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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
MME CHRISTINE STIX-HACKL
présentées le 5 février 2004(1)


Affaire C-400/02



Gerard Merida
contre
République fédérale d'Allemagne


[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesarbeitsgericht (Allemagne)]

«Libre circulation des travailleurs – Égalité de traitement dans les conventions collectives – Allocation temporaire – Discrimination d'anciens travailleurs en Allemagne domiciliés en France»






I –   Introduction

1.        La présente procédure a trait au calcul d'une prestation déterminée (l'«Überbrückungsbeihilfe», ci-après l'«allocation temporaire») qui est prévue par une convention collective et versée à l'issue du contrat de travail.

II –  Cadre juridique

A –   Le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté  (2)

2.        Aux termes de l'article 7, paragraphe 4, dudit règlement:

«Toute clause de convention collective ou individuelle ou d'autre réglementation collective portant sur l'accès à l'emploi, l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et de licenciement, est nulle de plein droit dans la mesure où elle prévoit ou autorise des conditions discriminatoires à l'égard des travailleurs ressortissant des autres États membres.»

B –   La réglementation nationale

3.        Selon les indications non contredites fournies par la juridiction a quo dans son ordonnance de renvoi et par le représentant du gouvernement allemand à l'audience, le droit applicable en Allemagne se présente comme suit.

4.        Au sein des forces françaises stationnées sur le territoire allemand étaient employés, jusqu'au retrait de ces forces, des travailleurs civils dont l'employeur était les troupes françaises. Le salaire était versé par les autorités de la République fédérale d'Allemagne au nom et pour le compte des troupes françaises. En vertu de la convention franco-allemande sur la double imposition, le droit fiscal applicable au salaire était déterminé en fonction du domicile du travailleur. En conséquence, les autorités allemandes ne retenaient pas l'impôt sur les salaires sur la rémunération brute des travailleurs domiciliés en France, mais leur versaient une somme supérieure par rapport aux travailleurs domiciliés en Allemagne. Cette somme payée par l'ancien employeur était soumise aux impôts en France.

5.        L'allocation temporaire est une prestation sociale que la République fédérale d'Allemagne verse en son nom propre et sur ses ressources budgétaires aux anciens travailleurs des «forces françaises stationnées sur le territoire allemand» sur le fondement du Tarifvertrag vom 31. August 1971 zur sozialen Sicherung der Arbeitnehmer bei den Stationierungsstreitkräften im Gebiet der Bundesrepublik Deutschland (convention collective, du 31 août 1971, relative à la sécurité sociale des salariés employés auprès des forces stationnées sur le territoire allemand, ci-après la «convention collective de sécurité sociale») lorsque leur contrat de travail a été résilié en raison du retrait d'Allemagne de ces forces.

6.        Selon les dispositions, applicables au litige au principal, de la convention collective de sécurité sociale, le montant de l'allocation temporaire est calculé de la même façon pour tous ses bénéficiaires. Ce calcul est en substance effectué de telle manière que, en partant de cette rémunération conventionnelle de base, qui revenait au salarié à la date du licenciement pour un mois civil entier, on tient compte notamment, en sus des prestations de chômage effectivement touchées, de l'impôt allemand sur les salaires calculé fictivement, et ce suivant les critères fiscaux applicables à la date du paiement de l'allocation temporaire. L'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement, est donc également pris en compte dans le cas d'anciens travailleurs domiciliés en France qui, pendant la période travaillée, n'ont subi aucune retenue dudit impôt prévu par le droit allemand.

