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Affaire C-228/05

Stradasfalti Srl

contre

Agenzia delle Entrate - Ufficio di Trento

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Commissione tributaria di primo grado di Trento)

«Sixième directive TVA — Articles 17, paragraphe 7, et 29 — Droit à la déduction de la TVA en amont»

Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 22 juin 2006 

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 14 septembre 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 7, 1re phrase)

2.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 7, 1re phrase)

3.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 1, 2 et 7)

1.     L'article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, impose aux États membres, pour respecter l'obligation procédurale de consultation prévue à l'article 29 de la même directive, d'informer le comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée institué par cet article de ce qu'ils envisagent d'adopter une mesure nationale dérogeant au régime général des déductions de la taxe sur la valeur ajoutée et de fournir à ce comité une information suffisante afin de lui permettre d'examiner la mesure en toute connaissance de cause.

En effet, l'obligation de consulter le comité consultatif serait vidée de son sens si les États membres se bornaient à lui notifier la mesure nationale dérogatoire qu'ils envisagent d'adopter sans joindre à cette notification la moindre explication sur la nature et sur la portée de la mesure. Le comité consultatif doit être en mesure de délibérer valablement sur la mesure qui lui est soumise.

(cf. points 30, 32, disp. 1)

2.     L'article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens qu'il n'autorise pas un État membre à exclure des biens du régime des déductions de la taxe sur la valeur ajoutée sans consultation préalable du comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée institué par l'article 29 de ladite directive. Ladite disposition n'autorise pas non plus un État membre à adopter des mesures portant exclusion de biens du régime des déductions de cette taxe qui ne contiennent pas d'indication quant à leur limitation dans le temps et/ou qui font partie d'un ensemble de mesures d'adaptations structurelles ayant pour but de réduire le déficit budgétaire et de permettre le remboursement de la dette de l'État. En effet, elle autorise un État membre à adopter des mesures à caractère temporaire destinées à parer aux conséquences d'une situation conjoncturelle dans laquelle se trouve son économie à un moment donné.

(cf. points 53-55, disp. 2)

3.     Dans la mesure où une exclusion du régime des déductions n'a pas été établie en conformité avec l'article 17, paragraphe 7, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, les autorités fiscales nationales ne sauraient opposer à un assujetti une disposition dérogatoire au principe du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée énoncé à l'article 17, paragraphe 1, de cette directive. L'assujetti ayant été soumis à cette disposition dérogatoire doit pouvoir recalculer sa dette de taxe sur la valeur ajoutée conformément aux dispositions de l'article 17, paragraphe 2, de la directive, dans la mesure où les biens et les services ont été utilisés pour les besoins des opérations taxées.

(cf. points 69, disp. 3)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

14 septembre 2006 (*)

«Sixième directive TVA – Articles 17, paragraphe 7, et 29 – Droit à la déduction de la TVA en amont»

Dans l’affaire C-228/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Commissione tributaria di primo grado di Trento (Italie), par décision du 21 mars 2005, parvenue à la Cour le 24 mai 2005, dans la procédure

Stradasfalti Srl

contre

Agenzia delle Entrate – Ufficio di Trento,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président chambre, MM. J. Malenovský, J.-P. Puissochet (rapporteur), A. Borg Barthet et U. Lõhmus, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 avril 2006,

considérant les observations présentées:

–       pour Stradasfalti Srl, par Me B. Santacroce, avvocato,

–       pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté par M. G. De Bellis, avvocato dello Stato,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. A. Aresu et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société à responsabilité limitée Stradasfalti Srl (ci-après «Stradasfalti») à l’Agenzia delle Entrate – Ufficio di Trento, au sujet du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») que Stradasfalti prétend avoir indûment acquittée au cours des années 2000 à 2004 pour l’achat, l’utilisation et l’entretien de véhicules de tourisme ne faisant pas l’objet de l’activité même de cette société.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       L’article 17 de la sixième directive, intitulé «Naissance et étendue du droit à déduction», dispose, à son paragraphe 2, sous a), que, «[d]ans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable [...] la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti».

4       L’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive prévoit:

«Au plus tard avant l’expiration d’une période de quatre ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Jusqu’à l’entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l’entrée en vigueur de la présente directive.»

5       Aux termes de l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive:

«Sous réserve de la consultation prévue à l’article 29, chaque État membre a la faculté, pour des raisons conjoncturelles, d’exclure partiellement ou totalement du régime des déductions les ou certains biens d’investissement ou d’autres biens. Afin de maintenir des conditions de concurrence identiques, les États membres peuvent, au lieu de refuser la déduction, taxer les biens fabriqués par l’assujetti lui-même ou qu’il a achetés à l’intérieur du pays, ou importés, de manière que cette taxation ne dépasse pas le montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui grèverait l’acquisition de biens similaires.»

