Affaire C-386/04
Centro di Musicologia Walter Stauffer
contre
Finanzamt München für Körperschaften
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesfinanzhof)
«Libre circulation des capitaux — Impôt sur les sociétés — Exonération des revenus locatifs — Condition de résidence — Fondation de droit privé reconnue d'intérêt général»
Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 15 décembre 2005
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 14 septembre 2006
Sommaire de l'arrêt
Libre circulation des capitaux — Restrictions
(Traité CE, art. 73 B et 73 D (devenus art. 56 CE et 58 CE))
L'article 73 B du traité (devenu article 56 CE), lu en combinaison avec l'article 73 D du traité (devenu article 58 CE), doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre, qui exonère de l'impôt sur les sociétés les revenus locatifs perçus sur le territoire national par des fondations reconnues d'intérêt général en principe soumises à l'impôt de manière illimitée si elles sont établies dans cet État, refuse d'accorder la même exonération pour des revenus de même type à une fondation de droit privé reconnue d'intérêt général au seul motif que, étant établie dans un autre État membre, elle n'est assujettie à l'impôt sur son territoire que de manière limitée.
Le droit communautaire n'impose pas aux États membres de faire en sorte que les fondations étrangères reconnues d'intérêt général dans leur État membre d'origine bénéficient automatiquement de la même reconnaissance sur leur territoire. Cependant, lorsqu'une fondation reconnue d'intérêt général dans un État membre remplit également les conditions imposées à cette fin par la législation d'un autre État membre et a comme objectif la promotion d'intérêts de la collectivité identiques, ce qu'il appartient aux autorités nationales de ce dernier État, y compris les juridictions, d'apprécier, les autorités de cet État membre ne sauraient refuser à cette fondation le droit à l'égalité de traitement pour la seule raison qu'elle n'est pas établie sur leur territoire.
Une telle différence de traitement ne saurait être justifiée par la poursuite d'objectifs liés à la promotion, au niveau national, de la culture et d'une formation de haut niveau, dès lors que la réglementation nationale en cause ne présuppose pas que l'activité des fondations reconnues comme étant d'intérêt général profite à la collectivité nationale.
Une telle réglementation ne saurait en outre être justifiée par la nécessité d'assurer l'efficacité des contrôles fiscaux. Avant d'accorder une exonération fiscale à une fondation, un État membre est certes autorisé à appliquer des mesures lui permettant de vérifier, de façon claire et précise, si elle remplit les conditions exigées par la législation nationale pour en bénéficier et à contrôler sa gestion effective. Cependant, s'il peut s'avérer plus difficile de procéder aux vérifications nécessaires en cas de fondations établies dans d'autres États membres, il s'agit de simples inconvénients administratifs qui ne sont pas suffisants pour justifier un refus de la part des autorités de l'État concerné d'accorder auxdites fondations les mêmes exonérations fiscales qu'aux fondations du même type, en principe soumises à l'impôt de manière illimitée dans cet État.
Par ailleurs, en l'absence de lien direct entre l'avantage fiscal qui consiste en l'exonération fiscale des revenus locatifs et une compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, la restriction en cause ne saurait être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal.
Il en va de même de la nécessité de préserver l'assiette fiscale, la réduction de recettes fiscales ne pouvant être considérée comme une raison impérieuse d'intérêt général de nature à justifier une mesure en principe contraire à une liberté fondamentale.
Quant à la lutte contre la criminalité, une présomption générale d'activité criminelle ne saurait être fondée sur la circonstance qu'une fondation est établie dans un autre État membre. Par ailleurs, exclure le bénéfice d'une exonération fiscale à de telles fondations, alors que plusieurs moyens existent pour contrôler les comptes et les activités de celles-ci, apparaît comme une mesure allant au-delà de ce qui est nécessaire pour combattre la criminalité.
