Avis juridique important
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 2 octobre 2003. - Weber's Wine World Handels-GmbH et autres contre Abgabenberufungskommission Wien. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche. - Impôts indirects - Taxe sur la vente de boissons alcoolisées - Incompatibilité avec le droit communautaire - Répétition de la taxe. - Affaire C-147/01.
Recueil de jurisprudence 2003 page 00000
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Droit communautaire - Effet direct - Taxes nationales incompatibles avec le droit communautaire - Restitution - Introduction d'une règle procédurale plus restrictive anticipant les effets potentiels d'un arrêt de la Cour - Inadmissibilité - Critère - Mesure spécifique à l'imposition visée par l'arrêt de la Cour - Appréciation par le juge national
(Traité CE, art. 5 (devenu art. 10 CE))
$$1. L'adoption par un État membre d'une réglementation fixant des règles procédurales plus restrictives en matière de répétition de l'indu des crédits d'impôts, pour prévenir les effets que pourrait avoir un arrêt de la Cour jugeant que le droit communautaire s'oppose au maintien d'une imposition nationale, n'est contraire à celui-ci et, plus particulièrement, à l'article 5 du traité (devenu article 10 CE) que dans la mesure où elle vise spécifiquement cette imposition, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
( voir point 118, disp. 1 )
2. Les règles du droit communautaire relatives à la répétition de l'indu doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui refuserait, ce qu'il appartient au juge national de vérifier, le remboursement d'une taxe incompatible avec le droit communautaire au seul motif que celle-ci a été répercutée sur les tiers, sans exiger que soit établie la mesure de l'enrichissement sans cause qu'engendrerait pour l'assujetti le remboursement de cette taxe.
( voir point 118, disp. 2 )
3. Le principe d'équivalence s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit des modalités procédurales moins favorables pour les demandes de remboursement d'une taxe indûment perçue au regard du droit communautaire que celles applicables à des recours similaires fondés sur certaines dispositions du droit interne.
S'agissant d'une disposition nationale dérogeant à la règle de refus du remboursement de la taxe en cas de répercussion de celle-ci lorsque les requérants peuvent se prévaloir d'un précédent constitué par un arrêt d'une juridiction constitutionnelle nationale, il appartient au juge national de vérifier, sur la base d'une appréciation complète du droit national, s'il s'avère effectivement que, d'une part, seuls les requérants qui introduisent un recours fondé sur le droit constitutionnel interne peuvent se prévaloir de ladite dérogation et que, d'autre part, les règles régissant le remboursement de taxes jugées incompatibles avec le droit constitutionnel interne sont plus favorables que celles applicables aux recours concernant des impositions jugées contraires au droit communautaire.
( voir point 118, disp. 3 )
4. S'agissant de demandes de remboursement d'une taxe indûment perçue au regard du droit communautaire, le principe d'effectivité s'oppose à une législation ou à une pratique administrative nationales qui rendent impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, en instaurant une présomption d'enrichissement sans cause à partir du seul fait de la répercussion de la taxe sur des tiers.
( voir points 103, 118, disp. 4 )
Dans l'affaire C-147/01,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre
Weber's Wine World Handels-GmbH,
ErnestineRathgeber,
KarlSchlosser,
Beta-Leasing GmbH
et
Abgabenberufungskommission Wien,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE) et du point 3 du dispositif de l'arrêt de la Cour du 9 mars 2000, EKW et Wein & Co (C-437/97, Rec. p. I-1157),
LA COUR (cinquième chambre),
composée de MM. M. Wathelet (rapporteur), président de chambre, C. W. A. Timmermans, A. La Pergola, P. Jann et S. von Bahr, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour M. Schlosser, par Me T. Jordis, Rechtsanwalt,
- pour Beta-Leasing GmbH, par Me W. Arnold, Rechtsanwalt,
- pour l'Abgabenberufungskommission Wien, par M. K. Pauer, en qualité d'agent,
- pour le gouvernement autrichien, par M. H. Dossi, en qualité d'agent,
- pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d'agent, assisté de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato;
- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa et V. Kreuschitz, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Mme Rathgeber, représentée par M. W. Ilgenfritz, Prozeßbevollmächtigter, de M. Schlosser, représenté par Mes T. Jordis et G. Stefan, Rechtsanwalt, de Beta-Leasing GmbH, représentée par Me W. Arnold, de l'Abgabenberufungskommission Wien, représentée par Me L. Pramer, Rechtsanwalt, du gouvernement autrichien, représenté par M. H. Dossi, et de la Commission, représentée par MM. E. Traversa et V. Kreuschitz, à l'audience du 12 décembre 2002,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 mars 2003,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 23 mars 2001, parvenue à la Cour le 2 avril suivant, le Verwaltungsgerichtshof a posé, en application de l'article 234 CE, une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE) et du point 3 du dispositif de l'arrêt de la Cour du 9 mars 2000, EKW et Wein & Co (C-437/97, Rec. p. I-1157, ci-après l'«arrêt EKW»).
2 Cette question a été soulevée dans le cadre de litiges opposant Weber's Wine World Handels-GmbH, Mme Rathgeber, M. Schlosser et Beta-Leasing GmbH (ci-après les «demandeurs au principal») à l'Abgabenberufungskommission Wien [Commission d'appel en matière de taxes de la ville de Vienne (Autriche), ci-après l'«administration fiscale»] au sujet du caractère rétroactif de l'article 185 de la Wiener Abgabenordnung (code des impôts de Vienne, ci-après la «WAO»), lequel soumet la demande de remboursement de la taxe sur les boissons alcoolisées, déclarée incompatible avec le droit communautaire par l'arrêt EKW, à la condition que cette taxe n'ait pas été répercutée sur les tiers.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 Aux termes de l'article 5 du traité:
«Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l'accomplissement de sa mission.
Ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation et les buts du présent traité.»
4 Le point 3 du dispositif de l'arrêt EKW est libellé comme suit:
«Les dispositions de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12[/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1)] ne peuvent être invoquées à l'appui de demandes relatives à une taxe telle que la taxe sur les boissons alcoolisées, qui a été payée ou est devenue exigible avant la date du présent arrêt, sauf par les demandeurs qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente.»
La législation nationale
5 L'article 162 de la WAO dispose:
«1) Les crédits d'impôt de l'assujetti doivent être utilisés pour rembourser les dettes exigibles.
2) Pour autant que les crédits d'impôt ne doivent pas être utilisés en application du paragraphe 1, ils doivent être remboursés conformément aux dispositions de l'article 185.»
6 Les dispositions en vigueur avant le 2 mars 2000 permettaient à l'assujetti, en application de l'article 185, paragraphe 1, de la WAO, de demander le remboursement des crédits d'impôt non affectés au remboursement de dettes exigibles. Le remboursement de tels crédits d'impôt n'était lié à aucune autre condition préalable.
7 L'article 1er de la loi publiée le 2 mars 2000 (LGBl. für Wien n° 9/2000, ci-après la «loi modificative») a modifié la WAO en insérant notamment dans l'article 185 de celle-ci les paragraphes 3 et 4 de cet article. En outre, l'article 2 de la loi modificative prévoyait que l'article 1er de celle-ci était également applicable aux obligations fiscales nées avant la promulgation de ladite loi.
8 Une nouvelle loi modificative, datée du 20 février 2001 (LGBl. für Wien n° 7/2001), a également complété l'article 185, paragraphe 3, premier alinéa, de la WAO.
