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Affaire C-494/03

Senior Engineering Investments BV

contre

Staatssecretaris van Financiën

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Hoge Raad der Nederlanden)

«Directive 69/335 — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Régime national imposant une société de capitaux (société fille) au titre du droit d'apport à l'occasion d'un apport effectué par sa société mère (société grand-mère) en faveur de sa filiale (société petite-fille) — Droit d'apport — Augmentation du capital social — Versement 'sur l'agio' — Augmentation de l'avoir social — Augmentation de la valeur des parts sociales — Prestation effectuée par un associé — Versement par l'associé de l'associé — Versement à une filiale — 'Véritable bénéficiaire' — Perception du droit d'apport une seule fois (dans la Communauté) — Article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) — Liberté d'établissement — Pratique nationale exonérant la société de capitaux (société fille) de l'imposition uniquement si sa filiale (société petite-fille) est également établie dans cet État membre»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 14 juillet 2005 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 12 janvier 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Droit d'apport perçu sur les sociétés de capitaux

(Directive du Conseil 69/335, art. 4, § 2, b) et c))

2.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Droit d'apport perçu sur les sociétés de capitaux

(Directive du Conseil 69/335, sixième considérant, art. 2, § 1, et 4, § 2, b))

1.     L'«augmentation du capital social» au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303, implique l'augmentation formelle du capital social au moyen soit d'une émission de nouvelles parts sociales ou actions, soit d'une augmentation de la valeur nominale des parts sociales ou actions existantes.

En revanche et dans la mesure où l'avoir social est défini comme l'ensemble des biens que les associés ont mis en commun avec leurs accroissements, l'«augmentation de l'avoir social» au sens de l'article 4, paragraphe 2, sous b), de ladite directive comprend, en principe, toute forme d'augmentation du patrimoine social d'une société de capitaux.

La circonstance qu'une contribution soit versée non pas par l'associé de la société de capitaux en question, mais par la société mère de celui-ci, donc par l'associé de l'associé, n'exclut pas que cette contribution se présente comme une «prestation effectuée par un associé» au sens de l'article 4, paragraphe 2, sous b), de ladite directive dès lors que la contribution en question a été versée, par la société grand-mère à la société petite-fille, afin d'augmenter la valeur des parts sociales dans cette dernière et que cette augmentation est surtout dans l'intérêt de son unique associé, la société fille. La contribution doit ainsi être attribuée à cette dernière.

(cf. points 33-34, 39)

2.     L'article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335 concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303, lu en combinaison avec l'article 2, paragraphe 1, et le sixième considérant de celle-ci, s'oppose à ce qu'un État membre impose, au titre du droit d'apport, une société de capitaux (société fille) à l'occasion d'une contribution versée par sa société mère (société grand-mère) à sa filiale (société petite-fille) lorsque, selon les règles de la directive, la contribution en question est soumise au droit d'apport dans le chef de la société petite-fille.

En effet, étant donné qu'un apport en société ne peut être taxé qu'une seule fois (dans la communauté), ladite contribution ne saurait faire l'objet d'une seconde imposition, cette fois-ci dans le chef de la société fille.

À cet égard, il importe peu que la contribution en question ait éventuellement également augmenté l'avoir social de la société fille, puisqu'une telle augmentation ne pourrait constituer qu'un effet économique automatique et accessoire de l'apport effectué en faveur de la société petite-fille et ne serait donc pas due à un second apport distinct qui pourrait, en tant que tel, être soumis à l'imposition. De même, il importe peu que l'État membre compétent pour taxer la société petite-fille n'ait, en réalité, pas imposé cette société. Les États membres sont en effet libres d'exonérer du droit d'apport les apports en société, sans que cette exonération ait pour conséquence de permettre à un autre État membre de les imposer.

(cf. points 40-44 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 janvier 2006 (*)

«Directive 69/335 – Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux – Régime national imposant une société de capitaux (société fille) au titre du droit d’apport à l’occasion d’un apport effectué par sa société mère (société grand-mère) en faveur de sa filiale (société petite-fille) – Droit d’apport – Augmentation du capital social – Versement ‘sur l’agio’ – Augmentation de l’avoir social – Augmentation de la valeur des parts sociales – Prestation effectuée par un associé – Versement par l’associé de l’associé – Versement à une filiale – ‘Véritable bénéficiaire’ – Perception du droit d’apport une seule fois (dans la Communauté) – Article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) – Liberté d’établissement – Pratique nationale exonérant la société de capitaux (société fille) de l’imposition uniquement si sa filiale (société petite-fille) est également établie dans cet État membre»

