilité d’aides octroyées à l’économie de certaines
régions de la République fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne n’affecte ni le champ d’application
de l’article 4, sous c), CA, ni, partant, la notion d’aide d’État, telle qu’elle est énoncée par cette disposition.
(cf. points 63-64)
6.
L’abolition et l’interdiction des aides d’État, établies par l’article 4, sous c), CA, ayant un caractère général et absolu,
ne peuvent être annulées par la mise en oeuvre d’une procédure de compensation approximative et incertaine. L’examen du caractère
compensatoire de mesures étatiques s’inscrit dans le pouvoir d’appréciation de la Commission consistant à vérifier que les
conditions de la dérogation sollicitée sont remplies.
Dès lors, la simple invocation de l’exception prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE, à savoir la reconnaissance
de la compatibilité d’aides octroyées à l’économie de certaines régions de la République fédérale d’Allemagne affectées par
la division de l’Allemagne, qui ne s’applique pas et n’a pas d’équivalent dans le cadre du traité CECA, ne saurait être considérée
comme la démonstration d’un lien de causalité certain, au titre de ce traité, entre l’avantage accordé à une entreprise et
un prétendu désavantage économique dont souffriraient les entreprises situées dans une région ayant été affectée par la division
de l’Allemagne.
(cf. points 72, 74-75)
7.
Dans le cadre du traité CECA, afin d’identifier les aides d’État, il convient uniquement de déterminer si, dans le cadre d’un
régime juridique donné, une mesure étatique est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport
à d’autres, lesquelles se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et
juridique comparable.
Par conséquent, pour déterminer si une mesure confère un avantage, il est impératif de déterminer le point de référence, dans
le cadre d’un régime juridique donné, à l’aune duquel la situation créée par ladite mesure sera comparée. Ainsi, en vue de
déterminer ce qui constitue une charge fiscale « normale », il ne saurait être procédé à un examen comparatif des règles fiscales
applicables dans l’ensemble des États membres, voire simplement de certains d’entre eux, sans dénaturer la vocation des dispositions
relatives au contrôle des aides d’État. En effet, en l’absence d’harmonisation au niveau communautaire des dispositions fiscales
des États membres, cet examen reviendrait à comparer des situations factuelles et juridiques différentes qui résultent de
disparités législatives ou réglementaires entre les États membres.
(cf. points 79-81)
8.
Si la notion d’aide d’État comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais
également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise
et qui, par là même, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques, il
n’ y a pas lieu d’établir une hiérarchie entre ce qui constituerait une subvention au sens strict du mot, d’une part, et les
autres mesures assimilables à une telle subvention, d’autre part, mais de définir la notion d’aide, au sens de l’article 4,
sous c), CA. Il résulte de cette définition que, dès lors que la preuve est rapportée qu’une intervention étatique constitue
un allégement de charges qui normalement auraient dû grever le budget d’une entreprise, cette mesure doit être qualifiée d’aide
et possède, en raison même de cette qualification, un effet identique à une subvention au sens strict du mot.
La Commission n’est donc pas tenue de rapporter la preuve supplémentaire que l’allégement de charges devant normalement être
supportées par une entreprise a le même effet qu’une subvention au sens strict du mot.
(cf. points 83-84, 89)
9.
Dans le cadre de l’article 4, sous c), CA, les aides d’État sont réputées incompatibles avec le marché commun, sans qu’il
soit nécessaire d’établir ni même de rechercher si, en fait, une atteinte aux conditions de la concurrence existe ou risque
de se produire. Pour relever des dispositions de cet article, une mesure d’aide ne doit donc pas nécessairement avoir d’incidence
sur les échanges entre les États membres ou sur la concurrence.
(cf. points 90-91)
10.
L’article 4, sous c), CA, en interdisant les subventions ou aides accordées par les États, sous quelque forme que ce soit,
vise à abolir et à prohiber certaines interventions des États membres dans le domaine que le traité CECA soumet à la compétence
communautaire. Il n’établit aucune distinction entre les aides individuelles et les régimes d’aides ni entre les régimes d’aides
spécifiques ou non au secteur du charbon et de l’acier, et l’interdiction qu’il édicte est formulée en termes stricts.
L’article 67 CA, quant à lui, tend à parer aux atteintes à la concurrence que l’exercice des pouvoirs retenus par les États
membres ne peut manquer d’entraîner et se borne ainsi à prévoir des mesures de sauvegarde que la Communauté peut adopter contre
l’action d’un État membre, laquelle, tout en exerçant une influence sensible sur les conditions de concurrence dans les industries
du charbon et de l’acier, ne porte pas de façon immédiate et directe sur ces industries. L’article 4, sous c), CA et l’article
67 CA visent ainsi deux domaines distincts, le second ne relevant pas de la matière des aides d’État.
Le fait que, jusqu’à l’adoption, par la décision n° 2320/81, du deuxième code des aides à la sidérurgie, la Commission a considéré
que l’article 4, sous c), CA s’appliquait uniquement aux aides spécifiques en faveur des entreprises sidérurgiques, c’est-à-dire
aux aides dont ces entreprises bénéficiaient spécialement ou principalement, alors que l’application à la sidérurgie des régimes
d’aides généraux et régionaux était soumise au contrôle de la Commission sur la base à la fois des dispositions de l’article
67 CA et de celles des articles 87 CE et 88 CE, n’est pas susceptible de remettre en cause cette interprétation.
(cf. points 107-112, 115)
11.
L’article 4, sous c), CA n’interdit pas à la Commission d’autoriser des aides d’État à la sidérurgie, soit au titre des catégories
spécialement visées par le code des aides à la sidérurgie, dans l’une de ses versions successives, soit, pour les aides d’État
qui ne relèvent pas de ces catégories, en se fondant directement sur l’article 95, premier et deuxième alinéas, CA.
Lorsqu’elle fait usage de cette dernière faculté, la Commission jouit d’un pouvoir discrétionnaire afin d’établir si des aides
sont nécessaires aux fins de la réalisation des objectifs du traité.
Dans ce domaine, le contrôle de légalité doit, par conséquent, se limiter à examiner si la Commission n’a pas excédé les limites
inhérentes à son pouvoir d’appréciation par une dénaturation ou une erreur manifeste d’appréciation des faits ou par un détournement
de pouvoir ou de procédure.
Si l’on entend établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier
l’annulation de sa décision, il faut apporter des éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité les appréciations
des faits retenus dans la décision en cause.
(cf. points 131, 136-138)
12.
Pour remplir sa fonction, un délai de prescription doit être fixé par avance. La fixation de ce délai et de ses modalités
d’application relève de la compétence du législateur communautaire. Or, ce dernier n’est pas intervenu pour fixer un délai
de prescription dans le domaine du contrôle des aides accordées au titre du traité CECA.
Cependant, l’exigence fondamentale de la sécurité juridique, dans ses différentes manifestations, vise à garantir la prévisibilité
des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire et doit être prise en compte lorsque est examinée
la validité d’une décision de la Commission imposant le remboursement par une entreprise sidérurgique d’une aide d’État illégalement
octroyée.
(cf. points 159-161)
13.
La possibilité d’invoquer le principe de sécurité juridique n’est pas soumise aux conditions permettant d’invoquer la confiance
légitime dans la régularité d’une aide d’État.
C’est pourquoi l’entreprise sidérurgique qui a obtenu une aide d’État n’ayant pas fait l’objet d’une notification à la Commission
peut invoquer, pour contester la décision de la Commission en imposant le remboursement, la sécurité juridique, alors même
qu’il est exclu, sauf circonstances exceptionnelles, que le bénéficiaire d’une aide puisse avoir une confiance légitime dans
la régularité de celle-ci si elle a été accordée en violation des dispositions relatives à la procédure de contrôle préalable
des aides d’État.
(cf. points 165-166)
14.
C’est à juste titre qu’une entreprise sidérurgique ayant bénéficié d’aides illégales s’appuie sur le principe de sécurité
juridique pour contester la légalité d’une décision de la Commission ordonnant leur remboursement dans un cas où à l’époque
où elle a perçu lesdites aides existait, du fait de la Commission, une situation d’incertitude et de défaut de clarté relative
au régime juridique du type d’aides en cause, laquelle a été cumulée au défaut de réaction prolongé de la Commission, qui
était pourtant au courant du versement des aides, et qui a créé ainsi, en méconnaissance de son devoir de diligence, une situation
de caractère équivoque, qu’il lui aurait appartenu de clarifier avant de pouvoir prétendre entreprendre une quelconque action
visant à ordonner le remboursement des aides versées.
(cf. points 174, 180, 182)
ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
1er juillet 2004(1)
« Aides d'État – Article 4, sous c), CA, articles 67 CA et 95 CA – Interventions financières en faveur de l'entreprise Salzgitter – Frontière avec l'ex-République démocratique allemande et l'ex-République tchécoslovaque – Aides non notifiées – Sixième code des aides à la sidérurgie – Sécurité juridique »
Dans l'affaire
T-308/00,
Salzgitter AG, établie à Salzgitter (Allemagne), représentée par Mes J. Sedemund et T. Lübbig, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
soutenue par
République fédérale d'Allemagne, représentée par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent, assisté de Me K. Schroeter, avocat,
partie intervenante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. K.-D. Borchardt et V. Kreuschitz, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l'annulation de la décision 2000/797/CECA de la Commission, du 28 juin 2000, concernant l'aide d'État mise
à exécution par l'Allemagne en faveur de Salzgitter AG, de Preussag Stahl AG et des filiales sidérurgiques du groupe, aujourd'hui
regroupées sous la dénomination de Salzgitter AG – Stahl und Technologie (SAG) (JO L 323, p. 5),
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),
composé de Mme V. Tiili, président, MM. J. Pirrung, P. Mengozzi, A. W. H. Meij et M. Vilaras, juges,
greffier : M. I. Natsinas, administrateur,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1
L’article 4 CA dispose :
« Sont reconnu[e]s incompatibles avec le marché commun du charbon et de l’acier et, en conséquence, sont aboli[e]s et interdit[e]s
dans les conditions prévues au présent traité, à l’intérieur de la Communauté :
[…]
c)
les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit. »
2
L’article 67 CA prévoit :
« 1. Toute action d’un État membre susceptible d’exercer une répercussion sensible sur les conditions de la concurrence dans
les industries du charbon et de l’acier doit être portée à la connaissance de la Commission par le gouvernement intéressé.
2. Si une telle action est de nature, en élargissant substantiellement, autrement que par variation des rendements, les différences
de coûts de production, à provoquer un déséquilibre grave, la Commission, après consultation du Comité consultatif et du Conseil,
peut prendre les mesures suivantes :
–
si l’action de cet État comporte des effets dommageables pour les entreprises de charbon ou d’acier relevant de la juridiction
dudit État, la Commission peut l’autoriser à leur octroyer une aide dont le montant, les conditions et la durée sont fixés
en accord avec elle. […]
–
si l’action de cet État comporte des effets dommageables pour les entreprises de charbon ou d’acier relevant de la juridiction
des autres États membres, la Commission lui adresse une recommandation en vue d’y remédier par les mesures qu’il estimera
les plus compatibles avec son propre équilibre économique.
[…] »
3
L’article 95, premier et deuxième alinéas, CA énonce :
« Dans tous les cas non prévus au présent traité, dans lesquels une décision ou une recommandation de la Commission apparaît
nécessaire pour réaliser dans le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier et conformément aux dispositions
de l’article 5 l’un des objets de la Communauté, tels qu’ils sont définis aux articles 2, 3 et 4, cette décision ou cette
recommandation peut être prise sur avis conforme du Conseil, statuant à l’unanimité et après consultation du Comité consultatif.
La même décision ou recommandation, prise dans la même forme, détermine éventuellement les sanctions applicables. »
4
Afin de répondre aux exigences de la restructuration du secteur de la sidérurgie, la Commission s’est fondée sur les dispositions
de l’article 95 CA pour mettre en place, à partir du début des années 80, un régime communautaire autorisant l’octroi d’aides
d’État à la sidérurgie dans certains cas limitativement énumérés. Ce régime a fait l’objet d’adaptations successives, en vue
de faire face aux difficultés conjoncturelles de l’industrie sidérurgique. Les décisions successivement adoptées à cet égard
sont communément appelées « codes des aides à la sidérurgie ».
5
Le 18 décembre 1996, la Commission a adopté la décision n° 2496/96/CECA, instituant des règles communautaires pour les aides
à la sidérurgie (JO L 338, p. 42), laquelle constitue le sixième code des aides à la sidérurgie. Cette décision était applicable
du 1er janvier 1997 au 22 juillet 2002.
Antécédents du litige
6
Salzgitter AG – Stahl und Technologie (ci-après la « requérante ») est un groupe opérant dans le secteur sidérurgique qui
regroupe Preussag Stahl AG et d’autres entreprises actives dans le même secteur.
7
En Allemagne, la Zonenrandförderungsgesetz (loi allemande visant à contribuer au développement de la zone le long de la frontière
avec l’ex-République démocratique allemande et l’ex-République tchécoslovaque, ci-après la « ZRFG ») a été adoptée le 5 août 1971
et approuvée, ainsi que ses modifications intervenues par la suite, par la Commission, après examen des mesures qu’elle prévoit
à la lumière de l’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et de l’article 93 du traité CE (devenu
article 88 CE). Les dernières modifications de la ZRFG ont été approuvées par la Commission en tant qu’aides d’État compatibles
avec le traité CE (JO 1993, C 3, p. 3). La ZRFG a définitivement expiré en 1995.
8
Depuis l’origine, l’article 3 de la ZRFG prévoyait des incitations fiscales sous forme d’amortissements dérogatoires (Sonderabschreibungen)
et de réserves exonérées d’impôt (steuerfreie Rücklagen) pour les investissements réalisés dans tout établissement d’une entreprise
situé le long de la frontière avec l’ex-République démocratique allemande ou l’ex-République tchécoslovaque (ci-après la « Zonenrandgebiet »).
Les amortissements dérogatoires consistaient en la possibilité d’inscrire dans le bilan de la société une quantité d’amortissements,
au titre des investissements subventionnables, plus élevée, par rapport au droit commun, la ou les premières années suivant
lesdits investissements de l’entreprise en cause. Cela entraînait pour l’entreprise une assiette d’impôt réduite et donc davantage
de liquidités pour la ou les premières années suivant les investissements, en lui procurant un avantage de trésorerie. Un
avantage similaire était également acquis par l’entreprise par le truchement des réserves exonérées d’impôt. Les amortissements
dérogatoires et les réserves exonérées d’impôt n’étaient toutefois pas cumulables.
