Available languages

Taxonomy tags

Info

References in this case

References to this case

Share

Highlight in text

Go

Affaires jointes C-394/04 et C-395/04

Diagnostiko & Therapeftiko Kentro Athinon-Ygeia AE

contre

Ypourgos Oikonomikon

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias)

«Sixième directive TVA — Article 13, A, paragraphe 1, sous b) — Exonérations — Opérations étroitement liées à une hospitalisation ou à des soins médicaux — Fourniture de services téléphoniques et de location de postes de télévision aux personnes hospitalisées — Fourniture de lits et de repas à leurs accompagnateurs»

Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 15 septembre 2005 

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 1er décembre 2005 

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Exonérations prévues par la sixième directive — Exonération pour l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations leur étant étroitement liées — Notion d'«opérations étroitement liées» et de «soins médicaux» — Fourniture de services téléphoniques et de location de postes de télévision aux personnes hospitalisées ainsi que fourniture de lits et de repas à leurs accompagnateurs — Exclusion — Exception — Conditions — Appréciation par le juge national

(Directive du Conseil 77/388, art. 13, A, § 1, b))

La fourniture, par les personnes visées à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, de services téléphoniques et de location de postes de télévision aux personnes hospitalisées ainsi que la fourniture par ces mêmes personnes de lits et de repas à leurs accompagnateurs ne constituent pas, en règle générale, des opérations étroitement liées à l'hospitalisation et aux soins médicaux au sens de cette disposition. En effet, l'exonération de telles opérations prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la directive est destinée à garantir que le bénéfice des soins médicaux et hospitaliers ne devienne pas inaccessible en raison du coût accru de ces soins s'ils étaient eux-mêmes, ou les opérations qui leur sont étroitement liées, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Or, les soins médicaux et hospitaliers visés par cette disposition sont, selon la jurisprudence, ceux qui ont pour but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé. Dès lors, compte tenu de l'objectif poursuivi par l'exonération prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, il s'ensuit que seules les prestations de services qui s'inscrivent logiquement dans le cadre de la fourniture des services d'hospitalisation et de soins médicaux et qui constituent une étape indispensable dans le processus de prestation de ces services pour atteindre les buts thérapeutiques poursuivis par ces derniers sont susceptibles de constituer des «opérations [...] étroitement liées» au sens de cette disposition.

La fourniture desdites prestations ne peut constituer une opération «étroitement liée» que si ces prestations revêtent un caractère indispensable pour atteindre les buts thérapeutiques visés par l'hospitalisation et les soins médicaux et qu'elles ne sont pas essentiellement destinées à procurer à leur fournisseur des recettes supplémentaires par la réalisation d'opérations effectuées en concurrence directe avec celles d'entreprises commerciales soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Il appartient à la juridiction de renvoi, en tenant compte de l'ensemble des éléments concrets des litiges dont elle est saisie, et, le cas échéant, du contenu des prescriptions médicales établies en faveur des patients concernés, de déterminer si les prestations fournies remplissent ces conditions.

(cf. points 23-25, 30, 35, disp. 1-2)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

1er décembre 2005 (*)

«Sixième directive TVA – Article 13, A, paragraphe 1, sous b) – Exonérations – Opérations étroitement liées à une hospitalisation ou à des soins médicaux – Fourniture de services téléphoniques et de location de postes de télévision aux personnes hospitalisées – Fourniture de lits et de repas à leurs accompagnateurs»

Dans les affaires jointes C-394/04 et C-395/04,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce), par décisions du 16 juin 2004, parvenues à la Cour le 17 septembre 2004, dans les procédures

Diagnostiko & Therapeftiko Kentro Athinon-Ygeia AE

contre

Ypourgos Oikonomikon,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet, S. von Bahr, U. Lõhmus et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 juin 2005,

considérant les observations présentées:

–       pour Diagnostiko & Therapeftiko Kentro Athinon-Ygeia AE, par M. K. Karlis, dikigoros,

–       pour le gouvernement grec, par Mmes E.-M. Mamouna et S. Trekli ainsi que M. V. Kyriazopoulos, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme A. Tiemann, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement chypriote, par Mme A. Miltiadou-Omirou, en qualité d’agent,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 septembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1       Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2       Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Diagnostiko & Therapeftiko Kentro Athinon-Ygeia AE (ci-après «Ygeia»), une personne morale de droit privé dont l’objet social consiste à fournir des soins hospitaliers et médicaux, à l’Ypourgos Oikonomikon (ministre des Finances), au sujet du refus du Dimosia Oikonomiki Ypiresia Forologias Anonymon Emborikon Etairion Athinon (service des contributions d’Athènes chargé de la fiscalité des sociétés anonymes) d’exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), en tant qu’opérations étroitement liées à l’hospitalisation et aux soins de santé, la fourniture de services téléphoniques et de location de postes de télévision aux personnes hospitalisées ainsi que celle de lits et de repas à leurs accompagnateurs.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       L’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive dispose:

«1.      Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[…]

b)      l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d’autres établissements de même nature dûment reconnus».