7.        Au-delà d'un montant non imposable, l'allocation temporaire ainsi calculée est soumise à l'impôt pour les bénéficiaires vivant en Allemagne. Les bénéficiaires vivant en France doivent payer des impôts français sur cette allocation. L'article 4, paragraphe 4, deuxième phrase, de la convention collective de sécurité sociale dispose: «Si l'allocation temporaire est versée en complément des prestations du Bundesanstalt für Arbeit (Office fédéral de l'emploi) […], il convient de lui ajouter le montant nécessaire à la couverture de l'impôt sur les salaires». Selon les dires du représentant du gouvernement allemand à l'audience, «cette majoration [a pour effet] de neutraliser une éventuelle imposition. Peu importe à cet égard l'État membre qui recouvre cet impôt. […] En Allemagne, le bénéficiaire est toujours dans une situation telle qu'il n'est pas économiquement grevé de l'impôt. En l'espèce, l'impôt que le demandeur au principal doit payer en France sur l'allocation temporaire pourrait être remboursé. Seule une preuve du montant de l'impôt acquitté est nécessaire à cette fin. Nationaux et étrangers sont toujours traités de manière strictement égale en ce qui concerne les impôts qui doivent être effectivement payés».

III –  Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle

8.        M. Gerard Merida est ressortissant français et habite en France. Jusqu'à son licenciement, il travaillait auprès des forces françaises stationnées en Allemagne. À l'issue de son contrat de travail, M. Merida a touché une allocation temporaire en application de la convention collective de sécurité sociale. Le montant de la prestation a été calculé conformément à ladite convention, c'est-à-dire qu'en partant de l'ancien traitement brut on a tenu compte des prestations de chômage effectivement perçues en France et de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement. Pour M. Merida, l'allocation temporaire ainsi calculée devait, selon la convention applicable sur la double imposition, être taxée en France comme un salaire et était donc soumise à l'impôt français.

9.        Estimant être illégalement désavantagé par rapport aux travailleurs domiciliés en Allemagne en raison de la retenue de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement, M. Merida a engagé une action contre la République fédérale d'Allemagne. L'Arbeitsgericht compétent (tribunal du travail) et le Landesarbeitsgericht (tribunal régional supérieur du travail) ont respectivement rejeté le recours et l'appel. Devant le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail), M. Merida a formé un pourvoi en «Revision» contre le jugement du Landesarbeitsgericht. Le Bundesarbeitsgericht doute que la convention collective de sécurité sociale soit compatible avec le droit communautaire à la libre circulation des travailleurs en ce qui concerne le mode de calcul de l'allocation temporaire dans des cas comme celui du litige au principal. C'est pour ce motif qu'il a, par ordonnance du 27 juin 2002, sursis à statuer et déféré à la Cour à titre préjudiciel la question suivante:

«Méconnaît-on l'article 39 CE en se fondant fictivement sur l'impôt allemand sur les salaires lors de la détermination de la base de calcul de l'allocation temporaire dans le cas prévu à l'article 4, point 1, sous b), du Tarifvertrag zur sozialen Sicherung der Arbeitnehmer bei den Stationierungsstreitkräften im Gebiet der Bundesrepublik Deutschland (‘TV SozSich’) (convention collective relative à la sécurité sociale des salariés employés auprès des forces stationnées sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne) [article 4, point 3, sous b), deuxième phrase, du TV SozSich] lorsque l'ancien salarié habite à l'étranger et qu'il y est imposable?»

IV –  Sur la question préjudicielle

A –   Arguments principaux des parties

10.      M. Merida et la Commission estiment que les bénéficiaires de l'allocation temporaire habitant en France sont victimes d'une discrimination indirecte du fait de la retenue de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement. Il résulte du mode de calcul de l'allocation temporaire que ces bénéficiaires touchent au total un montant inférieur à celui qu'ils percevaient auparavant de leur ancien employeur. Outre l'imputation de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement, et des prestations de chômage, un travailleur soumis au droit fiscal allemand en raison de son domicile allemand n'a en effet aucune autre retenue sur l'allocation temporaire. Par contre, les bénéficiaires, domiciliés en France, de l'allocation temporaire doivent acquitter l'impôt français effectif sur l'allocation temporaire, en plus de la retenue de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement. Or, selon M. Merida et la Commission, l'allocation temporaire vise à maintenir, pendant la première année suivant la cessation du rapport de travail, l'intégralité du salaire versé par l'ancien employeur. Cela est garanti pour les bénéficiaires domiciliés en Allemagne. Sur la base de la convention sur la double imposition, les bénéficiaires domiciliés en France avaient par contre un salaire supérieur parce que les prestations de l'employeur étaient encore soumises à l'impôt en France. Or, en ce qui concerne l'allocation temporaire, le montant du salaire brut est maintenant minoré tant de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement, que de l'impôt effectif français. Cette position moins favorable ne saurait pas non plus être justifiée par des motifs de simplification administrative. Le principe communautaire de libre circulation des travailleurs énoncé à l'article 39 CE ne saurait être restreint de ce fait.