6       L’article 29, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive dispose:

«1. Il est institué un comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée [ci-après le «comité TVA»], ci-après dénommé ‘comité’.

2. Le comité est composé de représentants des États membres et de la Commission.

Le comité est présidé par un représentant de la Commission.

Le secrétariat du comité est assuré par les services de la Commission.»

 La règlementation nationale

7       La réglementation nationale pertinente figure à l’article 19 bis, paragraphe 1, intitulé «Exclusion ou réduction de la déduction pour certains biens et services» du décret n° 633 du président de la République, du 26 octobre 1972 (supplément ordinaire à la GURI n° 292, du 11 novembre 1972), dans sa rédaction issue de l’article 3 du décret législatif n° 313, du 2 septembre 1997 (supplément ordinaire à la GURI n° 219, du 27 décembre 1997).

8       Ledit article 19 bis, paragraphe 1, dispose:

«Par dérogation aux dispositions prévues à l’article 19:

[…]

c)       la taxe afférente à l’achat ou à l’importation de cyclomoteurs, de motocycles et de voitures particulières et véhicules automobiles visés à l’article 54, sous a) et c), du décret législatif n° 285 du 30 avril 1992, non compris dans le tableau B annexé et non affectés à un usage public, qui ne font pas l’objet de l’activité même de l’entreprise, et des composantes et pièces de rechange correspondantes, ainsi qu’aux prestations de services visées à l’article 16, paragraphe 3, et aux prestations liées à l’utilisation, la garde, l’entretien et la réparation desdits biens, n’ouvre pas un droit à déduction sauf en ce qui concerne les agents ou représentants de commerce;

d)       la taxe afférente à l’achat ou à l’importation de carburants et de lubrifiants destinés à des voitures particulières et véhicules automobiles, des aéronefs, des navires et bateaux de plaisance ouvre un droit à déduction si la taxe grevant l’achat, l’importation ou l’acquisition moyennant des contrats de crédit-bail (leasing), d’affrètement et similaires des voitures particulières, véhicules, aéronefs et navires en question ouvre un droit à déduction.»

9       L’effet de cette disposition a été limité au 31 décembre 2000 par l’article 7, paragraphe 3, de la loi n° 488, du 23 décembre 1999 (supplément ordinaire à la GURI n° 302, du 27 décembre 1999).

10     La mesure a ensuite été prorogée et son champ d’application modifié par l’article 30, paragraphe 4, de la loi n° 388, du 23 décembre 2000 (supplément ordinaire à la GURI n° 302, du 29 décembre 2000), aux termes duquel:

«La non-déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux opérations ayant pour objet des cyclomoteurs, motocycles, voitures particulières et véhicules automobiles visés à l’article 19-bis-l, paragraphe 1, sous c), du décret n° 633 du président de la République du 26 octobre 1972, prorogée en dernier lieu jusqu’au 31 décembre 2000 par l’article 7, paragraphe 3, de la loi n° 488 du 23 décembre 1999, est à nouveau prorogé jusqu’au 31 décembre 2001; toutefois, en ce qui concerne l’achat, l’importation et l’acquisition moyennant des contrats de leasing, d’affrètement et similaires desdits véhicules, la non-déductibilité est réduite à 90 % du montant en question et à 50 % dans le cas de véhicules équipés de propulseurs qui ne sont pas à combustion interne.»

11     Ce texte est resté en vigueur par suite de nouvelles mesures de prorogation annuelles. L’échéance a ainsi été modifiée par l’article 9, paragraphe 4, de la loi n° 448, du 28 décembre 2001, puis par l’article 2, paragraphe 13, de la loi n° 289, du 27 décembre 2002, par l’article 2, paragraphe 17, de la loi n° 350, du 24 décembre 2003, et, enfin, par l’article 1er, paragraphe 503, de la loi n° 311, du 30 décembre 2004, qui en a prorogé les effets jusqu’au 31 décembre 2005.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12     Stradasfalti est une société à responsabilité limitée de droit italien dont le siège social est situé dans la province de Trente et qui opère dans le secteur des constructions routières.

13     Elle dispose de véhicules d’entreprise qui ne font pas l’objet de son activité propre, et dont l’achat, l’utilisation, l’entretien et l’approvisionnement en carburant n’ont pas pu bénéficier de la déductibilité de la TVA afférente à ces véhicules, comme le prévoit la législation italienne.

14     Estimant cette législation incompatible avec les dispositions de la sixième directive relatives à la déductibilité de la TVA, Stradasfalti a demandé, le 7 juillet 2004, à l’Agenzia delle Entrate – Ufficio di Trento, la restitution d’environ 31 340 euros à titre de remboursement de la TVA indûment acquittée de 2000 à 2004 pour l’achat, l’utilisation, l’entretien et l’approvisionnement en carburant de ses véhicules d’entreprise.