4       L’article 13, A, paragraphe 2, sous b), de cette même directive prévoit:

«b)      Les prestations de services et les livraisons de biens sont exclues du bénéfice de l’exonération prévue au paragraphe 1 sous b), g), h), i), l), m) et n) si:

–       elles ne sont pas indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées,

–       elles sont essentiellement destinées à procurer à l’organisme des recettes supplémentaires par la réalisation d’opérations effectuées en concurrence directe avec celles d’entreprises commerciales soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.»

 La réglementation nationale

5       L’article 18, paragraphe 1, sous d), de la loi n° 1642/1986 portant application de la taxe sur la valeur ajoutée et autres dispositions (FEK A’ 125) dispose:

«Sont exonérées de la taxe:

[…]

d)      l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les livraisons de biens et prestations de services qui leur sont étroitement liées, assurées par des personnes agissant conformément à la loi. Sont aussi assimilées à ces prestations celles fournies par des établissements exploitant des stations de cure et des sources thermales».

 Les litiges au principal et la question préjudicielle

6       À l’issue du contrôle des livres comptables d’Ygeia pour les périodes d’imposition correspondant aux années 1992 et 1993, le Dimosia Oikonomiki Ypiresia Forologias Anonymon Emborikon Etairion Athinon a estimé que les recettes réalisées par celle-ci au titre, d’une part, de la fourniture de services téléphoniques et de location de postes de télévision aux personnes hospitalisées et, d’autre part, de celle de lits et de repas à leurs accompagnateurs devaient être soumises à la TVA, au motif que ces prestations ne peuvent pas être considérées comme des opérations étroitement liées à l’hospitalisation et aux soins médicaux. Elle a rectifié en conséquence la dette fiscale de cette société par deux décisions distinctes portant sur chacune des deux années en cause.

7       Ygeia a introduit des recours contre ces décisions devant le Dioikitiko Protodikeio Athinon (tribunal administratif de première instance d’Athènes), puis, en appel, devant le Dioikitiko Efeteio Athinon (cour administrative d’appel d’Athènes). À l’appui de ses recours, Ygeia a fait valoir que les prestations de services en cause contribuent aux soins des personnes hospitalisées et au maintien de leurs relations sociales et, par voie de conséquence, à l’accélération de leur rétablissement par la création d’un état psychologique favorable. Ces recours ont été rejetés au motif que les prestations litigieuses, dès lors qu’elles visent à faciliter le séjour des malades dans les établissements hospitaliers sans contribuer aux soins qui leur sont dispensés, ne peuvent pas être considérées comme étant étroitement liées à l’hospitalisation.

8       Ygeia a formé des pourvois devant le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) à l’encontre des arrêts rendus par le Dioikitiko Efeteio Athinon.

9       Dans ses décisions de renvoi, le Symvoulio tis Epikrateias indique qu’il est constant qu’Ygeia, en tant que personne morale de droit privé, remplit les conditions d’exonération de la TVA en ce qui concerne les soins hospitaliers et médicaux ainsi que les opérations étroitement liées à ceux-ci. La seule question qui se pose, selon lui, porte sur le point de savoir si les prestations litigieuses relèvent ou non de la notion d’«opérations […] étroitement liées» à l’hospitalisation et aux soins médicaux.

10     La juridiction de renvoi relève à cet égard que cette notion n’est pas définie à l’article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive. Elle observe toutefois que, sur la base des critères énoncés à l’article 13, A, paragraphe 2, sous b), de cette directive, il pourrait être considéré qu’une opération est étroitement liée à l’hospitalisation et aux soins médicaux lorsque, d’une part, elle est indispensable pour accomplir les opérations exonérées et, d’autre part, elle n’est pas destinée à procurer des recettes complémentaires à celui qui réalise les prestations exonérées. Elle ajoute, par ailleurs, que, dans son arrêt du 6 novembre 2003, Dornier (C-45/0l, Rec. p. I-12911, points 33 à 35), la Cour a admis que la question de savoir si une opération relève de la notion d’«opérations […] étroitement liées» dépend de son caractère accessoire. Cela implique qu’il doit être déterminé si cette opération constitue pour ses destinataires un moyen leur permettant de bénéficier dans les meilleures conditions d’autres prestations ou bien si elle constitue pour eux une fin en soi.

