Affaire C-148/04
Unicredito Italiano SpA
contre
Agenzia delle Entrate, Ufficio Genova 1
(demande de décision préjudicielle, introduite par
la Commissione tributaria provinciale di Genova)
«Aides d'État — Décision 2002/581/CE — Avantages fiscaux octroyés aux banques — Motivation de la décision — Qualification d'aide d'État — Conditions — Compatibilité avec le marché commun — Conditions — Article 87, paragraphe 3, sous b) et c), CE — Projet important d'intérêt européen commun — Développement de certaines activités — Avantages fiscaux octroyés antérieurement — Récupération de l'aide — Principe de protection de la confiance légitime — Principe de sécurité juridique — Principe de proportionnalité»
Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 8 septembre 2005
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 15 décembre 2005
Sommaire de l'arrêt
1. Aides accordées par les États — Notion — Caractère sélectif de la mesure — Mesure fiscale profitant uniquement à des entreprises du secteur bancaire réalisant certaines opérations — Inclusion
(Art. 87, § 1, CE)
2. Aides accordées par les États — Affectation des échanges entre États membres — Atteinte à la concurrence — Critères d'appréciation
(Art. 87, § 1, CE)
3. Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Examen d'un régime d'aides pris dans sa globalité — Admissibilité — Conséquence
(Communication de la Commission 96/C 68/06)
4. Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides contribuant à la réalisation d'un projet important d'intérêt commun — Aides visant au développement d'un secteur d'activité économique — Pouvoir d'appréciation de la Commission — Contrôle juridictionnel — Limites
(Art. 87, § 3, b) et c), CE)
5. Aides accordées par les États — Projets d'aides — Mise en oeuvre sans notification préalable à la Commission — Décision de la Commission ordonnant la restitution de l'aide — Obligation de motivation — Portée
(Art. 88, § 3, CE et 253 CE)
6. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Aide accordée en violation des règles de procédure de l'article 88, paragraphe 3, CE — Confiance légitime éventuelle dans le chef des bénéficiaires — Sécurité juridique — Protection — Conditions et limites
(Art. 88, § 3, CE)
7. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Violation du principe de proportionnalité — Absence — Montants à restituer — Éléments à prendre en considération
(Art. 88, § 3, CE)
8. Aides accordées par les États — Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun — Mesure nationale ordonnant la restitution de l'aide — Mise en cause de la validité de la mesure nationale d'exécution au regard des règles de droit communautaire en l'absence d'éléments de nature à affecter la validité de la décision de la Commission — Exclusion
(Art. 87 CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 14)
1. L'article 87, paragraphe 1, CE interdit les aides «favorisant certaines entreprises ou certaines productions», c'est-à-dire les aides sélectives. Une aide peut être sélective au regard de cette disposition même lorsqu'elle concerne tout un secteur économique.
Tel est le cas d'une réduction d'impôt ne s'appliquant qu'au secteur bancaire et, au sein du secteur bancaire, profitant uniquement aux entreprises réalisant certaines opérations. Ne s'appliquant pas à tous les opérateurs économiques et dérogeant, en réalité, au régime fiscal de droit commun, elle ne peut être considérée comme une mesure générale de politique fiscale ou économique.
Une telle réduction d'impôt doit donc être interdite en vertu de l'article 87, paragraphe 1, CE, dès lors qu'elle ne constitue pas une adaptation du système général à des caractéristiques particulières des entreprises bancaires, mais a été conçue comme un moyen d'améliorer la compétitivité de certaines entreprises à un moment donné de l'évolution du secteur.
(cf. points 44-51)
2. L'article 87, paragraphe 1, CE prohibe les aides qui affectent les échanges entre États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence. Dans le cadre de son appréciation de ces deux conditions, la Commission est tenue, non pas d'établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d'examiner si ces aides sont susceptibles d'affecter ces échanges et de fausser la concurrence.
L'incompatibilité d'une aide avec le marché commun doit, en définitive, être constatée dès lors qu'elle a ou est susceptible d'avoir une incidence sur les échanges intracommunautaires et un effet de distorsion de la concurrence existant dans ceux-ci. En particulier, lorsqu'une aide accordée par un État membre renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide. À cet égard, la circonstance qu'un secteur économique a fait l'objet d'une libéralisation au niveau communautaire est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence, ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire que l'entreprise bénéficiaire participe elle-même aux échanges intracommunautaires. En effet, lorsqu'un État membre octroie une aide à une entreprise, l'activité intérieure peut s'en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d'autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées. En outre, un renforcement d'une entreprise qui, jusqu'alors, ne participait pas à des échanges intracommunautaires peut la placer dans une situation lui permettant de pénétrer le marché d'un autre État membre.
C'est ainsi que doit être prohibée une réduction d'impôt renforçant la position des entreprises bénéficiaires par rapport aux entreprises actives dans les échanges intracommunautaires, spécialement dans le contexte d'un important processus de libéralisation au niveau communautaire dans le secteur des services financiers qui a accentué la concurrence pouvant résulter déjà de la libre circulation des capitaux prévue par le traité.
(cf. points 53-60)
3. Dans le cas d'un régime d'aides, la Commission peut, afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d'aide, se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d'examiner chaque cas d'application particulier, notamment pour vérifier qu'il n'est pas susceptible d'entraîner le dépassement du montant maximal d'aide de minimis fixé par sa communication 96/C 68/06.
(cf. points 67, 69)
4. La Commission jouit, pour l'application de l'article 87, paragraphe 3, CE, d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Le juge communautaire, en contrôlant la légalité de l'exercice d'une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation en la matière à celle de l'autorité compétente, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.
En excluant la qualification de «projet d'intérêt européen commun» au sens de l'article 87, paragraphe 3, sous b), CE, s'agissant d'une mesure de réduction d'impôt dont il ressort qu'elle tend essentiellement à améliorer la compétitivité des opérateurs établis dans un État membre pour renforcer leur seule position concurrentielle dans le marché intérieur, la Commission ne commet pas d'erreur manifeste d'appréciation. Il ne saurait lui être opposé utilement que ladite mesure s'inscrit dans le cadre de l'achèvement d'un processus de privatisation, un tel processus engagé par un État membre ne pouvant être considéré, en soi, comme constituant un projet d'intérêt européen commun.
Elle ne commet pas davantage une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'une mesure, qui a essentiellement pour effet d'améliorer la compétitivité des bénéficiaires dans un secteur caractérisé par une concurrence internationale intense et est en fait destinée à renforcer la position des bénéficiaires de l'aide par rapport aux concurrents qui n'en bénéficient pas, ne satisfait pas à la condition de ne pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, à laquelle doivent satisfaire les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités au sens de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE.