9 L'article 185 de la WAO, dans sa version résultant des deux lois modificatives susmentionnées, dispose:
«1) L'assujetti peut demander le remboursement de crédits d'impôt (article 162, paragraphe 2). Ce remboursement peut également être effectué d'office.
2) Les dettes fiscales dont le montant a été déterminé, et que l'assujetti est tenu de régler au plus tard trois mois après l'introduction de la demande de remboursement, peuvent être déduites du montant à rembourser.
3) L'assujetti ne peut prétendre au remboursement lorsque la taxe a été supportée économiquement par un tiers; dans ce cas, la réduction de la taxe par autoliquidation ou par décision d'imposition ne donne pas lieu à l'établissement d'un crédit d'impôt. Dans la mesure où une taxe ainsi répercutée n'a pas encore été payée, les services fiscaux doivent l'exiger par décision séparée.
4) Le paragraphe 3 n'est pas applicable aux assujettis pouvant se prévaloir de l''Anlafallwirkung' en ce qui concerne les dispositions fiscales dclares illgales par le Verfassungsgerichtshof.»
10 En droit autrichien, l'«Anlafallwirkung» trouve s'appliquer notamment la suite d'un arrt du Verfassungsgerichtshof dclarant une loi inconstitutionnelle. En effet, dans une telle hypothse, cette loi n'est pas annule avec effet rtroactif, mais, sauf si le Verfassungsgerichtshof en dcide autrement, elle demeure applicable aux faits qui se sont produits avant la dclaration d'inconstitutionnalit. Toutefois, dans l'affaire qui a t l'origine de l'examen de constitutionnalit ainsi que dans celles qui sont pendantes devant le Verfassungsgerichtshof au moment o commence le dlibr de ladite affaire, la loi en question ne doit plus tre applique.
Le cadre factuel
Les circonstances ayant entour l'adoption de la loi modificative
11 En 1997, le Verwaltungsgerichtshof, saisi d'un litige opposant l'administration fiscale à des assujettis au sujet de la compatibilité de la taxe sur les boissons avec le droit communautaire - et plus particulièrement avec les dispositions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, aux accises et aux aides d'État -, a saisi la Cour de diverses questions préjudicielles auxquelles celle-ci a répondu dans l'arrêt EKW.
12 Dans ses conclusions présentées le 1er juillet 1999 dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt EKW, l'avocat général Saggio proposait à la Cour de juger que tant la directive 92/12 que la réglementation communautaire relative aux aides d'État s'opposaient au maintien de la taxe sur les boissons.
13 En outre, examinant la demande du gouvernement autrichien de limiter dans le temps les effets de l'arrêt à intervenir, dans l'hypothèse où la taxe sur les boissons serait déclarée incompatible avec le droit communautaire, il a conclu au rejet de cette demande en considérant qu'il n'existait en l'espèce aucune circonstance la justifiant.
14 Le prononcé de ces conclusions a suscité une vive inquiétude auprès des autorités locales autrichiennes, celles-ci craignant d'être contraintes de rembourser des sommes très importantes.
15 Selon l'ordonnance de renvoi, tous les Länder autrichiens auraient, à la suite du prononcé des conclusions de l'avocat général Saggio, modifié leur législation fiscale, en ce sens qu'une taxe indûment perçue ne serait ni remboursée ni compensée lorsqu'elle aurait été répercutée sur les tiers. Ces modifications ont toutes été introduites après le prononcé desdites conclusions, mais, sauf dans un cas, avant la lecture de l'arrêt EKW, à un moment toutefois où la date de celle-ci avait déjà été annoncée.
16 Pour le Land de Vienne, la loi modificative est intervenue le 2 mars 2000, soit une semaine avant le prononcé de l'arrêt EKW.
17 Au point 2 du dispositif de cet arrêt, la Cour a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 3, de la directive 92/12 ne s'oppose pas au maintien d'une taxe perçue sur les boissons non alcoolisées et les glaces.
18 En revanche, au même point dudit dispositif, elle a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 s'oppose au maintien de ladite taxe en tant qu'elle concerne les boissons alcoolisées.
19 Toutefois, répondant au gouvernement fédéral autrichien, qui avait fait valoir qu'un arrêt qui imposerait le remboursement de la taxe sur les boissons aurait de graves conséquences financières et que, en tout état de cause, les assujettis avaient répercuté la taxe sur les consommateurs en l'incorporant dans le prix des boissons, la Cour, au point 59 de l'arrêt EKW, a reconnu l'existence de «raisons impérieuses de sécurité juridique [qui] s'opposent à la remise en cause de rapports juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé, alors que cette remise en cause bouleverserait rétroactivement le système de financement des communes autrichiennes».
20 En conséquence, au point 3 du dispositif de l'arrêt EKW, la Cour a limité les effets dans le temps de celui-ci, en excluant toute possibilité de remboursement des taxes payées et non contestées avant la date de cet arrêt.
Le litige au principal
21 Weber's Wine World Handels-GmbH est un négociant en vins, alors que les autres demandeurs au principal exploitent chacun un restaurant.
22 À ce titre, ils étaient soumis, en vertu de la WAO, à la taxe sur les boissons. Celle-ci étant une taxe «autoliquidée», c'est l'assujetti qui calcule lui-même et qui verse, au plus tard le 15 de chaque mois, la taxe due au titre du mois précédent, sans avis d'imposition préalable de l'administration fiscale. Par la suite, chaque assujetti envoie, au plus tard le 15 février de chaque année, une déclaration d'impôt relative à la dette fiscale de l'année précédente.
23 Les demandeurs au principal ont eux-mêmes calculé et versé la taxe sur les boissons alcoolisées et non alcoolisées. Par la suite, toutefois, ils sont revenus sur leurs déclarations fiscales en invoquant l'illégalité de cette taxe au regard du droit communautaire et ils ont demandé le remboursement de celle-ci.
24 En 1998, les demandeurs au principal ont adressé à l'Abgabenbehörde erster Instanz (autorité compétente en première instance pour le recouvrement des taxes) des demandes de remboursement de la taxe sur les boissons portant sur certaines périodes comprises entre 1995 et 1998, en faisant valoir que celle-ci était contraire à la directive 92/12 et qu'elle avait été perçue à tort.
25 L'Abgabenbehörde erster Instanz a jugé que les demandeurs au principal étaient redevables de la taxe aussi bien pour les boissons alcoolisées que non alcoolisées et a rejeté les demandes de remboursement dont il était saisi, les sommes déjà versées par les assujettis correspondant, selon lui, au montant imposable.
26 Les demandeurs au principal ont fait appel de ces décisions devant l'administration fiscale, laquelle, par décisions du 6 septembre 2000, a modifié le montant de la taxe sur les boissons fixé en première instance, au motif que seule la vente de boissons non alcoolisées devait être imposée, conformément à l'arrêt EKW.
27 Toutefois, l'administration fiscale a rejeté les demandes de remboursement des taxes déjà versées, estimant que l'instruction avait fait apparaître que celles-ci avaient été définitivement répercutées par les assujettis sur le consommateur final.
28 Les demandeurs au principal ont introduit un recours devant le Verwaltungsgerichtshof contre les décisions du 6 septembre 2000, en tant que celles-ci portaient rejet des demandes de remboursement de la taxe sur les boissons alcoolisées pour la période comprise entre 1995 et 1998.