Dans l’affaire C-494/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 21 novembre 2003, parvenue à la Cour le 24 novembre 2003, dans la procédure

Senior Engineering Investments BV

contre

Staatssecretaris van Financiën

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, Mme  N. Colneric, MM. J. N. Cunha Rodrigues, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 mai 2005,

considérant les observations présentées:

–       pour Senior Engineering Investments BV, par MM. H. T. P.M. van den Hurk et G. Weening, belastingadviseurs,

–       pour le gouvernement néerlandais, par Mmes  H. G. Sevenster et J. van Bakel, ainsi que M. M. de Grave, en qualité d’agents,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et A. Weimar, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juillet 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2 et 4 de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23, ci-après la «directive 69/335»), ainsi que de l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Senior Engineering Investments BV (ci-après «Senior BV» ou la «société fille») au Staatssecretaris van Financïen au sujet de la perception d’un droit d’apport à l’occasion d’une contribution financière versée par sa société mère, Senior Engineering Investments Ltd (ci-après «Senior Ltd» ou la «société grand-mère»), «sur l’agio» de sa filiale, Senior Engineering Trading Gesellschaft für Autozulieferteile mbH (ci-après «Senior GmbH» ou la «société petite-fille»).

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       Ainsi qu’il ressort de ses premier et deuxième considérants, la directive 69/335 tend à promouvoir la libre circulation des capitaux, liberté qui est considérée comme essentielle à la création d’un marché intérieur. À ce titre, elle vise à éliminer les obstacles fiscaux dans le domaine des rassemblements de capitaux, dont, notamment, les apports effectués, par les associés ou les actionnaires, à leurs sociétés de capitaux.

4       À cet effet, les articles 1er à 9 de la directive 69/335 prévoient la perception d’un droit harmonisé sur les apports à des sociétés de capitaux (ci-après le «droit d’apport»).

5       Selon le sixième considérant de la directive 69/335, ce droit d’apport est perçu une seule fois dans la Communauté et est d’un niveau égal dans tous les États membres.

6       Ainsi, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, «[l]es opérations soumises au droit d’apport sont uniquement taxables dans l’État membre sur le territoire duquel se trouve le siège de direction effective de la société de capitaux au moment où interviennent ces opérations».

7       L’article 4 de la directive 69/335 fixe la liste des opérations que les États membres peuvent ou doivent, selon le cas, frapper d’un droit d’apport (ci-après les «apports en société»).

8       Ainsi, l’article 4, paragraphe 1, sous c), de cette directive dispose que les États membres soumettent au droit d’apport «l’augmentation du capital social d’une société de capitaux au moyen de l’apport de biens de toute nature».

9       Aux termes du paragraphe 2, sous b), de cette même disposition, les États membres peuvent soumettre au droit d’apport «l’augmentation de l’avoir social d’une société de capitaux au moyen de prestations effectuées par un associé [ou un actionnaire] qui n’entraînent pas une augmentation du capital social, mais qui trouvent leur contrepartie dans une modification des droits sociaux ou bien qui sont susceptibles d’augmenter la valeur des parts sociales [ou des actions]».

10     Toutefois, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 69/335, «[l]es États membres peuvent […] exonérer du droit d’apport toutes les opérations autres que celles visées au paragraphe 1 [ces dernières étant toujours exonérées] […]».

 La réglementation nationale

11     L’article 32, paragraphe 1, de la Wet op de belastingen van rechtsverkeer (loi sur l’imposition des transactions juridiques), du 24 décembre 1970 (Stb. 1970, n° 611), telle que modifiée par la loi du 13 décembre 1996 (Stb. 1996, n° 652), dispose que, sous la dénomination «kapitaalbelasting» (droit d’apport), un impôt est perçu sur les rassemblements de capitaux répartis en actions dans des organismes établis aux Pays-Bas.

12     En vertu de l’article 34, sous c) et d), de cette loi, on entend par «rassemblement de capital réparti en actions» «le rassemblement de capitaux pour lequel des actions de jouissance, des parts de fondateur ou autres sont accordés, donnant droit à une part du bénéfice ou de l’excédent présent lors de la dissolution ou de la liquidation» ainsi que «le versement en capital d’un actionnaire ou d’un détenteur d’actions de jouissance ou de parts de fondateur, ou autres, sans que les droits visés sous c) soient expressément octroyés».

13     L’article 63 de la Algemene wet inzake rijksbelastingen (loi générale sur les impôts), du 2 juillet 1959 (Stb. 1959, n° 301), contient une clause dite de «hardship» sur la base de laquelle le ministre ou le secrétaire d’État aux Finances peut redresser, dans certaines situations ou certains groupes de situations, des injustices disproportionnées pouvant se produire lors de l’application de la loi fiscale.