(cf. points 71-72, 74-77, 79, 82-83)
5. L'exigence de motivation prévue à l'article 253 CE doit, en principe, être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que son destinataire peut avoir à recevoir des explications. Toutefois, en matière d'aides d'État, lorsque, contrairement aux dispositions de l'article 88, paragraphe 3, CE, l'aide a déjà été accordée, la Commission, qui a le pouvoir d'enjoindre aux autorités nationales d'en ordonner la restitution, n'est pas tenue d'exposer des motifs spécifiques pour justifier de son exercice.
C'est ainsi que, dès lors que l'État membre ne lui a pas notifié, avant sa mise en oeuvre, un régime d'aide prévoyant une réduction d'impôt, la Commission n'est pas tenue d'énoncer des motifs spécifiques au soutien de son injonction de récupération.
(cf. points 99-101)
6. Compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l'article 88 CE, d'une part, les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article et, d'autre part, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée.
En particulier, lorsqu'une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu'elle est illégale en vertu de l'article 88, paragraphe 3, CE, le bénéficiaire de l'aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l'octroi de celle-ci. Ni l'État membre en cause ni l'opérateur concerné ne sauraient davantage invoquer ensuite le principe de sécurité juridique en vue de faire obstacle à la restitution de l'aide, le risque d'un contentieux interne étant prévisible dès la mise à exécution de celle-ci.
La récupération d'une aide accordée sans respect de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 3, CE constitue un risque prévisible pour l'opérateur qui en bénéficie, et celui-ci ne saurait donc invoquer la protection de la confiance légitime pour s'y soustraire.
En outre, les entreprises bénéficiaires d'une aide illégale tiennent généralement compte du montant de celle-ci dans leurs choix économiques et la récupération ultérieure de cette aide a, en règle générale, un effet défavorable sur leurs finances. Si une telle situation devait faire obstacle au recouvrement, les aides demeureraient ainsi définitivement acquises aux bénéficiaires dans la quasi-totalité des cas et le contrôle communautaire des aides d'État serait vidé de son efficacité.
En considération de tels éléments, le bénéficiaire d'une aide illégale ne saurait donc revendiquer la possibilité d'invoquer des circonstances exceptionnelles ayant pu légitimement fonder sa confiance légitime dans le caractère régulier de cette aide.
(cf. points 104, 108-111)
7. La suppression d'une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité. Cette récupération en vue du rétablissement de la situation antérieure ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d'aides d'État. Par la restitution, le bénéficiaire perd l'avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure à l'octroi de l'aide est rétablie. Les montants à restituer ne sauraient être déterminés en considération d'opérations différentes qui auraient pu être mises en oeuvre par les entreprises si elles n'avaient pas opté pour la forme d'opération assortie de l'aide. En effet, ce choix a été effectué en connaissance du risque de récupération d'aides accordées sans respect de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 3, CE. Lesdites entreprises auraient pu éviter ce risque en optant immédiatement pour des opérations structurées différemment.
S'agissant d'une mesure d'aide accordée sous la forme d'une réduction d'impôt, le rétablissement de la situation antérieure permet uniquement la prise en compte, au stade de la récupération de l'aide par les autorités nationales, du traitement fiscal le cas échéant plus favorable que celui de droit commun qui, en l'absence de l'aide illégale et en vertu de règles internes compatibles avec le droit communautaire, aurait été accordé au titre de l'opération effectivement réalisée.
(cf. points 113-116, 119)
8. Les articles 87 CE et suivants, l'article 14 du règlement nº 659/1999 ainsi que les principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité ne peuvent s'opposer à une mesure nationale ordonnant la restitution d'une aide en exécution d'une décision de la Commission qui a qualifié cette aide d'incompatible avec le marché commun et dont l'examen au regard de ces mêmes dispositions et principes généraux n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité.
(cf. point 125, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
15 décembre 2005 (*)
«Aides d’État – Décision 2002/581/CE – Avantages fiscaux octroyés aux banques – Motivation de la décision – Qualification d’aide d’État – Conditions – Compatibilité avec le marché commun – Conditions – Article 87, paragraphe 3, sous b) et c), CE – Projet important d’intérêt européen commun – Développement de certaines activités – Avantages fiscaux octroyés antérieurement – Récupération de l’aide – Principe de protection de la confiance légitime – Principe de sécurité juridique –Principe de proportionnalité»
Dans l’affaire C-148/04,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Commissione tributaria provinciale di Genova (Italie), par décision du 11 février 2004, parvenue à la Cour le 23 mars 2004 , dans la procédure
Unicredito Italiano SpA
contre
Agenzia delle Entrate, Ufficio Genova 1,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. C. Gulmann (rapporteur), R. Schintgen, G. Arestis et J. Klučka, juges,
avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 février 2005,
considérant les observations présentées:
– pour Unicredito Italiano SpA, par Mes A. Santa Maria, C. Biscaretti di Ruffia et G. Pizzonia, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et V. Di Bucci, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 septembre 2005,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de la décision 2002/581/CE de la Commission, du 11 décembre 2001, relative au régime d’aides d’État mis en œuvre par l’Italie en faveur des banques (JO 2002, L 184, p. 27, ci-après la «décision litigieuse»), ainsi que sur l’interprétation des articles 87 CE et suivants, de l’article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1), et des principes généraux du droit communautaire.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Unicredito Ita1iano SpA (ci-après «Unicredito»), établie à Gênes (Italie), à l’Agenzia delle Entrate, Ufficio Genova 1, au sujet d’un avantage fiscal dont Unicredito a bénéficié au cours des exercices 1998, 1999 et 2000.
I – Le cadre juridique national
3 En Italie, une réforme du système bancaire a été entreprise par la loi n° 218, du 30 juillet 1990, portant dispositions en matière de restructuration et de renforcement de la dotation patrimoniale des établissements de crédit de droit public (GURI n° 182, du 6 août 1990, p. 8, ci-après la «loi n° 218/90»).
4 Cette loi a rendu possible la transformation des établissements de crédit de droit public en sociétés par actions. À cette fin, une banque publique était autorisée à céder l’établissement bancaire à une société par actions, de manière à séparer la personne morale cédante, appelée en pratique «fondation bancaire» (ci-après la «fondation bancaire»), propriétaire des participations, de la société par actions cessionnaire, unique titulaire de l’activité bancaire. La fondation bancaire administrait la participation dans la banque cessionnaire et utilisait les revenus y afférents pour poursuivre des finalités sociales.