15     Cette demande a été rejetée par plusieurs décisions adoptées le 15 juillet 2004 par l’Agenzia delle Entrate – Ufficio di Trento.

16     Le 22 novembre 2004, Stradasfalti a saisi la Commissione tributaria di primo grado di Trento pour obtenir l’annulation de ces décisions et le remboursement de la TVA pour les périodes considérées.

17     C’est dans ce contexte que la Commissione tributaria di primo grado di Trento a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive [...], au regard du paragraphe 2 de ce même article, doit-il être interprété en ce sens que:

a)       l’article en question s’oppose à ce que l’on considère comme une ‘consultation du comité TVA’ prévue à l’article 29 de ladite directive, la simple notification par un État membre de l’adoption d’une disposition législative nationale, telle que celle prévue à l’actuel article 19 bis, paragraphe 1, sous c) et d), du décret du président de la République n° 633/72 et de ses prorogations successives, qui limite le droit à déduction de la TVA afférente à l’utilisation et à l’entretien des biens visés au paragraphe 2 de l’article 17, sur la base d’une simple prise d’acte par le comité TVA;

b)       ce même article s’oppose également à ce que l’on considère comme une mesure relevant de son champ d’application une limitation quelconque du droit de bénéficier de la déduction de la TVA afférente à l’achat, à l’utilisation et à l’entretien des biens mentionnés sous a), qui a été édictée avant la consultation du comité TVA et maintenue en vigueur grâce à de nombreuses prorogations législatives, qui se sont succédées en chaîne et sans solution de continuité depuis plus de 25 ans;

c)       en cas de réponse affirmative à la première question, sous b), la Cour peut-elle indiquer quels sont les critères permettant de déterminer l’éventuelle durée maximale des prorogations, par rapport aux raisons conjoncturelles prises en considération par l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive; ou bien peut-elle préciser si le non-respect du caractère temporaire des dérogations (répétées dans le temps) confère au contribuable le droit de bénéficier de la déduction?

2)      Au cas où les conditions requises de la procédure prévue à l’article 17, paragraphe 7, susmentionné ne seraient pas respectées, l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une disposition législative nationale ou une pratique administrative adoptée par un État membre après l’entrée en vigueur de la sixième directive (le 1er janvier 1979 en ce qui concerne l’Italie) puisse limiter la déduction de la TVA afférente à l’achat, à l’utilisation et à l’entretien de certains véhicules automobiles, de manière objective et sans limitation dans le temps?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question, sous a)

18     Par sa première question, sous a), la juridiction de renvoi demande si l’article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que l’on considère comme une «consultation du comité TVA» prévue à l’article 29 de ladite directive, la notification par un État membre de l’adoption d’une disposition législative nationale qui limite le droit à déduction de la TVA afférente à l’utilisation et à l’entretien des biens visés au paragraphe 2 de l’article 17, le comité TVA se bornant à prendre acte d’une telle notification.

 Observations soumises à la Cour

19     La Commission soutient que la consultation du comité TVA prévue à l’article 29 de la sixième directive est une condition procédurale essentielle d’application des dérogations conjoncturelles de la TVA. La saisine de ce comité doit permettre aux représentants des États membres et de la Commission d’examiner conjointement les mesures nationales dérogeant à la règle de déductibilité de la TVA. La simple notification au comité TVA de la législation nationale, adoptée ou sur le point de l’être, ne saurait à cet égard être considérée comme une consultation suffisante, pas plus que le fait, pour ce comité, de prendre acte de la législation nationale qui lui a été notifiée.

20     Cette interprétation de l’article 29 de la sixième directive serait confirmée par les différentes versions linguistiques de la formule utilisée à l’article 17, paragraphe 7, de cette directive. La Cour a en outre déjà jugé, dans l’arrêt du 8 janvier 2002, Metropol et Stadler (C-409/99, Rec. p. I-81), que la consultation du comité TVA était une condition préalable à l’adoption de toute mesure fondée sur ledit article 17, paragraphe 7.

21     S’agissant de la mesure en cause au principal, le gouvernement italien a saisi le comité TVA en 1980 et a précisé, par l’intermédiaire de son représentant, le contenu et la portée de la mesure au cours de la réunion de cette institution tenue cette année-là. Il a suivi la même procédure lors des prorogations successives de la mesure, consultant ce comité en 1990, 1995, 1996, 1999 et 2000.

22     La Commission reconnaît que le comité TVA a été consulté postérieurement à l’entrée en vigueur de la mesure dérogatoire et que peut se poser la question de savoir si l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive impose cette consultation avant cette entrée en vigueur. Toutefois, la procédure suivie en l’espèce par les autorités italiennes semble respecter les prérogatives du comité TVA et se conformer à la pratique adoptée par les autres États membres. La Commission s’en remet, par conséquent, à la sagesse de la Cour pour trancher cette question.