9
Par lettre du 3 mars 1999, la Commission a, après avoir découvert dans les comptes annuels de Preussag Stahl AG, une des sociétés
de l’actuel groupe Salzgitter AG, que de multiples aides lui avaient été accordées entre 1986 et 1995, sur la base de l’article
3 de la ZRFG, informé la République fédérale d’Allemagne de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 6, paragraphe
5, du sixième code des aides à la sidérurgie à l’égard des aides attribuées par l’Allemagne à Preussag Stahl AG et aux autres
filiales sidérurgiques du groupe Salzgitter AG. Par ladite décision, publiée le 24 avril 1999 au
Journal officiel des Communautés européennes (JO C 113, p. 9), la Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les aides en cause.
10
Dans le cadre de la procédure administrative, la Commission a reçu les commentaires des autorités allemandes, par lettre du
10 mai 1999, ainsi que les observations du seul tiers intéressé intervenu, la UK Steel Association, qu’elle a transmises à
la République fédérale d’Allemagne.
11
Le 28 juin 2000, la Commission a adopté la décision 2000/797/CECA, concernant l’aide d’État mise à exécution par l’Allemagne
en faveur de Salzgitter AG, de Preussag Stahl AG et des filiales sidérurgiques du groupe, aujourd’hui regroupées sous la dénomination
de Salzgitter AG – Stahl und Technologie (SAG) (JO L 323, p. 5, ci-après la « décision attaquée »), en vertu de laquelle les
amortissements dérogatoires et les réserves exonérées d’impôt, prévus par l’article 3 de la ZRFG et dont a bénéficié la requérante
pour une base subventionnable de respectivement 484 millions et 367 millions de marks allemands, ont été qualifiés d’aides
d’État incompatibles avec le marché commun. Conformément aux articles 2 et 3 de la décision attaquée, la Commission a ordonné
à la République fédérale d’Allemagne de récupérer lesdites aides auprès de leur bénéficiaire et l’a invitée à indiquer les
conditions précises de leur récupération.
Procédure et conclusions des parties
12
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 septembre 2000, la requérante a introduit le présent recours.
13
À la suite de la demande de la requérante, formulée dans sa requête, la partie défenderesse a été invitée par le Tribunal,
par lettre du greffier du 13 novembre 2000, à satisfaire aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23 du protocole
sur le statut CECA de la Cour de justice. Le 3 janvier 2001, la défenderesse a déposé au greffe un dossier administratif composé
de 27 pièces, dont aucune n’avait de caractère confidentiel. Par lettre du 11 janvier 2001, le greffier a informé la requérante
qu’elle était admise à consulter le dossier administratif déposé au greffe.
14
Le 30 janvier 2001, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans le cadre de la présente procédure à l’appui
des conclusions de la requérante.
15
Le 29 mars 2001, les parties n’ayant soulevé aucune objection sur la demande en intervention de la République fédérale d’Allemagne,
celle-ci a été admise à intervenir par ordonnance du président de la quatrième chambre élargie du Tribunal.
16
Après le dépôt des observations de la requérante et de la défenderesse sur le mémoire en intervention de la République fédérale
d’Allemagne, la procédure écrite a été close le 3 septembre 2001.
17
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a, d’une part, décidé d’ouvrir la procédure orale
et, d’autre part, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, invité les parties à produire certains documents
et à répondre à certaines questions avant l’audience, ce qui a été fait dans le délai imparti.
18
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 16
octobre 2003.
19
La requérante et la République fédérale d’Allemagne, intervenant à son soutien, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
–
annuler la décision attaquée ;
–
condamner la défenderesse aux dépens.
20
La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
–
rejeter le recours comme étant non fondé ;
–
condamner la requérante aux dépens.
En droit
21
À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque huit moyens. Le premier moyen est tiré de ce que la Commission
aurait effectué diverses constatations incorrectes concernant la notion d’aide d’État ; le deuxième moyen est tiré d’une interprétation
erronée de l’article 4, sous c), CA et de l’article 67 CA ; le troisième moyen est tiré du défaut d’application de l’article
95 CA ; le quatrième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation découlant de la qualification de certains investissements
de mesures relevant du domaine d’application du traité CECA ; le cinquième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation en ce
que la Commission n’aurait pas qualifié certains projets d’investissements de mesures visant à la protection de l’environnement ;
le sixième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation dans la définition du taux d’actualisation déterminant ; le septième
moyen est tiré d’une violation du principe de sécurité juridique et, enfin, le huitième moyen est tiré d’une violation de
l’obligation de motivation.
Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait effectué diverses constatations incorrectes concernant la notion
d’aide d’État
22
Par son premier moyen, la requérante soutient que c’est à tort que la Commission a qualifié les amortissements dérogatoires
et les réserves exonérées d’impôt, prévus par l’article 3 de la ZRFG, d’aides d’État au sens du traité CECA. Ce moyen est
subdivisé en quatre branches tirées, respectivement, du caractère général des mesures prévues par l’article 3 de la ZRFG,
du prétendu caractère compensatoire de ces mesures, de la prétendue nécessité d’examiner les règles fiscales des États membres
de la Communauté pour déterminer ce que constitue une charge fiscale « normale » et, enfin, de la prétendue obligation, pour
la Commission, de démontrer les effets sur la concurrence des mesures prévues par l’article 3 de la ZRFG.
Sur la première branche, tirée d’une qualification erronée des dispositions fiscales de l’article 3 de la ZRFG en ce qu’elles
constituent des dispositions fiscales générales
– Arguments des parties
23
La requérante fait valoir que les dispositions fiscales de la ZRFG sont des dispositions générales, applicables à toutes les
entreprises de la Communauté qui possèdent des établissements dans les régions de la République fédérale d’Allemagne limitrophes
de l’ex-République démocratique allemande et de l’ex-République tchécoslovaque. Dans ces conditions, la requérante soutient
que les mesures fiscales prévues à l’article 3 de la ZRFG ne peuvent être qualifiées d’aides d’État.
24
L’intervenante se rallie, en substance, à cette position.
25
La défenderesse fait observer, tout d’abord, que le caractère définitif des décisions antérieures de la Commission concernant
la ZRFG faisait déjà obstacle à l’adoption d’une décision ne qualifiant pas d’aides d’État les mesures prévues à l’article 3
de la ZRFG, étant donné que la notion d’aide d’État figurant à l’article 4, sous c), CA et celle figurant à l’article 87 CE
sont incontestablement identiques, même si les règles qui s’y rattachent sont fondamentalement différentes.
26
La défenderesse précise, ensuite, que les allégements fiscaux prévus à l’article 3 de la ZRFG ont une spécificité régionale.
En effet, même si toutes les entreprises sont susceptibles de bénéficier des mesures prévues par cette disposition, ces dernières
conféreraient des avantages concurrentiels à l’égard des seuls investissements effectués dans la région favorisée et non en
faveur d’investissements effectués dans des établissements situés en dehors de cette région. Ces mesures auraient été adoptées
pour favoriser une région en particulier et doivent, par conséquent, être considérées comme des aides d’État.
– Appréciation du Tribunal
27
À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d’aide d’État est plus générale
que celle de subvention parce qu’elle comprend non seulement des prestations positives telles que les subventions elles-mêmes,
mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une
entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques
(arrêts de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, 39 ;
du 15 mars 1994, Banco Exterior de España,
C-387/92, Rec. p. I-877, point 13, et du 1er décembre 1998, Ecotrade,
C-200/97, Rec. p. I-7907, point 34).
28
De plus, le juge communautaire a précisé les notions visées par les dispositions du traité CE relatives aux aides d’État.
Ces précisions sont pertinentes pour l’application des dispositions correspondantes du traité CECA, dans la mesure où elles
ne sont pas incompatibles avec celui-ci. Il est donc justifié, dans cette mesure, de se référer à la jurisprudence relative
aux aides d’État relevant du traité CE pour apprécier la légalité de décisions concernant des aides visées par l’article 4,
sous c), CA. Tel est le cas, en particulier, de la jurisprudence précisant la notion d’aide d’État (arrêts du Tribunal du
21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission,
T-129/95,
T-2/96 et
T-97/96, Rec. p. II-17, point 100,
et du 29 juin 2000, DSG/Commission,
T-234/95, Rec. p. II-2603, point 115).
29
À cet égard, selon une jurisprudence bien établie, la spécificité ou la sélectivité d’une mesure étatique constitue une des
caractéristiques de la notion d’aide d’État, que ce soit dans le cadre du traité CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du
26 septembre 1996, France/Commission,
C-241/94, Rec. p. I-4551, point 24, et du 19 mai 1999, Italie/Commission,
C-6/97, Rec. p. I-2981,
point 17) ou dans le cadre du traité CECA (arrêt Ecotrade, point 27 supra, point 40), en dépit du fait que ce critère ne soit
pas explicitement mentionné à l’article 4, sous c), CA. Il importe donc de vérifier si la mesure en question entraîne, ou
non, des avantages au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activité (voir, en ce sens, arrêt
Ecotrade, point 27 supra, points 40 et 41).
30
Enfin, il doit être relevé que la notion d’aide, telle qu’elle est définie dans le traité CE, présente un caractère juridique
et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge communautaire doit, en principe et compte
tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées
par la Commission, exercer un contrôle entier en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application
de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêt de la Cour du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission,
C-83/98 P, Rec.
p. I-3271, point 25 ; arrêts du Tribunal du 12 décembre 2000, Alitalia/Commission,
T-296/97, Rec. p. II-3871, point 95, et
du 17 octobre 2002, Linde/Commission,
T-98/00, Rec. p. II-3961, point 40).
31
Il ne saurait en aller autrement s’agissant de la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article
4, sous c), CA, puisque l’exercice d’un tel contrôle juridictionnel n’est pas incompatible avec le traité CECA.
32
En l’espèce, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir considéré que les dispositions fiscales de l’article 3
de la ZRFG présentaient un caractère sélectif.
33
À la lumière de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, il importe donc de vérifier si les mesures en question entraînaient,
ou non, des avantages au bénéfice de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activité.
34
Il y a lieu de noter que l’article 3 de la ZRFG prévoit que les contribuables qui procèdent à des investissements dans un
établissement industriel situé dans la Zonenrandgebiet peuvent obtenir, sur demande et eu égard aux inconvénients économiques
résultant de la situation spécifique de cette région, la prise en compte par anticipation, dans le cadre de l’imposition sur
les revenus, de certains facteurs susceptibles de réduire l’assiette de l’impôt. Les dotations aux amortissements dérogatoires
et aux réserves exceptionnelles autorisées en vertu de l’article 3 de la ZRFG concernent les investissements tant mobiliers
qu’immobiliers faisant partie des immobilisations de l’établissement. Les amortissements dérogatoires à hauteur de 50 % du
prix de revient du bien peuvent être pris en compte au cours de l’exercice durant lequel l’acquisition ou la fabrication a
eu lieu ou durant les quatre exercices suivants en supplément des amortissements pour dépréciation, prévus par la loi sur
l’impôt sur le revenu. Les réserves exonérées d’impôt (à hauteur de 50 % du prix de revient des biens du capital immobilisé)
peuvent être constituées au maximum deux ans avant que l’investissement ne soit terminé.
35
Il est constant que l’article 3 de la ZRFG s’applique indistinctement à tous les secteurs d’activité, à tous les types d’investissements,
qu’ils soient mobiliers ou immobiliers, et à toutes les entreprises, sans distinction de taille, d’activité ou de siège.
36
Néanmoins, il est tout aussi constant qu’une condition impérative du bénéfice des mesures prévues par l’article 3 de la ZRFG
est que les établissements dans lesquels les investissements sont effectués soient situés dans la Zonenrandgebiet. Par ailleurs,
il n’est pas contesté que la requérante a bénéficié de l’application des mesures fiscales, prévues à l’article 3 de la ZRFG,
pour ses deux établissements situés à Peine et à Salzgitter, dans la Zonenrandgebiet.
37
Or, le fait de subordonner le bénéfice d’une mesure fiscale, inscrite dans une loi fédérale, à une condition de localisation
des investissements dans une zone territorialement limitée d’un État membre, comme c’est le cas en l’espèce, est, en principe,
suffisant pour considérer que la mesure en cause concerne une catégorie bien déterminée d’entreprises.
38
En effet, en principe, une mesure fiscale susceptible d’être qualifiée d’aide d’État se distingue d’une mesure fiscale générale
par le caractère limité, en droit ou en fait, du nombre de ses bénéficiaires. À cet égard, le Tribunal considère qu’il importe
peu que la sélectivité de la mesure découle, par exemple, d’un critère sectoriel ou, comme en l’espèce, d’un critère de localisation
géographique sur une partie délimitée du territoire d’un État membre. Il importe, en revanche, pour qu’une mesure soit susceptible
d’être qualifiée d’aide d’État, que les entreprises bénéficiaires de celle-ci appartiennent à une catégorie bien déterminée
par l’application, en droit ou en fait, du critère établi par la mesure en question (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de
l’AELE du 20 mai 1999, Norway/EFTA Surveillance Authority, E-6/98, Report of EFTA Court, p. 74, point 37).
39
En l’espèce, il convient de rappeler que l’objet même des mesures fiscales en question consiste à favoriser les investissements
dans des établissements situés dans une zone géographiquement limitée du territoire allemand, c’est-à-dire dans les régions
frontalières de l’ex-République démocratique allemande et de l’ex-République tchécoslovaque. À cet égard, ni la requérante
ni l’intervenante ne contestent le fait que, pour bénéficier des avantages fiscaux en cause, les investissements doivent être
effectués dans des établissements situés dans une zone géographiquement limitée du territoire allemand.
40
Or, il est constant que des entreprises établies en Allemagne ne pouvaient bénéficier des dotations aux amortissements dérogatoires
et de la constitution de réserves exonérées d’impôt prévus par l’article 3 de la ZRFG pour des investissements effectués dans
leurs établissements situés en dehors de la Zonenrandgebiet. Il s’ensuit que ces mesures ne pouvaient profiter indistinctement
à l’ensemble des entreprises situées sur le territoire national.