(cf. points 39-40, 45, 47-48, 55-56, 58-62 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
14 septembre 2006 (*)
«Libre circulation des capitaux – Impôt sur les sociétés– Exonération des revenus locatifs – Condition de résidence – Fondation de droit privé reconnue d’intérêt général»
Dans l’affaire C-386/04,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 14 juillet 2004, parvenue à la Cour le 8 septembre 2004, dans la procédure
Centro di Musicologia Walter Stauffer
contre
Finanzamt München für Körperschaften,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. Malenovský, S. von Bahr, A. Borg Barthet et U. Lõhmus (rapporteur), juges,
avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 octobre 2005,
considérant les observations présentées:
– pour le Centro di Musicologia Walter Stauffer, par Me O. Thömmes, Rechtsanwalt,
– pour le Finanzamt München für Körperschaften, par M. C. Anneser et Mme K. Schmid, en qualité d'agents,
– pour le gouvernement allemand, par Mme A. Tiemann et M. U. Forsthoff, en qualité d’agents,
– pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, et MM. D. Moloney, BL, et K. Maguire, BL,
– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de P. Gentili, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. White, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. K. Gross et R. Lyal, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 décembre 2005,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), 58 du traité CE (devenu article 48 CE), 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE), 66 du traité CE (devenu article 55 CE), et 73 B du traité CE (devenu article 56 CE).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Centro di Musicologia Walter Stauffer, fondation de droit italien (ci-après la «fondation»), au Finanzamt München für Körperschaften (ci-après le «Finanzamt»), au sujet de l’assujettissement de certains revenus à l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice 1997.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 L’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5), intitulée «Nomenclature des mouvements de capitaux visés à l’article 1er de la directive», précise, dans son introduction:
«Dans la présente nomenclature, les mouvements de capitaux sont classés selon la nature économique des avoirs et engagements, libellés en monnaie nationale ou en devises étrangères, sur lesquels ils portent.
Les mouvements de capitaux énumérés dans la présente nomenclature s’entendent comme couvrant:
– l’ensemble des opérations nécessaires à la réalisation des mouvements de capitaux: conclusion et exécution de la transaction et transferts y afférents. La transaction s’effectue généralement entre résidents de différents États membres; il arrive, toutefois, que certains mouvements de capitaux soient effectués par une seule personne pour son propre compte (cas, par exemple, des transferts d’avoirs d’émigrants),
– les opérations effectuées par toute personne physique ou morale [...],
– l’accès de l’opérateur à toutes les techniques financières disponibles sur le marché sollicité pour la réalisation de l’opération. Par exemple, la notion d’acquisition de titres et d’autres instruments financiers couvre non seulement les opérations au comptant mais toutes les techniques de négociation disponibles: opérations à terme, opérations à option ou à warrant, opérations d’échange contre d’autres actifs etc. [...],
– les opérations de liquidation ou de cession des avoirs constitués, le rapatriement du produit de cette liquidation […] ou l’utilisation sur place de ce produit dans les limites des obligations communautaires,
– les opérations de remboursement des crédits ou prêts.
La présente nomenclature n’est pas limitative de la notion de mouvement de capitaux, d’où la présence d’une rubrique XIII – F ‘Autres mouvements de capitaux: Divers’. Elle ne saurait donc être interprétée comme restreignant la portée du principe d’une libération complète des mouvements de capitaux, tel qu’énoncé à l’article 1er de la directive.»
4 Ladite nomenclature comprend treize catégories différentes de mouvements de capitaux. Sous la rubrique II, intitulée «Investissements immobiliers», figure:
«A. Investissements immobiliers effectués sur le territoire national par des non-résidents
[…]».
La réglementation nationale
5 Les dispositions pertinentes de la loi de 1996 relative à l’impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz 1996, ci-après le «KStG») sont libellées comme suit:
«Article 2: Assujettissement partiel
Sont partiellement assujetties à l’impôt sur les personnes morales:
1. les personnes morales, groupements de personnes et masses de biens dont ni le siège ni la direction ne se trouve sur le territoire national, au titre des revenus perçus sur le territoire national; […]
Article 5: Exonérations
1) Sont exonérées de l’impôt sur les personnes morales:
[…]
9. les personnes morales, groupements de personnes et masses de biens qui, en application de leur statut et eu égard à leur gestion effective, poursuivent exclusivement et directement des objectifs qui ressortissent à l’intérêt général, à la bienfaisance ou au service d’une église [articles 51 à 68 du code des impôts de 1977 (Abgabenordnung 1977), ci-après l’«AO»]. Lorsqu’ils tiennent des établissements commerciaux, l’exonération est exclue à cet égard. La deuxième phrase ne s’applique pas aux exploitations forestières directement exploitées par leur propriétaire;
2) L’exonération prévue au paragraphe 1 ne s’applique pas:
[…]
3. aux contribuables partiellement assujettis au sens de l’article 2, point 1.
[...]
