Affaire C-157/05
Winfried L. Holböck
contre
Finanzamt Salzburg-Land
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgerichtshof)
«Libre circulation des capitaux — Liberté d’établissement — Impôt sur le revenu — Distribution de dividendes — Revenus de capitaux originaires d’un pays tiers»
Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 24 mai 2007
Sommaire de l'arrêt
1. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Dispositions du traité — Champ d'application
(Art. 43 CE et 56 CE)
2. Libre circulation des capitaux — Restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers
(Art. 56 CE et 57, § 1, CE)
1. Une législation nationale qui soumet la perception de dividendes à un impôt dont le taux dépend de l'origine, nationale ou non, de ces dividendes, indépendamment de l'ampleur de la participation que l'actionnaire détient dans la société distributrice, est susceptible de relever aussi bien de l'article 43 CE, relatif à la liberté d'établissement, que de l'article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux.
Toutefois, les dispositions du chapitre du traité relatif à la liberté d'établissement ne sauraient être invoquées dans une situation où un actionnaire perçoit des dividendes d'une société établie dans un pays tiers. En effet, ledit chapitre ne comporte aucune disposition qui étende son champ d'application aux situations concernant l'établissement dans un pays tiers d'un ressortissant d'un État membre ou d'une société constituée en conformité avec la législation d'un État membre.
(cf. points 24, 28-29)
2. L'article 57, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens que l'article 56 CE ne porte pas atteinte à l'application par un État membre d'une législation existant au 31 décembre 1993 qui, alors même qu'elle soumet un actionnaire percevant des dividendes d'une société résidente à un taux d'imposition égal à la moitié du taux moyen d'imposition, soumet un actionnaire percevant des dividendes d'une société établie dans un pays tiers et dont il détient les deux tiers du capital social au taux ordinaire de l'impôt sur le revenu.
En effet, à supposer même qu'un tel actionnaire soit fondé à invoquer l'article 56 CE, une restriction aux mouvements de capitaux impliquant des investissements directs, telle qu'un traitement fiscal moins avantageux des dividendes d'origine étrangère, relève de l'article 57, paragraphe 1, CE dans la mesure où elle se rapporte à des participations prises en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs entre l'actionnaire et la société concernée et permettant à ce dernier de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle, ce qui est le cas d'un traitement fiscal moins avantageux des dividendes d'origine étrangère qui se rapportent à une participation égale aux deux tiers du capital social de la société distributrice.
(cf. points 36-38, 44-45 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
24 mai 2007 (*)
«Libre circulation des capitaux – Liberté d’établissement – Impôt sur le revenu – Distribution de dividendes – Revenus de capitaux originaires d’un pays tiers»
Dans l’affaire C-157/05,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 28 janvier 2005, parvenue à la Cour le 7 avril 2005, dans la procédure
Winfried L. Holböck
contre
Finanzamt Salzburg-Land,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour M. Holböck, par Me W.-D. Arnold, Rechtsanwalt,
– pour le gouvernement espagnol, par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme C. Jurgensen, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. M. de Grave, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. M. Bethell, en qualité d’agent, assisté de M. T. Ward, barrister,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et G. Braun, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 CE à 58 CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Holböck au Finanzamt Salzburg-Land au sujet de l’imposition des dividendes qu’il a perçus d’une société établie dans un pays tiers.
Le cadre juridique
3 L’article 37, paragraphes 1 et 4, de la loi autrichienne de 1988 relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz 1988, BGBl. 400/1988, ci-après l’«EStG 1988»), disposait, avant sa modification par la loi de 1993 portant réforme fiscale (Steuerreformgesetz 1993, BGBl. 818/1993):
«(1) Le taux d’imposition est réduit pour:
– les revenus provenant de répartitions effectives de bénéfices (paragraphe 4) […] à la moitié du taux d’imposition moyen frappant la totalité du revenu;
[…]
(4) Les revenus de participations sont:
1. Les répartitions effectives de dividendes d’actions ou de parts de sociétés de capitaux nationales ou de sociétés coopératives à but commercial nationales
[…]»
4 À la suite de leur modification par la loi de 1993 portant réforme fiscale, les dispositions citées au point précédent étaient libellées comme suit:
«(1) Le taux d’imposition est réduit pour:
3. les revenus fondés sur des participations (paragraphe 4) […] à la moitié du taux d’imposition moyen frappant la totalité du revenu.