5 L’article 2 de la loi n° 489, du 26 novembre 1993, portant, notamment, prorogation du délai prévu à l’article 7, paragraphe 6, de la loi n° 218/90 (GURI n° 284, du 3 décembre 1993, p. 4), a rendu obligatoire, au plus tard le 30 juin 1994, la transformation des établissements bancaires publics en sociétés par actions.
6 La loi n° 461, du 23 décembre 1998, portant délégation de compétence au gouvernement pour la réorganisation de la réglementation civile et fiscale des organismes visés à l’article 11, paragraphe 1, du décret législatif n° 356, du 20 novembre 1990, ainsi que du régime fiscal des opérations de restructuration bancaire (GURI n° 4, du 7 janvier 1999, p. 4, ci-après la «loi n° 461/98»), a donné délégation au gouvernement italien à l’effet de procéder à une nouvelle réforme de la réglementation applicable au secteur bancaire, en particulier en matière de restructuration.
7 Le décret législatif n° 153, du 17 mai 1999, portant réglementation civile et fiscale des organismes visés à l’article 11, paragraphe 1, du décret législatif n° 356, du 20 novembre 1990, et du régime fiscal des opérations de restructuration bancaire, conformément à l’article 1er de la loi n° 461, du 23 décembre 1998 (GURI n° 125, du 31 mai 1999, p. 4, ci-après le «décret n° 153/99»), a mis en œuvre la délégation donnée par la loi n° 461/98.
8 Il a introduit, notamment, à ses articles 22, paragraphe 1, et 23, paragraphe 1, un avantage fiscal constitué par une réduction à 12,5 % du taux d’impôt sur le revenu (IRPEG) (ci-après la «réduction d’impôt») pour les banques qui entreprennent une fusion ou une restructuration semblable, pendant cinq périodes d’imposition consécutives, à condition que les bénéfices soient affectés à une réserve spéciale soumise à une contrainte de non-répartition pendant une période de trois ans. Il a prévu que les bénéfices affectés à la réserve spéciale ne peuvent dépasser 1,2 % de la différence entre la somme totale des crédits et des débits des banques ayant participé à la fusion et l’agrégat analogue de la plus grande banque qui a participé à cette opération.
II – Les antécédents du litige au principal
9 À la suite d’une question parlementaire, la Commission des Communautés européennes a, par lettre du 24 mars 1999 adressée dans le cadre de ses compétences en matière d’aides d’État, demandé aux autorités italiennes de lui fournir des informations pour évaluer la portée et les effets de la loi n° 461/98.
10 Par lettres des 24 juin et 2 juillet 1999, les autorités italiennes lui ont fourni des informations sur cette loi et sur le décret n° 153/99.
11 Par lettre du 23 mars 2000, la Commission a avisé les autorités italiennes que, selon elle, la loi n° 461/98 et le décret n° 153/99 pouvaient contenir des éléments d’aide et les a invitées à ne pas mettre à exécution les mesures en question. Le 12 avril 2000, les autorités italiennes lui ont répondu qu’elles avaient suspendu l’application de celles-ci, puis, le 14 juin 2000, elles lui ont fourni des renseignements complémentaires.
12 Le montant maximal théorique des avantages fiscaux obtenus au titre de la réduction d’impôt a été estimé par les autorités italiennes à 5 358 milliards de ITL, soit 2 767 millions d’euros, au titre de 76 opérations effectuées au cours des années 1998, 1999 et 2000.
13 Par lettre du 25 octobre 2000, la Commission a notifié au gouvernement italien sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Cette décision a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 2001, C 44, p. 2).
14 Au terme de la procédure, la Commission a conclu que la République italienne avait mis à exécution de manière illicite la loi n° 461/98 et le décret n° 153/99, en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE. Elle a considéré que, à l’exception d’une mesure prévue à l’article 27, paragraphe 2, du décret n° 153/99, les mesures fiscales mises à exécution, dont la réduction d’impôt, constituaient un régime d’aides d’État incompatible avec le marché commun. De telles mesures conféreraient un avantage aux banques en ce qu’elles leur permettraient d’augmenter leur propre dimension et de bénéficier d’économies d’échelle à un coût réduit.
15 En conséquence, la Commission a adopté la décision litigieuse, en précisant que la loi n° 461/98 et le décret n° 153/99 introduisaient des avantages fiscaux également en faveur des fondations bancaires, mais que ces avantages n’étaient pas examinés dans cette décision.
16 La décision litigieuse est libellée dans les termes suivants:
«Article premier
[…] le régime d’aides d’État que l’Italie a mis à exécution sur la base de la [loi n° 461/98] et du [décret n° 153/99], en particulier sur la base […] de l’article 22, paragraphe 1, de l’article 23, paragraphe 1, […] [du décret n° 153/99] est incompatible avec le marché commun.
[…]
Article 3
L’Italie supprime le régime d’aides visé à l’article 1er.
Article 4
1. L’Italie adopte toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires les aides octroyées sur la base du régime visé à l’article 1er et déjà mises illégalement à leur disposition.
2. La récupération est exécutée sans retard selon les procédures de droit interne, à condition que celles-ci permettent l’exécution immédiate et effective de la décision. L’aide à récupérer comprend les intérêts, qui vont de la date où l’aide est devenue disponible pour les bénéficiaires à celle de la récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.
[…]»
17 En exécution de ladite décision, l’article 5 du décret-loi n° 63, du 15 avril 2002, portant dispositions financières et fiscales urgentes en matière de recouvrement, de rationalisation du système de formation du coût des produits pharmaceutiques, d’obligations communautaires, de titrisation, de valorisation du patrimoine et de financement des infrastructures (GURI n° 90, du 17 avril 2002, p. 5), converti en loi n° 112, du 15 juin 2002 (GURI n° 139, du 15 juin 2002, p. 3), a suspendu les avantages fiscaux accordés aux banques en vertu de la loi n° 461/98 et, notamment, la réduction d’impôt.
18 Le décret-loi n° 282, du 24 décembre 2002, portant dispositions urgentes en matière d’obligations communautaires et fiscales, de recouvrement et de procédure comptable (GURI n° 301, du 24 décembre 2002, ci-après le «décret n° 282/02»), converti en loi n° 27, du 21 février 2003 (supplément ordinaire à la GURI n° 44, du 22 février 2003), a fait obligation aux banques bénéficiaires des aides de payer, pour le 31 décembre 2002 au plus tard, un montant égal à l’impôt non acquitté en raison du régime d’aides, avec intérêts au taux annuel de 5,5 %.