11.      Selon la République fédérale d'Allemagne, le calcul du montant de l'allocation temporaire sous déduction de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement, n'est pas discriminatoire dans des cas comme ceux de M. Merida. Sur ce point, elle invoque notamment des motifs de simplification administrative, et le fait que l'allocation temporaire ne consiste pas à maintenir le paiement du salaire en cas de chômage. Le représentant du gouvernement allemand a exposé à l'audience que l'allocation temporaire constituait plutôt une prestation sociale volontaire versée par la République fédérale d'Allemagne à d'anciens travailleurs d'autres États, qui vise à «atténuer les conséquences sociales du processus de reconversion» en cas de chômage et qu'elle était «une certaine aide sous la forme d'une prestation sociale». L'allocation temporaire est donc calculée de la même façon pour tous les bénéficiaires. Le droit communautaire ne fonde aucun droit au traitement plus favorable des travailleurs frontaliers par rapport aux travailleurs domiciliés dans le pays. À l'audience, la République fédérale d'Allemagne a poursuivi en exposant que, même pour les bénéficiaires domiciliés en Allemagne, l'allocation temporaire était en principe encore imposable en tant que telle. Les impôts éventuellement dus sont toutefois «neutralisés» lors du calcul de l'allocation temporaire par une majoration correspondante de la prestation. Cette règle vaut également pour les impôts à payer en France sur l'allocation temporaire.

B –   Appréciation

1.        Sur la formulation de la question préjudicielle

12.      La juridiction a quo a des doutes sur la compatibilité avec l'article 39 CE de l'article 4, point 3, sous b), deuxième phrase, de la convention collective de sécurité sociale dans la mesure où figure dans cette disposition conventionnelle la «détermination de la base de calcul» (il faut vraisemblablement comprendre le calcul du montant) de l'allocation temporaire — même pour les bénéficiaires domiciliés en France — sous déduction de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement. Elle sollicite donc l'interprétation de l'article 39 CE. Or, les prestations conventionnelles comme celle de l'allocation temporaire relèvent également du champ d'application de l'interdiction de discrimination énoncée à l'article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68. Dans des affaires analogues, la Cour a jusqu'à maintenant examiné conjointement le traité CE et le règlement n° 1612/68, et a constaté que le règlement précisait les droits que les travailleurs migrants tirent de l'article 39 CE dans la mesure où il s'agit d'obligations découlant d'un rapport de travail et/ou d'une convention collective  (3) .

13.      Nous proposons, dès lors, de reformuler la question préjudicielle comme suit:

«Les articles 39 CE et 7, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils font obstacle à une disposition de convention collective nationale selon laquelle le montant d'une prestation sociale comme l'‘allocation temporaire’ en cause dans le litige au principal se calcule dans le cas de bénéficiaires domiciliés dans un autre État membre, qui y sont également imposables, de telle façon qu'en partant de l'ancien salaire brut on tienne compte de l'impôt national sur les salaires, calculé fictivement, bien qu'en vertu d'une convention sur la double imposition aucun impôt national sur les salaires n'ait été retenu pour lesdits bénéficiaires pendant toute la durée du rapport de travail?»

2.        Sur l'interprétation des articles 39 CE et 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68

a)        Sur la question d'une éventuelle discrimination en raison d'une double imposition de fait

14.      M. Merida et la Commission voient une discrimination illicite dans le fait de prendre en compte l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement, pour calculer l'allocation temporaire destinée aux bénéficiaires domiciliés en France bien que cette allocation doive encore y être imposée. Manifestement la question préjudicielle de la juridiction nationale porte aussi sur cet aspect dans la mesure où elle est fondée sur l'imposition en France.