[…]
(4) Les revenus de participations sont:
1. Les produits de participations:
a) Gains de toutes sortes provenant de participations dans des sociétés de capitaux nationales ou des sociétés coopératives à but commercial nationales sous la forme d’actions ou parts de sociétés […]
[…]»
5 Conformément à cette législation nationale relative à l’impôt sur le revenu (ci-après la «législation nationale»), les distributions de bénéfices de sociétés nationales à une personne physique résidant en Autriche sont soumises à un taux d’imposition réduit de moitié («Hälftesteuersatz»).
6 En revanche, les distributions de bénéfices de sociétés anonymes étrangères à une personne physique résidant en Autriche sont soumises à l’impôt ordinaire sur le revenu.
7 S’agissant de l’imposition des répartitions effectives de bénéfices, ni la loi de 1993 portant réforme fiscale ni la loi de 1996 portant adaptation structurelle (Strukturanpassungsgesetz, BGBl. 201/1996) n’ont modifié l’état du droit en ce qui concerne la période postérieure au 31 décembre 1993.
Le litige au principal et la question préjudicielle
8 M. Holböck est domicilié en Autriche, où se situe également le centre de ses intérêts. Il est le gérant de CBS Conmeth Business Systems GmbH, qui a son siège en Autriche et dont l’activité est le commerce de produits cosmétiques.
9 L’actionnaire unique de ladite société est CBS Conmeth Business Systems AG, qui a son siège en Suisse. M. Holböck détient les deux tiers du capital social de cette seconde société.
10 En raison des participations qu’il détient dans le capital social de CBS Conmeth Business Systems AG, M. Holböck a perçu des dividendes au cours des années 1992 à 1996. En tant que revenus du capital, ces dividendes sont soumis en Autriche à l’impôt sur le revenu au taux plein.
11 Étant donné que la perception de cet impôt paraissait compromise, la Finanzlandesdirektion für Salzburg – à laquelle s’est substitué ultérieurement le Finanzamt Salzburg-Land – a ordonné, par une décision du 3 juillet 2000, la constitution, sur le patrimoine de M. Holböck, d’une sûreté garantissant la dette d’impôt sur le revenu de ce dernier, au titre des années 1992 à 1996, pour un montant total de 118 944 088 ATS. Le requérant au principal a introduit un recours contre cette décision devant le Verwaltungsgerichtshof.
12 Dans son recours, M. Holböck soutient que le paiement transfrontalier de dividendes à partir d’une société située en Suisse à un porteur de parts autrichien relève de l’article 56 CE, lequel interdit toutes les restrictions aux mouvements de capitaux, y compris entre les États membres et les pays tiers. Le fait que la législation nationale soumet les dividendes distribués aux personnes physiques par des sociétés établies en Autriche à un taux d’imposition qui est égal à la moitié du taux moyen, tout en prévoyant une imposition au taux plein pour les dividendes d’origine étrangère, constituerait une différence de traitement pour laquelle il n’existerait aucune justification.
13 La juridiction de renvoi relève que la Cour, lorsqu’elle s’est prononcée, dans son arrêt du 15 juillet 2004, Lenz (C-315/02, Rec. p. I-7063), sur le régime d’imposition des revenus de capitaux en Autriche, s’est limitée aux revenus de capitaux provenant d’autres États membres.
14 En se référant à l’article 57, paragraphe 1, CE, selon lequel l’article 56 CE ne porte pas atteinte à l’application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs, ladite juridiction estime que la notion d’«investissements directs» n’a pas été suffisamment éclaircie.