41
Cette constatation ne saurait être infirmée par le fait que les mesures fiscales prévues à l’article 3 de la ZRFG visaient
simplement des « établissements » situés dans la Zonenrandgebiet et non des entreprises. En effet, écarter le caractère sélectif
de telles mesures au motif que ce ne sont pas les entreprises qui bénéficient directement de celles-ci mais uniquement leurs
établissements situés dans la Zonenrandgebiet favoriserait le contournement du régime communautaire des aides d’État. En tout
état de cause, en l’espèce, la requérante a indiqué qu’elle demeurait la seule entreprise sidérurgique active dans la Zonenrandgebiet.
42
Enfin, il convient de relever que la requérante n’a pas prétendu que la différenciation issue des mesures fiscales en cause
était conforme à la nature et à l’économie du système dans lequel elle s’insère (voir, par analogie, arrêts de la Cour du
2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, point 33 ; du 9 décembre 1997, Tiercé Ladbroke/Commission,
C-353/95 P,
Rec. p. I-7007, points 32 à 37, et du 13 février 2003, Espagne/Commission,
C-409/00, Rec. p. I-1487, point 52 ; arrêt du Tribunal
du 18 septembre 1995, Tiercé Ladbroke/Commission,
T-471/93, Rec. p. II-2537, point 62).
43
Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.
Sur la deuxième branche, tirée du prétendu caractère compensatoire des mesures fiscales prévues à l’article 3 de la ZRFG
– Arguments des parties
44
La requérante soutient que les mesures fiscales prévues à l’article 3 de la ZRFG offraient non pas un avantage financier particulier
aux entreprises remplissant les conditions pour bénéficier des amortissements dérogatoires ou des réserves exonérées d’impôt,
mais une simple compensation (du moins partielle) des désavantages particuliers qui découlaient de l’exercice d’une activité
économique dans une région qui, en raison de la partition de l’Europe, s’est trouvée artificiellement isolée de l’arrière-pays
économique qui avait été naturellement le sien. Ainsi, selon la requérante, les dispositions fiscales de l’article 3 de la
ZRFG n’auraient donné lieu à aucune mesure d’aide régionale, destinée à compenser des handicaps régionaux naturels. L’objectif
de ces dispositions aurait été uniquement de compenser un désavantage économique causé par l’isolation artificielle, d’origine
purement politique, de certaines régions frontalières allemandes.
45
La requérante fait observer à cet égard qu’il ressort des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE, déclarant
compatibles avec le marché commun les aides octroyées à l’économie de certaines régions de la République fédérale d’Allemagne
affectées par la division de l’Allemagne, que les conditions dans les régions limitrophes de l’ex-République démocratique
allemande n’étaient pas « normales ». Cela démontrerait que les mesures prises en faveur des régions frontalières ne faisaient
pas partie des programmes habituels d’aides régionales, mais qu’elles constituaient des règles « sui generis ». En définitive,
la requérante soutient que ce qui est valable dans le domaine du traité CE l’est tout autant dans celui du traité CECA.
46
L’intervenante fait valoir que l’article 87 CE établit une distinction entre les mesures compensatrices de dommages, prévues
à son paragraphe 2, sous c), et les aides régionales ordinaires, visées par son paragraphe 3, sous a) et c), en ce que les
mesures compensatrices et les aides en question ne sauraient être appréciées de la même manière. La caractéristique des aides
régionales résiderait dans le fait que l’entreprise située dans la région défavorisée bénéficie, du fait d’une aide étatique,
d’un avantage par rapport à ses conditions économiques naturelles et à ses conditions normales de concurrence. En revanche,
selon l’intervenante, les aides visées par l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE servent à compenser des dommages qui ne
résultent pas des données économiques naturelles de l’entreprise concernée mais d’un cas de force majeure, à savoir la division
de l’Europe. Ainsi, l’aide compensatrice de dommages ne ferait que rapprocher son bénéficiaire des conditions dans lesquelles
il se trouverait en l’absence de l’événement dommageable.
47
Selon l’intervenante, l’absence de prise en compte dans le traité CECA de la situation des zones frontalières allemandes en
cause dans la présente affaire a une raison historique : le traité CECA a été conclu le 18 avril 1951, c’est-à-dire à une
date où l’on pensait encore que la division de l’Allemagne serait provisoire et pourrait être surmontée par un traité de paix
général.
48
L’intervenante fait encore valoir que, dans la mesure où la ZRFG, notamment son article 3, prévoyait des mesures non spécifiques
au secteur de la sidérurgie, le traité CECA ne s’opposait pas à l’application subsidiaire de l’article 87, paragraphe 2, sous c),
CE au secteur sidérurgique et à la possibilité pour des entreprises sidérurgiques de bénéficier de telles mesures générales.
Étant donné que la Commission avait examiné la ZRFG, ainsi que ses modifications ultérieures, sous l’angle de l’article 87,
paragraphe 2, sous c), CE et qu’elle était parvenue à la conclusion que les dispositions de la ZRFG étaient nécessaires pour
compenser les désavantages économiques causés par la division de l’Allemagne, la Commission aurait reconnu le lien de causalité
existant entre la division de l’Allemagne et la nécessité des mesures compensatrices prévues par la ZRFG. Selon l’intervenante,
sur la base de l’examen effectué par la Commission, l’Allemagne était alors autorisée, déjà en vertu même du seul traité CE,
à introduire des mesures telles que celles de l’article 3 de la ZRFG dans le secteur sidérurgique, sans que cela nécessite
une autorisation de la Commission. À cet égard, l’intervenante fait observer, en outre, que la Commission ne dispose d’aucune
« compétence d’approbation » dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE, qui établit un système
d’exception légale. En conclusion, l’intervenante soutient que la Commission n’était pas habilitée à déclarer que le recours
à des amortissements dérogatoires par les entreprises sidérurgiques en vertu de l’article 3 de la ZRFG était incompatible
avec les règles régissant le marché commun du charbon et de l’acier.
49
La défenderesse rétorque que l’octroi sélectif de mesures de faveur du type de celles prévues par l’article 3 de la ZRFG constitue
également une aide d’État lorsqu’il vise à compenser un désavantage économique. En effet, selon la défenderesse, les aides
doivent être appréciées en fonction de leurs effets et non en fonction de l’objectif qu’elles poursuivent. L’article 3 de
la ZRFG ne pourrait donc pas être considéré comme une mesure fiscale générale n’ayant pas le caractère d’une aide d’État pour
la simple raison que son objectif déclaré consiste à compenser les désavantages économiques d’une région.
50
De plus, la défenderesse exclut toute possibilité d’application par analogie de l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE. L’article
4, sous c), CA interdirait les subventions ou les aides autorisées par les États sous quelque forme que ce soit. Tout assouplissement
de la rigueur de cette interdiction serait impensable. En outre, la défenderesse soutient qu’une telle application pourrait
seulement être justifiée par l’existence d’une lacune dans le traité CECA, qui, selon elle, n’existe pas. En effet, de l’avis
de la défenderesse, l’absence, dans le domaine du traité CECA, d’une disposition spécifique pour les zones frontalières allemandes
s’explique par la discipline plus rigoureuse existant dans ce secteur et démontre qu’un traitement de faveur n’a pas été voulu
par les auteurs du traité. En tout état de cause, la défenderesse estime que l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE n’exclut
pas tout pouvoir d’appréciation de la Commission, étant donné que celle-ci doit vérifier si l’aide est réellement nécessaire
pour compenser les désavantages économiques causés par la division de l’Allemagne.
– Appréciation du Tribunal
51
Par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission n’a pas démontré l’existence
du second élément d’une aide d’État, à savoir l’avantage procuré par les mesures en cause.
52
Il convient, dès lors, d’examiner si, ainsi que la Commission l’a constaté dans la décision attaquée, les mesures fiscales
découlant de l’article 3 de la ZRFG ont procuré un avantage à la requérante.
53
Conformément à la jurisprudence rappelée au point 27 ci-dessus, la notion d’aide recouvre les interventions étatiques qui,
sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise.
54
Il ressort de l’article 3 de la ZRFG que la République fédérale d’Allemagne a renoncé à appliquer les règles fiscales du régime
commun allemand en matière de dotation aux amortissements et de constitution de réserves pour les investissements en immobilisation
effectués dans des établissements situés dans la Zonenrandgebiet.
55
Ainsi qu’il a déjà été constaté au point 36 ci-dessus, la requérante a bénéficié de l’application des mesures fiscales prévues
par l’article 3 de la ZRFG pour ses deux établissements situés à Peine et à Salzgitter dans la Zonenrandgebiet.
56
Or, à la lecture de l’article 3 de la ZRFG, ces mesures ont pu procurer un allégement des charges de la requérante, dont elle
n’aurait pas pu bénéficier en application du régime fiscal allemand de droit commun, au moins à deux égards.
57
En premier lieu, ces mesures lui ont offert la possibilité d’effectuer des amortissements supplémentaires en sus des amortissements
pour dépréciation dans les premières années suivant l’exercice durant lequel les investissements ont été effectués ; cette
dotation étant déduite du bénéfice brut, le revenu imposable de l’entreprise a donc pu être particulièrement réduit pour ces
mêmes années. Ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 60 de la décision attaquée, la requérante a donc pu bénéficier
d’un « avantage de trésorerie », dont elle n’aurait pas profité si ses établissements n’avaient pas été situés dans la Zonenrandgebiet.
Il convient d’ailleurs de noter que, dans ses écritures, la requérante a admis avoir bénéficié d’un excédent de trésorerie
découlant des mesures prévues à l’article 3 de la ZRFG, comme cela a d’ailleurs été constaté par la Commission au considérant 100
de la décision attaquée.
58
En second lieu, il résulte de l’article 3 de la ZRFG que l’amortissement dérogatoire pouvait être invoqué non seulement au
cours de l’exercice durant lequel l’investissement avait été effectué, mais également durant les quatre exercices suivants ;
cette possibilité permettait à l’entreprise bénéficiaire d’étaler dans le temps, voire de diminuer, l’assiette de ses revenus
imposables. Ainsi que le précise le considérant 61 de la décision attaquée, « ce report d’impôt [...] peut s’analyser comme
un prêt à taux zéro sur le montant de l’impôt reporté et la durée du report ». En effet, en dépit du fait que l’impôt était
tout de même dû à la fin de la période de report, l’entreprise aura néanmoins bénéficié tout le long de la durée du report
d’un avantage équivalent à la différence entre le montant actualisé de l’impôt à la fin de la période du report, tenant compte
des taux d’intérêts, et le montant de l’impôt qui aurait été dû si le report n’avait pas eu lieu.
59
Par conséquent, les mesures fiscales prévues par l’article 3 de la ZRFG constituaient un report d’impôt qui allégeait les
charges de la requérante qui, normalement, auraient dû grever son budget.
60
Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de la requérante et de l’intervenante selon lesquels, d’une part, les
mesures fiscales de l’article 3 de la ZRFG n’auraient pour objet que de compenser un désavantage économique qui résultait
de l’isolement artificiel, d’origine politique, des régions de la Zonenrandgebiet et, d’autre part, l’article 87, paragraphe
2, sous c), CE démontrerait que la situation des régions frontalières interallemandes concernées était anormale.
61
Premièrement, le fait que, comme l’indiquent la requérante et l’intervenante, l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE reconnaisse
la compatibilité des « aides octroyées à l’économie de certaines régions de la République fédérale d’Allemagne affectées par
la division de l’Allemagne dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par
cette division » ne saurait affecter la qualification d’une mesure d’aide d’État, au sens du traité CECA.
62
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 305, paragraphe 1, CE, les dispositions du traité CE ne modifient
pas celles du traité CECA, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des États membres, les pouvoirs des institutions
de cette Communauté et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier. Les
dispositions du traité CECA conservent, par conséquent, leur champ d’application propre (arrêt du Tribunal du 25 mars 1999,
Forges de Clabecq/Commission,
T-37/97, Rec. p. II-859, point 132). Ce n’est que dans la mesure où des questions ne font pas
l’objet de dispositions du traité CECA ou de réglementations adoptées sur la base de ce dernier que le traité CE et les dispositions
prises pour son application peuvent s’appliquer à des produits relevant du traité CECA (arrêts de la Cour du 15 décembre 1987,
Deutsche Babcock, 328/85, Rec. p. 5119, point 10, et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission,
C-74/00 P
et
C-75/00 P, Rec. p. I-7869, point 100).
63
Or, ainsi que la Cour l’a jugé, la question de l’octroi d’aides d’État fait l’objet des dispositions de l’article 4, sous c),
CA et, par conséquent, en ce qui concerne cette question, les États membres n’ont pas entendu retenir les mêmes règles ni
le même champ d’intervention des Communautés (voir arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, point 62 supra, points
101 et 102).
64
Partant, en l’absence de dispositions dans le traité CECA identiques ou équivalentes à celles de l’article 87, paragraphe
2, sous c), CE, la reconnaissance de la compatibilité d’aides octroyées à l’économie de certaines régions de la République
fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne dans le cadre du traité CE n’affecte ni le champ d’application
de l’article 4, sous c), CA, ni, partant, la notion d’aide d’État, telle qu’elle est énoncée par cette disposition.
65
Quant à l’argument, présenté par l’intervenante, selon lequel l’absence de dispositions dans le traité CECA identiques ou
équivalentes à celles de l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE aurait une raison historique, il ne saurait non plus être
retenu.
66
Il ressort, en effet, tant des termes de l’article 4, sous c), CA que du contexte et des objectifs dans lesquels cette disposition
s’inscrit que le traité CECA a entendu réserver un traitement particulièrement rigoureux à l’interdiction des aides d’État.
Or, quand bien même il était possible de croire, en 1951, comme le soutient le gouvernement allemand, que la division de l’Allemagne
ne serait que temporaire, il n’en demeure pas moins que cette situation, datant de l’établissement en 1948 de la ligne de
partage entre les deux zones occupées, aurait pu être prise en compte à l’époque de la rédaction du traité CECA et être reflétée
dans son texte.
67
Il est vrai que, jusqu’à l’expiration du premier code des aides à la sidérurgie [décision nº 257/80/CECA de la Commission,
du 1er février 1980, instituant des règles communautaires pour les aides spécifiques à la sidérurgie (JO L 29, p. 5)], le 31 décembre 1981,
la Commission a adopté une interprétation différente de celle défendue dans la présente affaire, selon laquelle l’article
4, sous c), CA s’appliquait uniquement aux aides spécifiques en faveur des entreprises du secteur du charbon et de l’acier,
c’est-à-dire aux aides dont ces entreprises bénéficiaient spécialement ou principalement, alors que l’application au secteur
de la sidérurgie des régimes d’aides généraux et régionaux était soumise au contrôle de la Commission sur le fondement à la
fois des dispositions de l’article 67 CA et de celles des articles 87 CE et 88 CE.