III – La procédure au principal et les questions préjudicielles
19 Unicredito a versé, en application du décret n° 282/02, la somme de 244 712 646,05 euros correspondant à l’impôt et aux intérêts dus en raison de l’avantage fiscal dont elle avait bénéficié au cours des exercices 1998, 1999 et 2000 au titre de la réduction d’impôt.
20 Le 4 février 2003, elle a ensuite présenté trois demandes de remboursement des sommes acquittées au titre de ces exercices. Ces demandes ont fait l’objet de décisions implicites de rejet de l’Agenzia delle Entrate, Ufficio Genova 1.
21 Unicredito a formé un recours contre celles-ci devant la Commissione tributaria provinciale di Genova en invoquant, notamment, l’illégalité de la décision litigieuse.
22 La juridiction de renvoi considère qu’une décision préjudicielle se justifie, en particulier, du point de vue de la conformité du décret n° 282/02 avec les principes communautaires de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité.
23 En ce qui concerne les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, elle considère que la réduction d’impôt sur le revenu s’inscrivait dans une logique de continuité et d’extension par rapport à un dispositif institué antérieurement par la loi n° 218/90 dans le cadre du processus de privatisation du système bancaire italien.
24 Elle fait valoir que la loi n° 218/90 contenait, à son article 7, paragraphe 3, une mesure conçue en des termes en substance analogues à ceux des articles 22, paragraphe 1, et 23, paragraphe 1, du décret n° 153/99.
25 La juridiction de renvoi relève que cette précédente mesure était plus avantageuse que la réduction d’impôt en cause dans la décision litigieuse, en ce que les montants déposés dans une réserve spéciale étaient purement et simplement déductibles et exonérés, et non pas seulement soumis à un taux d’impôt réduit. Elle relève également que les versements à la réserve spéciale pouvaient être effectués pendant cinq ans, à concurrence d’un montant maximal, pour l’ensemble de cette période, égal à 1,2 % de la différence entre, d’une part, l’ensemble des placements et dépôts de la clientèle des établissements ayant participé à la fusion ou aux opérations d’apport et, d’autre part, du montant analogue figurant au dernier bilan du plus grand établissement de crédit ayant participé à la fusion ou aux opérations d’apport.
26 Or, la Commission aurait déjà procédé à une appréciation expresse de la loi n° 218/90 dans le cadre de ses décisions 1999/288/CE, du 29 juillet 1998, portant approbation conditionnée de l’aide accordée par l’Italie à Banco di Napoli (JO 1999, L 116, p. 36), et 2000/600/CE, du 10 novembre 1999, portant autorisation conditionnelle de l’aide accordée par l’Italie aux banques publiques siciliennes Banco di Sicilia et Sicilcassa (JO 2000, L 256, p. 21). Dans ces décisions, elle aurait clairement donné le signe d’une reconnaissance d’une compatibilité générale de la loi n° 218/90 avec l’article 87 CE.
27 Par ailleurs, la possibilité de bénéficier des avantages fiscaux accordés par la loi n° 461/98 et le décret n° 153/99 aurait constitué l’un des présupposés sur lesquels les différentes banques auraient établi leur appréciation de la faisabilité économique de leurs opérations de concentration. La suppression rétroactive de ces avantages remettrait en cause leur stabilité financière, compte tenu du montant du paiement demandé, et entraînerait une modification a posteriori inéquitable des paramètres d’appréciation ayant présidé à des choix stratégiques déjà traduits en actes. Le principe de protection de la confiance légitime exclurait donc la rétroactivité de la décision litigieuse.
28 S’agissant du principe de proportionnalité, la juridiction de renvoi souligne que les banques auraient pu mettre en œuvre des règles fiscales de droit commun dans le cadre d’opérations structurées différemment, afin de dégager des économies d’impôts. Aux fins d’une injonction de récupération des aides, le principe de proportionnalité imposerait donc une comparaison entre le régime favorable de droit commun et celui de la loi n° 461/98 et du décret n° 153/99.
29 Dans ce contexte, la Commissione tributaria provinciale di Genova a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) La [décision litigieuse] est-elle invalide et incompatible avec le droit communautaire dans la mesure où les dispositions de la loi [n° 461/98 et du décret n° 153/99] concernant les banques, contrairement à ce qui a été retenu par la Commission, sont compatibles avec le marché commun ou, en toute hypothèse, relèvent des dérogations visées à l’article 87, paragraphe 3, sous b) et c), CE?
2) En particulier, l’article 4 de la [décision litigieuse] est-il invalide et incompatible avec le droit communautaire, dans la mesure où la Commission
a) a violé le devoir de fournir une motivation appropriée en application de l’article 253 CE et/ou
b) a violé le principe de la confiance légitime et/ou
c) a violé le principe de proportionnalité?
3) À titre subsidiaire, l’interprétation exacte des articles 87 et suivants CE, de l’article 14 du [règlement n° 659/1999] et des principes généraux du droit communautaire et, notamment, de ceux [de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité], fait-elle obstacle à l’application de l’article 1er du [décret n° 282/02]?»
IV – Les autres procédures pendantes devant le juge communautaire
30 Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 février 2002 (affaire C-66/02), la République italienne a introduit contre la Commission un recours en annulation de la décision litigieuse, sur lequel la Cour statue par arrêt séparé de ce jour.
31 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal de première instance les 21 février 2002 et 11 avril 2002, l’Associazione bancaria italiana (ABI) (T-36/02), la Banca Sanpaolo IMI SpA (T-37/02), la Banca Intesa Banca Commerciale italiana SpA (T-39/02), la Banca di Roma SpA (T-40/02), la Mediocredito Centrale SpA (T-41/02), la Banca Monte dei Paschi di Siena SpA (T-42/02), ainsi que la Compagnia di San Paolo Srl (T-121/02) ont également introduit contre la Commission des recours en annulation de la même décision. Devant le Tribunal, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité des recours, tirée d’une absence d’intérêt individuel des requérantes, les aides en cause ne constituant pas, selon elle, des aides individuelles, mais relevant d’un régime d’aides. Par ordonnances en date du 9 juillet 2003, le Tribunal a suspendu les sept procédures dans l’attente de l’arrêt de la Cour à intervenir dans l’affaire C-66/02. Des pourvois ont été formés par les requérantes contre les ordonnances de suspension dans les affaires T-36/02, T-37/02, T-39/02, T-40/02, T-41/02 et T-42/02. Par ordonnance de la Cour du 26 novembre 2003, ABI e.a./Commission (C-366/03 P à C-368/03 P, C-390/03 P, C-391/03 P et C-394/03 P, non publiée au Recueil), lesdits pourvois ont été rejetés comme manifestement irrecevables.