15 Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux (articles 56 CE et suivants) s’opposent-elles à une réglementation nationale existant au 31 décembre 1993 (et maintenue après l’adhésion de l’Autriche à l’[Union européenne] le 1er janvier 1995) selon laquelle les dividendes d’actions nationales sont imposés à un taux égal à la moitié du taux d’imposition moyen frappant l’ensemble du revenu, alors que les dividendes provenant d’une société anonyme sise dans un pays tiers (en l’occurrence la Suisse), dans laquelle l’assujetti possède une participation des deux tiers, sont imposés au taux ordinaire d’impôt sur le revenu?»
Sur la question préjudicielle
16 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si les dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux s’opposent à une législation d’un État membre qui, alors même qu’elle soumet un actionnaire percevant des dividendes d’une société résidente à un taux d’imposition égal à la moitié du taux moyen d’imposition, impose les dividendes distribués par une société établie dans un pays tiers et dont le contribuable détient les deux tiers du capital social au taux ordinaire de l’impôt sur le revenu.
17 M. Holböck et la Commission des Communautés européennes, en se référant à l’arrêt Lenz, précité, font valoir que la législation nationale constitue une restriction à la libre circulation des capitaux.
18 Contrairement au requérant au principal, la Commission estime que la perception de dividendes distribués par une société établie dans un pays tiers et dans laquelle l’actionnaire bénéficiaire détient une participation égale aux deux tiers du capital social relève de la notion d’«investissements directs» au sens de l’article 57, paragraphe 1, CE. Dès lors que ladite législation existait au 31 décembre 1993, elle relèverait de l’exception que prévoit cette dernière disposition à l’interdiction des restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers telle qu’énoncée à l’article 56 CE.
19 En revanche, les gouvernements français et néerlandais soutiennent, à titre principal, que la législation nationale ne peut être examinée qu’au regard des dispositions relatives à la liberté d’établissement et non de celles concernant la libre circulation des capitaux. Cependant, dès lors que cette liberté ne s’étend pas à l’établissement d’un ressortissant d’un État membre dans un pays tiers, M. Holböck ne serait pas en droit de se prévaloir de la liberté d’établissement pour contester l’application de cette législation aux dividendes qu’il a perçus d’une société établie en Suisse dans laquelle il détient une participation égale aux deux tiers du capital social.
20 Au cas où la législation nationale devrait être examinée sous l’angle de la libre circulation des capitaux, ces gouvernements, tout comme le gouvernement du Royaume-Uni, s’alignent sur la position de la Commission selon laquelle une telle législation relève, en tout état de cause, de l’exception prévue à l’article 57, paragraphe 1, CE.
21 À titre liminaire, il importe de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C-35/98, Rec. p. I-4071, point 32; Lenz, précité, point 19, et du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 19).
22 Quant à la question de savoir si une législation nationale relève de l’une ou l’autre des libertés de circulation, il résulte d’une jurisprudence à présent bien établie qu’il y a lieu de prendre en considération l’objet de la législation en cause (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C-196/04, Rec. p. I-7995, points 31 à 33; du 3 octobre 2006, Fidium Finanz, C-452/04, Rec. p. I-9521, points 34 et 44 à 49; du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C-374/04, non encore publié au Recueil, points 37 et 38; Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, non encore publié au Recueil, point 36, ainsi que du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C-524/04, non encore publié au Recueil, points 26 à 34).
23 Contrairement à ce qui était le cas dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (points 31 et 32) ainsi que Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (points 28 à 33), la législation nationale n’a pas vocation à s’appliquer aux seules participations permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions d’une société et de déterminer les activités de celle-ci.
24 En effet, une législation nationale qui soumet la perception de dividendes à un impôt dont le taux dépend de l’origine, nationale ou non, de ces dividendes, indépendamment de l’ampleur de la participation que l’actionnaire détient dans la société distributrice, est susceptible de relever aussi bien de l’article 43 CE, relatif à la liberté d’établissement, que de l’article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux (voir, en ce sens, arrêts précités Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, points 37 et 38, ainsi que Test Claimants in the FII Group Litigation, points 36, 80 et 142).
25 Toutefois, en l’occurrence, ni l’une ni l’autre desdites libertés ne s’opposent à l’application de la législation nationale.
