Affaire C-378/02
Waterschap Zeeuws Vlaanderen
contre
Staatssecretaris van Financiën
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad)
«TVA — Bien d’investissement acquis par un organisme de droit public — Autorité publique — Opération effectuée en tant qu’assujetti et opération effectuée en tant que non-assujetti — Droit à déduction et à régularisation»
Conclusions de l’avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 18 novembre 2004
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 2 juin 2005
Sommaire de l’arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Biens d’investissement — Régularisation de la déduction initialement opérée — Conditions d’applicabilité de l’article 20 de la sixième directive — Acquisition des biens par un organisme de droit public en tant qu’autorité publique au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la directive — Vente de ces biens par le même organisme en qualité d’assujetti — Exclusion du droit à régularisation
(Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5, et 20)
Un organisme de droit public qui achète un bien d’investissement en tant qu’autorité publique, au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, et par conséquent en qualité de non-assujetti, et qui, par la suite, vend ce bien en qualité d’assujetti ne bénéficie pas, dans le cadre de cette vente, d’un droit à régularisation fondé sur l’article 20 de cette directive, en vue d’opérer une déduction de taxe sur la valeur ajoutée acquittée lors de l’achat dudit bien.
En effet, seule la qualité en laquelle l’organisme concerné a agi au moment de l’achat du bien peut déterminer l’existence d’un droit à déduction.
(cf. points 38, 44 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
2 juin 2005(*)
«TVA – Bien d’investissement acquis par un organisme de droit public – Autorité publique – Opération effectuée en tant qu’assujetti et opération effectuée en tant que non-assujetti – Droit à déduction et à régularisation»
Dans l’affaire C-378/02,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad (Pays-Bas), par décision du 18 octobre 2002, parvenue à la Cour le 21 octobre 2002, dans la procédure
Waterschap Zeeuws Vlaanderen
contre
Staatssecretaris van Financiën,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet, S. von Bahr (rapporteur), J. Malenovský et U. Lõhmus, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: Mme M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 septembre 2004,
considérant les observations présentées:
– pour Waterschap Zeeuws Vlaanderen, par M. H. de Kat, en qualité d’agent, assisté de Me R. Brouwen, advocaat,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mme S. Terstal, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa et H. van Vliet et Mme D. W. V. Zijlstra, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 novembre 2004,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Waterschap Zeeuws Vlaanderen (ci-après le «WZV») au Staatssecretaris van Financiën au sujet d’une demande de régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée par le WZV dans le cadre de la construction et de la livraison d’une installation industrielle.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 L’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive qui figure sous le titre II, intitulé «Champ d’application», est libellé comme suit:
«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:
1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».
4 L’article 4, paragraphes 1 à 3 et 5, de ladite directive dispose:
«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.
2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. […]
3. Les États membres ont la faculté de considérer également comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées au paragraphe 2 et notamment une seule des opérations suivantes:
a) la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation; les États membres peuvent définir les modalités d’application de ce critère aux transformations d’immeubles, ainsi que la notion de sol y attenant.
[…]
b) la livraison d’un terrain à bâtir.
[…]
[…]
5. Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.
Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.
[…]
Les États membres peuvent considérer comme activités de l’autorité publique les activités des organismes précités exonérées en vertu des articles 13 ou 28.»
5 L’article 20, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive prévoit:
«1. La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment:
a) lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer;
b) lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus; toutefois, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 5 paragraphe 6. Toutefois, les États membres ont la faculté d’exiger la régularisation pour les opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol.
2. En ce qui concerne les biens d’investissement, une régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué. Chaque année, cette régularisation ne porte que sur le cinquième de la taxe dont ces biens ont été grevés. Cette régularisation est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des années suivantes, par rapport à celui de l’année au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué.
Par dérogation au premier alinéa, les États membres peuvent, lors de la régularisation, se baser sur une période de cinq années entières à compter du début de l’utilisation du bien.
En ce qui concerne les biens d’investissement immobiliers, la durée de la période servant de base au calcul des régularisations peut être portée jusqu’à dix ans.»