V – Sur les questions préjudicielles
32 À titre liminaire, il y a lieu de constater que si la Commission évoque, dans ses observations écrites, la question de la recevabilité d’un renvoi préjudiciel opéré à la demande d’Unicredito, bénéficiaire de l’une des mesures examinées par la décision litigieuse et représentée devant le Tribunal par l’ABI dans le cadre de la procédure T-36/02, elle admet que le présent renvoi préjudiciel est recevable au regard de la situation de la banque intéressée. En revanche, elle invoque l’irrecevabilité de la première question posée (voir point 42 du présent arrêt).
33 Il convient de relever ensuite que le recours au principal est dirigé contre trois décisions implicites de rejet de demandes de remboursement de sommes en relation avec l’avantage fiscal dont Unicredito a bénéficié, au cours des exercices 1998, 1999 et 2000, au titre de la réduction d’impôt.
34 Ainsi que le souligne la Commission, il ne concerne pas les autres mesures, prévues par le décret n° 153/99, qui ont également été examinées par la décision litigieuse et considérées comme incompatibles avec le marché commun.
35 Dès lors, les deux premières questions préjudicielles doivent être comprises comme visant à faire apprécier la validité, respectivement, des articles 1er et 4 de la décision litigieuse, en tant qu’ils se rapportent à la seule réduction d’impôt. Quant à la troisième question, elle doit être comprise comme visant à faire préciser si les articles 87 CE et suivants, l’article 14 du règlement n° 659/1999 ainsi que les principes généraux de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure nationale telle que le décret n° 282/02.
A – Sur la première question
36 Par sa première question, qui, à la différence de la deuxième question, ne vise pas l’article 253 CE, la juridiction de renvoi demande, sur le fond, si l’article 1er de la décision litigieuse est invalide au regard de l’article 87 CE, en ce que la Commission considère la réduction d’impôt comme incompatible avec le marché commun.
1. Observations présentées à la Cour
37 Unicredito fait valoir que la loi n° 461/98 et le décret n° 153/99 représentent la continuité historique et l’achèvement du processus de restructuration et de privatisation du système bancaire amorcé en 1990 par la loi n° 218/90.
38 Elle soutient que la décision litigieuse viole l’article 87, paragraphes 1 et 3, sous b) et c), CE en ce que la réduction d’impôt:
– ne constitue pas une mesure sélective, mais une mesure à caractère général, et que, en tout état de cause, la différenciation qu’elle opère est justifiée par la nature et l’économie du système fiscal;
– n’affecte pas les échanges entre États membres et ne fausse pas ni ne menace de fausser la concurrence;
– aurait dû faire l’objet d’un examen concret dans chacune des opérations effectuées;
– aurait dû être examinée sous l’angle de la notion d’«aide de minimis», possibilité que la Commission a écartée d’emblée en l’absence totale d’instruction;
– est compatible avec le marché commun, dans la mesure où elle peut être considérée comme une aide destinée à promouvoir un projet important d’intérêt européen commun, en tant qu’elle s’inscrit dans le cadre de la privatisation du système bancaire italien, ou comme une aide destinée à faciliter le développement de certaines activités.
39 Le gouvernement italien considère également que la décision litigieuse est invalide. Selon lui, l’avantage fiscal octroyé ne constitue pas une aide d’État prohibée.
40 Il s’inscrirait dans une logique de continuité et d’extension du précédent historique constitué par la loi n° 218/90, qui prévoyait des avantages plus importants en termes substantiellement similaires. Son objectif aurait été d’achever le processus de privatisation des banques publiques en mettant un terme à la segmentation excessive du système bancaire italien, qui aurait été la conséquence directe du statut d’établissement public des banques d’origine et qui n’aurait été que partiellement éliminé à la suite de la loi n° 218/90.
41 Le gouvernement italien souligne que la réduction d’impôt est applicable également aux opérations impliquant les succursales italiennes de banques communautaires.
42 La Commission estime que la première question est irrecevable, au motif que la juridiction de renvoi demande à la Cour de substituer son jugement à celui de la Commission. Or, selon une jurisprudence constante, l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aides ou d’un régime d’aides avec le marché commun relèverait de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge communautaire. En conséquence, une juridiction nationale ne pourrait, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 234 CE, interroger la Cour sur la compatibilité avec le marché commun d’une aide d’État ou d’un régime d’aides (ordonnance du 24 juillet 2003, Sicilcassa e.a., C-297/01, Rec. p. I-7849, point 47).
2. Appréciation de la Cour
43 Contrairement à ce que soutient la Commission, la juridiction de renvoi ne demande pas à la Cour d’apprécier la compatibilité de la réduction d’impôt avec le marché commun aux lieu et place de la Commission. La question posée ne vise qu’au contrôle de la validité d’une décision effectivement prise par la Commission sur cette compatibilité. Elle est donc recevable.
a) Sur la sélectivité de la réduction d’impôt
44 L’article 87, paragraphe 1, CE interdit les aides «favorisant certaines entreprises ou certaines productions», c’est-à-dire les aides sélectives.
45 Une aide peut être sélective au regard de cette disposition même lorsqu’elle concerne tout un secteur économique (voir, notamment, arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C-75/97, Rec. p. I-3671, point 33).
46 En l’espèce, la réduction d’impôt s’applique au secteur bancaire. Elle ne profite pas aux entreprises d’autres secteurs économiques.
47 En outre, au sein du secteur bancaire, elle profite uniquement aux entreprises réalisant les opérations visées.
48 Sans qu’il y ait lieu d’apprécier si, de surcroît, ainsi que le soutient la Commission au point 33 des motifs de la décision litigieuse, la réduction d’impôt profite davantage aux entreprises de grande taille, il doit donc être constaté que cette mesure est sélective par rapport aux autres secteurs économiques et au sein même du secteur bancaire.
49 Ne s’appliquant pas à tous les opérateurs économiques, elle ne peut être considérée comme une mesure générale de politique fiscale ou économique.
50 Elle déroge, en réalité, au régime fiscal de droit commun. Les entreprises bénéficiaires profitent d’un allégement fiscal auquel elles n’auraient pas droit dans le cadre de l’application normale de ce régime et auquel ne peuvent prétendre des entreprises d’autres secteurs réalisant des opérations analogues ou des entreprises du secteur bancaire ne réalisant pas des opérations telles que celles visées.