68
Sous réserve de l’examen du deuxième moyen portant sur l’interprétation de l’article 4, sous c), CA et de l’article 67 CA,
le fait que, pendant une certaine période, la Commission a pu considérer, dans le cadre de sa pratique décisionnelle, que
des régimes généraux ou régionaux, même dans la mesure où ils étaient applicables au secteur sidérurgique, ne relevaient pas
de l’article 4, sous c), CA ne saurait toutefois affecter le champ d’application du traité CECA.
69
En effet, il ne ressort pas du traité CECA que ses auteurs aient clairement voulu attribuer à l’article 4, sous c), CA un
tel champ d’application restrictif et que, par conséquent, une dérogation à cette disposition, visant à tenir compte de la
division de l’Allemagne, ne leur apparaissait pas nécessaire.
70
De plus, il serait incorrect de tirer de l’existence d’une exception à une interdiction inscrite dans le traité CE une extension
automatique et rétroactive d’une telle exception à une interdiction équivalente contenue dans le traité CECA, conclu antérieurement.
Une telle démarche reviendrait à amender le texte du traité CECA, en contournant les procédures prévues à cet effet.
71
Deuxièmement, même à supposer que, ainsi que l’avance la requérante, la simple existence des dispositions de l’article 87,
paragraphe 2, sous c), CE permette de démontrer la nature « anormale » des conditions existant sur le territoire de la Zonenrandgebiet,
il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, cette constatation ne suffit pas pour écarter l’application de l’article 4, sous c),
CA, en raison du prétendu caractère compensatoire des mesures fiscales prévues par l’article 3 de la ZRFG du désavantage économique
affectant ce territoire.
72
Ainsi que la Cour l’a relevé dans le cadre du traité CECA, l’abolition et l’interdiction établies par l’article 4, sous c),
CA, ayant un caractère général et absolu, ne peuvent être annulées par la mise en œuvre d’une procédure de compensation approximative
et incertaine (arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, point 27 supra, p. 55). Or, la requérante
n’a pas démontré le caractère certain du lien de causalité existant entre ce désavantage allégué et les mesures destinées
à le compenser.
73
Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence constante que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être
appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêts
de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16, et France/Commission,
C-241/94, point
29 supra, point 33).
74
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’intervenante, lors de la procédure administrative devant la Commission,
s’est simplement limitée à faire référence à l’exception au principe d’interdiction des aides d’État prévue à l’article 87,
paragraphe 2, sous c), CE pour considérer que les mesures de l’article 3 de la ZRFG compensaient un désavantage causé par
la division de l’Allemagne. Il en a été de même au cours de la procédure écrite devant le Tribunal. Or, ainsi qu’il a été
précisé aux points 64 à 66 ci-dessus, l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE ne s’applique pas et n’a pas d’équivalent dans
le cadre du traité CECA. De plus, l’examen du caractère compensatoire de telles mesures s’inscrit dans le pouvoir d’appréciation
de la Commission consistant à vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont remplies (voir, en ce sens, arrêt
du Tribunal du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission,
T-132/96 et
T-143/96, Rec. p. II-3663, point 140).
75
Dès lors, la simple invocation de l’exception prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE ne saurait être considérée
comme la démonstration d’un lien de causalité certain, au titre du traité CECA, entre l’avantage accordé à la requérante et
un prétendu désavantage économique dont souffriraient les entreprises situées dans la Zonenrandgebiet.
76
Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.
Sur la troisième branche, tirée de la prétendue nécessité d’examiner les règles fiscales des États membres de la Communauté
pour déterminer ce que constitue une charge fiscale « normale »
– Arguments des parties
77
La requérante estime que la décision attaquée ne fait mention d’aucun critère sérieux et contrôlable par le juge communautaire
en vue de déterminer ce qui est une charge fiscale « normale » pour les entreprises, par rapport à laquelle on pourrait apprécier
l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 4, sous c), CA. Selon la requérante, en vue d’effectuer sa comparaison
avec la « normalité », la Commission n’aurait pas dû se référer aux seules dispositions fiscales de la République fédérale
d’Allemagne, comme elle l’a fait au considérant 60 de la décision attaquée, où elle a opposé les règles sur les amortissements
dérogatoires découlant de la ZRFG aux règles générales applicables en Allemagne aux amortissements dérogatoires. La Commission
aurait dû également se référer aux taux d’imposition ainsi qu’aux périodes d’amortissement des biens d’investissement applicables
au secteur sidérurgique dans l’ensemble du marché commun ou, tout au moins, dans les États membres dans lesquels sont établis
les concurrents de la requérante. Seul cet examen comparatif des règles fiscales applicables dans les différents États membres
aurait permis de vérifier si l’application de l’article 3 de la ZRFG a fait bénéficier la requérante d’un avantage ayant la
même nature et des effets identiques à une subvention au sens strict du mot.
78
La défenderesse rétorque que les conditions de base, en particulier les infrastructures, varient d’un État membre à l’autre
et que, en règle générale, une fiscalité plus lourde est liée à de meilleures conditions de base. C’est la raison pour laquelle,
selon elle, l’État membre concerné constitue le point de référence qu’il convient de prendre en compte pour l’examen du caractère
sélectif de la mesure en cause. Il serait donc sans intérêt de procéder à une comparaison entre les règles applicables dans
les différents États membres à ce sujet.
– Appréciation du Tribunal
79
Ainsi que la Cour l’a jugé dans le cadre du traité CE, l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE commande uniquement
de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure étatique est de nature à favoriser « certaines entreprises
ou certaines productions » par rapport à d’autres, lesquelles se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit
régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêts de la Cour du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et
Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke,
C-143/99, Rec. p. I-8365, point 41, et Espagne/Commission, point 42 supra, point 47).
80
Une telle appréciation doit également prévaloir pour ce qui concerne le traité CECA (voir, en ce sens, arrêt Ecotrade, point
27 supra, point 41).
81
Par conséquent, pour identifier ce que constitue un avantage, au sens de la jurisprudence relative à la notion d’aide d’État,
il est impératif de déterminer le point de référence, dans le cadre d’un régime juridique donné, à l’aune duquel cet avantage
sera comparé. En l’espèce, en vue de déterminer ce qui constitue une charge fiscale « normale », au sens de ladite jurisprudence,
il ne saurait être procédé à un examen comparatif des règles fiscales applicables dans l’ensemble des États membres, voire
simplement de certains d’entre eux, sans dénaturer la vocation des dispositions relatives au contrôle des aides d’État. En
effet, en l’absence d’harmonisation au niveau communautaire des dispositions fiscales des États membres, cet examen reviendrait
à comparer des situations factuelles et juridiques différentes qui résultent de disparités législatives ou réglementaires
entre les États membres. Les données fournies par la requérante dans le cadre du présent recours illustrent d’ailleurs la
disparité qui existe entre les États membres, notamment quant à l’assiette et aux taux d’imposition des biens d’investissement.
82
Dès lors, c’est à bon droit que la Commission a uniquement examiné l’avantage découlant des mesures de l’article 3 de la ZRFG
par rapport au régime fiscal de droit commun allemand.
83
En outre, contrairement à ce que prétend la requérante, la jurisprudence communautaire n’impose pas à la Commission de rapporter
la preuve que l’allégement de charges devant normalement être supportées par une entreprise a eu le même effet qu’une subvention
au sens strict du mot.
84
En effet, si la notion d’aide d’État comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes,
mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une
entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques
(voir, notamment, arrêts De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, point 27 supra, p. 39 ; Banco Exterior
de España, point 27 supra, point 13, et Ecotrade, point 27 supra, point 34), la jurisprudence n’a pas pour objet d’établir
une hiérarchie entre ce qui constituerait une subvention au sens strict du mot, d’une part, et les autres mesures assimilables
à une telle subvention, d’autre part, mais de définir la notion d’aide, au sens de l’article 4, sous c), CA. Il résulte de
cette définition que, dès lors que la preuve est rapportée qu’une intervention étatique constitue un allégement de charges
qui normalement auraient dû grever le budget d’une entreprise, cette mesure doit être qualifiée d’aide et possède, en raison
même de cette qualification, un effet identique à une subvention au sens strict du mot. Contrairement à ce que suggère la
requérante, aucune preuve supplémentaire ne doit, par conséquent, être rapportée.
85
La troisième branche du premier moyen doit, par conséquent, être rejetée.
Sur la quatrième branche, tirée de la prétendue obligation, pour la Commission, de démontrer que les effets sur la concurrence
des mesures fiscales de l’article 3 de la ZRFG sont identiques à ceux d’une subvention classique
– Arguments des parties
86
La requérante fait valoir que la décision attaquée ne contient aucune appréciation des effets que les mesures fiscales critiquées
par la Commission auraient produits sur la concurrence, alors qu’il ressortirait du point 34 de l’arrêt Ecotrade, point 27
supra, que la Commission ne peut qualifier d’aides, au sens de l’article 4, sous c), CA, des mesures étatiques qui réduisent
les charges d’entreprises que si elle a préalablement établi que ces mesures possèdent les mêmes effets sur la concurrence
qu’une subvention classique.
87
La défenderesse estime tout d’abord que le contrôle des aides n’est qu’une tâche limitée, car il a pour but non pas de supprimer
toutes les distorsions de concurrence à l’intérieur du marché commun, mais seulement d’interdire certains aspects de l’intervention
publique, comme l’octroi d’aides. La défenderesse fait également observer que la notion d’aide est plus générale que celle
de subvention, puisqu’elle englobe également les mesures qui, par leur nature et leurs effets, sont équivalentes à des subventions
directes. Il s’ensuit, selon elle, que, pour qualifier des mesures d’aides au sens de l’article 4, sous c), CA, il n’est pas
nécessaire de prouver au préalable que les mesures en cause ont les mêmes effets sur la concurrence que les subventions classiques.
De surcroît, les dispositions pertinentes en matière d’aides, à savoir l’article 87, paragraphe 1, CE et l’article 4, sous c),
CA, n’établiraient aucune distinction entre les aides qui sont des subventions au sens classique du terme et celles qui ne
le sont pas. Quant à l’arrêt Ecotrade, point 27 supra, concernant la distinction entre les subventions au sens strict du mot,
à savoir les apports directs d’argent, d’une part, et les autres formes d’aides, comme la renonciation à des recettes fiscales
qui auraient normalement été perçues, d’autre part, la défenderesse fait observer que cette distinction est totalement hors
de propos pour l’appréciation des mesures en cause et n’a aucune influence sur l’examen de la sélectivité de celles-ci.
– Appréciation du Tribunal
88
Par sa quatrième branche, d’une part, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné si un allégement de charges
qui normalement grèvent le budget d’une entreprise produit des effets identiques à ceux d’une subvention classique. D’autre
part, la requérante soutient qu’il ressortirait de l’arrêt Ecotrade, point 27 supra, que la Commission aurait dû rapporter
la preuve des effets sur la concurrence des mesures découlant de l’article 3 de la ZRFG.
89
En ce qui concerne le premier grief, pour les motifs identiques à ceux indiqués au point 84 ci-dessus, le Tribunal considère
que la Commission n’est pas soumise à l’obligation d’examiner si un allégement de charges qui normalement grèvent le budget
d’une entreprise produit des effets identiques à ceux d’une subvention au sens strict du terme. Ce grief doit donc être rejeté.
90
En ce qui concerne le second grief, relatif à la nécessité de démontrer les effets sur la concurrence des mesures découlant
de l’article 3 de la ZRFG, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de l’article 4, sous c), CA, les aides
d’État sont réputées incompatibles avec le marché commun, sans qu’il soit nécessaire d’établir ni même de rechercher si, en
fait, une atteinte aux conditions de la concurrence existe ou risque de se produire (arrêts du Tribunal du 12 mai 1999, Moccia
Irme e.a./Commission,
T-164/96 à
T-167/96,
T-122/97 et
T-130/97, Rec. p. II-1477, point 82, et du 16 décembre 1999, Acciaierie
di Bolzano/Commission,
T-158/96, Rec. p. II-3927, point 113).
91
Par conséquent, pour relever des dispositions de l’article 4, sous c), CA, une mesure d’aide ne doit pas nécessairement avoir
d’incidence sur les échanges entre les États membres ou sur la concurrence (arrêts de la Cour du 21 juin 2001, Moccia Irme
e.a./Commission,
C-280/99 P à
C-282/99 P, Rec. p. I-4717, points 32 et 33, et Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, point 62 supra,
point 102).
92
De surcroît, contrairement à ce qu’avance la requérante, le point 34 de l’arrêt Ecotrade, point 27 supra, ne vise pas la question
des effets sur la concurrence qu’une mesure susceptible d’être qualifiée d’aide d’État peut engendrer, mais se limite à rappeler
la jurisprudence constante, citée au point 84 ci-dessus, relative à la définition de la notion d’aide d’État.
93
Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’avait pas à examiner si les mesures fiscales
prévues par l’article 3 de la ZRFG avaient une incidence sur la concurrence afin de pouvoir les qualifier d’aides d’État,
au sens de l’article 4, sous c), CA.
94
Il s’ensuit que la quatrième branche du premier moyen doit être rejetée, ainsi que le premier moyen dans son intégralité.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 4, sous c), CA et de l’article 67 CA Arguments des parties
95
La requérante soutient que, en raison de l’« intégration partielle » instaurée par le traité CECA, l’article 4, sous c), CA
vise uniquement les aides spécifiques en faveur des entreprises du secteur du charbon et de l’acier. Par conséquent, les aides
dites « non spécifiques », c’est-à-dire, en l’espèce, les régimes d’aides dont bénéficient non seulement les entreprises du
secteur du charbon et de l’acier, mais aussi celles de tous les autres secteurs de l’économie, ne tomberaient pas sous le
coup de l’interdiction énoncée à l’article 4, sous c), CA. Selon la requérante, sur la base de la jurisprudence de la Cour
et de la pratique administrative de la Commission, les régimes des États membres établissant des aides non spécifiques sont
uniquement soumis à un contrôle coordonné, régi par les dispositions du traité CE relatives aux aides étatiques et par celles
de l’article 67 CA.