La réglementation nationale
La loi du 28 juin 1968
6 Par la loi du 28 juin 1968 relative à la TVA (Wet van 28 juni 1968, houdende vervanging van de bestaande omzetbelasting door een omzetbelasting volgens het stelsel van heffing over de toegevoegde waarde, Stbl. 1968, p. 329, ci-après la «loi»), le Royaume des Pays-Bas a instauré une imposition sur le chiffre d’affaires fondée sur un système de TVA.
7 En vertu de l’article 7 de la loi, est considéré comme «entrepreneur» quiconque exerce une activité économique de manière indépendante. Cet article contient en outre une disposition relative aux organismes de droit public qui effectuent en une qualité autre que celle d’entrepreneur des prestations ou des livraisons susceptibles, par nature, d’être effectuées par des entrepreneurs. Selon cette disposition, un arrêté ministériel peut déterminer que ces organismes seront considérés comme des entrepreneurs lorsqu’ils effectuent ces prestations ou ces livraisons.
8 L’article 11, paragraphe 1, sous a) et b), de la loi dispose que la livraison ainsi que la location de biens immeubles sont en principe exonérées de la TVA, mais prévoit certaines exceptions, sous réserve qu’une demande soit déposée conjointement, selon le cas, par l’entrepreneur qui effectue la livraison et le destinataire de celle-ci ou par le bailleur et le locataire.
La décision d’exécution
9 Les autorités néerlandaises ont adopté, par arrêté ministériel du 30 août 1968, la décision d’exécution de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Uitvoeringsbeschikking omzetbelasting 1968, Stcrt. 1968, n° 169, ci-après la «décision d’exécution»).
10 L’article 3, sous a), de la décision d’exécution prévoit que les organismes de droit public sont considérés comme entrepreneurs en ce qui concerne la livraison de biens immeubles et la cession ou la constitution de droits portant sur de tels biens.
11 Les articles 13 et 13a de ladite décision, qui visent en particulier à transposer les dispositions de l’article 20 de la sixième directive, établissent à cet effet le mécanisme de régularisation du droit à déduction.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 Le WZV est un organisme de droit public chargé de la gestion publique des eaux sur le territoire qui lui a été confié aux Pays-Bas. Dans l’exercice de cette activité, le WZV agit en tant qu’autorité publique au sens de l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive et n’a donc pas la qualité d’assujetti à la TVA.
13 Afin de mener à bien les tâches qui lui incombent, le WZV a fait construire une installation de traitement des eaux résiduaires (ci-après l’«installation»), pour laquelle il a acquitté la somme d’environ 7,2 millions de NLG au titre de la TVA. L’installation a commencé de fonctionner en 1990.
14 Le WZV et deux autres organismes publics d’aménagement hydraulique ont convenu d’utiliser l’installation de manière centralisée pour le traitement des boues résultant de l’épuration des eaux résiduaires. Ces deux derniers organismes ont contribué financièrement aux investissements supplémentaires nécessités par l’utilisation de l’installation par les trois structures concernées. À partir de 1993, le WZV a répercuté sur les deux autres organismes la part respective des coûts du traitement centralisé des boues revenant à chacun d’entre eux, sans toutefois leur facturer la TVA. À cet égard, l’inspecteur des impôts, en accord avec le WZV, avait admis que celle-ci ne soit pas facturée à ces deux organismes à la condition que le WZV renonce au droit à déduction de la taxe acquittée en amont.
15 En décembre 1994, le WZV a constitué une fondation pour la promotion de l’environnement en Flandre néerlandaise (ci-après la «fondation») à laquelle il a vendu l’installation pour un prix hors TVA d’environ 18 millions de NLG.
16 Compte tenu des circonstances dans lesquelles elle a été réalisée, cette cession de propriété doit être considérée, selon la juridiction de renvoi, comme une livraison au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la sixième directive et de l’article 3, paragraphe 1, de la loi qui repose sur cet article 5. Le jour de la vente, le WZV a pris l’installation en location auprès de la fondation pour une durée de neuf ans et deux jours.