23     Le gouvernement italien soutient pour sa part que la procédure suivie en l’espèce n’a pas méconnu l’obligation de consulter le comité TVA. Celui-ci a en effet été saisi d’une demande expresse dudit gouvernement, demande sur la base de laquelle les services de la Commission ont pu élaborer un document de travail, avant que le dossier ne soit soumis à ce comité. Ce que le juge a quo qualifie de «simple prise d’acte» est en réalité la décision du comité TVA mettant fin à la procédure de consultation prévue à l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive.

24     En tout état de cause, et même à supposer que la procédure n’aurait pas été suivie à la lettre, le gouvernement italien soutient que l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive n’a pas été méconnu.

25     Stradasfalti fait tout d’abord valoir que l’article 19 bis, paragraphe 1, sous c) et d), du décret n° 633 du président de la République, du 26 octobre 1972, modifié, est incompatible avec les dispositions de la sixième directive dès lors que la dérogation au droit à déduction qu’il instaure ne relève d’aucune des catégories de dérogations licites prévues par cette directive. La mesure en cause serait contraire aux dispositions de l’article 17, paragraphe 7, de la même directive, dès lors que le comité TVA n’a pas été préalablement consulté par le gouvernement italien, que les raisons conjoncturelles qui seules pourraient justifier la dérogation au droit à déduction de la TVA n’ont jamais existé et que la mesure en cause, loin d’être temporaire, s’applique de manière structurelle depuis plus de 25 ans.

26     Sur la première question, sous a), Stradasfalti soutient que la réglementation communautaire exige une concertation effective au sein du comité TVA qui seule peut permettre de contrôler l’utilisation par les États membres de la possibilité de dérogation ouverte par l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive. Cette disposition s’oppose par conséquent à ce qu’une dérogation au droit à la déduction de la TVA soit introduite sur simple notification préalable d’une disposition législative nationale d’un État membre, ou sur simple notification préalable de l’intention de l’État membre d’adopter cette disposition, le comité TVA se bornant à prendre acte de cette intention.

 Appréciation de la Cour

27     L’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive prévoit l’une des procédures d’autorisation de mesures dérogatoires que comporte ladite directive, en reconnaissant aux États membres la faculté d’exclure des biens du régime des déductions «sous réserve de la consultation prévue à l’article 29».

28     Cette consultation permet à la Commission et aux autres États membres de contrôler l’utilisation par un État membre de la possibilité de déroger au régime général des déductions de la TVA, en vérifiant notamment si la mesure nationale en question répond à la condition d’une adoption pour des raisons conjoncturelles.

29     L’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive prévoit ainsi une obligation procédurale à laquelle les États membres doivent satisfaire pour pouvoir se prévaloir de la règle dérogatoire qu’il édicte. La consultation du comité TVA apparaît comme une condition préalable à l’adoption de toute mesure fondée sur cette disposition (voir arrêt Metropol et Stadler, précité, points 61 à 63).

30     L’obligation de consulter le comité TVA serait vidée de son sens si les États membres se bornaient à lui notifier la mesure nationale dérogatoire qu’ils envisagent d’adopter sans joindre à cette notification la moindre explication sur la nature et sur la portée de la mesure. Le comité TVA doit être en mesure de délibérer valablement sur la mesure qui lui est soumise. L’obligation procédurale prévue à l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, suppose donc que les États membres informent ce comité de ce qu’ils envisagent d’adopter une mesure dérogatoire et qu’ils lui fournissent une information suffisante afin de lui permettre d’examiner cette mesure en toute connaissance de cause.

31     En revanche, l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive ne prévoit aucune obligation quant au résultat de la consultation du comité TVA, et n’impose notamment pas à ce comité de se prononcer favorablement ou défavorablement sur la mesure nationale dérogatoire. Rien n’interdit dès lors au comité TVA de se borner à prendre acte de la mesure nationale dérogatoire qui lui est communiquée.

32     Dès lors il y a lieu de répondre à la première question, sous a), que l’article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive impose aux États membres, pour respecter l’obligation procédurale de consultation prévue à l’article 29 de la même directive, d’informer le comité TVA de ce qu’ils envisagent d’adopter une mesure nationale dérogeant au régime général des déductions de la TVA et de fournir à ce comité une information suffisante afin de lui permettre d’examiner la mesure en toute connaissance de cause.

 Sur la première question, sous b) et c), première partie

33     Par sa première question, sous b) et c), première partie, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il autorise un État membre à exclure des biens visés à l’article 17, paragraphe 2, de la même directive, du régime des déductions de la TVA:

–       sans consultation préalable du comité TVA et

–       sans limitation dans le temps.