Article 8: Détermination du revenu
1) Les dispositions combinées de la présente loi et de la loi relative à l’impôt sur le revenu déterminent ce qui est considéré comme revenu et la façon dont celui-ci doit être calculé. […]»
6 Les dispositions pertinentes de la loi de 1990 relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz 1990, ci-après l’«EStG») sont libellées comme suit:
«Article 21: Baux à loyer et à ferme
1) Sont considérés comme revenus de baux à loyer et à ferme:
1. les revenus tirés de la location de bien immeubles, notamment de terrains, bâtiments, corps de bâtiments, […].
Article 49: Revenus partiellement assujettis
1) Sont des revenus perçus sur le territoire national aux fins de l’assujettissement partiel à l’impôt sur le revenu (article 1er, paragraphe 4):
[…]
6. les revenus de baux à loyer et à ferme, lorsque le bien immeuble, le patrimoine ou les droits sont […] situés dans le pays […].»
Le litige au principal et la question préjudicielle
7 La fondation, reconnue comme étant d’intérêt général conformément au droit italien, est propriétaire d’une surface commerciale à Munich.
8 Le Finanzamt a soumis les revenus que la fondation tire de la location de cette surface commerciale à l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice 1997. La fondation ne possède pas de locaux en Allemagne pour l’exercice de ses activités et ne détient pas de filiales. Les prestations que requiert la location de ladite surface commerciale sont fournies par un syndic allemand.
9 Il résulte des statuts en vigueur lors de l’exercice litigieux que la fondation n’a pas de but lucratif. Elle poursuit des objectifs exclusivement culturels qui visent la formation et l’éducation, par la promotion de l’enseignement tant de la fabrication classique des instruments à cordes et d’instruments à archet que de l’histoire de la musique et de la musicologie en général. La fondation peut créer une ou plusieurs bourses destinées à permettre à des jeunes suisses, de préférence originaires de Berne (Suisse), de séjourner à Crémone (Italie) pour toute la durée de l’enseignement.
10 Il ressort des informations fournies par la juridiction de renvoi que, au cours de l’exercice litigieux, la fondation a poursuivi des objectifs d’intérêt général au sens des articles 51 à 68 de l’AO. Selon cette juridiction, la promotion des intérêts de la collectivité au sens de l’article 52 de ladite loi ne présuppose pas que les mesures de promotion profitent aux ressortissants allemands. Par conséquent, la fondation serait en principe exonérée de l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 5, paragraphe 1, point 9, première phrase, du KStG, sans qu’il y ait lieu de l’assujettir à l’impôt au titre de ses revenus conformément aux deuxième et troisième phrases de cette même disposition, du fait que la location n’excèderait pas le cadre de la gestion du patrimoine et ne constituerait pas une opération d’entreprise commerciale au sens de l’article 14, paragraphe 1, de l’AO.
11 Cependant la fondation ayant son siège et sa direction en Italie, elle perçoit en Allemagne ses revenus locatifs dans le cadre de son assujettissement partiel à l’impôt. Il s’ensuit qu’il faut alors appliquer l’article 5, paragraphe 2, point 3, du KStG, conformément auquel l’exonération fiscale, qui s’applique notamment aux personnes morales poursuivant exclusivement et directement des objectifs d’intérêt général, ne vaut pas pour les contribuables partiellement assujettis à l’impôt. Il résulte de cette disposition qu’en raison des revenus locatifs qu’elle perçoit en Allemagne pour la location de la surface commerciale, la fondation a été soumise à l’impôt sur les sociétés.
12 La fondation a introduit une réclamation contre l’avis d’imposition de 1997 au motif que, étant une fondation reconnue d’intérêt général, elle aurait dû être exonérée de l’impôt, réclamation qui a été rejetée. Elle a alors engagé un recours devant le Finanzgericht München qui est demeuré sans succès. La fondation a, ensuite, introduit un pourvoi en «Revision» devant le Bundesfinanzhof lequel se demande si l’exclusion de l’exonération fiscale des personnes morales, prévue à l’article 5, paragraphe 2, point 3, du KStG, est conciliable avec les exigences du droit communautaire.
13 Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Est-il compatible avec l’article 52 du traité CE, lu en combinaison avec l’article 58 du traité CE; avec l’article 59 du traité CE, lu en combinaison avec les articles 66 et 58 du traité CE, ainsi qu’avec l’article 73 B du traité CE, qu’une fondation d’intérêt général de droit privé d’un autre État membre qui, parce qu’elle perçoit des revenus locatifs, est assujettie à l’impôt de manière limitée sur le territoire national ne soit pas exonérée de l’impôt sur les personnes morales contrairement à une fondation d’intérêt général qui, percevant des revenus de même type, est soumise à l’impôt de manière illimitée sur le territoire national?»