96
La requérante estime, par conséquent, que la décision attaquée repose sur un élargissement, contraire au traité, du champ
d’application de l’article 4, sous c), CA. Cet élargissement n’aurait pas pu modifier valablement les champs d’application
respectifs de l’article 4, sous c), CA et de l’article 67 CA. Selon la requérante, cet élargissement s’est produit lors de
l’adoption des codes des aides à la sidérurgie, par lesquels la Commission s’est, depuis 1986, départie de la distinction
entre aides spécifiques et aides non spécifiques.
97
La requérante soutient que l’application de l’article 67 CA ne se limite pas aux mesures des États membres n’ayant pas le
caractère d’une aide d’État. Cette disposition s’appliquerait à toutes les mesures de soutien non spécifiques que les États
membres ont adoptées dans le cadre de leur compétence générale en matière de politique économique et fiscale. Par ailleurs,
conformément notamment à l’article 305 CE, la Commission n’aurait pas pu modifier, par l’adoption des différents codes des
aides à la sidérurgie ultérieurs, le caractère partiel de l’intégration opérée par le traité CECA.
98
Selon la requérante, dans la mesure où les règles fiscales prévues à l’article 3 de la ZRFG ne constituent pas des aides d’État,
au sens de l’article 4, sous c), CA, l’obligation de notification invoquée par la Commission aux considérants 67 à 76 de la
décision attaquée n’existait pas. En revanche, de l’avis de la requérante, les mesures fiscales de l’article 3 de la ZRFG
constituaient une « action d’un État membre », au sens de l’article 67, paragraphe 1, CA, que la République fédérale d’Allemagne
aurait dû porter à la connaissance de la Commission si leur application avait exercé une « répercussion sensible sur les conditions
de la concurrence dans l’industrie de l’acier ». Selon la requérante, la question de savoir si ces conditions étaient réunies
en l’espèce est sans importance, puisque le gouvernement allemand a porté à plusieurs reprises la ZRFG à la connaissance de
la Commission, dans le cadre de notifications au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. Par ailleurs, il serait sans importance
que la République fédérale d’Allemagne, ainsi que le remarque la Commission au considérant 66 de la décision attaquée, n’ait
pas invoqué l’article 67 CA au cours de la procédure administrative, étant donné que, selon la requérante, ledit article est
une disposition impérative reposant sur un partage des compétences entre la Communauté et les États membres, prévu par le
traité CECA dans l’optique d’une intégration partielle.
99
L’intervenante se rallie aux arguments de la requérante.
100
La défenderesse rétorque que la distinction entre aides générales et aides spécifiques n’est pas pertinente, puisque le traité
CECA n’établit pas une telle distinction. Elle fait valoir que si l’article 67 CA peut s’appliquer à de vastes pans de la
politique fiscale des États membres, il ne s’applique pas aux mesures fiscales qui ne relèvent que de l’article 4, sous c),
CA. Cette délimitation montrerait clairement que, pour rechercher la disposition applicable au sein du traité CECA, seul le
caractère d’aide est déterminant.
101
Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la défenderesse soutient également que la rigueur de l’interdiction
énoncée à l’article 4, sous c), CA serait dénuée de sens si cette disposition ne s’appliquait pas à un régime d’aides non
réservé au secteur du charbon et de l’acier. Selon la défenderesse, il serait facile pour les États membres d’échapper à l’application
de cette disposition en ayant recours à un régime d’aides non spécifique qui, par ses modalités, bénéficierait non pas exclusivement,
mais principalement au secteur du charbon et de l’acier.
102
Enfin, la défenderesse fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour, les interventions visées par les dispositions de
l’article 67 CA ne peuvent pas être celles que l’article 4, sous c), CA déclare, quelle que soit leur forme, incompatibles
avec le marché commun du charbon et de l’acier, abolies et interdites. Selon la défenderesse, l’article 67, paragraphe 2,
CA est une disposition spéciale devant être appliquée dans le respect des conditions qu’elle prévoit. À cet égard, seule la
Commission serait exceptionnellement habilitée à autoriser certaines aides financières dans l’hypothèse visée à l’article
67, paragraphe 2, premier tiret, CA ou à les consentir dans le cadre rigoureux des dispositions des articles 54 CA à 56 CA.
Selon la défenderesse, en tout état de cause, l’article 4, sous c), CA, prévoyant l’interdiction des aides, constitue la règle
générale, alors que l’article 67, paragraphe 2, premier tiret, CA, permettant dans certains cas d’autoriser des aides, est
l’exception.
Appréciation du Tribunal
103
À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 80 CA, seules les entreprises exerçant une activité
de production dans le domaine du charbon et de l’acier sont soumises au traité CECA.
104
Il s’ensuit qu’une entreprise n’est assujettie à l’interdiction énoncée à l’article 4, sous c), CA que dans la mesure où elle
exerce une telle activité de production (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 décembre 1959, Société des fonderies de
Pont-à-Mousson/Haute Autorité, 14/59, Rec. p. 445, 467 et 468, et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission,
C-334/99, Rec.
p. I-1139, point 78).
105
En l’espèce, il est constant que, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 13 de la décision attaquée, la requérante
est une entreprise, au sens de l’article 80 CA.
106
Compte tenu de la réponse apportée au premier moyen, le Tribunal considère que l’examen du présent moyen se limite à déterminer
si la Commission a retenu à bon droit, dans la décision attaquée, que l’article 4, sous c), CA s’appliquait à un régime d’aides
non spécifique au secteur du charbon et de l’acier.
107
En vertu de l’article 4, sous c), CA, sont interdites, dans les conditions prévues au traité CECA, les subventions ou aides
accordées par les États, sous quelque forme que ce soit.
108
Cette disposition vise à abolir et à interdire certaines interventions des États membres dans le domaine que le traité CECA
soumet à la compétence communautaire (voir, en ce sens, arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité,
point 27 supra, p. 47).
109
Il y a lieu de relever que l’article 4, sous c), CA n’établit aucune distinction entre les aides individuelles et les régimes
d’aides ni entre les régimes d’aides spécifiques ou non au secteur du charbon et de l’acier. De plus, l’interdiction des aides
d’État prévue par cette disposition est formulée de manière stricte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 septembre 1999,
RJB Mining/Commission,
T-110/98, Rec. p. II-2585, point 76).
110
S’agissant de l’article 67 CA, celui-ci tend à parer aux atteintes à la concurrence que l’exercice des pouvoirs retenus par
les États membres ne peut manquer d’entraîner (arrêts De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, point 27
supra, p. 47, et arrêt du Tribunal du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission,
T-6/99, Rec. p. II-1523, point 83).
L’article 67 CA se borne ainsi à prévoir des mesures de sauvegarde que la Communauté peut adopter contre l’action d’un État
membre, laquelle, tout en exerçant une influence sensible sur les conditions de concurrence dans les industries du charbon
et de l’acier, ne porte pas de façon immédiate et directe sur ces industries (arrêt de la Cour du 10 mai 1960, Hauts fourneaux
et fonderies de Givors e.a./Haute Autorité, 27/58 à 29/58, Rec. p. 503, 526).
111
Il s’ensuit que le juge communautaire a déclaré que l’article 4, sous c), CA et l’article 67 CA visent deux domaines distincts
(arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, point 27 supra, p. 47, et arrêt de la Cour du 20 septembre
2001, Banks,
C-390/98, Rec. p. I-6117, point 88), l’article 67 CA ne relevant pas de la matière des aides d’État (arrêt Forges
de Clabecq/Commission, point 62 supra, point 141). Partant, l’article 67 CA n’est pas une application particulière de l’article
4, sous c), CA.
112
Certes, dès le début des années 70 et jusqu’à l’adoption de la décision n° 2320/81/CECA de la Commission, du 7 août 1981,
instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 228, p. 14), laquelle constitue le deuxième code
des aides à la sidérurgie, la Commission a considéré que l’article 4, sous c), CA s’appliquait uniquement aux aides spécifiques
en faveur des entreprises sidérurgiques, c’est-à-dire aux aides dont ces entreprises bénéficiaient spécialement ou principalement,
alors que l’application à la sidérurgie des régimes d’aides généraux et régionaux était soumise au contrôle de la Commission
sur la base à la fois des dispositions de l’article 67 CA et de celles des articles 87 CE et 88 CE.
113
Cette position s’expliquait à la fois par la nécessité d’éviter que, en raison de l’interdiction stricte de l’article 4, sous
c), CA, des distorsions de concurrence au détriment des industries actives dans le secteur du charbon et de l’acier se produisent,
alors même que des aides seraient accordées aux autres industries du pays considéré, et par la nécessité de trouver une solution
à l’ampleur des difficultés économiques et financières qui affectaient profondément le secteur sidérurgique. En effet, devant
l’effort de restructuration nécessaire du secteur qui dépassait tant les « moyens financiers de la quasi-totalité des entreprises
sidérurgiques » que les fonds dont disposait la Communauté pour faire face à cette situation, la Commission, sur avis conforme
du Conseil à l’unanimité, a instauré un système de contrôle et de communautarisation des aides à la sidérurgie des États membres
« dont le caractère communautaire [était] sauvegardé par leur conformité aux orientations que la Communauté fait sienne en
la matière » (premier considérant du premier code des aides à la sidérurgie). Il était néanmoins prévu que le premier code
des aides à la sidérurgie pouvait se limiter aux seules aides spécifiques, puisque l’application à la sidérurgie des régimes
d’aides généraux régionaux était soumise au contrôle de la Commission sur la base des dispositions de l’article 67 CA et des
articles 87 CE et 88 CE.
114
Toutefois, l’adoption d’une telle approche, favorable aux entreprises sidérurgiques, ne signifie pas pour autant que, dans
le cadre de son contrôle des aides d’État, la Commission avait abandonné toute possibilité de constater que, en raison de
la restructuration nécessaire des entreprises sidérurgiques et de la nécessité de supprimer progressivement les aides d’État,
l’interdiction de l’article 4, sous c), CA devait retrouver, en principe, toute son application, à moins que ces aides, qu’elles
soient spécifiques ou non au secteur sidérurgique, puissent être considérées par la Commission comme constituant des aides
dites « communautaires » et, partant, compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun. C’est, en effet, dans ce sens
qu’il convient d’interpréter le deuxième code des aides à la sidérurgie ainsi que les codes subséquents, y compris le sixième
code des aides à la sidérurgie, sur lequel est fondée la décision attaquée.
115
Si, par conséquent, à compter du deuxième code des aides à la sidérurgie, les codes visent « toutes les aides à la sidérurgie
[…] qu’elles soient ou non spécifiques », cette précision a simplement pour objet de restituer à l’article 4, sous c), CA
sa portée originelle, puisque ce dernier n’établit aucune distinction entre les types d’aides qu’il soumet à son interdiction.
116
En l’espèce, ainsi que le Tribunal l’a constaté dans le cadre de l’examen du premier moyen, les mesures fiscales prévues par
l’article 3 de la ZRFG en faveur de la requérante constituant des aides d’État, ces mesures relèvent, par conséquent, du champ
d’application de l’article 4, sous c), CA.
117
Dès lors, nonobstant l’incertitude qu’a pu entraîner, en l’espèce, le changement d’interprétation de la Commission, élément
qui sera examiné dans le cadre de l’appréciation du septième moyen ci-après, il s’ensuit que c’est à bon droit que la Commission
a considéré au considérant 66 de la décision attaquée que l’article 4, sous c), CA s’appliquait en l’espèce, à l’exclusion
de l’article 67 CA.
118
Le deuxième moyen, tiré d’une prétendue erreur dans l’interprétation de l’article 4, sous c), CA et de l’article 67 CA, doit,
par conséquent, être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré du défaut d’application de l’article 95 CA Arguments des parties
119
La requérante estime que, dans l’hypothèse où le Tribunal n’accueillerait pas le moyen tiré de l’interprétation erronée de
l’article 67 CA, il devrait être reconnu que la Commission a commis une erreur en n’examinant pas d’office si les mesures
fiscales découlant de l’article 3 de la ZRFG pouvaient être déclarées compatibles avec le marché commun, au regard de tous
les objectifs du traité CECA (articles 2 CA à 4 CA). Dans sa réplique, la requérante précise que la Commission ne jouit d’aucun
pouvoir discrétionnaire pour trancher la question de savoir si elle doit procéder à un contrôle au titre de l’article 95 CA.
Son pouvoir discrétionnaire se limiterait seulement à l’interprétation et à l’application des articles 2 CA, 3 CA et 4 CA
mentionnés à l’article 95 CA.
120
La requérante conteste l’affirmation de la Commission, énoncée au considérant 123 de la décision attaquée, selon laquelle
l’arrêt du Tribunal rendu dans l’affaire Irish Steel (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1999, Wirtschaftsvereinigung Stahl/Commission,
T-106/96, Rec. p. II-2155) lui interdit d’autoriser, sur la base de l’article 95 CA, des aides qui ne répondent pas aux critères
d’autorisation fixés par les codes des aides à la sidérurgie. De l’avis de la requérante, dans l’arrêt précité, le Tribunal
a statué en ce sens que l’interdiction énoncée par chacun de ces codes était valable uniquement pour les aides qu’il énumère
et qu’il considère comme compatibles avec le traité CECA, la Commission étant uniquement liée par ledit code lorsqu’elle apprécie
la compatibilité avec le traité d’aides visées par celui-ci. Selon la requérante, en dehors de cette hypothèse, le code des
aides à la sidérurgie n’a pas à être appliqué et ne peut donc pas préjuger d’une décision de la Commission fondée sur l’article
95 CA. Dans la mesure où les règles sur les amortissements dérogatoires prévues à l’article 3 de la ZRFG ne correspondent
pas à la définition des aides visées par les codes des aides à la sidérurgie, la requérante soutient que l’adoption d’une
décision au titre de l’article 95 CA n’était pas exclue.