11     Dans ces conditions, le Symvoulio tis Epikrateias a décidé, dans le cadre du recours portant sur la période d’imposition correspondant à l’année 1992, de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante (affaire C-394/04):

«Les prestations fournies par les personnes visées à l’article 13, A, paragraphe l, sous b), de la [sixième directive] et concernant, d’une part, l’usage du téléphone et de la télévision par des malades et, d’autre part, la fourniture de repas et de lits à leurs accompagnateurs relèvent-elles des opérations étroitement liées à l’hospitalisation et aux soins médicaux au sens de la disposition précitée, en ce qu’elles constituent des prestations accessoires par rapport à ces soins, mais également des prestations indispensables pour ces soins?»

12     En ce qui concerne la période d’imposition correspondant à l’année 1993, cette juridiction a décidé de surseoir à statuer sur le recours dont elle est saisie jusqu’à ce que la Cour ait répondu à la question susmentionnée (affaire C-395/04).

13     Par ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 2004, les affaires C-394/04 et C-395/04 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

 Sur la question préjudicielle

14     Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si la fourniture, par un établissement de soins visé à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, de services téléphoniques et de location de postes de télévision aux personnes hospitalisées ainsi que la fourniture par cet établissement de lits et de repas à leurs accompagnateurs constituent des opérations étroitement liées à l’hospitalisation et aux soins médicaux au sens de cette disposition.

15     À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (arrêts du 20 juin 2002, Commission/Allemagne, C-287/00, Rec. p. I-5811, point 43, et du 26 mai 2005, Kingscrest Associates et Montecello, C-498/03, Rec. p. I-4427, point 29). Lesdites exonérations constituent des notions autonomes du droit communautaire ayant pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à l’autre (arrêts du 25 février 1999, CPP, C-349/96, Rec. p. I-973, point 15, et du 8 mars 2001, Skandia, C-240/99, Rec. p. I-1951, point 23).

16     En outre, l’article 13, A, de la sixième directive vise à exonérer de la TVA certaines activités d’intérêt général. Cette disposition n’exclut cependant pas toutes les activités d’intérêt général de l’application de la TVA, mais uniquement celles qui y sont énumérées et décrites de manière très détaillée (voir, notamment, arrêts du 12 novembre 1998, Institute of the Motor Industry, C-149/97, Rec. p. I-7053, point 18, et du 20 novembre 2003, Taksatorringen, C-8/01, Rec. p. I-13711, point 60).

17     Ainsi que la Cour l’a déjà constaté, l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de ladite directive ne comporte aucune définition de la notion d’«opérations […] étroitement liées» à l’hospitalisation et aux soins médicaux (arrêt du 11 janvier 2001, Commission/France, C-76/99, Rec. p. I-249, point 22). Néanmoins, il ressort des termes mêmes de cette disposition que celle-ci ne vise pas des prestations qui ne présentent aucun lien avec l’hospitalisation des destinataires de ces prestations ni avec des soins médicaux éventuellement reçus par ces derniers (arrêt Dornier, précité, point 33).

18     Dès lors, des prestations ne relèvent de la notion d’«opérations […] étroitement liées» à l’hospitalisation et aux soins médicaux figurant à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de cette directive que lorsqu’elles sont effectivement fournies en tant que prestations accessoires à l’hospitalisation des destinataires ou à des soins médicaux reçus par ces derniers et qui constituent la prestation principale (arrêt Dornier, précité, point 35).

19     Il ressort de la jurisprudence qu’une prestation peut être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue non une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin, C-308/96 et C-94/97, Rec. p. I-6229, point 24, et Dornier, précité, point 34).