29 Tous les demandeurs au principal estiment qu'il a été porté atteinte à leur droit au remboursement de la taxe sur les boissons alcoolisées perçue en violation du droit communautaire. En particulier, ils font valoir que la nouvelle loi modificative, adoptée le 20 février 2001, soit postérieurement au prononcé de l'arrêt EKW, méconnaît l'obligation de loyauté prévue à l'article 5 du traité et que le caractère rétroactif de l'article 185, paragraphe 3, de la WAO constitue une violation du principe de protection de la confiance légitime. En outre, tous affirment ne pas avoir répercuté la taxe sur le consommateur.
30 L'administration fiscale a toujours soutenu un point de vue opposé à celui des demandeurs au principal.
L'ordonnance de renvoi et la question préjudicielle
31 Le Verwaltungsgerichtshof estime que l'arrêt EKW impose à la république d'Autriche l'obligation, découlant du principe de loyauté énoncé à l'article 5 du traité, de rembourser la taxe sur les boissons alcoolisées perçue illégalement à tout assujetti ayant introduit un recours en justice ou une réclamation équivalente avant la date de lecture dudit arrêt.
32 Il considère toutefois que le fait de subordonner le remboursement de ladite taxe à l'absence de répercussion de celle-ci sur les tiers n'est pas contraire au droit communautaire.
33 En revanche, la juridiction de renvoi doute de la compatibilité avec le droit communautaire du caractère rétroactif conféré à l'article 185, paragraphe 3, de la WAO, dans la mesure où, aux termes du point 3 du dispositif de l'arrêt EKW, tout assujetti ayant introduit, avant le 9 mars 2000, une réclamation concernant la taxe sur les boissons alcoolisées devrait voir sa demande accueillie, alors que, en vertu de la loi modificative, il pourra lui être objecté que cette taxe a été supportée économiquement par les tiers.
34 Dans ces circonstances, le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L'article 10 CE (ancien article 5 du traité CE) et le point 3 du dispositif de l'arrêt [EKW], selon lequel les dispositions de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12/CEE ne peuvent être invoquées à l'appui de demandes relatives à une taxe telle que la taxe sur les boissons alcoolisées, qui a été payée ou est devenue exigible avant la date dudit arrêt, sauf par les demandeurs qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente, s'opposent-ils à l'application de l'article 185, paragraphe 3, de la Wiener Abgabenordnung (WAO), introduit par la loi du 2 mars 2000 modifiant la WAO (LGBl. n° 9/2000), et applicable également aux obligationsfiscales nées avant la promulgation de cette loi, en vertu duquel il n'y a pas de droit au remboursement de la taxe lorsqu'elle a été supportée économiquement par une personne autre que l'assujetti?»
Sur la question préjudicielle
Observations soumises à la Cour
35 Les demandeurs au principal rappellent à titre liminaire la jurisprudence de la Cour relative à l'obligation pour les États membres de rembourser les taxes perçues en violation des dispositions du droit communautaire.
36 Ainsi, lorsque la Cour déclare que le droit communautaire s'oppose au maintien d'une taxe nationale, il en découlerait, selon une jurisprudence constante, l'obligation pour l'État membre en cause, conformément à l'article 5 du traité, de rembourser au particulier la taxe indûment perçue.
37 Cependant, en l'absence de réglementation communautaire en matière de répétition de taxes nationales indûment perçues, il appartiendrait à l'ordre juridique interne des États membres de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire.
38 Pour des raisons de sécurité juridique, les États membres seraient en principe autorisés à limiter, au niveau national, le remboursement de taxes indûment perçues. De telles limitations devraient cependant satisfaire au principe d'équivalence, en vertu duquel les dispositions nationales doivent s'appliquer de manière identique aux cas purement internes et à ceux relevant du droit communautaire, et au principe d'effectivité, lequel impose que l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ne soit pas rendu pratiquement impossible ou excessivement difficile.
39 Par ailleurs, les demandeurs au principal reconnaissent qu'un État membre peut refuser de rembourser des taxes perçues en violation du droit communautaire, dans la mesure où elles auraient été répercutées sur d'autres personnes par l'assujetti et où il en résulterait un enrichissement sans cause de ce dernier, ce qu'il appartiendrait à l'autorité nationale d'établir.
40 Les demandeurs au principal font toutefois valoir que la Cour aurait jugé, dans plusieurs arrêts, que le droit communautaire s'oppose à ce qu'un législateur national adopte, à la suite d'un arrêt de cette dernière, des règles procédurales réduisant spécifiquement les possibilités de l'assujetti d'agir en répétition des taxes indûment perçues. De telles règles constitueraient une violation de l'interdiction, découlant de l'article 5 du traité, de mettre en échec le droit communautaire (arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec. p. 3595, point 14; du 29 juin 1988, Deville, 240/87, Rec. p. 3513, point 13; du 17 novembre 1998, Aprile, C-228/96, Rec. p. I-7141, point 16, et du 9 février 1999, Dilexport, C-343/96, Rec. p. I-579, point 39).
41 Selon les demandeurs au principal, l'article 185, paragraphe 3, de la WAO, lu en combinaison avec l'article 2 de la loi modificative, ne remplit pas les exigences énoncées par la Cour dans sa jurisprudence relative à la répétition de l'indu.
42 En effet, la condition de non-répercussion de la taxe, prévue à l'article 185, paragraphe 3, de la WAO, violerait tant les principes d'équivalence et d'effectivité que l'interdiction de mettre en échec le droit communautaire qui découle de l'article 5 du traité.
43 Elle serait, tout d'abord, contraire à l'obligation de coopération découlant de l'article 5 du traité parce que, même si elle est formulée en termes généraux, elle ne viserait en pratique qu'un petit nombre de taxes indirectes qui sont, au titre de la répartition interne des compétences, perçues par les Länder et les communes et, par conséquent, serait essentiellement concernée la taxe sur les boissons alcoolisées jugée contraire au droit communautaire.
44 Ensuite, l'effet rétroactif conféré par l'article 2 de la loi modificative à la condition de non-répercussion prévue à l'article 185, paragraphe 3, de la WAO serait contraire au principe d'effectivité, parce qu'il serait difficile d'établir a posteriori que la taxe sur les boissons alcoolisées n'a pas été répercutée sur le consommateur final.
45 Enfin, ainsi que Beta-Leasing GmbH l'a fait valoir lors de l'audience, le droit autrichien serait également contraire au principe d'équivalence, dans la mesure où la WAO prévoirait, à son article 185, paragraphe 4, l'inapplicabilité du paragraphe 3 de cette même disposition dans les cas où il est possible de se prévaloir de l'«Anlafallwirkung» et la possibilit pour un contribuable d'obtenir le remboursement du montant pay au titre d'une taxe perue sur la base de dispositions fiscales dclares inconstitutionnelles par le Verfassungsgerichtshof. En revanche, aucune disposition quivalente n'est prvue s'agissant du remboursement d'une taxe perue sur le fondement de dispositions nationales juges contraires au droit communautaire par dcision de la Cour de justice, alors qu'un tel remboursement est subordonn l'absence de rpercussion conomique de la taxe sur les tiers, en application de l'article 185, paragraphe 3, de la WAO. Par consquent, il existerait en Autriche deux types de contribuables: d'une part, ceux qui ont droit au remboursement d'une taxe indment perue, condition de satisfaire certaines conditions, parmi lesquelles figure l'absence de rpercussion de celle-ci sur les tiers, et, d'autre part, ceux qui peuvent se prvaloir d'un prcdent constitu par une dclaration d'inconstitutionnalit d'une disposition fiscale manant du Verfassungsgerichtshof.