Sur la question préjudicielle
14 Par sa question, le Bundesfinanzhof demande, en substance, si les dispositions du traité CE relatives au droit d’établissement, à la libre prestation de services et/ou à la libre circulation des capitaux s’opposent à ce qu’un État membre, qui exonère de l’impôt sur les sociétés les revenus locatifs perçus sur le territoire national par des fondations reconnues d’intérêt général en principe soumises à l’impôt de manière illimitée si elles sont établies dans cet État, refuse d’accorder la même exonération pour des revenus de même type à une fondation de droit privé reconnue d’intérêt général du fait que, étant établie dans un autre État membre, elle n’est assujettie à l’impôt sur son territoire que de manière limitée.
15 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 11 août 1995, Wielockx, C-80/94, Rec. p. I-2493, point 16; du 10 mars 2005, Laboratoires Fournier, C-39/04, Rec. p. I-2057, point 14, et du 23 février 2006, Van Hilten-van der Heijden, C-513/03, non encore publié au Recueil, point 36).
16 Il y a lieu d’examiner, ensuite, si, eu égard aux faits de l’espèce, la fondation peut se prévaloir des règles relatives au droit d’établissement, de celles relatives à la libre prestation des services et/ou de celles régissant la libre circulation des capitaux.
17 La liberté d’établissement, que l’article 52 du traité reconnaît aux ressortissants communautaires et qui comporte pour eux l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l’article 58 du traité, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté, le droit d’exercer leur activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (arrêts du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C-307/97, Rec. p. I-6161, point 35; du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C-446/03, Rec. p. I-10837, point 30, et du 23 février 2006, Keller Holding, C-471/04, non encore publié au Recueil, point 29).
18 Selon la jurisprudence de la Cour, la notion d’établissement au sens du traité est une notion très large, impliquant la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d’un État membre autre que son État d’origine, et d’en tirer profit, favorisant ainsi l’interpénétration économique et sociale à l’intérieur de la Communauté dans le domaine des activités non salariées (voir, en ce sens, arrêts du 21 juin 1974, Reyners, 2/74, Rec. p. 631, point 21, et du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 25).
19 Toutefois, pour que les dispositions relatives au droit d’établissement puissent s’appliquer, il est en principe nécessaire qu’une présence permanente dans l’État membre d’accueil soit assurée et, en cas d’acquisition et de possession des biens immobiliers, que la gestion de ces biens soit active. Or, il découle de la description des faits fournie par la juridiction de renvoi que la fondation ne possède pas de locaux en Allemagne pour l’exercice de ses activités et que les prestations que requièrent la location du bien immobilier sont fournies par un syndic allemand.
20 Par conséquent, il y a lieu de conclure que les dispositions régissant la liberté d’établissement ne trouvent pas à s’appliquer dans des circonstances telles que celles du litige au principal.
21 Il convient de déterminer, ensuite, si la fondation peut se prévaloir des dispositions des articles 73 B à 73 G du traité concernant la libre circulation des capitaux.
22 À cet égard, il y a lieu d’observer que le traité ne définit pas les notions de «mouvements de capitaux» et de «paiements». Cependant, il est de jurisprudence constante que, dans la mesure où l’article 73 B du traité a repris en substance le contenu de l’article 1er de la directive 88/361 et même si celle-ci a été adoptée sur le fondement des articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CEE (les articles 67 à 73 du traité CEE ont été remplacés par les articles 73 B à 73 G du traité CE, devenus articles 56 CE à 60 CE), la nomenclature des «mouvements de capitaux» qui lui est annexée conserve la valeur indicative qui était la sienne avant leur entrée en vigueur pour définir la notion de mouvements de capitaux, étant entendu que, conformément à son introduction, la liste qu’elle contient ne présente pas un caractère exhaustif (voir, notamment, arrêts du 16 mars 1999, Trummer et Mayer, C-222/97, Rec. p. I-1661, point 21; du 5 mars 2002, Reisch e.a., C-515/99, C-519/99 à C-524/99 et C-526/99 à C-540/99, Rec. p. I-2157, point 30, et Van Hilten-van der Heijden, précité, point 39).
23 Il est constant que la fondation, dont le siège se trouve en Italie, dispose, à Munich, d’une surface commerciale qu’elle donne en location. Parmi les mouvements de capitaux énumérés à l’annexe I de la directive 88/361 figurent, sous la rubrique II, intitulée «Investissements immobiliers», les investissements immobiliers réalisés sur le territoire national par des non-résidents.