20     À cet égard, Ygeia soutient que les prestations d’hébergement et de nourriture aux accompagnateurs, qui ont pour effet d’assister les personnes hospitalisées sur le plan psychologique et d’aider ces dernières dans les cas où, en raison de leur état, elles ne seraient plus en mesure d’accomplir seules les gestes de la vie courante, permettent un meilleur rétablissement de leur santé, tout en réduisant en partie la charge de travail du personnel auxiliaire hospitalier. Quant aux services téléphoniques et de location de postes de télévision fournis aux personnes hospitalisées, ils permettraient à ces dernières de rester en contact avec le monde extérieur, ce qui les placerait dans un état psychologique susceptible d’assurer une convalescence plus rapide et réduirait, de ce fait, le coût final de l’hospitalisation. Il s’ensuit, selon Ygeia, que le critère pertinent aux fins de déterminer si de telles prestations relèvent ou non de la notion d’«opérations […] étroitement liées» à l’hospitalisation et aux soins médicaux est la volonté du malade lui-même, qui a demandé à bénéficier desdites prestations parce qu’il les a jugées nécessaires à son rétablissement.

21     Cette argumentation ne saurait être retenue.

22     Aux fins de déterminer si des prestations telles que celles en cause dans les affaires au principal constituent le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions des services d’hospitalisation et de soins médicaux dispensés par Ygeia, il convient, ainsi que l’ont souligné l’ensemble des gouvernements des États membres ayant déposé des observations et la Commission des Communautés européennes, de prendre en compte le but dans lequel lesdites prestations sont effectuées (voir, en ce sens, arrêt Commission/France, précité, point 24).

23     En effet, l’exonération des opérations étroitement liées à l’hospitalisation et aux soins médicaux prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive est destinée à garantir que le bénéfice des soins médicaux et hospitaliers ne devienne pas inaccessible en raison du coût accru de ces soins s’ils étaient eux-mêmes, ou les opérations qui leur sont étroitement liées, soumis à la TVA (arrêt Commission/France, précité, point 23).

24     Or, les soins médicaux et hospitaliers visés par cette disposition sont, selon la jurisprudence, ceux qui ont pour but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé (arrêt Dornier, précité, point 48).

25     Dès lors, compte tenu de l’objectif poursuivi par l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, il s’ensuit que seules les prestations de services qui s’inscrivent logiquement dans le cadre de la fourniture des services d’hospitalisation et de soins médicaux et qui constituent une étape indispensable dans le processus de prestation de ces services pour atteindre les buts thérapeutiques poursuivis par ces derniers sont susceptibles de constituer des «opérations [...] étroitement liées» au sens de cette disposition. En effet, seules de telles prestations sont de nature à influer sur le coût des soins de santé dont l’exonération en question permet de les rendre accessibles aux particuliers.

26     Cette constatation est confirmée, ainsi que le font valoir à juste titre lesdits gouvernements ayant déposé des observations, par l’article 13, A, paragraphe 2, sous b), premier tiret, de cette directive, selon lequel les États membres doivent exclure du bénéfice de l’exonération les prestations de services prévues, notamment, au paragraphe 1, sous b), du même article, si elles ne sont pas indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées. En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a observé aux points 30 à 32 de ses conclusions, cette disposition, qui revêt un caractère obligatoire pour les États membres, énonce des conditions qui doivent être prises en compte pour l’interprétation des différents cas d’exonération qui y sont visés, lesquels, à l’instar de celui prévu à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la même directive, concernent des prestations ou des livraisons qui sont «étroitement liées» ou qui ont un «lien étroit» avec une activité d’intérêt général.

27     En outre, il y a lieu de relever que, aux points 48 et 49 de l’arrêt Commission/Allemagne, précité, la Cour a déjà jugé, s’agissant de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive en ce qui concerne les prestations de services «étroitement liées» à l’enseignement universitaire, que la réalisation à titre onéreux de projets de recherche, bien qu’elle puisse être considérée comme fort utile à l’enseignement universitaire, n’est pas indispensable pour atteindre l’objectif visé par celui-ci, à savoir, notamment, la formation des étudiants en vue de leur permettre d’exercer une activité professionnelle, et que, partant, elle ne saurait relever de ladite exonération.

28     Compte tenu de la finalité de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, et eu égard aux termes du paragraphe 2, sous b), de cet article, ces constatations valent également, ainsi que M. l’avocat général l’a indiqué en substance au point 35 de ses conclusions, pour l’interprétation de la notion d’«opération étroitement liée» à l’hospitalisation et aux soins de santé figurant à la première de ces dispositions.

29     Il en résulte que des prestations de services qui, à l’instar de celles en cause dans les affaires au principal, sont de nature à améliorer le confort et le bien-être des personnes hospitalisées, ne sont pas, en règle générale, susceptibles de bénéficier de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de cette directive. Il ne peut en être autrement que si ces prestations revêtent un caractère indispensable pour atteindre les buts thérapeutiques poursuivis par les services d’hospitalisation et de soins médicaux dans le cadre desquels elles ont été fournies.