46 Les demandeurs au principal ajoutent que, selon la jurisprudence de la Cour, il ne serait pas permis de rejeter sur l'assujetti la charge d'établir que la taxe n'a pas été répercutée sur le consommateur final.
47 Or, selon eux, l'obligation pour l'autorité compétente de procéder d'office, qui est prévue par le droit autrichien, ne libérerait pas le demandeur de l'obligation d'apporter son concours à l'établissement des faits (arrêt du Verwaltungsgerichtshof du 21 octobre 1987, 87/01/0137). En effet, même si la procédure administrative autrichienne ne prévoit pas expressément une obligation formelle des assujettis de coopérer dans le cadre de l'instruction, il n'en demeurerait pas moins que, dans le cadre de la libre appréciation des éléments de preuve qui est conférée à l'administration fiscale, celle-ci serait libre - si le demandeur ne coopère pas ou pas suffisamment à l'enquête - de tirer les conclusions d'un tel comportement, même si elles peuvent être défavorables à ce dernier.
48 Les demandeurs au principal rappellent que, dans ses décisions du 6 septembre 2000, l'administration fiscale a considéré que la répercussion de la taxe sur les boissons alcoolisées sur les consommateurs finals était établie, en estimant que, «selon les constatations factuelles incontestées de l'organe de révision, le prix des boissons alcoolisées intègre également la taxe sur les boissons, de sorte que la taxe sur les boissons a été économiquement supportée par le consommateur final».
49 Pour les demandeurs au principal, le simple fait que les prix qu'ils ont pratiqués incluaient la taxe sur les boissons alcoolisées ne permettrait nullement de conclure à une répercussion de celle-ci sur le consommateur final. Une telle conclusion serait en réalité une simple présomption, qui obligerait en pratique l'assujetti à établir lui-même l'absence de répercussion.
50 En ce qui concerne l'enrichissement sans cause, les demandeurs au principal rappellent que, selon la jurisprudence constante de la Cour, le droit de refuser le remboursement d'une taxe perçue en violation du droit communautaire ne dépend pas seulement de la preuve que la totalité de la charge de la taxe a été réellement supportée par une personne autre que l'assujetti, mais serait également subordonné à la condition que le remboursement de ce dernier entraîne un enrichissement sans cause à son profit.
51 En l'espèce, les demandeurs au principal soutiennent qu'ils ont eux-mêmes supporté la taxe sur les boissons alcoolisées.
52 À cet égard, s'il est en principe exact que la taxe sur les boissons alcoolisées doit être supportée par le consommateur final parce que la loi prévoit cette répercussion, en pratique toutefois, pour des raisons tenant à la concurrence, il serait rare que les entreprises autrichiennes puissent répercuter cette taxe sur le consommateur.
53 Dans la plupart des cas, ladite taxe réduirait la marge bénéficiaire de l'entreprise assujettie et serait donc, de facto, supportée par celle-ci. Des enquêtes statistiques démontreraient que la république d'Autriche est, en Europe, l'État dans lequel les boissons sont imposées le plus fortement.
54 Les demandeurs au principal en déduisent que, pour parvenir à une rentabilité normale sur le marché, le prix des boissons en Autriche devrait au moins être majoré du montant correspondant au prorata de la taxe sur les boissons alcoolisées. Or, seules les entreprises ayant le plus grand nombre de clients pourraient imposer de tels prix. En revanche, la grande majorité des entreprises - parmi lesquelles figurent celles des demandeurs au principal - ne répercuteraient pas ladite taxe sur les clients finals.
55 Cette réalité serait attestée par les études annuelles commandées par la Wirtschaftskammer Österreich (Chambre économique d'Autriche), intitulées «Betriebskennzahlen des Österreichischen Gastgewerbes» («données relatives au secteur de la restauration en Autriche»). Dès l'année 1994, la quasi-totalité des entreprises autrichiennes de restauration auraient accusé des pertes. Leur situation n'aurait cessé de se détériorer. Depuis lors, ces entreprises se trouveraient dans une situation de surendettement sans issue en raison de la pression concurrentielle et de la nécessité de répondre aux exigences du marché.
56 Les demandeurs au principal soulignent également que l'Österreichisches Institut für Wirtschaftsforschung (Institut autrichien de recherches économiques) a réalisé en novembre 2000, à la demande du ministère des Finances autrichien, une étude macroéconomique concernant la question de la répercussion des coûts de la taxe sur les boissons dans le secteur des hôtels, des cafés et des restaurants. Cette étude n'aurait pas permis d'apporter des réponses d'ordre général à la question de la répercussion de la taxe sur les boissons sur le consommateur final dans ce secteur. Elle ne contiendrait en effet aucune réponse concrète à la question de la répercussion de celle-ci sur le consommateur final. Les auteurs de ladite étude auraient notamment observé que le point de savoir si, et dans quelle mesure, une répercussion de la taxe a réellement lieu dépend de toute une série de facteurs, parmi lesquels l'élasticité entre les prix et les biens ainsi que les services concernés, l'évolution du niveau des prix et de la demande effective, la structure du marché et l'intensité de la concurrence.
57 Par conséquent, pour les demandeurs au principal, il ne peut être répondu à la question de l'existence d'un enrichissement sans cause qu'au cas par cas, après une enquête spécifique.
58 Beta-Leasing GmbH souligne également que, dans la mesure où une répercussion aurait effectivement eu lieu, ce sont les consommateurs qui auraient supporté la charge de la taxe sur les boissons alcoolisées. Or, ni l'ordre juridique du Land de Vienne ni celui de la république d'Autriche en général n'offriraient aux consommateurs la possibilité d'invoquer, dans le cadre de la procédure d'imposition, l'illégalité d'une taxe ainsi répercutée.
59 Dès lors, si le remboursement de la taxe sur les boissons alcoolisées était refusé à l'assujetti au motif qu'il l'a répercutée sur les consommateurs finals, ce serait finalement la commune concernée qui bénéficierait d'un enrichissement sans cause. L'argumentation des communes reviendrait donc à revendiquer un enrichissement sans cause au profit des créanciers de la taxe (les communes elles-mêmes), en soutenant que le débiteur de celle-ci ne doit pas bénéficier d'un tel enrichissement. Beta-Leasing GmbH se demande quelle est la justification du fait que l'enrichissement sans cause devrait être refusé à l'égard du débiteur de la taxe, alors qu'il pourrait être admis s'agissant du créancier de cette taxe, et ce d'autant plus que c'est ce dernier qui a adopté la disposition illégale.
60 L'administration fiscale ne partage pas cette interprétation. Elle soutient que la condition mise au remboursement d'une taxe indûment perçue par l'article 185, paragraphe 3, de la WAO vise à empêcher que les personnes pouvant prétendre à un remboursement en vertu du droit interne ne s'enrichissent en raison des circonstances particulières liées à la technique fiscale afférente aux taxes indirectes de la ville de Vienne. Il s'agirait en l'occurrence de taxes dans lesquelles le redevable et l'assujetti sont deux personnes distinctes. L'assujetti serait l'entrepreneur qui fournit des prestations imposables, alors que le montant de telles taxes serait en général prélevé auprès des bénéficiaires de ces prestations. La Cour aurait admis cette interprétation aux points 22 à 24 de l'arrêt du 14 janvier 1997, Comateb e.a. (C-192/95 à C-218/95, Rec. p. I-165).