24 Il s’ensuit que tant le fait d’être propriétaire dudit bien immobilier que celui de l’exploiter relèvent de la libre circulation des capitaux. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner si la fondation agit en tant que prestataire de services.
25 Aux termes de l’article 73 B du traité, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres sont interdites.
26 Afin de déterminer si une réglementation nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, entraîne une restriction à la libre circulation des capitaux au sens de l’article 73 B du traité, il importe d’examiner si l’application de celle-ci produit un effet restrictif à l’égard des fondations reconnues comme étant d’intérêt général et établies dans d’autres États membres en ce qu’elle ne leur accorde pas, pour les revenus locatifs perçus sur le territoire national, l’exonération dont bénéficient les fondations du même type, soumises à l’impôt de manière illimitée sur ce territoire.
27 Or, le fait que l’exonération fiscale sur les revenus locatifs s’applique uniquement en faveur des fondations reconnues comme étant d’intérêt général et en principe soumises à l’impôt de manière illimitée sur le territoire allemand désavantage les fondations dont le siège est situé dans un autre État membre et est susceptible de constituer une entrave à la libre circulation de capitaux et de paiements.
28 Il résulte de ce qui précède qu’une réglementation telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la liberté de mouvements des capitaux prohibée, en principe, par l’article 73 B du traité.
29 Il convient, toutefois, d’examiner si une telle restriction est susceptible d’être justifiée au regard des dispositions du traité.
30 À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité, l’article 73 B ne porte pas atteinte au droit dont disposent les États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale établissant une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis.
31 Toutefois, l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité, qui, en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte, ne saurait être interprété en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État membre dans lequel ils investissent leurs capitaux serait automatiquement compatible avec le traité. En effet, la dérogation prévue à l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité est elle-même limitée par l’article 73 D, paragraphe 3, de ce même traité qui prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 de cet article «ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 73 B» (voir arrêt du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 28).
32 Il y a donc lieu de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité des discriminations arbitraires ou des restrictions déguisées interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale telle que celle en cause au principal, qui opère une distinction entre les fondations soumises à l’impôt de manière illimitée et celles partiellement assujetties, puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, telles que la nécessité de sauvegarder la cohérence du régime fiscal et l’efficacité des contrôles fiscaux (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C-35/98, Rec. p. I-4071, point 43, et Manninen, précité, point 29). En outre, pour être justifiée, la différence de traitement entre, d’une part, les fondations reconnues d’intérêt général et soumises à l’impôt de manière illimitée sur le territoire allemand et, d’autre part, les fondations du même type établies dans d’autres États membres, ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’objectif poursuivi par la réglementation en cause soit atteint.
33 Le Finanzamt ainsi que les gouvernements allemand et du Royaume-Uni font valoir qu’une fondation reconnue d’intérêt général assujettie à l’impôt de manière illimitée et la requérante, qui n’est assujettie que de manière limitée du fait qu’elle est non-résidente, ne se trouvent pas dans une situation comparable.
34 D’une part, la première serait intégrée dans la vie sociale allemande et se chargerait de missions qui devraient autrement être assurées par la collectivité ou par les autorités nationales, ce qui grèverait le budget de l’État, tandis que les activités d’intérêt général de la seconde, à la fois statutaires et effectives, ne concerneraient que la République italienne et la Confédération suisse.
35 D’autre part, les conditions par lesquelles les États membres reconnaîtraient une fondation comme étant d’intérêt général, ce qui comporterait l’octroi d’avantages fiscaux et d’autres privilèges, diffèreraient d’un État membre à l’autre, en fonction de la perception par chacun de l’utilité publique et de la portée qu’ils accorderaient à la notion d’«intérêt général». Il s’ensuivrait qu’une fondation satisfaisant aux conditions imposées par la législation italienne ne se trouverait pas dans une situation comparable à celle d’une fondation qui satisferait aux conditions imposées par la législation allemande car il serait très probable que les conditions applicables dans chaque État membre en ce qui concerne la reconnaissance du statut d’intérêt général soient différentes.
36 Aucun de ces arguments ne saurait être retenu.
37 En premier lieu, si les États membres sont en droit d’exiger l’existence d’un lien suffisamment étroit entre les fondations qu’ils reconnaissent comme étant d’intérêt général aux fins de l’octroi de certains avantages fiscaux et les activités qu’elles exercent, il ressort de la décision de renvoi que l’existence ou non d’un tel lien n’est pas pertinente pour la solution dans l’affaire au principal.