17 Le WZV et la fondation ont adressé deux requêtes conjointes à l’inspecteur des impôts, en vue d’être dispensés de l’exonération applicable à la vente ainsi qu’à la location de l’installation, conformément aux dispositions de l’article 11, paragraphe 1, sous a) et b), de la loi visant à transposer les dispositions de l’article 13, C, de la sixième directive relatives à la possibilité d’opter pour l’application de la TVA à la vente et à la location de biens immeubles.
18 Se fondant sur les dispositions des articles 13 et 13a de la décision d’exécution, le WZV a fixé la part du montant de la TVA facturé pour la construction de l’installation, susceptible, selon lui, de faire l’objet d’une régularisation, à environ 3,6 millions de NLG, représentant 5/10 de ce montant. Cette fraction était justifiée par le fait que cinq ans s’étaient écoulés depuis l’achat de l’installation et qu’une période identique restait à courir.
19 Dans sa déclaration afférente au 4e trimestre de l’année 1994, le WZV a demandé à l’inspecteur des impôts le remboursement d’environ 3,6 millions de NLG.
20 Cette demande a été rejetée au motif que, lors de la livraison de l’installation, le WZV n’avait droit à aucune régularisation au titre des dispositions de la décision d’exécution visant à transposer l’article 20 de la sixième directive.
21 Le WZV a introduit un recours contre la décision de rejet prise par l’inspecteur des impôts. À la suite du jugement rendu en appel par le Gerechtshof te Amsterdam, l’affaire a fait l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Hoge Raad.
22 La juridiction de renvoi relève que, dans la mesure où le WZV a effectué l’opération de vente en tant qu’assujetti et a demandé, conjointement avec l’acheteur de l’installation, à être dispensé de l’exonération applicable à une telle opération, une régularisation de la TVA acquittée par le WZV sur la construction de l’immeuble devrait en principe être admise. Le Hoge Raad éprouve cependant un doute à cet égard, compte tenu de la jurisprudence de la Cour.
23 Selon le Hoge Raad, se trouve posée la question de savoir si un organisme de droit public qui a utilisé un bien en tant qu’autorité publique et qui n’a par conséquent pas déduit la TVA payée lors de l’acquisition de celui-ci, a droit, à l’instar d’un assujetti ayant utilisé un bien pour des prestations exonérées, à la régularisation prévue à l’article 20 de la sixième directive, dans le cas où, par la suite, il effectue une livraison de ce bien en tant qu’assujetti et où cette livraison est taxable.
24 La juridiction de renvoi précise qu’une difficulté supplémentaire tient au fait que le WZV a renoncé au droit à déduction de la taxe acquittée en amont en raison de l’accord conclu avec l’inspecteur des impôts. Le WZV serait, de ce fait, considéré comme ayant renoncé à affecter partiellement l’installation au patrimoine de son entreprise.
25 Ladite juridiction se demande si la jurisprudence de la Cour concernant l’affectation des biens d’investissement, selon le choix de l’assujetti, au patrimoine privé de ce dernier ou à celui de son entreprise est applicable mutatis mutandis aux organismes de droit public.
26 C’est dans ces circonstances que le Hoge Raad a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Lorsqu’un organisme de droit public a acquis un bien d’investissement et que celui-ci fait l’objet, moyennant une contrepartie, d’une livraison à un tiers, pour laquelle l’organisme doit être considéré comme un assujetti, celui-ci peut-il, en vertu de l’article 20 (particulièrement les paragraphes 2 et 3) de la sixième directive, bénéficier de la régularisation de la taxe sur le chiffre d’affaires payée lors de l’acquisition du bien, dans la mesure où il a utilisé ce bien dans le cadre d’opérations effectuées en tant qu’autorité publique, au sens de l’article 4, paragraphe 5, de la directive?
2) Un organisme de droit public a-t-il le droit, en vertu de la sixième directive, d’exclure complètement du patrimoine de son entreprise un bien d’investissement dont il se sert tantôt comme assujetti, tantôt comme autorité publique, à l’instar de ce que la Cour a jugé à propos des personnes physiques assujetties?»