61 Il en résulterait que le remboursement du montant répercuté ne s'impose plus lorsque l'assujetti n'est pas tenu de rembourser à l'acheteur les sommes correspondant au montant de la taxe qu'il a répercutée sur ce dernier.
62 L'administration fiscale fait valoir à ce sujet que l'ordre juridique autrichien ne prévoit pas la possibilité pour l'acheteur de demander directement aux autorités nationales le remboursement de ces sommes. Elle ajoute que, dans le cas de la taxe sur les boissons alcoolisées, un remboursement aux consommateurs des montants qu'ils ont acquittés serait exclu en pratique, en raison de l'écoulement du temps, du grand nombre d'opérations en cause, des difficultés de preuve ou d'autres éléments.
63 Par conséquent, elle estime que l'article 185, paragraphe 3, de la WAO n'enfreint pas le point 3 du dispositif de l'arrêt EKW et que, au contraire, il est conforme à ce qui a été jugé par la Cour, puisqu'il prévoit qu'un enrichissement sans cause de l'entrepreneur au moyen du remboursement à ce dernier de la taxe qu'il a versée est exclu lorsque le rapport de droit entre, d'une part, le consommateur qui a supporté économiquement la taxe sur les boissons et, d'autre part, l'entrepreneur qui l'a versée, fait générateur de l'imposition, a épuisé son effet dans le passé et que le consommateur ne peut plus agir contre l'entrepreneur en vue d'obtenir le remboursement de la taxe qu'il a supportée.
64 Elle ajoute qu'un examen comparatif entre la confiance, éventuellement juridiquement protégée, des assujettis dans un remboursement inconditionnel de la taxe sur les boissons alcoolisées et la confiance juridiquement protégée des communes dans la conformité de cette taxe avec le droit communautaire ne permettrait pas non plus de conclure que l'article 185, paragraphe 3, de la WAO viole l'obligation de loyauté consacrée à l'article 5 du traité.
65 Enfin, l'administration fiscale estime que ni le droit communautaire ni les principes de l'État de droit et de la protection de la confiance légitime n'impliquent l'enrichissement d'un assujetti au moyen du remboursement d'une taxe. Or, en cas de répercussion de celle-ci sur les tiers, un remboursement engendrerait nécessairement un enrichissement sans cause de l'opérateur.
66 Les gouvernements autrichien et italien développent une thèse semblable à celle de l'administration fiscale et considèrent que l'article 185 de la WAO satisfait aux conditions énoncées par la Cour en matière de répétition de l'indu.
67 Tout d'abord, cette disposition ne concernerait pas les seuls droits à remboursement fondés sur le droit communautaire, mais régirait tant ces derniers que ceux fondés sur le droit interne, tenant ainsi compte du principe d'équivalence.
68 Ensuite, ces gouvernements font valoir que l'article 185, paragraphe 3, de la WAO ne rend pas impossible ni excessivement difficile en pratique pour les demandeurs l'exercice du droit au remboursement fondé sur le droit communautaire. Ainsi, l'article 185 de la WAO ne comporterait aucune disposition spécifique relative à la charge de la preuve ni aux modes de preuve admissibles. Les règles générales de procédure seraient donc applicables. Elles seraient fondées sur le principe de l'instruction d'office.
69 Le gouvernement autrichien soutient que, en raison de ce principe, la charge de la preuve de la répercussion de la taxe et de l'enrichissement sans cause incomberait aux services fiscaux compétents. Les assujettis ne seraient soumis qu'à une obligation de coopération lors de l'établissement des faits. Ils devraient ainsi, sur demande des services fiscaux, expliciter et compléter le contenu de leurs déclarations et en prouver l'exactitude, la WAO se contentant toutefois d'une vraisemblance des éléments de preuve lorsque, au vu des circonstances, il ne peut être raisonnablement exigé de rapporter une telle preuve. Un renversement de la charge de la preuve aux dépens de l'assujetti serait donc exclu.
70 En outre, la WAO autoriserait tous les modes de preuve. Les demandeurs pourraient donc en principe faire valoir tous les arguments, de droit et de fait, permettant de conclure qu'il n'y a pas eu de répercussion de la taxe ou que l'absence de répercussion est vraisemblable. À cet égard, aucun renversement de la charge de la preuve ni aucune présomption générale n'auraient été mis en oeuvre.
71 Le gouvernement autrichien ajoute que l'article 185, paragraphe 4, de la WAO, lequel exclut l'application du paragraphe 3 de cet article aux demandes de remboursement de taxes jugées inconstitutionnelles par le Verfassungsgerichtshof, ne contrevient nullement au principe d'équivalence. En effet, d'une part, les arrêts de la Cour n'auraient absolument pas les mêmes effets que les arrêts d'inconstitutionnalité rendus par le Verfassungsgerichtshof, les premiers ayant un effet général valant également pour le passé, alors que les seconds n'auraient d'effet que pour l'avenir.
72 Enfin, les cas où un requérant pourrait invoquer le bénéfice de l'«Anlafallwirkung», et donc obtenir le remboursement d'une taxe inconstitutionnelle mme en cas de rpercussion de celle-ci sur les tiers, seraient trs rares et purement marginaux. Cette situation ne serait donc nullement comparable aux consquences lies un arrt rendu par la Cour, jugeant que le droit communautaire s'oppose au maintien d'une taxe nationale.
73 Selon la Commission, s'il est vrai que le remboursement d'une taxe perçue en violation du droit communautaire ne peut être poursuivi que dans le cadre des conditions de fond et de forme fixées par les diverses législations nationales en la matière, il n'en demeure pas moins que ces conditions ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et qu'elles ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (arrêts du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883; du 15 septembre 1998, Edis, C-231/96, Rec. p. I-4951, points 19 et 34, et Dilexport, précité, point 25).
74 La Commission fait valoir en outre que le point 11 de l'arrêt Deville, précité, semble lier l'existence d'un droit au remboursement d'une taxe contraire au droit communautaire à la condition que le contribuable n'ait pas la possibilité de répercuter cette taxe sur d'autres personnes.
75 Selon elle, rien ne s'oppose donc, en droit communautaire, à ce que les juridictions nationales tiennent compte, conformément à leur droit national, du fait que les taxes indûment perçues ont pu être incorporées dans les prix de l'entreprise redevable de celles-ci et répercutées sur les acheteurs (arrêts du 27 mai 1981, Essevi et Salengo, 142/80 et 143/80, Rec. p. 1413, point 35; du 25 février 1988, Bianco et Girard, 331/85, 376/85 et 378/85, Rec. p. 1099; Dilexport, précité, point 47, et du 28 novembre 2000, Roquette Frères, C-88/99, Rec. p. I-10465, point 20).
76 La Commission rappelle toutefois que le droit communautaire s'oppose à ce qu'un État membre soumette le remboursement de droits de douane et d'impositions contraires au droit communautaire à une condition, telle que l'absence de répercussion de ces droits ou impositions sur les tiers, dont il appartiendrait au demandeur d'apporter la preuve qu'il y est satisfait (arrêt Dilexport, précité, point 54).
77 Elle relève pourtant que le Verwaltungsgerichtshof n'examine pas explicitement ce point dans l'exposé des conditions de fond de la demande préjudicielle. Il se bornerait à constater que, compte tenu des garanties procédurales existantes, il ne saurait être soutenu que l'article 185 de la WAO rend l'exercice du droit au remboursement a priori excessivement difficile, voire impossible. À cet égard, la Commission souligne toutefois que cette disposition nationale ne contient aucune règle spéciale relative à la charge de la preuve et que les règles générales de procédure applicables sont fondées sur le principe de l'instruction d'office.