26 D’une part, s’agissant des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement, il convient de rappeler que l’article 43 CE garantit la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre, ce qui comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises dans les conditions définies par la législation de l’État d’établissement pour ses propres ressortissants (voir arrêts du 13 avril 2000, Baars, C-251/98, Rec. p. I-2787, point 27, et du 11 mars 2004, De Lasteyrie du Saillant, C-9/02, Rec. p. I-2409, point 40).
27 Selon une jurisprudence de la Cour également bien établie, même si, selon leur libellé, les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (voir arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C-446/03, Rec. p. I-10837, point 31, ainsi que Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 42).
28 Toutefois, le chapitre du traité relatif au droit d’établissement ne comporte aucune disposition qui étende son champ d’application aux situations concernant l’établissement dans un pays tiers d’un ressortissant d’un État membre ou d’une société constituée en conformité avec la législation d’un État membre (voir, en ce sens, ordonnance du 10 mai 2007, A et B, C-102/05, non encore publiée au Recueil, point 29).
29 Dès lors, les dispositions dudit chapitre ne sauraient être invoquées dans une situation telle que celle en cause au principal.
30 D’autre part, s’agissant des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, la Cour a, certes, considéré, aux points 20 à 22 de son arrêt Lenz, précité, que la législation nationale, dans la mesure où elle subordonne l’application d’un taux d’imposition libératoire de 25 % ou d’un taux réduit de moitié sur les revenus de capitaux à la condition que ces revenus soient d’origine autrichienne, a non seulement pour effet de dissuader les contribuables résidant en Autriche d’investir leurs capitaux dans des sociétés établies en dehors de cet État membre, mais produit également un effet restrictif à l’égard de ces dernières sociétés en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans cet État. Selon la Cour, une telle législation constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 56, paragraphe 1, CE.
31 Toutefois, à supposer même qu’un ressortissant d’un État membre qui détient les deux tiers du capital social d’une société établie dans un pays tiers soit fondé à invoquer l’interdiction des restrictions aux mouvements de capitaux entre États membres et pays tiers, telle qu’énoncée à l’article 56, paragraphe 1, CE, pour s’opposer à l’application de cette législation aux dividendes qu’il a perçus d’une telle société, en l’occurrence, ainsi que l’ont relevé tant les gouvernements français, néerlandais et du Royaume-Uni que la Commission, ladite législation relève de l’exception prévue à l’article 57, paragraphe 1, CE.
32 En effet, il ressort de cette dernière disposition que l’article 56 CE ne porte pas atteinte à l’application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés de capitaux.
33 Si la notion d’«investissements directs» n’est pas définie par le traité, elle a néanmoins fait l’objet d’une définition dans la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5) (arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, points 177 et 178).
34 Ainsi qu’il ressort de l’énumération des «investissements directs» figurant dans la première rubrique de ladite nomenclature et des notes explicatives qui s’y rapportent, la notion d’investissements directs concerne les investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique (voir, en ce sens, arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, points 180 et 181).
35 S’agissant de participations dans des entreprises nouvelles ou existantes, ainsi que le confirment ces notes explicatives, l’objectif de créer ou de maintenir des liens économiques durables présuppose que les actions détenues par l’actionnaire donnent à celui-ci, soit en vertu des dispositions de la législation nationale sur les sociétés par actions, soit d’une autre manière, la possibilité de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle (arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 182).
36 Contrairement à ce que prétend le requérant au principal, les restrictions aux mouvements de capitaux impliquant des investissements directs ou un établissement au sens de l’article 57, paragraphe 1, CE couvrent non seulement les mesures nationales qui, dans leur application à des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, restreignent les investissements ou l’établissement, mais également celles qui restreignent les paiements de dividendes qui en découlent (voir arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 183).
37 Il s’ensuit qu’une restriction aux mouvements de capitaux, telle qu’un traitement fiscal moins avantageux des dividendes d’origine étrangère, relève de l’article 57, paragraphe 1, CE dans la mesure où elle se rapporte à des participations prises en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs entre l’actionnaire et la société concernée et permettant à ce dernier de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle (arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 185).