 Les mesures d’application

14     La juridiction de renvoi constate que, au moment des faits pertinents, le Royaume des Pays-Bas suivait une politique selon laquelle une contribution versée par une société grand-mère à sa société petite-fille était, en principe, considérée comme une opération imposable à la fois dans le chef de la société fille et dans le chef de la société petite-fille. Toutefois, si toutes les deux étaient établies aux Pays-Bas, en application de la clause de «hardship», uniquement la société petite-fille était imposée.

15     Le gouvernement néerlandais observe cependant que, s’agissant des sociétés petites-filles établies en dehors des Pays-Bas, l’inspecteur des impôts peut également renoncer à la perception du droit d’apport auprès d’une société fille, lorsqu’un droit d’apport a déjà été perçu à l’étranger dans le chef de la société petite-fille.

16     Selon le gouvernement néerlandais, la politique suivie par le Royaume des Pays-Bas consiste donc plutôt, pour des raisons d’équité et afin d’éviter une double imposition dans le cadre d’un groupe de sociétés, dans l’exonération d’une société fille dans tous les cas où la société petite-fille a déjà été imposée (aux Pays-Bas ou à l’étranger) et non seulement dans le cas où cette dernière est établie aux Pays-Bas. En effet, dans les deux cas, la perception du droit d’apport dans le chef de la société fille serait inéquitable au sens de la clause de «hardship».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17     Senior BV est une société à responsabilité limitée de droit néerlandais dont toutes les parts sociales sont détenues par la société de droit anglais, Senior Ltd. Senior BV détient, à son tour, toutes les parts sociales dans la société de droit allemand, Senior GmbH.

18     Le 8 décembre 1997, la société grand-mère, Senior Ltd, a versé une contribution d’un montant de 10 071 000 DEM (soit 11 349 000 NLG) à sa société petite-fille, Senior GmbH.

19     En Allemagne, cette opération n’a pas été soumise au paiement d’une quelconque redevance dans le chef de Senior GmbH, cet État membre ayant, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 69/335, supprimé le droit d’apport depuis le 1er janvier 1992.

20     Aux Pays-Bas, Senior BV a dû acquitter un montant de 113 490 NLG au titre du droit d’apport.

21     Senior BV a alors introduit un recours par lequel elle a contesté le bien-fondé de cette imposition. Ce recours ayant été rejeté par l’inspecteur des impôts ainsi que par le Gerechtshof te’s-Gravenhage, Senior BV s’est pourvue en cassation contre la décision rendue par ce dernier.

22     Ayant des doutes sur la compatibilité avec le droit communautaire du régime néerlandais imposant, d’une part, une société (société fille) au titre du droit d’apport à l’occasion d’une contribution versée par sa société mère (société grand-mère) à sa filiale (société petite-fille), mais exonérant, d’autre part, de cette imposition une société (société fille) lorsque sa filiale (société petite-fille) est également établie aux Pays-Bas, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive [69/335] permet-il de percevoir un droit d’apport sur une société relativement à une contribution financière informelle versée directement par la société mère de cette société à la société fille de ladite société et, si oui, quelles sont les circonstances pertinentes à cet égard? Est-il notamment important que cette société soit qualifiée, du point de vue économique, comme la «véritable bénéficiaire» […] de cette contribution financière informelle versée directement?

2)      La liberté d’établissement prévue par les dispositions combinées de l’article 52 [du traité CE] et de l’article 58 [du traité CE (devenu, après modification, article 48 CE)], interdit-elle à l’administration fiscale d’un État membre d’appliquer la politique suivante: une société n’est pas redevable de droit d’apport sur la contribution financière informelle versée directement par sa société mère à sa société fille si cette dernière est établie dans cet État membre. Dans cette appréciation, le fait qu’au niveau de la multinationale un droit d’apport éventuellement plus élevé soit perçu que si cette société et sa société fille étaient établies au Pays-Bas, est-il important, étant donné qu’en l’espèce la directive permet de percevoir un droit d’apport tant de cette société que de sa société fille?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question: l’imposition à titre de droit d’apport (article 4, paragraphes 1, sous c), et 2, sous b), de la directive 69/335)

23     Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la directive 69/335 s’oppose à ce qu’un État membre impose, au titre du droit d’apport, une société de capitaux (société fille) à l’occasion d’une contribution versée par sa société mère (société grand-mère) à sa filiale (société petite-fille).

24     À cet égard, il convient de rappeler que la directive 69/335 prévoit, dans ses articles 1er à 9, la perception d’un droit d’apport harmonisé sur les apports en société.