78 En l'absence de constatation explicite selon laquelle le droit national de la procédure fait reposer la charge de la preuve de la répercussion de la taxe sur l'administration fiscale, la Commission conclut que certaines lacunes peuvent exister à cet égard. Par conséquent, elle suggère à la Cour de fournir des éclaircissements dans l'arrêt à intervenir, en renvoyant à sa jurisprudence pertinente en la matière et, en particulier, au point 54 de l'arrêt Dilexport, précité.
79 Par ailleurs, la Commission partage l'avis de l'avocat général Saggio dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt EKW, selon lequel l'administration fiscale ne peut rejeter des demandes de remboursement de taxes indûment perçues que si elle prouve que les revendeurs se sont effectivement enrichis.
80 Elle estime à cet égard que l'on ne peut affirmer avec certitude que le prix du produit sans la taxe sur les boissons alcoolisées aurait été inférieur au prix de celui-ci taxe comprise ni, à plus forte raison, que la différence entre les deux prix correspondrait toujours au montant de cette taxe. En outre, l'enrichissement du revendeur pourrait ne pas toujours correspondre exactement au montant de ladite taxe, car l'augmentation du prix due à la nécessité de compenser la charge plus élevée résultant de cette dernière pourrait entraîner une diminution du volume des ventes et des bénéfices. En outre, dans certaines régions frontalières, le prix majoré de la taxe pourrait entraîner une diminution du volume des ventes des revendeurs autrichiens susceptible d'affecter négativement les bénéfices. Dans ce cas également, on ne saurait affirmer que l'enrichissement qui résulterait d'un remboursement correspondrait exactement au montant de la taxe acquittée. Au contraire, l'appréciation d'un éventuel enrichissement devrait tenir compte d'une diminution des bénéfices due à l'existence de cette taxe.
81 Pour la Commission, ces aspects auraient dû être pris en compte dans les décisions du 6 septembre 2000 et un rejet automatique des demandes de remboursement portant sur l'intégralité de la taxe acquittée ne saurait être admis. Or, elle fait valoir qu'il n'y a, dans l'ordonnance de renvoi, aucune mention de l'existence de ce traitement différencié des demandes de remboursement ni de règles pertinentes en termes de procédure et de méthode de calcul.
82 Lors de l'audience, la Commission a soutenu que la WAO ne respecte pas le principe d'équivalence, dans la mesure où elle traite différemment les demandes de remboursement fondées sur le droit communautaire et celles fondées sur un arrêt d'inconstitutionnalité du Verfassungsgerichtshof, et ce au détriment des premières.
83 Ainsi, les assujettis qui peuvent se prévaloir de l'«Anlafallwirkung» ne seraient pas soumis, pour obtenir le remboursement d'une taxe perue en violation de la Constitution autrichienne, la condition que la taxe ait t supporte conomiquement par eux-mmes. L'article 185, paragraphe 4, de la WAO carterait l'application du paragraphe 3 de cet article dans une telle hypothse.
84 En revanche, aucun effet analogue à l'«Anlafallwirkung» ne serait reconnu aux arrts de la Cour jugeant que le droit communautaire s'oppose au maintien d'une taxe nationale. Il en rsulterait un traitement discriminatoire dfavorable pour les particuliers lorsqu'ils exercent, en vertu du droit communautaire, leur droit au remboursement d'une taxe indment perue.
85 À cet égard, la Commission réfute l'argument du gouvernement autrichien selon lequel les cas où l'«Anlafallwirkung» trouve s'appliquer sont marginaux. Elle considre au contraire que celle-ci produit ses effets dans de nombreux cas pratiques et que, en outre, le nombre limit de cas d'application de l'«Anlafallwirkung» ne pourrait suffire empcher la violation du principe d'quivalence.
Rponse de la Cour
Sur l'article 10 CE
86 La Cour a déjà jugé qu'un législateur national ne peut adopter, postérieurement à un arrêt de la Cour dont il résulte qu'une législation déterminée est incompatible avec le traité, de règles procédurales réduisant spécifiquement les possibilités d'agir en répétition de l'indu des taxes qui ont été indûment perçues en vertu de cette législation (voir arrêts Deville, précité, point 13; Dilexport, précité, points 38 et 39, et du 11 juillet 2002, Marks & Spencer, C-62/00, Rec. p. I-6325, point 36).
87 Il ressort de ces arrêts qu'un État ne peut adopter des dispositions soumettant le remboursement d'une imposition, qui a été déclarée contraire au droit communautaire par un arrêt de la Cour ou dont l'incompatibilité avec le droit communautaire résulte d'un tel arrêt, à des conditions concernant spécifiquement cette imposition et qui sont moins favorables que celles qui se seraient appliquées, en leur absence, au remboursement de l'imposition en cause (arrêt Edis, précité, point 24).
88 En ce qui concerne la taxe sur les boissons alcoolisées, il convient de rappeler que la Cour a jugé, au point 50 de l'arrêt EKW, que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 s'oppose au maintien de cette taxe.
89 Il convient également de rappeler que l'article 185 de la WAO, dans sa version antérieure à la loi modificative, ne soumettait les demandes de remboursement des taxes illégalement perçues à aucune condition spécifique. Il est également établi que l'introduction, dans l'article 185 de la WAO, d'une disposition qui est devenue le paragraphe 3 de cet article a été précédée de nombreux débats au sein du parlement du Land de Vienne, au cours desquels il a été fait référence aux conclusions de l'avocat général Saggio, prononcées dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt EKW, ainsi qu'aux conséquences désastreuses qu'aurait pour les finances des communes autrichiennes un arrêt de la Cour qui déclarerait la taxe sur les boissons incompatible avec le droit communautaire. En outre, la modification de la WAO est intervenue une semaine avant le prononcé dudit arrêt.
90 Il résulte de l'ensemble de ces circonstances que l'insertion du paragraphe 3 dans l'article 185 de la WAO visait à prévenir les effets de l'arrêt EKW, dans l'hypothèse où la taxe sur les boissons alcoolisées serait jugée contraire au droit communautaire et où cet arrêt ne limiterait pas ses effets dans le temps.
91 Cependant, ces circonstances ne suffisent pas à elles seules pour établir si l'article 185, paragraphe 3, de la WAO vise à réduire spécifiquement les possibilités d'agir en répétition de la taxe sur les boissons alcoolisées indûment perçue. Le Verwaltungsgerichtshof souligne dans son ordonnance de renvoi que la WAO ne se réfère nullement au seul remboursement des taxes dont la perception était illégale en vertu du droit communautaire. En outre, les parties au principal, les gouvernements autrichien et italien, ainsi que la Commission, ont fait valoir, à cet égard, des thèses opposées. Il n'appartient toutefois pas à la Cour de trancher une contestation portant exclusivement sur l'interprétation du droit national, cette mission incombant à la juridiction nationale.
92 Il y a donc lieu de conclure sur ce point que l'adoption par un État membre d'une réglementation restreignant, avec effet rétroactif, le droit à la répétition de l'indu, pour prévenir les effets que pourrait avoir un arrêt de la Cour jugeant que le droit communautaire s'oppose au maintien d'une imposition nationale, n'est contraire à celui-ci et, plus particulièrement, à l'article 10 du traité que dans la mesure où elle vise spécifiquement cette imposition, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier. Dès lors, le fait qu'une telle mesure a un effet rétroactif n'est pas, en tant que tel, constitutif d'une violation du droit communautaire, lorsque la mesure ne vise pas spécifiquement l'imposition qui faisait l'objet d'un arrêt de la Cour.