15.     À cet égard, il convient tout d'abord de constater que, si la convention collective de sécurité sociale constituait la base d'une éventuelle discrimination, elle n'a pas été intégralement reproduite par la juridiction a quo. Ce n'est qu'à l'audience que la République fédérale d'Allemagne a, en citant le passage correspondant de la convention collective, exposé — sans être contredite — que l'allocation temporaire était également imposable pour ses bénéficiaires en Allemagne, mais que les impôts étaient remboursés et que les bénéficiaires domiciliés en France pouvaient eux aussi réclamer ce remboursement. Est donc sans objet la discrimination des bénéficiaires domiciliés en France, qui résulterait d'une imposition quasiment «double» (imposition fictive en Allemagne et effective en France), discrimination que la juridiction a quo a jugée possible et que M. Merida et la Commission ont manifestement présumée dans leur argumentation.

b)        Sur la question d'une éventuelle discrimination du fait que le montant de l'allocation temporaire destinée aux bénéficiaires domiciliés en France ne correspond pas à la somme versée par leur ancien employeur

16.      Pour calculer l'allocation temporaire, on tient compte en partant du salaire brut individuel, pour tous les bénéficiaires, c'est-à-dire indépendamment de leur domiciliation en Allemagne, de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement, dû pour une personne comparable domiciliée en Allemagne. Cela entraîne pour les bénéficiaires domiciliés en France une position moins favorable par rapport à ceux domiciliés en Allemagne dans la mesure où le montant de l'allocation temporaire pour les premiers ne correspond pas à la somme versée par l'ancien employeur, contrairement à ce qu'il en est pour les seconds.

17.      La question se pose de savoir s'il faut y voir une discrimination indirecte interdite par les articles 39 CE et 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68.

18.      Les articles 39 CE et 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68 prohibent non seulement la discrimination fondée sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat  (4) . Il ressort de cette jurisprudence que, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l'objectif poursuivi, une disposition de droit national doit être considérée comme indirectement discriminatoire dès lors qu'elle est susceptible, par sa nature même, d'affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et qu'elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers  (5) .

19.      Si la convention collective de sécurité sociale ne distingue pas selon la nationalité des bénéficiaires d'une allocation temporaire, elle peut néanmoins avoir des répercussions différentes selon que le travailleur habite en Allemagne ou en France au moment où il perçoit l'allocation temporaire. Or, les ressortissants d'un pays sont bien plus souvent domiciliés dans leur propre pays que d'anciens travailleurs migrants de sorte qu'un tel critère a tendance à désavantager d'anciens travailleurs frontaliers  (6) . Il pourrait donc s'agir d'un cas de discrimination indirecte.

20.      Une discrimination indirecte consiste dans l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l'application de la même règle à des situations différentes et dans le fait que cela ne peut être justifié par une différence ou une finalité objective  (7) . Le mode de calcul de l'allocation temporaire pourrait constituer une règle et cette même règle est appliquée à des situations différentes.

21.      C'est le plus souvent à l'aide de l'objectif de la mesure à chaque fois litigieuse que la Cour a apprécié l'existence d'une discrimination indirecte  (8) .

22.      D'après l'argument, plausible sur ce point, que la République fédérale d'Allemagne a exposé à l'audience, l'objectif de l'allocation temporaire n'est pas de maintenir le niveau de revenu individuel en cas de chômage, mais d'octroyer une prestation sociale publique indépendante du rapport de travail, qui sert à atténuer les conséquences sociales du chômage. Cela ressort du fait que la prestation est fournie non pour le compte de l'ancien employeur, mais par un tiers, à savoir la République fédérale d'Allemagne, sur ses propres ressources et sans contrepartie.

23.      Il semble tout à fait compatible avec cet objectif de calculer cette prestation sociale de manière uniforme pour des bénéficiaires comparables domiciliés sur le territoire national et domiciliés dans un autre État membre, c'est-à-dire en tenant ici compte de l'impôt allemand sur les salaires, calculé fictivement.