30     Il appartient à la juridiction de renvoi, en tenant compte de l’ensemble des éléments concrets des litiges dont elle est saisie, et, le cas échéant, du contenu des prescriptions médicales établies en faveur des patients concernés, de déterminer le caractère indispensable ou non des prestations fournies.

31     Ces constatations ne sont pas remises en cause par l’argumentation invoquée par Ygeia, selon laquelle la notion d’«opération […] étroitement liée» à l’hospitalisation et aux soins médicaux figurant à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive n’appelle pas, compte tenu de la finalité de l’exonération, une interprétation particulièrement étroite (arrêt Commission/France, précité, point 23). En effet, ainsi qu’il ressort déjà du point 25 du présent arrêt, soumettre à la TVA des prestations ne revêtant pas un caractère accessoire n’a pas pour effet d’accroître le coût de l’hospitalisation et des soins médicaux dont cette disposition entend garantir le caractère accessible aux particuliers, puisque ces prestations ne sont pas indispensables pour atteindre les buts thérapeutiques visés par ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2003, D’Ambrumenil et Dispute Resolution Services, C-307/01, Rec. p. I-13989, point 59).

32     Par ailleurs, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 47 de ses conclusions, l’assujettissement de telles prestations à la TVA est conforme au principe de neutralité fiscale, lequel s’oppose, notamment, à ce que des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA (arrêt du 23 octobre 2003, Commission/Allemagne, C-109/02, Rec. p. I-12691, point 20).

33     En effet, contrairement à ce que soutient Ygeia et comme le gouvernement allemand l’a fait valoir à bon droit, un établissement de soins, lorsqu’il fournit des prestations telles que les prestations litigieuses, se trouve en concurrence avec les assujettis qui fournissent des prestations de même nature, tels que les fournisseurs de services téléphoniques et de télévision en ce qui concerne les services de cette nature proposés aux personnes hospitalisées, ainsi que les hôtels et les restaurants en ce qui concerne les prestations d’hébergement pour leurs accompagnateurs.

34     Aussi, conformément à l’article 13, A, paragraphe 2, sous b), second tiret, de la sixième directive, des prestations telles que celles en cause dans les affaires au principal doivent-elles également être exclues du bénéfice de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la même directive si elles sont essentiellement destinées à procurer à la personne qui les fournit des recettes supplémentaires, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier sur la base des éléments concrets des litiges dont elle est saisie.

35     En conséquence, il y a lieu de répondre à la question posée que la fourniture, par les personnes visées à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, de services téléphoniques et de location de postes de télévision aux personnes hospitalisées ainsi que la fourniture par ces mêmes personnes de lits et de repas à leurs accompagnateurs ne constituent pas, en règle générale, des opérations étroitement liées à l’hospitalisation et aux soins médicaux au sens de cette disposition. Il ne peut en être autrement que si ces prestations revêtent un caractère indispensable pour atteindre les buts thérapeutiques visés par l’hospitalisation et les soins médicaux et qu’elles ne sont pas essentiellement destinées à procurer à leur fournisseur des recettes supplémentaires par la réalisation d’opérations effectuées en concurrence directe avec celles d’entreprises commerciales soumises à la TVA.

Il appartient à la juridiction de renvoi, en tenant compte de l’ensemble des éléments concrets des litiges dont elle est saisie, et, le cas échéant, du contenu des prescriptions médicales établies en faveur des patients concernés, de déterminer si les prestations fournies remplissent ces conditions.

 Sur les dépens

36     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      La fourniture, par les personnes visées à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, de services téléphoniques et de location de postes de télévision aux personnes hospitalisées ainsi que la fourniture par ces mêmes personnes de lits et de repas à leurs accompagnateurs ne constituent pas, en règle générale, des opérations étroitement liées à l’hospitalisation et aux soins médicaux au sens de cette disposition. Il ne peut en être autrement que si ces prestations revêtent un caractère indispensable pour atteindre les buts thérapeutiques visés par l’hospitalisation et les soins médicaux et qu’elles ne sont pas essentiellement destinées à procurer à leur fournisseur des recettes supplémentaires par la réalisation d’opérations effectuées en concurrence directe avec celles d’entreprises commerciales soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

2)      Il appartient à la juridiction de renvoi, en tenant compte de l’ensemble des éléments concrets des litiges dont elle est saisie, et, le cas échéant, du contenu des prescriptions médicales établies en faveur des patients concernés, de déterminer si les prestations fournies remplissent ces conditions.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.