38 En effet, l’article 52 de l'AO reconnaît qu’une personne morale poursuit des objectifs d’intérêt général lorsque son activité vise à promouvoir, de manière désintéressée, les intérêts de la collectivité, sans établir, toutefois, de distinction selon qu’elle s’effectue sur le territoire national ou à l’étranger. La juridiction de renvoi indique que la promotion des intérêts de la collectivité au sens de cette disposition n’implique pas que ces mesures de promotion profitent aux citoyens de la République fédérale d’Allemagne ni à ses habitants.
39 En second lieu, il est vrai que, ainsi que le relève Mme l’avocat général au point 94 de ses conclusions, le droit communautaire n’impose pas aux États membres de faire en sorte que les fondations étrangères reconnues d’intérêt général dans leur État membre d’origine bénéficient automatiquement de la même reconnaissance sur leur territoire. En effet, les États membres disposent, à cet égard, d’un pouvoir d’appréciation qu’ils doivent exercer conformément au droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt du 9 février 2006, Kinderopvang Enschede, C-415/04, non encore publié au Recueil, point 23). Ils sont libres, dans ces conditions, de décider quels sont les intérêts de la collectivité qu’ils veulent promouvoir, en octroyant des avantages à des associations et à des fondations qui poursuivent de manière désintéressée des objectifs liés auxdits intérêts.
40 Il n’en demeure pas moins que, lorsque une fondation reconnue d’intérêt général dans un État membre remplit également les conditions imposées à cette fin par la législation d’un autre État membre et a comme objectif la promotion d’intérêts de la collectivité identiques, ce qu’il appartient aux autorités nationales de ce dernier État, y compris les juridictions, d’apprécier, les autorités de cet État membre ne sauraient refuser à cette fondation le droit à l’égalité de traitement pour la seule raison qu’elle n’est pas établie sur leur territoire.
41 Or, dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi affirme que, au cours de l’exercice litigieux, la fondation a poursuivi des objectifs d’intérêt général au sens des articles 51 à 68 de l'AO et qu’elle remplissait également les conditions statutaires lui permettant de bénéficier de l’exonération de l’impôt sur les sociétés conformément à l’article 5, paragraphe 1, point 9, première phrase, du KStG.
42 Par conséquent, dans des circonstances telles que celles de l’espèce au principal, l’article 5, paragraphe 2, point 3, du KStG, aboutit à traiter de façon différente en raison de leur résidence des fondations qui se trouvent dans une situation objectivement comparable. Il s’ensuit qu’une telle mesure fiscale ne saurait, en principe, constituer un traitement inégal permis au titre de l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité, à moins qu’elle puisse être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêts précités Verkooijen, point 46, et Manninen, point 29, ainsi que arrêt du 19 janvier 2006, Bouanich, C-265/04, Rec. p. I-923, point 38).
43 Afin de justifier la différence de traitement entre, d’une part, les fondations reconnues comme étant d’intérêt général et soumises à l’impôt de manière illimitée sur le territoire allemand, et d’autre part, celles qui ne sont pas établies dans cet État membre, ont été avancés devant la Cour des objectifs relatifs notamment à la promotion de la culture, à la formation et à l’éducation, à l’efficacité des contrôles fiscaux, à la nécessité d’assurer la cohérence du régime fiscal national, à la nécessité de préserver l’assiette fiscale, ainsi qu’à la lutte contre la criminalité.
44 En premier lieu, le Finanzamt considère que le privilège fiscal des fondations nationales poursuivant des objectifs culturels est couvert par les articles 92, paragraphe 3, sous d), du traité CE [devenu, après modification, article 87, paragraphe 3, sous d), CE] et 128 du traité CE (devenu, après modification, article 151 CE), et que, dès lors, les règles dérogatoires applicables aux fondations nationales qui poursuivent exclusivement des objectifs d’éducation et de formation sont donc compatibles avec le droit communautaire.
45 Cet argument ne saurait être retenu. S’il est vrai que certains objectifs liés à la promotion, au niveau national, de la culture et d’une formation de haut niveau peuvent constituer des raisons impérieuses d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 1991, Commission/Grèce, C-198/89, Rec. p. I-727, et du 13 novembre 2003, Neri, C-153/02, Rec. p. I-13555, point 46), il n’en demeure pas moins qu’il n’apparaît pas, à la lumière des informations dont dispose la Cour, que le régime d’exonération fiscale en cause poursuit de tels objectifs ou qu’il constitue une aide, régie par les articles 92 et 93 du traité CE. En effet, il ressort de la décision de renvoi que l’article 52 de l’AO ne présuppose pas que l’activité des fondations reconnues comme étant d’intérêt général profite à la collectivité nationale.