25     Selon l’économie et la systématique de la directive 69/335, ce droit d’apport est perçu dans le chef de la société de capitaux qui est le destinataire de l’apport en question. Ceci est normalement la société à laquelle les moyens ou les prestations en question sont physiquement transmis. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’il pourrait en être autrement et qu’il conviendrait de rechercher la «véritable bénéficiaire» des moyens ou des prestations en question (voir, notamment, à propos d’une contribution financière versée à des filiales de la société qui a augmenté son capital social, arrêt du 17 octobre 2002, ESTAG, C-339/99, Rec. p. I-8837 points 44 à 47).

26     En outre, il résulte du sixième considérant et de l’article 2 de la directive 69/335 qu’un apport en société est imposé une seule fois (dans la Communauté) (voir, en ce sens, notamment arrêts du 20 avril 1993, Ponente Carni et Cispadana Costruzioni, C-71/91 et C-178/91, Rec. p. I-1915, point 19, et du 17 décembre 1998, Codan, C-236/97, Rec. p. I-8679, point 27).

27     Dans l’affaire au principal, il ressort des faits décrits par la juridiction de renvoi que la contribution en question a été versée à la société petite-fille (Senior GmbH) dans le cadre d’un apport en sa faveur. En revanche, rien dans les faits ne permet d’affirmer qu’il s’agirait, dans les circonstances de l’affaire au principal, d’une situation exceptionnelle où une autre société, telle que, par exemple, la société fille (Senior BV) devrait être considérée comme étant la «véritable bénéficiaire» de ladite contribution.

28     Il convient donc d’examiner si, selon les règles de la directive 69/335, la contribution en question est soumise au droit d’apport dans le chef de la société petite-fille (Senior GmbH). Si tel était le cas, cette même contribution ne pourrait plus, en effet, être taxé dans le chef d’une autre société, en l’occurrence dans le chef de la société fille (Senior BV).

29     À cet égard, l’article 4 de la directive 69/335 définit les opérations que les États membres peuvent ou doivent, selon le cas, frapper d’un droit d’apport (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 18 mars 1993, Viessmann, C-280/91, Rec. p. I-971, point 12, et du 27 octobre 1998, Agas, C-152/97, Rec. p. I-6553, points 19 et 20).

30     L’opération en question dans l’affaire au principal constituant une contribution financière versée par une société grand-mère (Senior Ltd) à sa société petite-fille (Senior GmbH), elle pourrait, en principe, être analysée à la lumière soit de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335, soit de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de celle-ci.

31     Ainsi, l’article 4, paragraphe 1, sous c), de ladite directive prévoit la perception d’un droit d’apport au titre de l’augmentation du capital social d’une société de capitaux au moyen de l’apport de biens de toute nature.

32     L’article 4, paragraphe 2, sous b), de cette même directive dispose que les États membres peuvent soumettre au droit d’apport l’augmentation de l’avoir social d’une société de capitaux au moyen de prestations effectuées par un associé (ou un actionnaire) qui n’entraînent pas une augmentation du capital social, mais qui sont susceptibles d’augmenter la valeur des parts sociales (ou des actions).

33     Or, en comparant ces deux dispositions, il convient de constater, à l’instar du gouvernement néerlandais, que l’«augmentation du capital social» au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335 implique l’augmentation formelle du capital social au moyen soit d’une émission de nouvelles parts sociales ou actions, soit d’une augmentation de la valeur nominale des parts sociales ou actions existantes (voir, en ce sens, sur la nature du capital social, arrêts du 15 juillet 1982, Felicitas Rickmers-Linie, 270/81, Rec. p. 2771, point 15, et du 2 février 1988, Dansk Sparinvest, 36/86, Rec. p. 409, point 13).

34     En revanche et dans la mesure où l’avoir social est défini comme l’ensemble des biens que les associés ont mis en commun avec leurs accroissements (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 1990, Siegen, C-38/88, Rec. p. I-1447, point 12), l’«augmentation de l’avoir social» au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de ladite directive comprend, en principe, toute forme d’augmentation du patrimoine social d’une société de capitaux. Ainsi, la Cour a qualifié d’«augmentation de l’avoir social» au sens de cette disposition, par exemple, un transfert de bénéfices (voir arrêt du 13 octobre 1992, Weber Haus, C-49/91, Rec. p. I-5207, point 10), un prêt sans intérêts (voir, notamment, arrêt du 17 septembre 2002, Norddeutsche Gesellschaft zur Beratung und Durchführung von Entsorgungsaufgaben bei Kernkraftwerken, C-392/00, Rec. p. I-7397, point 18), une reprise des pertes (voir arrêt Siegen, précité, point 13), la renonciation à une créance (voir arrêt du 5 février 1991, Deltakabel, C-15/89, Rec. p. I-241, point 12).