Remarques liminaires
27 Il ressort des indications données par la juridiction de renvoi et présentées aux points 1212 et 13 du présent arrêt que le WZV a acquis l’installation afin de mener à bien sa tâche de gestion publique des eaux sur le territoire qui lui a été confié et qu’il a, dans ce cadre, agi en tant qu’autorité publique.
28 La première question doit donc être entendue comme visant à savoir si un organisme de droit public qui achète un bien d’investissement en tant qu’autorité publique au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive et qui, par la suite, vend ce bien en tant qu’assujetti peut, dans le cadre de cette vente, bénéficier d’une régularisation au sens de l’article 20 de la sixième directive, en vue d’opérer une déduction de TVA acquittée lors de l’achat du bien.
Sur la première question
29 Il convient de rappeler que, en vertu des dispositions de l’article 2 de la sixième directive, l’application des règles relatives à la TVA aux opérations de livraisons de biens ou de prestations de services à l’intérieur d’un pays, y compris les règles concernant le droit à déduction, dépend de la qualité d’assujetti de la personne effectuant l’opération.
30 Un assujetti peut déduire, de la TVA dont il est redevable, la taxe qu’il a lui-même acquittée s’il satisfait aux conditions prévues à l’article 17 de la sixième directive.
31 En vertu de cet article 17, paragraphe 1, le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. Selon l’article 10, paragraphe 2, de la sixième directive, ce moment correspond à celui où la livraison du bien est effectuée. Ainsi, en cas d’achat d’un bien, le droit à déduction naît au moment de la livraison de ce bien. L’article 17, paragraphe 2, de ladite directive prévoit que l’assujetti est autorisé à déduire la TVA qu’il a acquittée sur des biens qui lui ont été livrés par un autre assujetti, dans la mesure où ces biens sont utilisés pour les besoins des opérations taxées qu’il effectue.
32 Il résulte des dispositions desdits articles 2 et 17 que seule une personne, qui a la qualité d’assujetti et qui agit en tant que tel au moment où elle acquiert un bien, dispose d’un droit à déduction au titre de ce bien et peut déduire la TVA due ou acquittée pour ce bien si elle l’utilise pour les besoins de ses opérations taxées (voir, en ce qui concerne l’article 17 de la sixième directive, arrêt du 11 juillet 1991, Lennartz, C-97/90, Rec. p. I-3795, point 8).
33 En revanche, une personne non assujettie ne dispose pas du droit de déduire la TVA qu’elle a pu acquitter sur l’achat d’un bien. L’activité de cette personne – ses livraisons de biens ou prestations de services – n’entrent pas dans le champ d’application des règles relatives à la TVA tel que défini à l’article 2 de la sixième directive.
34 Il convient de relever que, selon l’article 4, paragraphe 5, de ladite directive, les organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques.
35 Il en résulte que, lorsque ces organismes, parmi lesquels figure le WZV, agissent en qualité d’autorité publique au moment de l’achat d’un bien d’investissement, ils ne disposent, en principe, d’aucun droit à déduction en relation avec ce bien.
36 Il convient, néanmoins, de s’interroger sur le point de savoir si un changement intervenu dans la situation de l’organisme concerné au regard de l’assujettissement à la TVA peut avoir des répercussions sur le droit à déduction. Ainsi, se trouve en particulier posée la question de savoir si le fait que, par la suite, l’organisme acquiert la qualité d’assujetti dans le cadre de certaines opérations portant sur un bien qu’il avait acheté en tant que non-assujetti peut lui ouvrir un droit à déduction de la TVA acquittée sur ce bien et donner lieu à une régularisation fondée sur l’article 20 de la sixième directive.
37 Dans l’affaire à l’origine de l’arrêt Lennartz, précité, était en cause le cas d’un particulier assujetti à la TVA, qui avait acheté et utilisé un véhicule à des fins privées et qui, par la suite, ayant également utilisé ce bien à des fins professionnelles, avait tenté de déduire la TVA acquittée lors de l’achat de celui-ci.