51 La réduction d’impôt n’est pas justifiée par la nature et l’économie du système fiscal en cause (voir, par analogie, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, point 33). Elle ne constitue pas une adaptation du système général à des caractéristiques particulières des entreprises bancaires. Il ressort du dossier qu’elle a été explicitement présentée par les autorités nationales comme un moyen d’améliorer la compétitivité de certaines entreprises à un moment donné de l’évolution du secteur.
52 Le grief tiré d’une absence de sélectivité de la réduction d’impôt n’est donc pas fondé.
b) Sur l’affectation des échanges entre États membres et la distorsion de concurrence
53 L’article 87, paragraphe 1, CE prohibe les aides qui affectent les échanges entre États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence.
54 Dans le cadre de son appréciation de ces deux conditions, la Commission est tenue, non pas d’établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-372/97, Rec. p. I-3679, point 44).
55 L’incompatibilité d’une aide avec le marché commun doit en définitive être constatée dès lors qu’elle a ou est susceptible d’avoir une incidence sur les échanges intracommunautaires et un effet de distorsion de la concurrence existant dans ceux-ci.
56 En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir, notamment, arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 11; du 22 novembre 2001, Ferring, C-53/00, Rec. p. I-9067, point 21, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, précité, point 52).
57 À cet égard, la circonstance qu’un secteur économique a fait l’objet d’une libéralisation au niveau communautaire est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence, ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres (voir arrêt du 13 février 2003, Espagne/Commission, C-409/00, Rec. p. I-1487, point 75).
58 Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que l’entreprise bénéficiaire participe elle-même aux échanges intracommunautaires. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission, C-310/99, Rec. p. I-2289, point 84). En outre, un renforcement d’une entreprise qui, jusqu’alors, ne participait pas à des échanges intracommunautaires peut la placer dans une situation lui permettant de pénétrer le marché d’un autre État membre.
59 Dans la présente affaire, il doit être constaté que la réduction d’impôt renforce la position des entreprises bénéficiaires par rapport aux entreprises actives dans les échanges intracommunautaires.
60 Il convient de constater également que le secteur des services financiers a fait l’objet d’un important processus de libéralisation au niveau communautaire, qui a accentué la concurrence pouvant résulter déjà de la libre circulation des capitaux prévue par le traité CE.
61 Or, il ressort du dossier que, au moment de son adoption, la réduction d’impôt a été présentée dans l’exposé des motifs du projet de loi à l’origine de la loi n° 461/98 comme un moyen d’éviter que, en raison d’un retard important du système bancaire italien par rapport à ses concurrents européens, la réalisation de l’Union monétaire ne se traduise, dans les faits, par l’effritement du système italien en faveur des banques européennes les plus solides.
62 L’avantage, en termes de compétitivité, conféré par la réduction d’impôt aux opérateurs établis en Italie est de nature à rendre plus difficile la pénétration du marché italien par des opérateurs d’autres États membres, voire à faciliter la pénétration d’autres marchés par des opérateurs établis en Italie.
63 La circonstance, invoquée par le gouvernement italien, que la réduction d’impôt est également accessible, en Italie, aux succursales de banques d’autres États membres n’est pas de nature à faire obstacle à de tels effets.
64 Dès lors, il y a lieu de conclure que les griefs tirés d’un défaut d’affectation des échanges entre États membres et d’une absence de distorsion de la concurrence ne sont pas fondés.
c) Sur le défaut d’examen concret par la Commission de chacune des opérations effectuées
65 Il est constant que la République italienne n’a pas notifié à la Commission:
– des aides individuelles relatives à des banques déterminées;
– la loi n° 461/98 et le décret n° 153/99, en tant que régime d’aides.
66 La Commission a, d’office, ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE en ce qui concerne la loi n° 461/98 et le décret n° 153/99, examinés en tant que régime d’aides.
67 Dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier (voir, notamment, arrêts du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C-15/98 et C-105/99, Rec. p. I-8855, point 51, et du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C-278/00, Rec. p. I-3997, point 24), afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d’aide.
68 Le grief tiré d’un défaut d’examen de chacune des opérations impliquant la réduction d’impôt n’est donc pas fondé.
d) Sur l’examen de la réduction d’impôt sous l’angle de la notion d’«aide de minimis»
69 Examinant un régime d’aides et non des aides individuelles, la Commission n’était pas tenue d’examiner chaque cas d’application particulier du régime qui n’aurait pas entraîné le dépassement du montant maximal d’aide de minimis fixé par sa communication 96/C 68/06, relative aux aides de minimis (JO 1996, C 68, p. 9).
70 Le grief tiré d’un défaut d’examen de la réduction d’impôt sous l’angle de la notion d’«aide de minimis» n’est donc pas fondé.
e) Sur l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous b) et c), CE
71 À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission jouit, pour l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. La Cour, en contrôlant la légalité de l’exercice d’une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation en la matière à celle de l’autorité compétente, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 12 décembre 2002, France/Commission, C-456/00, Rec. p. I-11949, point 41, et la jurisprudence citée).
i) Sur la notion d’«aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun»
72 L’article 87, paragraphe 3, sous b), CE permet à la Commission de déclarer compatibles avec le marché commun des aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun.
73 Au point 45 des motifs de la décision litigieuse, la Commission relève que les mesures en cause visent à un renforcement du système bancaire italien en avantageant principalement les opérateurs économiques d’un État membre et non la Communauté dans son ensemble.
74 À cet égard, il suffit de constater qu’il résulte de l’exposé des motifs du projet de loi à l’origine de la loi n° 461/98 que, notamment, la réduction d’impôt tend essentiellement à améliorer la compétitivité des opérateurs établis en Italie pour renforcer leur seule position concurrentielle dans le marché intérieur.
75 Dès lors, en excluant la qualification de «projet d’intérêt européen commun», la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.
76 Unicredito et le gouvernement italien ne peuvent faire valoir utilement que les mesures litigieuses s’inscrivent dans le cadre de l’achèvement d’un processus de privatisation, lequel pourrait constituer un projet d’intérêt européen commun.
77 En effet, un processus de privatisation engagé par un État membre ne peut être considéré, en soi, comme constituant un projet d’intérêt européen commun.
78 Par suite, le grief tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous b), CE n’est pas fondé.
ii) Sur la notion d’«aides destinées à faciliter le développement de certaines activités»
79 L’article 87, paragraphe 3, sous c), CE permet à la Commission de déclarer compatibles avec le marché commun des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités.
80 Au point 47 des motifs de la décision litigieuse, la Commission relève qu’aucune caractéristique du régime d’aides examiné ne permet de le juger compatible avec le marché commun en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.