35     Dans l’affaire au principal, la contribution en question a été versée «sur l’agio» de la société petite-fille (Senior GmbH). Or, dans la mesure où un versement «sur l’agio» ne comporte pas d’«augmentation du capital social», cette contribution ne relève pas de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335.

36     La contribution en question relève cependant du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de cette directive.

37     En effet, en premier lieu, le versement de la contribution financière en question a «augmenté l’avoir social» de la société petite-fille (Senior GmbH).

38     En deuxième lieu, cette contribution était «susceptible d’augmenter la valeur des parts sociales» dans cette même société. À la suite de cette contribution, les parts sociales dans la société petite-fille (Senior GmbH) ont de facto plus de valeur.

39     En troisième lieu, la contribution en question se présente comme une «prestation effectuée par un associé». En effet, il est vrai que cette contribution a été versée non pas par l’associé de Senior GmbH (Senior BV), mais par la société mère de cette dernière (Senior Ltd), donc par l’associé de l’associé. Toutefois, il convient de rappeler que la Cour a adopté à l’égard de l’origine d’un apport une approche non formelle, fondée sur son imputation réelle (voir, en ce sens, arrêts précités Weber Haus, points 11 et 13; ESTAG, points 37 à 39 ainsi que 41, et du 17 octobre 2002, Develop, C-71/00, Rec. p. I-8877, points 25 à 29). Or, la contribution en question ayant été versée, par la société grand-mère (Senior Ltd) à la société petite-fille (Senior GmbH), afin d’augmenter la valeur des parts sociales dans cette dernière et cette augmentation étant surtout dans l’intérêt de son unique associé, à savoir Senior BV, il convient de constater que ladite contribution doit être attribuée à cette dernière, donc à Senior BV. Il s’agit donc d’une «prestation effectuée par un associé» au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335.

40     Il s’ensuit que, selon les règles de la directive 69/335, la contribution en question dans l’affaire au principal est soumise au droit d’apport dans le chef de la société petite-fille (Senior GmbH).

41     Or, étant donné que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 69/335, lu en combinaison avec le sixième considérant de celle-ci, un apport en société ne peut être taxé qu’une seule fois (dans la Communauté), ladite contribution ne saurait faire l’objet d’une seconde imposition, cette fois-ci dans le chef de la société fille (Senior BV).

42     À cet égard, il importe peu que la contribution en question ait éventuellement également augmenté l’avoir social de la société fille (Senior BV). En effet, il convient de constater, comme M. l’avocat général au point 21 de ses conclusions, qu’une telle augmentation ne pourrait constituer qu’un effet économique automatique et accessoire de l’apport effectué en faveur de la société petite-fille (Senior GmbH). Elle ne serait donc pas due à un second apport distinct qui pourrait, en tant que tel, être soumis à l’imposition.

43     De même, il importe peu que l’État membre compétent, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 69/335, pour taxer la société petite-fille (Senior GmbH), à savoir la République fédérale d’Allemagne, n’ait, en réalité, pas imposé cette société parce que le droit d’apport y est supprimé depuis le 1er janvier 1992. Les États membres sont en effet, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 69/335, libres d’exonérer du droit d’apport les apports en société, sans que cette exonération ait pour conséquence de permettre à un autre État membre de les imposer. Au contraire, la directive 69/335 favorise et encourage tant les exonérations ponctuelles au droit d’apport (articles 7, paragraphes 1 et 3, 8 et 9) que sa suppression complète (article 7, paragraphe 2). Cette directive ne saurait donc être interprétée de manière à permettre à un État membre de profiter, pour augmenter ses recettes fiscales, de la tempérance fiscale d’un autre État membre.

44     Eu égard à ce qui précède, il convient donc de répondre à la première question que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, et le sixième considérant de celle-ci, s’oppose à ce qu’un État membre impose, au titre du droit d’apport, une société de capitaux (société fille) à l’occasion d’une contribution versée par sa société mère (société grand-mère) à sa filiale (société petite-fille).

 Sur la seconde question: le droit à la liberté d’établissement (article 52 du traité CE)

45     Compte tenu de la réponse donnée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

 Sur les dépens

46     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, et le sixième considérant de celle-ci, s’oppose à ce qu’un État membre impose, au titre du droit d’apport, une société de capitaux (société fille) à l’occasion d’une contribution versée par sa société mère (société grand-mère) à sa filiale (société petite-fille).

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.