38 Après avoir rappelé que l’article 17 de la sixième directive détermine le moment où prend naissance le droit à déduction et fait ressortir que seule la qualité en laquelle le particulier concerné a agi au moment de l’achat du bien peut déterminer l’existence d’un droit à déduction, la Cour a relevé que l’article 20 de la même directive, intitulé «Régularisation des déductions», ne comporte, en revanche, aucune disposition relative à la naissance du droit à déduction. Elle a jugé que cette dernière disposition se borne à établir le mécanisme permettant de calculer les régularisations de la déduction initiale et ne saurait donc donner naissance à un droit à déduction, ni transformer la taxe acquittée par un assujetti en relation avec ses opérations non taxées en une taxe déductible au sens dudit article 17 (voir arrêt Lennartz, précité, points 11 et 12).
39 Il y a lieu d’appliquer ce raisonnement à un organisme de droit public qui agit en tant qu’autorité publique au moment de l’achat d’un bien d’investissement. En effet, cet organisme, n’ayant pas alors agi en qualité d’assujetti, ne dispose, à l’instar du particulier agissant pour ses besoins privés, d’aucun droit à déduire la TVA qu’il a acquittée sur ce bien.
40 La circonstance que, par la suite, ledit organisme a agi en tant qu’assujetti ne saurait donc, sur le fondement de l’article 20 de la sixième directive, avoir pour conséquence de rendre déductible, au sens de l’article 17 de cette dernière, la taxe acquittée par ce même organisme au titre des opérations effectuées en tant qu’autorité publique, et pour cette raison non taxées.
41 Contrairement à la thèse défendue par le WZV, un tel organisme ne saurait être assimilé à une personne assujettie exerçant certaines activités taxées et d’autres exonérées. Ainsi qu’il a été mentionné ci-dessus, la qualité d’assujetti est déterminante et elle s’apprécie au moment de l’acquisition du bien concerné par ledit organisme.
42 Le WZV soutient, par ailleurs, que l’impossibilité de déduire la TVA acquittée en amont crée une distorsion significative de concurrence qui justifie, selon lui, l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive en vertu de laquelle les organismes de droit public doivent être considérés comme des assujettis. Pour illustrer l’existence d’une distorsion de concurrence, le WZV compare la situation d’un opérateur du marché, avec celle d’un organisme de droit public, et soutient que dans des circonstances analogues, l’opérateur du marché pourrait déduire la TVA acquittée en amont de la TVA perçue en aval.
43 Cet argument doit également être écarté. En effet, la distorsion de concurrence éventuelle, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, trouve davantage son origine dans l’exercice par l’organisme de droit public du droit d’opter pour la taxation de la vente et de la location du bien immobilier concerné que dans l’application du régime selon lequel les organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 38 de ses conclusions, si ce régime peut par lui-même compromettre dans une certaine mesure l’application des principes de neutralité et d’égalité de traitement, cet effet est inhérent à l’existence d’exceptions au système de TVA.
44 Il y a donc lieu de répondre à la première question qu’un organisme de droit public qui achète un bien d’investissement en tant qu’autorité publique au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive et par conséquent en qualité de non-assujetti, et qui, par la suite, vend ce bien en qualité d’assujetti ne bénéficie pas, dans le cadre de cette vente, d’un droit à régularisation fondé sur l’article 20 de cette directive, en vue d’opérer une déduction de TVA acquittée lors de l’achat dudit bien.
Sur la seconde question
45 Cette question est implicitement posée pour le cas où un organisme de droit public tel que le WZV serait considéré, au moment de l’achat d’un bien d’investissement, comme ayant exercé tant des activités économiques au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive que des activités visées au paragraphe 5, premier alinéa, du même article. Eu égard aux considérations développées dans la réponse à la première question, d’où il résulte qu’un tel organisme n’agissait pas en qualité d’assujetti au moment ou il a effectué cet achat, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.
Sur les dépens
46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
Un organisme de droit public qui achète un bien d’investissement en tant qu’autorité publique, au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, et par conséquent en qualité de non-assujetti, et qui, par la suite, vend ce bien en qualité d’assujetti ne bénéficie pas, dans le cadre de cette vente, d’un droit à régularisation fondé sur l’article 20 de cette directive, en vue d’opérer une déduction de TVA acquittée lors de l’achat dudit bien.
Signatures
* Langue de procédure: le néerlandais.