81 Elle souligne que, selon elle, n’est pas rempli le critère, établi par cette disposition, en vertu duquel les aides en cause ne doivent pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.
82 En relevant, sur ce dernier point, que, notamment, la réduction d’impôt a essentiellement pour effet d’améliorer la compétitivité des bénéficiaires dans un secteur caractérisé par une concurrence internationale intense, et après avoir souligné précédemment qu’elle est en fait destinée à renforcer la position des bénéficiaires de l’aide par rapport aux concurrents qui n’en bénéficient pas, la Commission exclut implicitement que la réduction d’impôt vise au «développement» de l’activité bancaire en général.
83 En considération des motifs énoncés lors de l’examen des précédents griefs, en ce qui concerne les caractéristiques de la réduction d’impôt, il convient d’admettre que cette analyse de la Commission ne procède pas d’une erreur manifeste d’appréciation.
84 Par suite, le grief tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), n’est pas fondé.
B – Sur la deuxième question
85 Par sa deuxième question, lue à la lumière des motifs de la décision de renvoi, la juridiction nationale demande, en substance, si l’article 4 de la décision litigieuse est invalide en ce que l’injonction de récupération des aides qu’il contient ne serait pas soutenue par une motivation conforme à l’article 253 CE et en ce qu’il violerait les principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité.
1. Observations présentées à la Cour
86 Unicredito estime que la Commission n’a pas suffisamment motivé sa décision de ne pas recourir à la faculté, dont elle disposait en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, de ne pas exiger la récupération de l’aide, dès lors qu’une telle récupération serait allée à l’encontre du principe général de droit communautaire de protection de la confiance légitime.
87 Elle soutient que la loi n° 218/90 a été considérée comme légale par la Commission et que le contenu de la loi n° 461/98 est tout à fait conforme à celui de ladite loi. Dès lors, la République italienne aurait dû bénéficier d’une présomption de légalité en ce qui concerne la loi n° 461/98.
88 La requérante au principal invoque le délai écoulé depuis l’adoption de la loi n° 218/90.
89 Le comportement de la Commission à l’égard de cette loi aurait constitué une hypothèse «exceptionnelle» de confiance légitime exonérant les bénéficiaires privés de la restitution de l’aide.
90 L’existence d’une confiance légitime se dégagerait de la mesure prévue à l’article 7, paragraphe 3, de la loi n° 218/90, qui comporterait un mécanisme d’application substantiellement identique à celui de la réduction d’impôt.
91 Une confiance légitime aurait pu, par ailleurs, être confortée par la circonstance que, en ce qui concerne les banques, toutes les opérations réalisées ayant bénéficié des mesures fiscales en cause dans la décision litigieuse avaient fait l’objet d’autorisations de la Banca d’Italia, autorité spécifiquement chargée du contrôle du respect des règles de la concurrence dans le secteur bancaire.
92 Dans les circonstances de l’espèce, la Commission aurait également méconnu le principe de sécurité juridique en ne tenant pas compte du risque concret d’un important contentieux interne.
93 Unicredito affirme, à la lumière de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, que la Commission aurait dû assurer le respect du principe de proportionnalité au stade de l’injonction de récupération des aides.
94 En ordonnant la récupération, non graduelle, mais complète, péremptoire et immédiate des aides, la Commission n’aurait pas procédé à une régularisation conforme à ce principe.
95 La Commission aurait dû comparer la réduction d’impôt avec les avantages que les banques auraient pu retirer du régime fiscal de droit commun, en procédant à des opérations structurées différemment.
96 Le gouvernement italien soutient que, antérieurement à la réduction d’impôt, la légalité au regard de l’article 87 CE des dispositions analogues de la loi n° 218/90, à savoir l’article 7, paragraphe 3, de celle-ci, n’avait pas été contestée.
97 La Commission considère que, dans la décision litigieuse, elle a examiné de manière approfondie la question de la récupération des aides. Elle ajoute que, en tout état de cause, elle n’est pas tenue, selon la jurisprudence, d’exposer des motifs spécifiques pour justifier l’exercice de son pouvoir d’enjoindre aux autorités nationales de récupérer des aides.
98 Pour le surplus, la Commission estime que les griefs tirés de violations des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité ne sont pas fondés.
2. Appréciation de la Cour
a) Sur la motivation de l’injonction de récupération
99 L’exigence de motivation prévue à l’article 253 CE doit, en principe, être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que son destinataire peut avoir à recevoir des explications. Toutefois, en matière d’aides d’État, lorsque, contrairement aux dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE, l’aide a déjà été accordée, la Commission, qui a le pouvoir d’enjoindre aux autorités nationales d’en ordonner la restitution, n’est pas tenue d’exposer des motifs spécifiques pour justifier de son exercice (arrêts précités Belgique/Commission, points 81 et 82; du 7 mars 2002, Italie/Commission, point 106, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, point 129).
100 Il est constant que la République italienne n’a pas notifié à la Commission, avant sa mise en œuvre, le régime prévoyant la réduction d’impôt.
101 La Commission n’était donc pas tenue d’énoncer des motifs spécifiques au soutien de son injonction de récupération.
102 En tout état de cause, il apparaît que, contrairement à l’affirmation de la requérante au principal, la décision litigieuse contient, aux points 49 à 57 et 62 de ses motifs, une motivation approfondie, au regard de l’article 14 du règlement n° 659/1999 et du principe de protection de la confiance légitime, de la décision de la Commission d’exiger la restitution des aides en cause.
103 Le grief tiré d’une insuffisance de motivation de l’injonction de récupération ne peut donc être accueilli.
b) Sur le grief tiré de violations du principe de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique
104 Compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l’article 88 CE, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article et, d’autre part, qu’un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (arrêt du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C-183/02 P et C-187/02 P, Rec. p. I-10609, points 44 et 45, ainsi que la jurisprudence citée). Ni l’État membre en cause ni l’opérateur concerné ne sauraient davantage invoquer ensuite le principe de sécurité juridique en vue de faire obstacle à la restitution de l’aide, le risque d’un contentieux interne, évoqué par Unicredito, étant prévisible dès la mise à exécution de l’aide.
105 Il est constant que les mesures contenues dans la loi n° 218/90 n’ont jamais été notifiées à la Commission. Dès lors, s’agissant de l’allégation selon laquelle la mesure prévue à l’article 7, paragraphe 3, de cette loi aurait présenté une étroite analogie avec la réduction d’impôt, il suffit de constater que la mesure invoquée n’a pas été examinée par la Commission. Dans ce contexte, le délai écoulé depuis l’adoption de ladite loi, invoqué par Unicredito, n’est pas pertinent. De surcroît, à supposer même que les deux mesures successives s’inscrivent, ainsi que le suggère la juridiction de renvoi, dans une logique de continuité et d’extension de l’une par rapport à l’autre, la circonstance que la Commission ne soit pas intervenue à l’égard de la première est indifférente, dès lors que le régime en cause dans la présente affaire, examiné indépendamment de l’ancien, favorise certaines entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 1988, Grèce/Commission, 57/86, Rec. p. 2855, point 10).