 Observations soumises à la Cour

34     La Commission rappelle que les dispositions prévoyant des dérogations au principe du droit à déduction sont d’interprétation stricte (voir arrêt Metropol et Stadler, précité, point 59). La Cour a déjà dit pour droit que l’application des mesures prévues à l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, qui permet d’introduire «pour des raisons conjoncturelles» des exceptions à la règle de la déductibilité, doit être limitée dans le temps et que ces mesures ne peuvent, par définition, présenter un caractère structurel (voir arrêt Metropol et Stadler, précité, point 69).

35     À cet égard, la mesure en cause au principal est apparue dans la législation italienne en 1979 comme une disposition permanente. Ce n’est qu’à partir de 1980 qu’a été fixée une limite dans le temps à son application, limite qui a toutefois fait l’objet de prorogations successives depuis lors. La mesure semble en réalité avoir été adoptée dans un souci de prévenir la fraude et l’évasion fiscale, objectifs qui relèvent de la procédure et des conditions particulières prévues à l’article 27 de la sixième directive.

36     Le comité TVA a d’ailleurs toujours signalé au gouvernement italien, depuis 1980, que la dérogation en cause ne pouvait se justifier sur la base de l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive. L’attitude plus conciliante adoptée par ce comité lors de ses réunions de 1999 et de 2000 s’explique par l’engagement – non tenu – des autorités italiennes de réexaminer la mesure avant le 1er janvier 2001 et par les perspectives ouvertes alors par la proposition de la Commission de modifier la sixième directive en ce qui concerne le droit à la déduction de la TVA.

37     Dans ces conditions, la Commission estime que la dérogation en cause au principal est incompatible avec les dispositions de l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive.

38     Le gouvernement italien soutient que la première question, sous b), est dénuée de pertinence et par suite irrecevable.

39     En effet, le litige en cause au principal ne concerne que la TVA acquittée au cours des années 2000 à 2004. Or, les demandes de consultation du comité ont, en 1999 et en 2000, précédé l’adoption de la mesure nationale de prorogation. Dans ces conditions, la question soumise à la Cour va au-delà de la réglementation applicable au litige au principal et est, dès lors, irrecevable (voir, en dernier lieu, arrêt du 30 juin 2005, Längst, C-165/03, Rec. p. I- 5637). En tout état de cause, la Cour aurait jugé que l’article 27 de la sixième directive ne fait pas obstacle à ce que la décision du Conseil d’autoriser un État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à ladite directive intervienne a posteriori (voir arrêt du 29 avril 2004, Sudholz, C-17/01, Rec. p. I-4243, point 23). Il devrait en aller de même de la consultation du comité TVA prévue à l’article 17, paragraphe 7, de la même directive.

40     La première question, sous c), première partie, serait quant à elle purement hypothétique et par suite également irrecevable.

41     Stradasfalti est d’avis de répondre à la première question, sous b), que l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive s’oppose à ce qu’une dérogation au droit à la déductibilité de la TVA soit introduite avant la consultation du comité TVA, la réglementation communautaire exigeant expressément la consultation préalable de ce comité.

42     De même, l’article 17, paragraphe 7, de cette directive impose de conserver à la dérogation un caractère temporaire, celle-ci devant, ainsi que la Cour l’a jugé, répondre à des raisons conjoncturelles. Cet article s’oppose par conséquent au maintien de la dérogation en cause, depuis plus de 25 ans, par la voie de prorogations successives.

43     S’agissant de la première question, sous c), Stradasfalti soutient que la Cour a déjà jugé, dans l’arrêt Metropol et Stadler, précité, que ce n’est que pour une «durée déterminée» que l’article 17, paragraphe 7, autorise un État membre à s’écarter du régime communautaire de la déduction de la TVA. L’avocat général Geelhoed, dans ses conclusions dans cette affaire, a par ailleurs défini la politique conjoncturelle comme celle cherchant à influencer «à court terme», et sur «une période d’un à deux ans», les données macroéconomiques du pays. Une dérogation maintenue plus de 25 ans méconnaît de toute évidence l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité des questions

44     La procédure instituée par l’article 234 CE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit communautaire qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêt du 5 février 2004, Schneider, C-380/01, Rec. p. I-1389, point 20).

45     Dans le cadre de cette coopération, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt Schneider, précité, point 21).

46     Toutefois, la Cour a également jugé que, dans des circonstances exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt Schneider, précité, point 22).

47     En effet, l’esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel implique que, de son côté, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l’administration de la justice dans les États membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (arrêt Schneider, précité, point 23).