121
La requérante ajoute que, eu égard aux objectifs du traité CECA tels qu’énoncés aux articles 2 CA, 3 CA, et 4 CA, la reconnaissance
de la compatibilité de l’article 3 de la ZRFG était réellement nécessaire afin d’assurer l’existence d’incitations suffisantes
pour que les entreprises développent et améliorent [article 3, sous d), CA] le potentiel de production de leurs établissements
dans les régions limitrophes ainsi que pour éviter à ces régions une exode de leur main-d’oeuvre et une désertification économique
(article 2, deuxième alinéa, CA). Il s’agit, selon la requérante, des mêmes considérations politiques qui ont conduit les
auteurs du traité de Rome, en raison de la division artificielle de l’Europe, à déclarer, à l’article 87, paragraphe 2, sous
c), CE, que les soutiens accordés à certaines zones frontalières étaient compatibles avec le marché commun. Ainsi, ces considérations
devraient aussi être prises en compte eu égard aux objectifs poursuivis par le traité CECA. En l’espèce, la Commission n’aurait
pas satisfait à cet examen dans le cadre de l’article 95 CA.
122
L’intervenante soutient qu’un défaut de notification de l’État membre au titre de l’article 95 CA n’est pas suffisant pour
dispenser, ou même empêcher, la Commission de prendre une initiative au titre de cette disposition et, éventuellement, de
déclarer des aides compatibles avec le marché commun.
123
L’intervenante indique encore que les codes des aides à la sidérurgie ne mentionnent pas le cas particulier de la compensation
des désavantages occasionnés par la division de l’Allemagne. L’inapplicabilité des codes des aides à la sidérurgie découlerait
également de l’arrêt rendu dans l’affaire Irish Steel, point 120 supra, selon lequel les aides ne relevant pas des catégories
visées par les dispositions desdits codes peuvent bénéficier d’une dérogation individuelle au titre de l’article 95 CA. Selon
l’intervenante, étant donné que ces mesures compensatrices de dommages ne peuvent, en aucun cas, être assimilées à une aide
régionale, au sens des codes des aides à la sidérurgie, lesdits codes n’étaient donc pas applicables en l’espèce et ne s’opposaient
dès lors pas à une décision de la Commission prise au titre de l’article 95 CA.
124
Enfin, l’intervenante fait grief à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’exercice de son
pouvoir discrétionnaire au titre de l’article 95 CA. Cette erreur serait due au fait que la Commission n’a pas apprécié l’aide
compensatrice des dommages causés à certaines régions frontalières allemandes en cause à l’aune des dommages spécifiques causés
par le cas de force majeure que constitue la division de l’Allemagne, mais seulement sur la base des règles établies par les
codes des aides à la sidérurgie, lesquelles étaient, en l’espèce, inapplicables. En tout état de cause, l’intervenante estime
que, les désavantages causés par la division de l’Allemagne constituant une situation non prévue par le traité CECA, la Commission
aurait dû apprécier le cas d’espèce sur la base des critères énumérés par l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE.
125
La défenderesse rétorque, en premier lieu, que même si, au-delà de l’application du code des aides à la sidérurgie, la possibilité
d’adopter une décision individuelle au titre de l’article 95 CA a été reconnue par la jurisprudence communautaire pour les
catégories d’aides que le code des aides à la sidérurgie ne vise pas, l’adoption d’une telle décision est subordonnée à l’appréciation
de la Commission. En la matière, il ne saurait être question d’une obligation pesant sur la Commission et encore moins d’une
obligation de vérification d’office. La Commission aurait donc la faculté d’apprécier si certains éléments justifiaient l’application
ponctuelle de l’article 95 CA. À cet égard, la défenderesse renvoie au considérant 124 de la décision attaquée dans lequel
elle indique avoir effectué un examen au titre de l’article 95 CA et avoir décidé de ne pas adopter une décision au titre
dudit article.
126
En second lieu, selon la défenderesse, la décision attaquée ne porte pas sur la ZRFG en tant que telle, mais sur le recours
à des amortissements dérogatoires et à la constitution de réserves exonérées d’impôt par la requérante, c’est-à-dire sur une
aide individuelle. S’agissant de la question relative à la nécessité d’une décision au titre de l’article 95 CA, il serait
donc hors de propos de savoir si la ZRFG était nécessaire pour garantir l’existence, pour les entreprises, d’incitations suffisantes
afin qu’elles développent ou améliorent le potentiel de production de leurs établissements dans les zones frontalières ainsi
que pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de pertes durables d’emploi dans ces zones. Selon la défenderesse, il aurait fallu
démontrer que les amortissements dérogatoires et les réserves exonérées d’impôt étaient indispensables à la réalisation de
certains investissements relevant du traité CECA, ce que la requérante n’a pas fait.
127
Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la défenderesse relève encore que, selon la jurisprudence de la Cour,
l’article 95, premier alinéa, CA n’a pas d’autre objet que celui d’instituer un système de dérogation particulière au traité
CECA en vue de permettre à la Commission de faire face à une situation imprévue. La Commission ne pourrait pas autoriser l’octroi
d’aides étatiques qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs visés par le traité CECA et qui sont de nature
à entraîner des distorsions de la concurrence.
Appréciation du Tribunal
– Considérations préalables
128
Il convient de rappeler que les dispositions de l’article 95 CA habilitent la Commission à adopter une décision ou une recommandation
sur avis conforme du Conseil, statuant à l’unanimité et après consultation du Comité consultatif CECA, dans tous les cas non
prévus par le traité dans lesquels cette décision ou cette recommandation apparaît nécessaire pour réaliser dans le fonctionnement
du marché commun du charbon et de l’acier et conformément aux dispositions de l’article 5 CA l’un des objectifs de la Communauté,
tels qu’ils sont définis aux articles 2 CA, 3 CA et 4 CA.
129
Dans l’économie du traité, l’article 4, sous c), CA ne s’oppose pas à ce que la Commission autorise, à titre dérogatoire,
des aides envisagées par les États membres et compatibles avec les objectifs du traité, en se fondant sur l’article 95, premier
et deuxième alinéas, CA (arrêt du Tribunal du 24 octobre 1977, EISA/Commission,
T-239/94, Rec. p. II-1839, point 63) en vue
de faire face à des situations imprévues.
130
Dans le domaine des aides d’État, la Commission a utilisé l’article 95, premier et deuxième alinéas, CA selon deux approches
différentes. D’une part, ella a adopté des décisions générales, à savoir les codes des aides à la sidérurgie, prévoyant une
dérogation générale à l’interdiction des aides d’État en ce qui concerne certaines catégories d’aides. D’autre part, elle
a arrêté des décisions individuelles autorisant des aides spécifiques à titre exceptionnel.
131
Ainsi, l’article 4, sous c), CA n’interdit pas à la Commission d’autoriser des aides d’État, soit au titre des catégories
spécialement visées par le code des aides à la sidérurgie, soit, pour les aides d’État qui ne relèvent pas de ces catégories,
en se fondant directement sur l’article 95, premier et deuxième alinéas, CA (voir, en ce sens, arrêts EISA/Commission, point
129 supra, points 70 à 72 ; Forges de Clabecq/Commission, point 62 supra, point 79, et DSG/Commission, point 28 supra, point 204).
132
En l’espèce, aux termes de la décision attaquée, la Commission a écarté l’application de l’article 95 CA aux motifs suivants :
« (121) La Commission note tout d’abord que l’Allemagne ne l’a pas saisie d’une demande formelle d’ouvrir dans ce dossier
la procédure prévue à l’article 95 [CA].
(122)
Le système établi par le traité CECA en matière d’aides d’État permet à la Commission, sous certaines conditions et dans le
respect de la procédure prévue à l’article 95 [CA], d’autoriser l’octroi d’aides d’État dans tous les cas non prévus par le
traité dans lesquels une telle décision apparaît nécessaire pour réaliser dans le fonctionnement du marché commun du charbon
et de l’acier, et conformément à l’article 5, l’un des objets de la Communauté tels qu’ils sont définis aux articles 2, 3
et 4.
(123)
Selon l’arrêt du Tribunal du 7 juillet 1999 [Wirtschaftsvereinigung Stahl/Commission,
T-106/96, Rec. p. II-2155], le défaut
de notification n’est pas suffisant pour dispenser ou même empêcher la Commission de prendre une initiative se fondant sur
l’article 95 [CA] et, éventuellement, de déclarer les aides compatibles avec le marché commun. Toutefois, le même arrêt précise
au point 42 que la Commission est liée par le système global instauré par le code [des aides à la sidérurgie] lorsqu’elle
apprécie la compatibilité avec le traité d’aides visées par ledit code. Elle ne saurait, alors, autoriser de telles aides
par une décision individuelle contraire aux règles générales instituées par ce code. Or, les aides régionales à l’investissement
ne sont autorisées par les [codes des aides à la sidérurgie] en vigueur depuis 1986 que dans des zones limitativement définies
et auxquelles n’appartiennent pas les sites où les investissements subventionnés par des amortissements dérogatoires et des
réserves exonérées d’impôt ont été réalisés. Dès lors, la Commission conclut que l’article 95 [CA] ne doit pas s’appliquer
dans le cas d’espèce.
(124)
Par ailleurs, en utilisant son pouvoir discrétionnaire en la matière, la Commission estime qu’elle n’a pas affaire à un cas
non prévu par le traité, dans lequel une décision positive serait nécessaire pour réaliser l’un des objets de la Communauté
tels qu’ils sont définis aux articles 2 [CA], 3 [CA] et 4 [CA]. Par exemple, les aides octroyées ne visaient pas à doter l’industrie
sidérurgique allemande d’une structure assainie et économiquement viable. De même, l’Allemagne n’a jamais fait allusion à
un éventuel plan de réduction de capacités au sein du groupe en question, en relation directe avec l’octroi des amortissements
dérogatoires et des réserves exonérées d’impôt. L’autorisation d’aides en vertu de l’article 95 [CA] ne se justifierait donc
pas ici.
(125)
De plus, dans le contexte de l’évolution de la situation économique et financière du secteur sidérurgique au début des années
90 et des décisions individuelles adoptées sur la base de l’article 95 [CA] qui autorisaient des aides à la restructuration
à différentes entreprises, le Conseil et la Commission ont indiqué, dans leur déclaration conjointe inscrite au procès-verbal
du Conseil du 17 décembre 1993, que, ‘sans préjudice du droit de tout État membre de demander une décision au titre de l’article
95 [CA], et conformément à ses conclusions du 25 février 1993, le Conseil se déclarait fermement résolu à éviter toute nouvelle
dérogation au titre de l’article 95 pour des aides en faveur d’une entreprise particulière’. »
133
Il ressort de ces motifs que la Commission a écarté l’application de l’article 95 CA, à titre principal, en se fondant sur
le point 42 de l’arrêt Wirtschaftsvereinigung Stahl/Commission, point 120 supra, selon lequel elle ne pourrait autoriser une
aide d’État visée par le code des aides à la sidérurgie, en vertu de l’article 95 CA, que si une telle autorisation individuelle
n’était pas contraire aux règles générales instituées par ce code (considérant 123 de la décision attaquée). À titre subsidiaire,
il résulte du considérant 124 de la décision attaquée que la Commission a estimé, en l’espèce, que les conditions d’application
de l’article 95 CA n’étaient pas réunies.
134
Par conséquent, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas refusé d’examiner si l’article 95 CA était
susceptible de trouver application en l’espèce. En effet, il est constant que la Commission a vérifié au considérant 124 de
la décision attaquée, et en dépit de l’absence de demande d’application de l’article 95 CA de la part de la République fédérale
d’Allemagne, si cette disposition était susceptible de s’appliquer. Elle a toutefois considéré que, dans les circonstances
du cas d’espèce, les conditions d’application de cette disposition n’étaient pas réunies. Dans ces circonstances, il n’y a
pas lieu de se prononcer sur le grief soulevé par la requérante relatif à l’interprétation erronée de l’arrêt Wirtschaftsvereinigung
Stahl/Commission, point 120 supra, par la Commission dans la mesure où, nonobstant cette interprétation, la Commission a tout
de même estimé nécessaire, au considérant 124 de la décision attaquée, d’examiner si les conditions d’application de l’article
95 CA étaient réunies en l’espèce.
135
C’est à la lumière de ces précisions qu’il convient de vérifier si, comme le soutient la requérante, la Commission a commis
une erreur d’appréciation en refusant d’appliquer la dérogation de l’article 95 CA à l’interdiction des aides prévue par l’article
4, sous c), CA.
– Sur la prétendue erreur d’appréciation quant au refus d’appliquer l’article 95 CA
136
Tout d’abord, il y a lieu de rappeler qu’il est constant que la Commission jouit d’un pouvoir discrétionnaire au titre de
l’article 95 CA afin d’établir si des aides sont nécessaires aux fins de la réalisation des objectifs du traité (voir, en
sens, arrêt du Tribunal EISA/Commission, point 129 supra, point 72 ; du 7 juillet 1999, British Steel/Commission,
T-89/96,
Rec. p. II-2089, point 47, et Wirtschaftsvereinigung Stahl/Commission, point 120 supra, point 43).
137
Dans ce domaine, le contrôle de légalité doit, par conséquent, se limiter à examiner si la Commission n’a pas excédé les limites
inhérentes à son pouvoir d’appréciation par une dénaturation ou une erreur manifeste d’appréciation des faits ou par un détournement
de pouvoir ou de procédure (voir, notamment, arrêt Wirtschaftsvereinigung Stahl/Commission, point 120 supra, point 63).
138
Afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation
de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité
les appréciations des faits retenus dans la décision en cause (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission,
T-380/94, Rec. p. II-2169, point 59).
139
À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante s’est limitée à indiquer que, eu égard aux objectifs du traité CECA
tels qu’énoncés aux articles 2 CA, 3 CA et 4 CA, la reconnaissance de la compatibilité de l’article 3 de la ZRFG avec le traité
aurait été réellement nécessaire pour assurer l’existence d’incitations suffisantes pour que les entreprises développent et
améliorent [article 3, sous d), CA] le potentiel de production de leurs établissements dans les régions limitrophes ainsi
que pour éviter à ces régions l’exode de leur main-d’oeuvre et la désertification économique (article 2, deuxième alinéa,
CA). Une telle allégation, de caractère général, ne saurait être considérée comme suffisante pour priver de plausibilité l’appréciation
effectuée par la Commission.
140
Par ailleurs, force est de constater que la requérante n’avance aucun élément permettant de démontrer que les aides à l’investissement
sous forme d’amortissements dérogatoires et de réserves exonérées d’impôt versées à son profit étaient indispensables pour
réaliser les objectifs du traité CECA.