Sur la liaison entre la répercussion de la taxe sur les boissons alcoolisées et l'enrichissement sans cause
93 La Cour a jugé de manière constante que les particuliers ont le droit d'obtenir le remboursement des taxes perçues dans un État membre en violation des dispositions communautaires. Ce droit est la conséquence et le complément des droits conférés aux particuliers par celles-ci telles qu'elles ont été interprétées par la Cour. L'État membre en cause est donc tenu, en principe, de rembourser les impositions perçues en violation du droit communautaire (voir, notamment, arrêts Comateb e.a., précité, point 20; du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 84, et Marks & Spencer, précité, point 30).
94 Cette obligation de remboursement ne connaît, selon cette jurisprudence, qu'une seule exception. Un État membre ne peut s'opposer au remboursement d'une taxe indûment perçue au regard du droit communautaire que lorsqu'il est établi par les autorités nationales que la totalité de la charge de la taxe a été supportée par une personne autre que l'assujetti et que le remboursement de la taxe entraînerait, pour ce dernier, un enrichissement sans cause. Il en résulte que, si seule une partie de la taxe a été répercutée, les autorités nationales sont tenues de rembourser le montant non répercuté (voir en ce sens, notamment, arrêt Comateb e.a., précité, points 27 et 28).
95 Cette exception étant une restriction apportée à un droit subjectif tiré de l'ordre juridique communautaire, il convient de l'interpréter de manière restrictive, en tenant compte notamment du fait que la répercussion d'une taxe sur le consommateur ne neutralise pas nécessairement les effets économiques de l'imposition sur l'assujetti.
96 Ainsi, au point 17 de l'arrêt Bianco et Girard, précité, la Cour a notamment relevé que, même si, dans la législation nationale, les taxes indirectes sont conçues pour être répercutées sur le consommateur final et si, habituellement, dans le commerce, ces taxes indirectes sont partiellement ou totalement répercutées, on ne peut pas affirmer d'une manière générale que, dans tous les cas, la taxe est effectivement répercutée. En effet, la répercussion effective, partielle ou totale, dépend de plusieurs facteurs qui entourent chaque transaction commerciale et la différencient d'autres cas situés dans d'autres contextes. En conséquence, la question de la répercussion ou de la non-répercussion dans chaque cas d'une taxe indirecte constitue une question de fait qui relève de la compétence du juge national, ce dernier appréciant librement les éléments de preuve qui lui sont soumis.
97 La Cour a précisé, au point 20 de l'arrêt Bianco et Girard, précité, qu'il est plus ou moins probable, selon le caractère du marché, que la répercussion ait lieu. Toutefois, les nombreux facteurs qui déterminent la stratégie commerciale varient d'un cas à l'autre, de sorte qu'il devient pratiquement impossible de déterminer la part respective de leur influence effective sur la répercussion.
98 La Cour a également jugé que, même lorsqu'il est établi que la charge de la taxe indûment perçue a été partiellement ou totalement répercutée sur les tiers, le remboursement de celle-ci à l'opérateur ne lui procure pas nécessairement un enrichissement sans cause (voir arrêts Comateb e.a., précité, point 29, et du 21 septembre 2000, Michaïlidis, C-441/98 et C-442/98, Rec. p. I-7145, point 34).
99 En effet, même dans l'hypothèse où la taxe serait complètement intégrée dans le prix pratiqué, l'assujetti pourrait subir un préjudice lié à une diminution de volume de ses ventes (voir arrêts précités Comateb e.a., point 29, et Michaïlidis, point 35).
100 Dès lors, l'existence et la mesure de l'enrichissement sans cause que le remboursement d'une imposition indûment perçue au regard du droit communautaire engendrerait pour un assujetti ne pourront être établies qu'au terme d'une analyse économique qui tienne compte de toutes les circonstances pertinentes.
101 En conséquence, le droit communautaire s'oppose à ce qu'un État membre refuse de rembourser à un opérateur une taxe perçue en violation du droit communautaire au simple motif que celle-ci a été intégrée dans le prix de vente au détail pratiqué par cet opérateur et, partant, répercutée sur des tiers, ce qui impliquerait nécessairement que le remboursement de la taxe engendrerait un enrichissement sans cause dudit opérateur.
102 Il y a lieu dès lors de conclure sur ce point que les règles du droit communautaire relatives à la répétition de l'indu doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale, en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui refuse, ce qu'il appartient au juge national de vérifier, le remboursement d'une taxe incompatible avec le droit communautaire au seul motif que celle-ci a été répercutée sur les tiers, sans exiger que soit établie la mesure de l'enrichissement sans cause qu'engendrerait pour l'opérateur le remboursement de cette taxe.
Sur les principes d'équivalence et d'effectivité
103 Selon une jurisprudence constante, en l'absence de réglementation communautaire relative au remboursement des taxes indûment perçues, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État de régler les modalités procédurales applicables à de telles demandes de remboursement, à condition toutefois qu'elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) et qu'elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) (voir, notamment, arrêts Metallgesellschaft e.a., précité, point 85, et du 24 septembre 2002, Grundig Italiana, C-255/00, Rec. p. I-8003, point 33).
- Le principe d'équivalence
104 En premier lieu, le principe d'équivalence interdit à un État membre de prévoir des modalités procédurales moins favorables pour les demandes de remboursement d'une taxe contraire au droit communautaire fondées sur celui-ci que celles applicables aux recours similaires de nature interne.
105 En ce qui concerne plus particulièrement la WAO, il convient de relever qu'il résulte du libellé même de son article 185 que celui-ci prévoit une dérogation pour certaines demandes en répétition de l'indu fondées sur le droit national.
106 En effet, l'article 185, paragraphe 4, de la WAO dispose que le paragraphe 3 de cet article est inapplicable aux personnes pouvant se prévaloir des effets de l'«Anlafallwirkung», sans que soient toutefois indiques dans cette disposition les modalits ou conditions applicables aux recours en remboursement d'une taxe indment perue par des requrants pouvant se prvaloir du prcdent constitu par un arrt du Verfassungsgerichtshof dclarant qu'une imposition nationale est contraire la Constitution.
107 Or, le principe d'équivalence ne s'oppose à l'application de dispositions nationales permettant à des contribuables d'obtenir le remboursement d'une taxe indûment perçue que si ces dernières prévoient des conditions plus avantageuses lorsque la demande de remboursement se fonde sur une déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par une juridiction nationale que celles applicables à des opérateurs qui, à la suite d'un arrêt de la Cour, sollicitent le remboursement d'une taxe perçue en violation du droit communautaire.
108 Il y a donc lieu de conclure sur ce point que, dans la mesure où le principe d'équivalence s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit des modalités procédurales moins favorables pour les demandes de remboursement d'une taxe indûment perçue au regard du droit communautaire que celles applicables à des recours similaires fondés sur certaines dispositions du droit interne, il appartient au juge national de vérifier, sur la base d'une appréciation complète du droit national, s'il s'avère effectivement que, d'une part, seuls les requérants qui introduisent un recours fondé sur le droit constitutionnel interne peuvent se prévaloir de l'«Anlafallwirkung», et que, d'autre part, les rgles rgissant le remboursement de taxes juges incompatibles avec le droit constitutionnel interne sont plus favorables que celles applicables aux recours concernant des impositions juges contraires au droit communautaire.