48     En l’espèce, il ressort des observations soumises à la Cour que si le litige au principal ne concerne que la TVA acquittée au cours des années 2000 à 2004, années pour lesquelles les demandes de consultation du comité TVA ont, selon le gouvernement italien, précédé l’adoption de la mesure nationale de prorogation, celle-ci est en réalité entrée en vigueur antérieurement à cette période et reconduite systématiquement depuis de nombreuses années. Il n’apparaît dès lors pas que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’ait manifestement aucun rapport avec l’objet du litige ou soulève un problème de nature hypothétique.

49     En conséquence, il y a lieu de constater que la première question, sous b) et c), première partie, est recevable.

–       Sur le fond

50     En ce qui concerne la première question, sous b), qui porte sur le point de savoir si l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive autorise un État membre à exclure des biens du régime de déduction de la TVA sans consultation préalable du comité TVA, la Cour a déjà jugé, ainsi qu’il a été dit au point 29 ci-dessus, que la consultation de ce comité est une condition préalable à l’adoption de toute mesure fondée sur cette disposition (voir arrêt Metropol et Stadler, précité, points 61 à 63).

51     Contrairement à ce que soutient le gouvernement italien, la réponse à cette question ne peut être déduite de la solution dégagée par la Cour dans l’arrêt, Sudholz, précité. Par cet arrêt, la Cour a notamment jugé que l’article 27 de la sixième directive n’imposait pas au Conseil de donner son autorisation à des mesures particulières dérogatoires adoptées par les États membres préalablement à l’édiction de ces mesures. Toutefois, la procédure de consultation prévue à l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, qui est en cause dans la présente affaire, n’a pas le même objet que la procédure d’autorisation prévue à l’article 27 de la même directive. Le gouvernement italien n’est par conséquent pas fondé à soutenir qu’il résulterait de l’arrêt Sudholz, précité, que la solution déjà dégagée par la Cour dans son arrêt Metropol et Stadler, précité, devrait être écartée en l’espèce.

52     S’agissant de la première question, sous c), première partie, qui porte sur le point de savoir si l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive autorise un État membre à exclure des biens du régime de déduction de la TVA sans limitation de durée, il y a lieu de rappeler que cet article autorise les États membres à exclure des biens du régime des déductions «pour des raisons conjoncturelles».

53     Cette disposition autorise donc un État membre à adopter des mesures à caractère temporaire destinées à parer aux conséquences d’une situation conjoncturelle dans laquelle se trouve son économie à un moment donné. Partant, l’application des mesures visées par cette disposition doit être limitée dans le temps et, par définition, celles-ci ne peuvent présenter un caractère structurel.

54     Il s’ensuit que l’article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive n’autorise pas un État membre à adopter des mesures portant exclusion de biens du régime des déductions de la TVA qui ne contiennent pas d’indication quant à leur limitation dans le temps et/ou qui font partie d’un ensemble de mesures d’adaptations structurelles ayant pour but de réduire le déficit budgétaire et de permettre le remboursement de la dette de l’État (voir arrêt Metropol et Stadler, précité, point 68).

55     Dès lors, il convient de répondre à la première question, sous b) et c), première partie, que l’article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas un État membre à exclure des biens du régime des déductions de la TVA sans consultation préalable du comité TVA. Ladite disposition n’autorise pas non plus un État membre à adopter des mesures portant exclusion de biens du régime des déductions de cette taxe qui ne contiennent pas d’indication quant à leur limitation dans le temps et/ou qui font partie d’un ensemble de mesures d’adaptations structurelles ayant pour but de réduire le déficit budgétaire et de permettre le remboursement de la dette de l’État.

 Sur la première question, sous c), seconde partie, et sur la seconde question

56     Par ces questions, la juridiction de renvoi demande en substance si les autorités fiscales nationales peuvent opposer à un assujetti une disposition dérogatoire au principe du droit à déduction de la TVA qui n’a pas été établie en conformité avec l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive.

 Observations soumises à la Cour

57     La Commission soutient que, selon une jurisprudence constante de la Cour (voir en particulier l’arrêt du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, points 16 à 18), le droit à déduction fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et confère en principe au contribuable un droit qui ne peut être soumis qu’aux limitations établies par la directive même.

58     Lorsqu’une dérogation nationale au principe de la déductibilité de la TVA a été instaurée par un État membre en méconnaissance des dispositions de la sixième directive, le contribuable est en droit d’obtenir la déduction de la TVA acquittée sur les biens concernés par la mesure nationale. La Cour a ainsi déjà jugé, au point 64 de l’arrêt Metropol et Stadler, précité, que dans la mesure où une exclusion du régime des déductions n’a pas été établie en conformité avec l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, qui impose un devoir de consultation aux États membres, les autorités fiscales nationales ne sauraient opposer à un assujetti une disposition dérogatoire au principe du droit à déduction de la TVA énoncé à l’article 17, paragraphe 1, de cette directive.