46 En deuxième lieu, tant le Finanzamt que le gouvernement allemand, l’Irlande et le gouvernement du Royaume-Uni soutiennent que la réglementation fiscale en cause dans l’affaire au principal est justifiée, premièrement, par la difficulté de vérifier si, et dans quelle mesure, une fondation reconnue d’intérêt général établie à l’étranger remplit effectivement les objectifs statutaires au sens de la législation nationale, et, deuxièmement, par la nécessité de contrôler la gestion effective de cette fondation.
47 La Cour a jugé, à maintes reprises, que l’efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (voir, notamment, arrêts du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit «Cassis de Dijon», 120/78, Rec. p. 649, point 8, et du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer, C-250/95, Rec. p. I-2471, point 31).
48 Ainsi, avant d’accorder une exonération fiscale à une fondation, un État membre est autorisé à appliquer des mesures lui permettant de vérifier, de façon claire et précise, si elle remplit les conditions exigées par la législation nationale pour en bénéficier et à contrôler sa gestion effective sur la base, par exemple, de la présentation des comptes annuels et d’un rapport d’activité. Certes, en cas de fondations établies dans d’autres États membres, il peut s’avérer plus difficile de procéder aux vérifications nécessaires. Cependant, il s’agit de simples inconvénients administratifs qui ne sont pas suffisants pour justifier un refus de la part des autorités de l’État concerné d’accorder auxdites fondations les mêmes exonérations fiscales qu’aux fondations du même type, en principe soumises à l’impôt de manière illimitée dans cet État (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2004, Commission/France, C-334/02, Rec. p. I-2229, point 29).
49 Il convient de rappeler, à cet égard, que rien n’empêche les autorités fiscales concernées d’exiger de la fondation reconnue d’intérêt général réclamant le bénéfice de l’exonération fiscale de fournir des justificatifs pertinents leur permettant de procéder aux vérifications nécessaires. Par ailleurs, ne saurait être justifiée au titre de l’efficacité des contrôles fiscaux une réglementation nationale qui empêche de manière absolue le contribuable d’apporter de telles preuves (voir, en ce sens, arrêt Laboratoires Fournier, précité, point 25).
50 En outre, les autorités fiscales concernées peuvent s’adresser, en vertu de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15), modifiée par la directive 2004/106/CE du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO L 359, p. 30), aux autorités d’un autre État membre pour obtenir tout renseignement qui s’avère nécessaire à l’établissement correct de l’impôt d’un contribuable, y compris la possibilité de lui accorder une exonération fiscale (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 1999, Vestergaard, C-55/98, Rec. p. I-7641, point 26, et du 26 juin 2003, Skandia et Ramstedt, C-422/01, Rec. p. I-6817, point 42).
51 En troisième lieu, le gouvernement allemand fait valoir que l’exonération de l’impôt sur les sociétés, octroyée aux fondations non-résidentes au titre des revenus qu’elles tirent de la gestion du patrimoine dont elles disposent en Allemagne, met en cause la cohérence du régime fiscal national. Selon ce gouvernement, l’exonération viserait à supprimer une obligation fiscale en raison des activités vouées à l’intérêt public qu’exercent les fondations reconnues d’intérêt général. Dans la mesure où ces dernières prendraient directement en charge la responsabilité du bien commun, elles se substitueraient à l’État lequel pourrait, en contrepartie, leur accorder un avantage fiscal sans enfreindre son obligation d’égalité de traitement.
52 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a admis que la nécessité de préserver la cohérence d’un régime fiscal peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249, point 28, et du 28 janvier 1992, Commission/Belgique, C-300/90, Rec. p. I-305, point 21).
53 Toutefois, pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, il faut que soit établie l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson, C-484/93, Rec. p. I-3955, point 18; du 27 juin 1996, Asscher, C-107/94, Rec. p. I-3089, point 58; du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 29; Vestergaard, précité, point 24; du 21 novembre 2002, X et Y, C-436/00, Rec. p. I-10829, point 52).