141
Le simple renvoi effectué par la requérante à une communication de la République fédérale d’Allemagne, en date du 14 janvier
2000, selon laquelle il serait évident que les aides déclarées compatibles en vertu de l’article 87, paragraphe 2, CE serviraient
également les objectifs du traité CECA énoncés par les articles 2 CA et 3 CA ne saurait être considéré comme une démonstration
du caractère nécessaire des aides en cause, au sens de l’article 95 CA. À cet égard, il suffit de préciser, d’une part, que
l’article 87, paragraphe 2, CE n’est pas applicable dans le contexte du traité CECA et, d’autre part, que l’appréciation de
la nécessité des aides au titre de l’article 95 CA doit se faire à l’aune des objectifs propres du traité CECA, parmi lesquels
les aides déclarées compatibles en vertu de l’article 87, paragraphe 2, CE ne figurent pas.
142
En tout état de cause, le Tribunal estime que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en relevant,
au considérant 124 de la décision attaquée, que la République fédérale d’Allemagne n’avait pas évoqué un éventuel plan de
réduction des capacités au sein du groupe Salzgitter, en relation directe avec les aides octroyées, pour écarter l’éventuelle
application de l’article 95 CA.
143
En effet, s’agissant d’un secteur se trouvant en surcapacité notoire, tel le secteur sidérurgique, la réduction de capacités
de production pouvait effectivement apparaître nécessaire à la réalisation des objectifs du traité, dans le cadre d’aides
susceptibles de bénéficier d’une décision individuelle au titre de l’article 95 CA. Ainsi, une telle réduction peut contribuer
au maintien de conditions incitant les entreprises à développer et à améliorer leur potentiel de production [article 3, sous d),
CA] ou à la modernisation de la production [article 3, sous g), CA]. De plus, dans le cadre de la surcapacité du secteur sidérurgique,
le recours à un tel critère évite de favoriser la réalisation d’initiatives économiquement précaires, qui, parce qu’elles
ne font qu’aggraver les déséquilibres qui affectent les marchés en cause, ne sont finalement pas de nature à résoudre de manière
efficace et durable les problèmes des régions et des entreprises concernées.
144
Partant, compte tenu de la diversité des objectifs fixés par le traité et de la latitude reconnue à la Commission dans son
rôle consistant à assurer la conciliation permanente de ces différents objectifs, en utilisant son pouvoir discrétionnaire
afin de parvenir à la satisfaction de l’intérêt commun (voir notamment, en ce sens, arrêt Wirtschaftsvereinigung Stahl/Commission,
point 120 supra, point 65, et la jurisprudence citée), l’utilisation, en l’espèce, par la Commission du critère de la réduction
des capacités de production ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen de l’applicabilité
de l’article 95 CA.
145
Or, dans la mesure où la Commission n’a pas été à même de considérer que les aides aux investissements en cause réduisaient
les capacités de production de la requérante, faute, notamment, d’avoir été informée par la République fédérale d’Allemagne
d’un éventuel plan de réduction des capacités, la Commission ne pouvait conclure que l’aide en cause tendait à réaliser les
objectifs du traité.
146
Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.
147
Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a constaté à bon droit que les mesures fiscales découlant de l’article
3 de la ZRFG dont a bénéficié la requérante constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché commun. Le Tribunal
considère qu’il y a lieu d’examiner, dès à présent, le septième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique
en ce que la Commission a exigé de la République fédérale d’Allemagne qu’elle récupère les aides déclarées incompatibles auprès
de la requérante.
Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique Arguments des parties
148
La requérante fait observer, tout d’abord, que, au considérant 81 de la décision attaquée, la Commission semble défendre le
point de vue selon lequel une limitation temporelle du droit de récupération d’une aide est exclue d’une manière générale
dans le cadre du traité CECA, à la différence de ce qui est prévu dans le cadre du traité CE, parce qu’elle « irait à l’encontre
du principe fondamental du traité CECA » d’interdiction absolue des aides d’État. Selon la requérante, un tel argument créerait
une différence entre le droit des aides relevant du traité CECA et celui relevant du traité CE qui n’existe, en réalité, ni
dans l’esprit et la conception de ces traités ni dans la pratique de la Commission. Le prétendu caractère absolu d’une interdiction
ne s’opposerait pas au respect du principe de sécurité juridique et à la reconnaissance d’un délai de prescription.
149
Selon la requérante, il s’ensuit que le principe de sécurité juridique peut également être invoqué dans le domaine du traité
CECA. Au demeurant, il s’agirait là d’un principe général de droit dont l’application s’impose également dans le cadre du
droit des aides et qui n’est pas à la disposition de la Commission.
150
La requérante fait ensuite valoir que l’injonction de récupération des aides d’État prévue par le droit communautaire a pour
fonction le prélèvement des avantages concurrentiels, obtenus illégalement, qui ont permis à l’entreprise bénéficiaire de
pratiquer des prix plus avantageux que ses concurrents. Or, selon la requérante, la Commission n’a fait aucune constatation,
en l’espèce, sur les effets exercés par les amortissements dérogatoires prévus à l’article 3 de la ZRFG sur la concurrence.
151
La requérante soutient également que le pouvoir de la Commission d’exiger la récupération d’une aide est, en tout état de
cause, soumis à un délai de prescription de dix ans. Ce délai, prévu par l’article 15 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil,
du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), aurait dû inspirer la Commission
en l’espèce, puisqu’il est le résultat d’une mise en balance du principe de sécurité juridique avec la nécessité de rétablir
une concurrence non faussée.
152
Enfin, en réponse aux questions écrites du Tribunal visant à ce que la requérante étaye et précise certaines de ses affirmations,
cette dernière a indiqué avoir régulièrement adressé, à partir des années 1980/1981, des rapports d’activité et comptes annuels
à la Commission, en particulier aux services en charge, à l’époque, de l’examen des aides et de la restructuration dans le
secteur sidérurgique dans le cadre du système d’exploitation des quotas de production pour l’industrie sidérurgique et des
actions afférentes de la Commission en vue de la restructuration de l’industrie sidérurgique européenne, mis en place dans
les années 80. Ces affirmations ont été réitérées devant le Tribunal.
153
Dans ses écritures, la partie intervenante se réfère à l’arrêt Acciaierie di Bolzano/Commission, point 90 supra, point 69,
par lequel le Tribunal a affirmé que, dans la mesure où, au moment de l’adoption de la décision en cause dans l’affaire ayant
donné lieu à cet arrêt, aucun délai de prescription n’avait été fixé, la Commission n’était pas tenue de respecter un délai
de prescription lorsqu’elle avait adopté ladite décision. Il ressortirait de cet arrêt que le Tribunal aurait traité la question
de la prescription autrement si le règlement n° 659/1999 était déjà entré en vigueur au moment de l’adoption de la décision
litigieuse. Selon l’intervenante, l’applicabilité à titre subsidiaire du traité CE et des dispositions de droit dérivé adoptées
sur la base de celui-ci aux domaines couverts par le traité CECA étant possible, on ne pourrait exclure l’application subsidiaire
de l’article 15 du règlement n° 659/1999 aux aides d’État relevant du traité CECA que si le traité CECA lui était contraire,
ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
154
La défenderesse renvoie au considérant 80 de la décision attaquée et à l’arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission
(
T-126/96 et
T-127/96, Rec. p. II-3437, point 67), aux termes duquel « pour remplir sa fonction consistant à assurer la sécurité
juridique, un délai de prescription doit, en principe, être fixé d’avance par le législateur communautaire ». La défenderesse
fait observer que, en l’espèce, tel n’est pas le cas.
155
Quant à l’argument relatif à l’application subsidiaire du règlement n° 659/1999, la défenderesse note que ce dernier ne concerne
que le traité CE et l’on ne saurait étendre son champ d’application au domaine du traité CECA au moyen d’une interprétation
du droit. Seul le législateur serait habilité à le faire. L’arrêt Acciaierie di Bolzano/Commission, point 90 supra, n’y changerait
rien. En effet, s’il est vrai que ledit règlement était en vigueur au moment de l’adoption de la décision attaquée, il n’en
reste pas moins que le traité CECA ne prévoyait pas de délai de prescription et qu’un tel délai ne s’appliquait donc pas.
156
Enfin, la défenderesse a indiqué, en réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, qu’il importait peu qu’elle ait
pris connaissance ou non des comptes annuels transmis par la requérante, puisque cette transmission ne saurait remplacer une
notification dans le cadre de la procédure régissant les aides d’État.
Appréciation du Tribunal
157
À titre liminaire, il y a lieu de relever que, aux termes du considérant 81 de la décision attaquée, la Commission a indiqué :
« Dans le cadre CECA, toutes les aides nationales sont interdites, sauf autorisation exceptionnelle selon un [code des aides
à la sidérurgie] adopté sur le fondement de l’article 95 [CA]. Cette situation se distingue fondamentalement de celle régie
par l’article 87, paragraphes 1 et 3, [CE], selon lesquels la Commission dispose d’une large marge d’appréciation et n’est
pas confrontée à une interdiction absolue des aides, mais à une éventuelle incompatibilité. Si la règle de prescription prévue
par le règlement […] nº 659/1999 est nécessaire sous l’angle du principe de sécurité juridique dans la situation régie par
le traité CE, une prescription n’a pas de sens dans le secteur CECA, qui reste dominé par l’’interdiction’ absolue des aides.
C’est cette ‘interdiction’ du traité CECA qui garantit la sécurité juridique, car sans autorisation exceptionnelle, les aides
sont illégales. Une limitation temporelle de l’examen des mesures irait à l’encontre de ce principe fondamental du traité
CECA. »
158
Cette analyse ne résiste pas à l’examen.
159
Certes, il est vrai que, pour remplir sa fonction, un délai de prescription doit être fixé par avance. La fixation de ce délai
et de ses modalités d’application relève de la compétence du législateur communautaire. Or, ce dernier n’est pas intervenu
pour fixer un délai de prescription dans le domaine du contrôle des aides accordées au titre du traité CECA (voir, notamment,
arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, point 62 supra, point 139).
160
Cependant, il convient de rappeler que l’exigence fondamentale de la sécurité juridique, dans ses différentes manifestations,
vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt de la Cour
du 15 février 1996, Duff e.a.,
C-63/93, Rec. p. I-569, point 20, et arrêt du Tribunal du 19 mars 1997, Oliveira/Commission,
T-73/95, Rec. p. II-381, point 29).
161
La violation par la Commission de l’exigence fondamentale de la sécurité juridique ne saurait être exclue, en l’espèce, contrairement
à ce qu’a soutenu la Commission devant le Tribunal, ni au motif de l’absence d’un délai de prescription ni en raison de l’absence
de notification préalable des mesures d’aides en cause par la République fédérale d’Allemagne conformément à la procédure
prévue dans le cadre du traité CECA.
162
À cet égard, il y a lieu de noter tout d’abord que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission,
point 62 supra, la Cour n’a pas écarté la possibilité de constater et, le cas échéant, de sanctionner une violation du principe
de sécurité juridique par la Commission dans le cadre de l’adoption d’une décision exigeant la récupération d’aides, en l’absence
d’un délai de prescription et d’une notification préalable de celles-ci (arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission,
point 62 supra, point 140).
163
Ensuite, il convient de rappeler que, en l’espèce, la violation du principe de sécurité juridique est invoquée par la requérante,
bénéficiaire des aides en cause. Or, le mécanisme de contrôle et d’examen des aides d’État organisé par les dispositions du
sixième code des aides à la sidérurgie n’impose pas d’obligation spécifique au bénéficiaire d’une aide. D’une part, l’obligation
de notification et l’interdiction préalable de mise en oeuvre des projets d’aides, prévues par l’article 6 du sixième code
des aides à la sidérurgie, s’adressent à l’État membre. D’autre part, celui-ci est également le destinataire de la décision
par laquelle la Commission constate l’incompatibilité d’une aide et l’invite à la supprimer dans le délai qu’elle détermine
(voir, par analogie, dans le cadre du traité CE, arrêt de la Cour du 11 juillet 1996, SFEI e.a.,
C-39/94, Rec. p. I-3547,
point 73). L’État membre étant le seul interlocuteur institutionnel de la Commission dans le cadre du contrôle des aides d’État
en vertu du traité CECA (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 31 mars 1998, Preussag Stahl/Commission,
T-129/96, Rec. p. II-609,
point 80), la requérante ne saurait donc être tenue pour responsable de l’absence de notification préalable des aides en cause.
164
Faire droit à la thèse défendue par la Commission aurait pour conséquence que son pouvoir d’ordonner la récupération d’une
aide ne pourrait être remis en cause pour la seule raison que cette aide n’a pas été préalablement notifiée par l’État membre,
alors même que cette irrégularité ne saurait être imputable au bénéficiaire de l’aide.
165
Certes, il est vrai que le juge communautaire a exclu que le bénéficiaire d’une aide puisse avoir une confiance légitime dans
la régularité d’une aide si celle-ci a été accordée en violation des dispositions relatives à la procédure de contrôle préalable
des aides d’État, sauf circonstances exceptionnelles. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en
mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée (arrêts de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne,
C-5/89,
Rec. p. I-3437, point 14, et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission,
C-169/95, Rec. p. I-135, point 51 ; arrêts du Tribunal
Preussag Stahl/Commission, point 163 supra, point 77 ; du 29 septembre 2000, CETM/Commission,
T-55/99, Rec. p. II-3207, point
121, et ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, point 110 supra, point 182).
166
Toutefois, la requérante n’invoque pas une confiance légitime dans la régularité de l’aide mais une violation du principe
de sécurité juridique, laquelle ne saurait être limitée aux conditions requises pour la naissance d’une confiance légitime
dans le chef du bénéficiaire des aides.
167
Il y a donc lieu de vérifier si, en l’espèce, la Commission a agi de manière contraire au principe de sécurité juridique.
168
À cet égard, il convient de partir de la situation qui a été créée par la décision de ne pas soulever d’objections que la
Commission a adoptée le 4 août 1971 en ce qui concerne l’application du régime d’aides prévu par l’article 3 de la ZRFG.
169
Ainsi qu’il a été indiqué au point 67 ci-dessus, jusqu’à l’expiration du premier code des aides à la sidérurgie, le 31 décembre
1981, la Commission défendait une interprétation différente de celle adoptée dans la décision attaquée, selon laquelle l’application
à la sidérurgie des régimes d’aides généraux et régionaux était soumise au contrôle de la Commission sur la base à la fois
des dispositions de l’article 67 CA et de celles des articles 87 CE et 88 CE, à l’exclusion de celles de l’article 4, sous c),
CA.