59     Le gouvernement italien soutient que, pour la période 2000-2004, le respect de la procédure prévue à l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, l’avis favorable émis par la Commission sur les demandes de dérogations et la situation conjoncturelle dans laquelle se trouvait l’économie italienne font obstacle à ce que la législation nationale reste inappliquée et, partant, à ce qu’un droit à déduction soit reconnu au contribuable.

60     Pour ce gouvernement, la seconde question serait doublement irrecevable. D’une part, elle fait référence à des périodes antérieures à l’année 2000, qui ne sont pas en cause au principal.

61     Cette question serait, d’autre part, sans rapport avec la situation en Italie entre 2000 et 2004 en ce qu’elle mentionne une limitation de la déduction «objective et sans limitation dans le temps». Une première dérogation a en effet été décidée jusqu’au 31 décembre 2000 après consultation du comité TVA et avis favorable de la Commission. La deuxième dérogation pour cette période a été demandée avec effet au 1er janvier 2001 et précédée d’un avis favorable de la Commission, qui a considéré que la mesure se justifiait jusqu’à l’adoption de la nouvelle directive.

62     En tout état de cause, le gouvernement italien soutient que le fait pour le comité TVA de prendre acte d’une mesure nationale dérogatoire postérieurement à l’adoption de cette mesure ne permet pas de la considérer illégale, ainsi que la Cour l’a jugé, s’agissant de l’article 27 de la sixième directive, au point 23 de l’arrêt Sudholz (29 avril 2004, C-17/01, Rec. p. I-4243).

63     Stradasfalti soutient que l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive s’oppose, dans l’hypothèse d’une violation de l’article 17, paragraphe 7, de la même directive, à une disposition nationale qui ferait obstacle à l’exercice intégral et immédiat par les assujettis de leur droit à déduction en ce qui concerne la taxe acquittée pour l’achat, l’utilisation et l’entretien de véhicules automobiles dits de tourisme.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité de la question

64     Ainsi qu’il a été dit au point 46 du présent arrêt, le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt Schneider, précité, point 22).

65     En l’espèce, il ressort des observations soumises à la Cour que si le litige au principal ne concerne que la TVA acquittée au cours des années 2000 à 2004, années pour lesquelles les demandes de consultation du comité TVA ont, selon le gouvernement italien, précédé l’adoption de la mesure nationale de prorogation, celle-ci est en réalité entrée en vigueur antérieurement à cette période et reconduite systématiquement depuis de nombreuses années. Dès lors, il n’apparaît pas que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’ait manifestement aucun rapport avec l’objet du litige.

–       Sur le fond

66     En vertu du devoir général consacré par l’article 189, troisième alinéa, du traité CE (devenu article 249, troisième alinéa, CE), les États membres sont tenus de se conformer à toutes les dispositions de la sixième directive (voir arrêt du 11 juillet 1991, Lennartz, C-97/90, Rec. p. I-3795, point 33). Dans la mesure où une exclusion du régime des déductions n’a pas été établie en conformité avec l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, les autorités fiscales nationales ne sauraient opposer à un assujetti une disposition dérogatoire au principe du droit à déduction de la TVA énoncé à l’article 17, paragraphe 1, de la même directive (voir arrêt Metropol et Stadler, précité, point 64).

67     Dans les affaires au principal, et alors même que le gouvernement italien soutient que les demandes de consultation du comité TVA ont, en 1999 et 2000, précédé l’adoption de la mesure nationale de prorogation de la disposition dérogatoire au principe du droit à déduction de la TVA, il est constant que cette disposition, réserve faite de modifications de faible importance, a été systématiquement reconduite depuis 1980 par le gouvernement italien. Elle ne saurait présenter, dans ces conditions, un caractère temporaire, et ne peut pas plus être considérée comme motivée par des raisons conjoncturelles. Cette mesure doit, par conséquent, être regardée comme faisant partie d’un ensemble de mesures d’adaptations structurelles, lesquelles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive. Dès lors, le gouvernement italien ne peut invoquer de telles mesures au détriment d’assujettis (voir, en ce sens, arrêt Metropol et Stadler, précité, point 65).

68     L’assujetti ayant été soumis à cette mesure doit pouvoir recalculer sa dette de TVA conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, dans la mesure où les biens et les services ont été utilisés pour les besoins des opérations taxées.

69     Il convient dès lors de répondre à la première question, sous c), seconde partie et à la seconde question, que dans la mesure où une exclusion du régime des déductions n’a pas été établie en conformité avec l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, les autorités fiscales nationales ne sauraient opposer à un assujetti une disposition dérogatoire au principe du droit à déduction de la TVA énoncé à l’article 17, paragraphe 1, de cette directive. L’assujetti ayant été soumis à cette disposition dérogatoire doit pouvoir recalculer sa dette de TVA conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, dans la mesure où les biens et les services ont été utilisés pour les besoins des opérations taxées.