54 Ainsi qu’il ressort des points 21 à 23 de l’arrêt Bachmann, précité, et 14 à 16 de l’arrêt Commission/Belgique, précité, ces arrêts reposent sur le constat qu’il existait, en droit belge, un lien direct, dans le chef du même contribuable soumis à l’impôt sur le revenu, entre la faculté de déduire des cotisations d’assurance des revenus imposables et l’imposition ultérieure des sommes versées par les assureurs (arrêt Manninen, précité, point 42).
55 L’argument du gouvernement allemand visant à justifier la restriction à la libre circulation des capitaux par la nécessité d’assurer la cohérence de son régime fiscal ne saurait toutefois être accueilli.
56 En effet, d’une part, à l’avantage fiscal qui consiste en l’exonération fiscale des revenus locatifs ne correspond pas une charge frappant les fondations en principe soumises à l’impôt de manière illimitée. En d’autres termes, il n’existe pas de lien direct, du point de vue du régime fiscal, entre cette exonération et une compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé.
57 D’autre part, si le souhait de réserver le bénéfice de l’exonération fiscale aux fondations reconnues d’intérêt général poursuivant des objectifs politiques de cet État membre peut paraître à première vue légitime, il n’en demeure pas moins que, eu égard aux informations soumises à la Cour par la juridiction de renvoi, l’article 52 de l’AO ne présuppose pas que les mesures de promotion profitent à la collectivité nationale. Sur cette base, ladite juridiction conclut que la fondation en cause au principal pourrait bénéficier de l’exonération si, tout en conservant les mêmes objectifs, elle établissait son siège en Allemagne.
58 En quatrième lieu, le gouvernement allemand souligne que le refus d’accorder aux fondations partiellement assujetties l’exonération fiscale est justifié par la nécessité de préserver l’assiette fiscale.
59 Certes, la reconnaissance d’un droit à l’exonération de l’impôt sur les sociétés au bénéfice des fondations d’intérêt général non-résidentes entraînera pour la République fédérale d’Allemagne une diminution des recettes fiscales au titre de l’impôt sur les sociétés. Toutefois, il ressort d’une jurisprudence constante que la réduction de recettes fiscales ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure en principe contraire à une liberté fondamentale (voir, en ce sens, arrêts Verkooijen, précité, point 59; du 3 octobre 2002, Danner, C-136/00, Rec. p. I-8147, point 56; X et Y, précité, point 50, ainsi que Manninen, précité, point 49).
60 En cinquième lieu, il a été soutenu lors de l’audience, notamment par le Finanzamt et le gouvernement allemand, qu’il n’est pas exclu que des associations criminelles et des organisations terroristes aient recours au statut juridique de fondation à des fins de blanchiment d’argent et d’acheminement illégal des fonds d’un État membre à un autre.
61 À supposer même que, en réservant le bénéfice d’une exonération fiscale aux fondations reconnues d’intérêt général établies sur le territoire national, les autorités d’un État membre visent à lutter contre la criminalité, il n’en demeure pas moins qu’une présomption générale d’activité criminelle ne saurait être fondée sur la circonstance qu’une fondation est établie dans un autre État membre. Par ailleurs, exclure le bénéfice d’une exonération fiscale à de telles fondations, alors que plusieurs moyens existent pour contrôler les comptes et les activités de celles-ci, apparaît comme une mesure allant au-delà de ce qui est nécessaire pour combattre la criminalité (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2003, Gambelli e.a., C-243/01, Rec. p. I-13031, point 74).
62 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 73 B du traité, lu en combinaison avec l’article 73 D du traité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre, qui exonère de l’impôt sur les sociétés les revenus locatifs perçus sur le territoire national par des fondations reconnues d’intérêt général en principe soumises à l’impôt de manière illimitée si elles sont établies dans cet État membre, refuse d’accorder la même exonération pour des revenus de même type à une fondation de droit privé reconnue d’intérêt général au seul motif que, étant établie dans un autre État membre, elle n’est assujettie à l’impôt sur son territoire que de manière limitée.
Sur les dépens
63 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
L’article 73 B du traité CE, lu en combinaison avec l’article 73 D du traité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre, qui exonère de l’impôt sur les sociétés les revenus locatifs perçus sur le territoire national par des fondations reconnues d’intérêt général en principe soumises à l’impôt de manière illimitée si elles sont établies dans cet État, refuse d’accorder la même exonération pour des revenus de même type à une fondation de droit privé reconnue d’intérêt général au seul motif que, étant établie dans un autre État membre, elle n’est assujettie à l’impôt sur son territoire que de manière limitée.
Signatures
* Langue de procédure: l’allemand.