170
Sur le fondement de cette interprétation, il était donc possible de considérer que, jusqu’au 31 décembre 1981, les régimes
d’aides généraux et régionaux à l’égard desquels la Commission n’avait pas soulevé d’objections sur la base des articles 87 CE
et 88 CE − comme c’était le cas, en l’espèce, en ce qui concerne l’article 3 de la ZRFG par la décision de la Commission du
4 août 1971 − pouvaient légalement bénéficier aux entreprises sidérurgiques.
171
En revanche, à compter de l’entrée en vigueur du deuxième code des aides à la sidérurgie, le 1er janvier 1982, puis avec les codes subséquents, la Commission a institué un système unique destiné à assurer un traitement
uniforme de toutes les aides à la sidérurgie, dans le cadre d’une seule procédure, couvrant aussi bien les aides spécifiques
(c’est-à-dire celles qui sont accordées en vertu de régimes ayant pour objet ou effet principal de favoriser les entreprises
sidérurgiques) que les aides non spécifiques, comprenant en particulier celles qui sont accordées en vertu de régimes d’aides
généraux ou régionaux. L’institution d’un tel système s’inscrivait dans le souci d’engager la restructuration indispensable
de l’industrie sidérurgique en crise, en prévoyant la suppression progressive des aides. Les dispositions du deuxième code
des aides à la sidérurgie étaient toutefois silencieuses quant aux conséquences qu’il convenait de tirer de ce nouveau système
pour ce qui concerne les régimes d’aides généraux ou régionaux précédemment autorisés.
172
À compter du troisième code des aides à la sidérurgie [décision nº 3484/85/CECA de la Commission, du 27 novembre 1985, instituant
des règles communautaires pour les aides spécifiques à la sidérurgie (JO L 340, p. 1)], applicable entre le 1er janvier 1986 et le 31 décembre 1988, la Commission a précisé, à l’article 6 de ce code, qu’elle devait être informée, en
temps utile pour présenter ses observations, des « projets » tendant à appliquer au secteur sidérurgique des régimes d’aides
à l’égard desquels elle s’était déjà prononcée sur la base des dispositions du traité CE. Les notifications des projets d’aides
visés à l’article 6 dudit code devaient être faites à la Commission au plus tard le 30 juin 1988.
173
Or, l’adoption, à tout le moins, du troisième code des aides à la sidérurgie peut être analysée, à partir de la date d’adoption
de ce code, comme un retrait implicite de la non-objection contenue dans la décision de la Commission de 1971, pour ce qui
concerne les entreprises relevant du traité CECA, dont la requérante. Par ailleurs, il n’apparaît pas clairement si l’application
ultérieure de l’article 3 de la ZRFG au bénéfice de la requérante relevait de l’obligation de notification des « projets »,
visée par l’article 6 du troisième code des aides à la sidérurgie. En effet, une fois que la requérante avait été admise,
bien avant ledit code, à jouir de l’avantage prévu par l’article 3 de la ZRFG, elle a continué, en pratique, à bénéficier
de l’application de cet article, dont elle remplissait les conditions.
174
Par conséquent, la situation qui a découlé de l’adoption des deuxième et troisième codes des aides à la sidérurgie s’est caractérisée
par les éléments d’incertitude et de défaut de clarté suivants, imputables à la Commission :
–
le caractère implicite du retrait partiel − et, partant, de nature insuffisamment claire − de la non-objection contenue dans
la décision de la Commission de 1971 ;
–
une ambiguïté quant à la portée du retrait partiel implicite de la non-objection précitée en ce qui concerne la question de
savoir si l’application ultérieure de l’article 3 de la ZRFG devait être notifiée en tant que « projet », au sens de l’article 6
du troisième code des aides à la sidérurgie.
175
À cette situation d’incertitude et de défaut de clarté se sont greffés des éléments ultérieurs (indiqués aux points 179 et
suivants ci-après), liés au cadre juridique (décrit aux points 176 à 178 ci-après) qui a été établi à la suite de la constatation
de la crise manifeste dans le secteur sidérurgique.
176
En raison de cet état de crise manifeste, la Commission a introduit, par la décision nº 2794/80/CECA, du 31 octobre 1980,
instaurant un système de quotas de production d’acier pour les entreprises de l’industrie sidérurgique (JO L 291, p. 1), un
système de quotas afin de rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché sidérurgique, en raison de la surcapacité
de l’appareil de production. Il était prévu que le calcul des quotas devait être fondé sur les productions de référence de
chaque entreprise sidérurgique, moyennant certaines adaptations, en particulier pour tenir compte d’investissements réalisés
ou des efforts de restructuration des entreprises. Pour l’application de ce régime de quotas, la Commission possédait des
informations régulières et rapides sur la production et les livraisons des entreprises concernées et disposait de pouvoirs
de vérification, y compris sur place, des informations qui lui étaient transmises. Ce système complexe de fixation de quotas
et de surveillance du marché, géré par la Commission, a été prorogé à plusieurs reprises par cette dernière, dans un souci
d’affinement et de perfectionnement.
177
Dans l’optique de l’adaptation du régime ainsi mis en place, la Commission a établi un lien clair entre l’attribution d’aides
non autorisées et les quotas de production, afin d’éviter un cumul de ces mesures. En effet, à partir de la décision nº 2177/83/CECA
de la Commission, du 28 juillet 1983, prorogeant le régime de surveillance et de quotas de production de certains produits
pour les entreprises de l’industrie sidérurgique (JO L 208, p. 1), la Commission pouvait, en vertu de l’article 15 A de ladite
décision, « réduire les quotas d’une entreprise, dès lors qu’elle constat[ait] que l’entreprise en cause a[vait] bénéficié
d’aides non autorisées par la Commission au titre de la décision nº 2320/81/CECA [deuxième code des aides à la sidérurgie]
ou que les conditions liées à l’autorisation des aides n’[avaient] pas été respectées ». Aux termes de cette disposition,
« une telle constatation exclu[ai]t également l’entreprise d’une adaptation [des quotas] au titre des articles 14, 14 A, 14 B,
14 C et 16 de la décision [n° 2177/83] ». Une formulation substantiellement identique figurait dans les décisions suivantes
de prorogation du régime de surveillance et de quotas, notamment à l’article 15 A de la décision nº 3485/85/CECA de la Commission,
du 27 novembre 1985, prorogeant le système de surveillance et de quotas de production pour les entreprises de l’industrie
sidérurgique (JO L 340, p. 5), et à l’article 15 A de la décision nº 194/88/CECA de la Commission, du 6 janvier 1988, prorogeant
le système de surveillance et de quotas de production de certains produits pour les entreprises de l’industrie sidérurgique
(JO L 25, p. 1), jusqu’au 30 juin 1988. Il convient d’ailleurs de relever que la Cour a jugé à plusieurs reprises que le régime
des quotas et les codes des aides à la sidérurgie formaient un ensemble cohérent et poursuivaient un but commun, à savoir
la restructuration nécessaire pour adapter la production et les capacités à la demande prévisible et rétablir la compétitivité
de la sidérurgie européenne, et qu’il n’était ni arbitraire ni discriminatoire que les données résultant de l’application
de l’un de ces systèmes puissent être reprises à titre de référence dans l’autre (arrêts de la Cour du 15 janvier 1985, Finsider/Commission,
250/83, Rec. p. 131, point 9 ; du 15 octobre 1985, Krupp et Thyssen/Commission, 211/83, 212/83, 77/84 et 78/84, Rec. p. 3409,
point 34, et du 7 avril 1987, Dillinger Hüttenwerke/Commission, 226/85, Rec. p. 1621, point 2).
178
La Commission était, par conséquent, nécessairement amenée à vérifier les informations relatives à la production des entreprises
sidérurgiques qu’elle recevait de ces dernières, en particulier afin de déterminer si le maintien ou l’augmentation de capacités
de production ne résultaient pas d’aides d’État non autorisées, lesquelles auraient pu contrevenir à l’objectif de restructuration
du secteur sidérurgique. Cette vérification avait notamment pour objet de déterminer si les quotas de production qui étaient
octroyés aux entreprises de manière périodique et nominative devaient, le cas échéant, être réduits. Par ailleurs, la Commission
ne pouvait ignorer les obligations renforcées qu’elle imposait, dans le même temps, aux entreprises sidérurgiques de communiquer
leurs programmes d’investissements, y compris les sources de financement de ces derniers, afin de déceler en temps utile l’apparition
d’évolutions risquant d’aggraver les déséquilibres en matière de capacités de production, conformément à la décision nº 3302/81/CECA
de la Commission, du 18 novembre 1981, relative aux informations que les entreprises de l’industrie de l’acier sont tenues
de fournir au sujet de leurs investissements (JO L 333, p. 35), telle que modifiée par la décision nº 2093/85/CECA de la Commission,
du 26 juillet 1985 (JO L 197, p. 19), en vigueur jusqu’au 16 octobre 1991.
179
C’est dans ce contexte d’obligations particulières pesant sur les entreprises sidérurgiques que la requérante, à l’époque
dénommée Stahlwerke Peine – Salzgitter AG, a adressé à la Commission, à la fin de l’année 1988, son rapport d’activité et
ses comptes annuels pour les années 1987/1988, à la lecture desquels il ressortait qu’elle avait bénéficié de réserves exceptionnelles
(Sonderposten mit Rücklageanteil) pour des investissements dans ses établissements sidérurgiques situés à Peine et à Salzgitter,
dans la Zonenrandgebiet, en vertu de l’article 3 de la ZRFG. Des informations de nature identique résultaient des rapports
et comptes annuels pour les années ultérieures transmis par la requérante. Or, sur la base de ces informations, dont la réalité
de la transmission n’a pas été contestée par la Commission, cette dernière aurait dû relever et constater l’absence de notification
de ces aides et entamer une action y afférente. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la Commission a de nouveau examiné
le régime d’aides prévu par l’article 3 de la ZRFG durant l’année 1988, examen qui a conduit à l’adoption de la décision du
14 décembre 1988 [SG (88) D/1748] de ne pas soulever d’objections à son égard.
180
La situation d’incertitude et de défaut de clarté décrite au point 174 ci-dessus, cumulée au défaut de réaction prolongé de
la Commission, nonobstant sa connaissance des aides dont a bénéficié la requérante, a ainsi créé, en méconnaissance du devoir
de diligence incombant à cette institution, une situation de caractère équivoque qu’il appartenait à la Commission de clarifier
avant de pouvoir prétendre entreprendre toute action visant à ordonner la restitution des aides déjà versées (voir, en ce
sens, arrêt de la Cour du 9 juillet 1970, Commission/France, 26/69, Rec. p. 565, points 28 à 32).
181
Force est cependant de constater que la Commission n’a pas procédé à une telle clarification. En particulier, il y a lieu
de relever que, dans les versions ultérieures des codes des aides à la sidérurgie, la Commission a simplement repris le libellé
de l’article 6 du troisième code des aides à la sidérurgie.
182
Par conséquent, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, la Commission ne pouvait, sans méconnaître le principe
de sécurité juridique, demander la restitution des aides versées à la requérante entre 1986 et 1995.
183
Le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique doit donc être accueilli et les articles 2 et 3 de la décision
attaquée, en ce qu’ils concernent l’obligation pour la République fédérale d’Allemagne de récupérer les aides en cause auprès
de la requérante, doivent, par conséquent, être annulés.
184
Dans ces conditions, la restitution des aides versées à la requérante entre 1986 et 1995 étant exclue, le Tribunal considère
qu’il n’ y a pas lieu de se prononcer sur les moyens qui visent, en substance, la diminution et le calcul du montant des aides
à restituer. Quant au moyen tiré du défaut de motivation, qui porte sur la constatation de l’incompatibilité des aides en
cause, le contrôle juridictionnel effectué ci-dessus dans le cadre des trois premiers moyens invoqués par la requérante démontre,
à suffisance, que cette obligation a été respectée.
Sur les dépens
185
Conformément à l’article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider
que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce,
la requérante a obtenu gain de cause pour une partie significative de ses conclusions.
186
Dès lors, selon une juste appréciation des circonstances de la cause, le Tribunal décide que la requérante supportera un tiers
de ses dépens et que la Commission supportera, outre ses propres dépens, deux tiers des dépens de la requérante.
187
La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa,
du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
déclare et arrête :
1)
Les articles 2 et 3 de la décision 2000/797/CECA de la Commission, du 28 juin 2000, concernant l’aide d’État mise à exécution
par la République fédérale d’Allemagne en faveur de Salzgitter AG, de Preussag Stahl AG et des filiales sidérurgiques du groupe,
aujourd’hui regroupées sous la dénomination de Salzgitter AG – Stahl und Technologie (SAG), sont annulés.
2)
La requérante supportera un tiers de ses dépens.
3)
La Commission supportera, outre ses propres dépens, deux tiers des dépens exposés par la partie requérante.
4)
La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.
Tiili
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Pirrung
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Mengozzi
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Meij
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Vilaras
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er juillet 2004.
Table des matières
Procédure et conclusions des parties |
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Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait effectué diverses constatations incorrectes concernant la notion
d’aide d’État
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Sur la première branche, tirée d’une qualification erronée des dispositions fiscales de l’article 3 de la ZRFG en ce qu’elles
constituent des dispositions fiscales générales
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– Appréciation du Tribunal |
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Sur la deuxième branche, tirée du prétendu caractère compensatoire des mesures fiscales prévues à l’article 3 de la ZRFG |
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– Appréciation du Tribunal |
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Sur la troisième branche, tirée de la prétendue nécessité d’examiner les règles fiscales des États membres de la Communauté
pour déterminer ce que constitue une charge fiscale « normale »
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– Appréciation du Tribunal |
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Sur la quatrième branche, tirée de la prétendue obligation, pour la Commission, de démontrer que les effets sur la concurrence
des mesures fiscales de l’article 3 de la ZRFG sont identiques à ceux d’une subvention classique
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– Appréciation du Tribunal |
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Sur le deuxième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 4, sous c), CA et de l’article 67 CA |
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Sur le troisième moyen, tiré du défaut d’application de l’article 95 CA |
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– Considérations préalables |
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– Sur la prétendue erreur d’appréciation quant au refus d’appliquer l’article 95 CA |
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Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique |
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1 –
Langue de procédure : l'allemand.