106 S’agissant des décisions 1999/288 et 2000/600, visées par la juridiction de renvoi (voir point 26 du présent arrêt), il convient d’observer qu’elles concernent des aides octroyées à des banques bénéficiaires identifiées et se rapportent à des mesures différentes de celles en cause dans la présente affaire, à savoir des augmentations de capital social, des avances accordées par la Banca d’Italia, un apport à une banque d’une participation du Trésor ainsi que des allégements fiscaux pour des actes concernant principalement des opérations de cession d’entreprise, de branches d’entreprise et de biens. La circonstance que, le cas échéant, la Commission n’ait pas considéré certaines des mesures contenues dans la loi n° 218/90 comme incompatibles avec le marché commun ne saurait impliquer, de sa part, une décision positive à l’égard de toutes les mesures prévues par cette loi.
107 Quant aux autorisations qui, selon la requérante au principal, auraient été données par la Banca d’Italia pour chaque opération impliquant la réduction d’impôt au profit de banques, il suffit de rappeler que l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché commun relève de la compétence exclusive de la Commission, de sorte qu’un opérateur économique diligent ne saurait placer une confiance légitime dans une décision n’émanant pas de cette institution.
108 Enfin, il ne peut être soutenu utilement que, les banques concernées ayant pris en compte l’aide accordée au titre de la réduction d’impôt dans leur appréciation de la faisabilité des opérations qu’elles réalisaient, la récupération de cette aide porte atteinte au principe de protection de la confiance légitime.
109 En effet, la récupération d’une aide accordée sans respect de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE constitue un risque prévisible pour l’opérateur qui en bénéficie.
110 En outre, ainsi que le relève la Commission, les entreprises bénéficiaires d’une aide illégale tiennent généralement compte du montant de celle-ci dans leurs choix économiques et la récupération ultérieure de cette aide a, en règle générale, un effet défavorable sur leurs finances. Si une telle situation devait faire obstacle au recouvrement, les aides demeureraient définitivement acquises aux bénéficiaires dans la quasi-totalité des cas et le contrôle communautaire des aides d’État serait vidé de son efficacité.
111 En considération des éléments qui précèdent, Unicredito ne peut donc revendiquer la possibilité pour le bénéficiaire d’une aide illégale, d’invoquer des circonstances exceptionnelles ayant pu légitimement fonder sa confiance dans le caractère régulier de cette aide (voir arrêt Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, précité, point 51).
112 En définitive, il convient de constater que le grief tiré de violations du principe de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique n’est pas fondé.
c) Sur le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité
113 La suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité. Cette récupération en vue du rétablissement de la situation antérieure ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d’aides d’État. Par la restitution, le bénéficiaire perd l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure à l’octroi de l’aide est rétablie (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, précité, points 103 et 104, ainsi que la jurisprudence citée).
114 Les montants à restituer ne sauraient être déterminés en considération d’opérations différentes qui auraient pu être mises en œuvre par les entreprises si elles n’avaient pas opté pour la forme d’opération assortie de l’aide.
115 En effet, ce choix a été effectué en connaissance du risque de récupération d’aides accordées sans respect de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE.
116 Lesdites entreprises auraient pu éviter ce risque en optant immédiatement pour des opérations structurées différemment.
117 De surcroît, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, le rétablissement de la situation antérieure signifie le retour, autant que possible, à la situation qui aurait prévalu si les opérations en cause avaient été réalisées sans octroi de la réduction d’impôt.
118 Ce rétablissement n’implique pas une reconstitution différente du passé en fonction d’éléments hypothétiques tels que les choix, souvent multiples, qui auraient pu être faits par les opérateurs intéressés, d’autant que les choix effectivement opérés avec le bénéfice de l’aide peuvent s’avérer irréversibles.
119 Le rétablissement de la situation antérieure permet uniquement la prise en compte, au stade de la récupération de l’aide par les autorités nationales, du traitement fiscal le cas échéant plus favorable que celui de droit commun qui, en l’absence de l’aide illégale et en vertu de règles internes compatibles avec le droit communautaire, aurait été accordé au titre de l’opération effectivement réalisée.
120 Le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité n’est donc pas fondé.
121 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’examen des deux premières questions posées n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité de la décision litigieuse.
C – Sur la troisième question
122 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 87 CE et suivants, l’article 14 du règlement n° 659/1999 ainsi que les principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité s’opposent à une mesure nationale ordonnant la restitution d’une aide en exécution d’une décision de la Commission qui a qualifié cette aide d’incompatible avec le marché commun et dont l’examen au regard de ces mêmes dispositions et principes généraux n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité.
123 À cet égard, il suffit de constater qu’une mesure nationale prescrivant la restitution d’une aide en exécution d’une décision de la Commission est privée de légalité lorsque cette décision est contraire à une règle de droit communautaire.
124 Il en résulte, à l’inverse, que si l’examen d’une décision négative de la Commission au regard de règles de droit communautaire ne révèle aucun élément de nature à affecter sa validité, lesdites règles ne peuvent s’opposer à la mesure nationale adoptée en exécution de la décision de la Commission en cause.
125 Il convient donc de répondre à la troisième question que les articles 87 CE et suivants, l’article 14 du règlement n° 659/1999 ainsi que les principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité ne peuvent s’opposer à une mesure nationale ordonnant la restitution d’une aide en exécution d’une décision de la Commission qui a qualifié cette aide d’incompatible avec le marché commun et dont l’examen au regard de ces mêmes dispositions et principes généraux n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité.
Sur les dépens
126 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
1) L’examen des questions posées n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité de la décision 2002/581/CE de la Commission, du 11 décembre 2001, relative au régime d’aides d’État mis en œuvre par l’Italie en faveur des banques.
2) Les articles 87 CE et suivants, l’article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE, ainsi que les principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité ne peuvent s’opposer à une mesure nationale ordonnant la restitution d’une aide en exécution d’une décision de la Commission qui a qualifié cette aide d’incompatible avec le marché commun et dont l’examen au regard de ces mêmes dispositions et principes généraux n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité.
Signatures
* Langue de procédure: l'italien.