- Le principe d'effectivité
109 En second lieu, en ce qui concerne le respect du principe d'effectivité, il importe de rappeler que, en principe, un opérateur qui a acquitté une imposition indûment perçue a droit au remboursement du montant versé (voir, notamment, arrêt Comateb e.a., précité, point 20), et que l'administration fiscale ne peut refuser le remboursement d'une telle imposition que si le remboursement entraîne pour cet opérateur un enrichissement sans cause.
110 Il résulte clairement de la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêts précités San Giorgio, point 14; Dilexport, points 48, 52 et 54, ainsi que Michaïlidis, points 36 et 37) que l'administration ne peut à cet égard se contenter d'établir la répercussion de cette taxe sur les tiers et présumer de ce seul fait, ou du fait que la législation nationale impose d'intégrer ladite taxe dans le prix de vente aux consommateurs, que la charge économique que celle-ci a fait peser sur l'assujetti est neutralisée et que, en conséquence, un remboursement produirait automatiquement un enrichissement sans cause de ce dernier.
111 En outre, en vertu d'une jurisprudence également constante de la Cour, une réglementation nationale qui ferait reposer sur l'assujetti le fardeau de la preuve de la non-répercussion de la taxe sur les tiers, ce qui reviendrait à exiger une preuve négative, ou qui établirait une présomption selon laquelle la taxe a été répercutée sur les tiers ne serait pas conforme au droit communautaire (voir, notamment, arrêts précités San Giorgio, point 14; Dilexport, point 54, et Michaïlidis, points 36 à 38).
112 À cet égard, selon la juridiction de renvoi, la WAO ne contient aucune disposition spécifique réglant le partage du fardeau de la preuve que l'assujetti a répercuté la taxe sur les tiers et que le remboursement de la taxe indûment perçue entraînerait pour lui un enrichissement sans cause.
113 Si l'administration fiscale et le gouvernement autrichien soutiennent que le fardeau de la preuve pèse entièrement sur l'autorité nationale, il ressort également de l'ordonnance de renvoi que l'administration fiscale a conclu que la taxe sur les boissons alcoolisées n'avait pas été supportée économiquement par les demandeurs au principal en considération du simple fait que le prix facturé aux consommateurs de ces boissons incluait cette taxe. Cette façon de procéder pourrait constituer une présomption de répercussion de ladite taxe sur les tiers, ainsi que d'un enrichissement sans cause des assujettis, de nature à rendre impossible ou à tout le moins excessivement difficile le remboursement de la taxe indûment perçue, ce qui est contraire au droit communautaire.
114 Il appartient au juge national de déterminer si, en l'absence de présomption créée par la loi, la pratique de l'administration fiscale n'a pas pour effet d'instaurer une telle présomption d'enrichissement sans cause.
115 Il est vrai que, s'agissant d'une taxe «autoliquidée», la preuve de la répercussion effective sur les tiers ne peut être apportée sans la coopération de l'assujetti concerné. À cet égard, l'administration fiscale peut exiger d'avoir accès aux justificatifs que ce dernier était tenu de conserver en vertu des règles du droit national.
116 Il appartient aussi à la juridiction de renvoi de déterminer dans quelle mesure la coopération qui est requise de la part des assujettis pour établir l'absence de répercussion de la charge économique de la taxe sur les boissons alcoolisées n'équivaut pas, en pratique, à établir une présomption de répercussion de cette taxe, sauf à ces derniers à renverser une telle présomption en apportant la preuve contraire.
117 Il découle de ce qui précède que le principe d'effectivité, auquel il est fait référence au point 103 du présent arrêt, s'oppose à une législation ou à une pratique administrative nationale, qui rend impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, en instaurant une présomption d'enrichissement sans cause à partir du seul fait de la répercussion de la taxe sur des tiers.
118 Il y a donc lieu de répondre à la question posée par le juge de renvoi que:
- l'adoption par un État membre d'une réglementation, telle que la WAO, fixant des règles procédurales plus restrictives en matière de répétition de l'indu, pour prévenir les effets que pourrait avoir un arrêt de la Cour jugeant que le droit communautaire s'oppose au maintien d'une imposition nationale, n'est contraire à celui-ci et, plus particulièrement, à l'article 5 du traité que dans la mesure où elle vise spécifiquement cette imposition, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier;
- les règles du droit communautaire relatives à la répétition de l'indu doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui refuserait, ce qu'il appartient au juge national de vérifier, le remboursement d'une taxe incompatible avec le droit communautaire au seul motif que celle-ci a été répercutée sur les tiers, sans exiger soit établie la mesure de l'enrichissement sans cause qu'engendrerait pour l'assujetti le remboursement de cette taxe;
- le principe d'équivalence s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit des modalités procédurales moins favorables pour les demandes de remboursement d'une taxe indûment perçue au regard du droit communautaire que celles applicables à des recours similaires fondés sur certaines dispositions du droit interne. Il appartient au juge national de vérifier, sur la base d'une appréciation complète du droit national, s'il s'avère effectivement que, d'une part, seuls les requérants qui introduisent un recours fondé sur le droit constitutionnel interne peuvent se prévaloir de l'«Anlafallwirkung», et que, d'autre part, les rgles rgissant le remboursement de taxes juges incompatibles avec le droit constitutionnel interne sont plus favorables que celles applicables aux recours concernant des impositions juges contraires au droit communautaire;
- le principe d'effectivité s'oppose à une législation ou à une pratique administrative nationales qui rendent impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, en instaurant une présomption d'enrichissement sans cause à partir du seul fait de la répercussion de la taxe sur des tiers.
Sur les dépens
119 Les frais exposés par les gouvernements autrichien et italien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par le Verwaltungsgerichtshof, par ordonnance du 23 mars 2001, dit pour droit:
1) L'adoption par un État membre d'une réglementation, telle que la Wiener Abgabenordnung, fixant des règles procédurales plus restrictives en matière de répétition de l'indu, pour prévenir les effets que pourrait avoir un arrêt de la Cour jugeant que le droit communautaire s'oppose au maintien d'une imposition nationale, n'est contraire à celui-ci et, plus particulièrement, à l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE) que dans la mesure où elle vise spécifiquement cette imposition, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
2) Les règles du droit communautaire relatives à la répétition de l'indu doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui refuserait, ce qu'il appartient au juge national de vérifier, le remboursement d'une taxe incompatible avec le droit communautaire au seul motif que celle-ci a été répercutée sur les tiers, sans exiger que soit établie la mesure de l'enrichissement sans cause qu'engendrerait pour l'assujetti le remboursement de cette taxe.
3) Le principe d'équivalence s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit des modalités procédurales moins favorables pour les demandes de remboursement d'une taxe indûment perçue au regard du droit communautaire que celles applicables à des recours similaires fondés sur certaines dispositions du droit interne. Il appartient au juge national de vérifier, sur la base d'une appréciation complète du droit national, s'il s'avère effectivement que, d'une part, seuls les requérants qui introduisent un recours fondé sur le droit constitutionnel interne peuvent se prévaloir de l'«Anlafallwirkung», et que, d'autre part, les rgles rgissant le remboursement de taxes juges incompatibles avec le droit constitutionnel interne sont plus favorables que celles applicables aux recours concernant des impositions juges contraires au droit communautaire.
4) Le principe d'effectivité s'oppose à une législation ou à une pratique administrative nationales qui rendent impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, en instaurant une présomption d'enrichissement sans cause à partir du seul fait de la répercussion de la taxe sur des tiers.