 Sur la demande de limitation dans le temps des effets de l’arrêt

70     Le gouvernement italien a évoqué la possibilité pour la Cour, dans l’hypothèse où elle estimerait que les dérogations au droit à déduction pour les années 2000 à 2004 n’ont pas été introduites conformément à l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.

71     À l’appui de cette demande, le gouvernement italien invoque le grave préjudice pour le Trésor public susceptible d’être causé par l’arrêt de la Cour et la protection de la confiance légitime qu’il pouvait nourrir à l’égard de la conformité au droit communautaire de la mesure en cause. Il observe à cet égard que la Commission a, en 1999 et en 2000, émis un avis favorable à l’égard des mesures destinées à être prises dans l’attente de l’adoption de la directive qui devait réglementer de manière homogène la matière, et que la Commission n’a jamais fait part à la République italienne d’un grief en ce qui concerne le maintien de la dérogation.

72     Il convient de souligner que ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour décider s’il y a lieu ou non de limiter la portée d’un arrêt dans le temps, il faut prendre en considération le fait que, si les conséquences pratiques de toute décision juridictionnelle doivent être pesées avec soin, on ne saurait cependant aller jusqu’à infléchir l’objectivité du droit et compromettre son application future en raison des répercussions qu’une décision de justice peut entraîner pour le passé (arrêts du 2 février 1988, Blaizot, 24/86, Rec. p. 379, points 28 et 30, ainsi que du 16 juillet 1992, Legros e.a., C-163/90, Rec. p. I-4625, point 30).

73     En l’espèce, s’il est vrai que la Commission a avalisé la demande des autorités italiennes pour les années en cause dans le litige au principal, il n’en ressort pas moins des observations soumises à la Cour que le comité TVA a toujours signalé au gouvernement italien, depuis 1980, que la dérogation en cause ne pouvait se justifier sur la base de l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, et que l’attitude plus conciliante adoptée par ledit comité lors de ses réunions de 1999 et de 2000 s’explique par l’engagement des autorités italiennes de réexaminer la mesure avant le 1er janvier 2001 et par les perspectives ouvertes alors par la proposition de la Commission de modifier la sixième directive en ce qui concerne le droit à la déduction de la TVA.

74     Dans ces circonstances, les autorités italiennes ne pouvaient ignorer que la reconduction systématique, depuis 1979, d’une mesure dérogatoire censée être temporaire et ne pouvant être justifiée, en vertu des propres termes de l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive, que par «des raisons conjoncturelles», n’était pas compatible avec cet article.

75     Les autorités italiennes ne sauraient par suite invoquer l’existence de relations juridiques établies de bonne foi afin de demander à la Cour de limiter les effets de son arrêt dans le temps.

76     Au surplus, le gouvernement italien n’a pas été en mesure de démontrer la fiabilité du calcul qui le conduisait à soutenir devant la Cour que le présent arrêt risquait, si ses effets n’étaient pas limités dans le temps, d’entraîner des conséquences financières significatives.

77     Il n’y a dès lors pas lieu de limiter les effets du présent arrêt dans le temps.

 Sur les dépens

78     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, impose aux États membres, pour respecter l’obligation procédurale de consultation prévue à l’article 29 de la même directive, d’informer le comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée institué par cet article de ce qu’ils envisagent d’adopter une mesure nationale dérogeant au régime général des déductions de la taxe sur la valeur ajoutée et de fournir à ce comité une information suffisante afin de lui permettre d’examiner la mesure en toute connaissance de cause.

2)      L’article 17, paragraphe 7, première phrase, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas un État membre à exclure des biens du régime des déductions de la taxe sur la valeur ajoutée sans consultation préalable du comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée institué à l’article 29 de ladite directive. Ladite disposition n’autorise pas non plus un État membre à adopter des mesures portant exclusion de biens du régime des déductions de cette taxe qui ne contiennent pas d’indication quant à leur limitation dans le temps et/ou qui font partie d’un ensemble de mesures d’adaptations structurelles ayant pour but de réduire le déficit budgétaire et de permettre le remboursement de la dette de l’État.

3)      Dans la mesure où une exclusion du régime des déductions n’a pas été établie en conformité avec l’article 17, paragraphe 7, de la sixième directive 77/388, les autorités fiscales nationales ne sauraient opposer à un assujetti une disposition dérogatoire au principe du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée énoncé à l’article 17, paragraphe 1, de cette directive. L’assujetti ayant été soumis à cette disposition dérogatoire doit pouvoir recalculer sa dette de taxe sur la valeur ajoutée conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388, dans la mesure où les biens et les services ont été utilisés pour les besoins des opérations taxées.

Signatures


* Langue de procédure: l'italien.