38 Ainsi que l’ont relevé les gouvernements français et néerlandais ainsi que la Commission, tel est le cas d’un traitement fiscal moins avantageux des dividendes d’origine étrangère qui se rapportent à une participation égale aux deux tiers du capital social de la société distributrice.
39 Or, il ressort de l’article 57, paragraphe 1, CE qu’un État membre peut appliquer dans les relations avec les pays tiers les restrictions aux mouvements de capitaux qui relèvent du champ d’application matériel de cette disposition, même si elles sont contraires au principe de la libre circulation des capitaux énoncé à l’article 56 CE, à condition qu’elles existent déjà au 31 décembre 1993 (arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 187).
40 S’il appartient, en principe, au juge national de déterminer le contenu de la législation existante à une date fixée par un acte communautaire, la Cour peut fournir les éléments d’interprétation de la notion communautaire qui constitue la référence pour l’application d’un régime dérogatoire communautaire à une législation nationale «existante» à une date fixée (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1999, Konle, C-302/97, Rec. p. I-3099, point 27, et Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 191).
41 Dans ce contexte, la Cour a jugé que toute mesure nationale adoptée postérieurement à une date ainsi fixée n’est pas, de ce seul fait, automatiquement exclue du régime dérogatoire instauré par l’acte communautaire en cause. En effet, une disposition qui est, dans sa substance, identique à la législation antérieure ou qui se borne à réduire ou à supprimer un obstacle à l’exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans la législation antérieure bénéficie de la dérogation. En revanche, une législation qui repose sur une logique différente de celle du droit antérieur et met en place des procédures nouvelles ne peut être assimilée à la législation existante à la date retenue par l’acte communautaire en cause (voir arrêts précités Konle, points 52 et 53, ainsi que Test Claimants in the FII Group Litigation, point 192).
42 En l’occurrence, la juridiction nationale a précisé, dans sa décision de renvoi, que le régime d’imposition applicable en Autriche, à la date des faits au principal, aux dividendes distribués par des sociétés établies dans des pays tiers était fondé sur l’EStG 1988, tel que modifié par la loi de 1993 portant réforme fiscale ainsi que par la loi de 1996 portant adaptation structurelle. Il ressort également de la décision de renvoi que, en matière d’imposition des répartitions effectives de bénéfices, par rapport aux dispositions introduites, avant le 31 décembre 1993, par l’EStG 1988, les modifications législatives apportées après le 31 décembre 1993 n’ont pas changé le cadre juridique applicable aux faits au principal, y compris pour la période postérieure à cette date.
43 Dans ces circonstances, la législation nationale doit être considérée comme ayant existé au 31 décembre 1993 au sens de l’article 57, paragraphe 1, CE.
44 Il en résulte que, à supposer même qu’un contribuable se trouvant dans la situation de M. Holböck soit fondé à invoquer l’article 56 CE, celui-ci ne s’oppose pas à l’application de la législation nationale dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal.
45 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 57, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens que l’article 56 CE ne porte pas atteinte à l’application par un État membre d’une législation existant au 31 décembre 1993 qui, alors même qu’elle soumet un actionnaire percevant des dividendes d’une société résidente à un taux d’imposition égal à la moitié du taux moyen d’imposition, soumet un actionnaire percevant des dividendes d’une société établie dans un pays tiers et dont il détient les deux tiers du capital social au taux ordinaire de l’impôt sur le revenu.
Sur les dépens
46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
L’article 57, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens que l’article 56 CE ne porte pas atteinte à l’application par un État membre d’une législation existant au 31 décembre 1993 qui, alors même qu’elle soumet un actionnaire percevant des dividendes d’une société résidente à un taux d’imposition égal à la moitié du taux moyen d’imposition, soumet un actionnaire percevant des dividendes d’une société établie dans un pays tiers et dont il détient les deux tiers du capital social au taux ordinaire de l’impôt sur le revenu.
Signatures
* Langue de procédure: l’allemand.