24.      Il s'ensuit certes que le montant de l'allocation temporaire destinée aux bénéficiaires domiciliés en France ne correspond pas à celui de la somme versée par l'ancien employeur. Toutefois ce montant nominal supérieur pour les travailleurs domiciliés en France n'était que la conséquence naturelle de la circonstance que, durant la période travaillée, leurs revenus étaient exonérés de l'impôt allemand sur les salaires sur la base de la convention applicable sur la double imposition.

25.      Selon la jurisprudence de la Cour, une telle différence de situation des contribuables domiciliés dans différents États membres, liée à des conventions sur la double imposition, est compatible avec le droit communautaire dans la mesure où elle découle au premier chef des disparités entre les barèmes d'imposition des États membres en cause, qui relèvent de la compétence des États membres  (9) . Mais on ne saurait conclure de la compatibilité avec le droit communautaire d'une différence de traitement comme dans l'affaire au principal pour des travailleurs actifs domiciliés en Allemagne et en France, que cela doit également se traduire dans le calcul d'une prestation sociale publique indépendante de l'employeur, laquelle vise à atténuer les conséquences sociales du chômage.

26.      Il convient donc de constater que les articles 39 CE et 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68 ne font pas obstacle au calcul de l'allocation temporaire conformément à la convention collective de sécurité sociale dans le cas de bénéficiaires domiciliés en France dans la mesure où l'allocation temporaire constitue une prestation sociale publique indépendante de l'employeur, dont l'objectif consiste à atténuer les conséquences sociales du chômage.

V –  Conclusion

27.      D'après tout ce qui précède, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle:

«Les articles 39 CE et 7, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne font pas obstacle à une disposition de convention collective nationale selon laquelle le montant d'une prestation sociale comme l'‘allocation temporaire’ en cause dans le litige au principal se calcule dans le cas de bénéficiaires domiciliés dans un autre État membre, qui y sont également imposables, de telle façon qu'en partant de l'ancien salaire brut on tienne compte de l'impôt national sur les salaires, calculé fictivement, bien qu'en vertu d'une convention sur la double imposition aucun impôt national sur les salaires n'ait été retenu pour lesdits bénéficiaires pendant toute la durée du rapport de travail, lorsqu'un impôt dû sur l'allocation temporaire dans un autre État membre est remboursé tout autant qu'un impôt dû, le cas échéant, à l'administration fiscale nationale.»


1 – Langue originale: l'allemand.


2 – JO L 257, p. 2.


3 – Arrêts du 8 mai 1990, Biehl/Administration des contributions (C-175/88, Rec. p. I-1779); du 23 février 1994, Scholz (C-419/92, Rec. p. I-505), et du 15 janvier 1998, Schöning-Kougebetopoulou (C-15/96, Rec. p. I-47).


4 – Arrêts du 12 février 1974, Sotgiu (152/73, Rec. p. 153, point 11); du 23 mai 1996, O'Flynn (C-237/94, Rec. p. I-2617, point 17), et du 27 novembre 1997, Meints (C-57/96, Rec. p. I-6689, point 44).


5 – Arrêts du 12 septembre 1996, Commission/Belgique (C-278/94, Rec. p. I-4307), et O'Flynn, précité à la note 4.


6 – Arrêts Meints, précité à la note 4, et du 24 septembre 1998, Commission/France (C-35/97, Rec. p. I-5325).


7 – Voir, ex multis, par exemple les arrêts sur le traitement fiscal de non-résidents, du 14 février 1995, Schumacker (C-279/93, Rec. p. I-225); du 11 août 1995, Wielockx (C-80/94, Rec. p. I-2493); du 27 juin 1996, Asscher (C-107/94, Rec. p. I-3089), et du 14 septembre 1999, Gschwind (C-391/97, Rec. p. I-5451, points 21 et suiv.); voir, en outre, arrêts Meints, précité à la note 4, point 45, et O'Flynn, précité à la note 4, point 20.


8 – Voir, par exemple, très récemment arrêt du 23 octobre 2003, Schönheit et Becker (C-4/02 et C-5/02, Rec. p. I-12575, points 84 et 95).


9 – Arrêts du 12 mai 1998, Gilly (C-336/96, Rec. p. I-2793), et du 12 décembre 2002, De Groot (C-385/00, Rec. p. I-11819).