Affaire C-435/05
Investrand BV
contre
Staatssecretaris van Financiën
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)
«Sixième directive TVA — Article 17, paragraphe 2 — Droit à déduction — Coûts liés à des services de conseil obtenus dans le cadre d'une procédure d'arbitrage relative à la détermination du montant d'une créance faisant partie du patrimoine de l'entreprise, mais née antérieurement à l'assujettissement de son titulaire à la TVA»
Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 8 février 2007
Sommaire de l'arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont
(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 2)
L'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires doit être interprété en ce sens que les coûts de services de conseil auxquels un assujetti a eu recours aux fins de la détermination du montant d'une créance faisant partie du patrimoine de son entreprise et liée à une vente d'actions antérieure à son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ne présentent pas, à défaut d'éléments de nature à établir que lesdits services trouvent leur cause exclusive dans l'activité économique, au sens de ladite directive, exercée par l'assujetti, un lien direct et immédiat avec cette activité et n'ouvrent, par conséquent, pas droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui les a grevés.
(cf. point 38 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
8 février 2007 (*)
«Sixième directive TVA – Article 17, paragraphe 2 – Droit à déduction – Coûts liés à des services de conseil obtenus dans le cadre d’une procédure d’arbitrage relative à la détermination du montant d’une créance faisant partie du patrimoine de l’entreprise, mais née antérieurement à l’assujettissement de son titulaire à la TVA»
Dans l’affaire C-435/05,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 2 décembre 2005, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure
Investrand BV
contre
Staatssecretaris van Financiën,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, M. E. Juhász, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis et T. von Danwitz, juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 novembre 2006,
considérant les observations présentées:
– pour Investrand BV, par Mes H. Konijnenberg, R. van der Paardt et J. Streefland, advocaten,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. M. de Grave, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement grec, par MM. S. Spyropoulos et I. Bakopoulos, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme T. Harris, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. van Beek et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Investrand BV (ci-après «Investrand»), société de droit néerlandais, au Staatssecretaris van Financiën à la suite du refus de ce dernier d’autoriser Investrand à déduire la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée sur le prix de services de conseil auxquels elle a eu recours dans le cadre d’une procédure d’arbitrage relative à la détermination du montant d’une créance faisant partie de son patrimoine, mais née antérieurement à son assujettissement à la TVA.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 L’article 4 de la sixième directive dispose:
«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.
2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.
[…]»
4 L’article 17 de la sixième directive, intitulé «Naissance et étendue du droit à déduction», dispose à ses paragraphes 1 et 2:
«1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.
2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:
a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;
[…]»
La réglementation nationale
5 L’article 2 de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting 1968), du 28 juin 1968 (Staatsblad 1968, n° 329, ci-après la «loi de 1968»), est libellé comme suit:
«La taxe qui a grevé les livraisons de biens et les fournitures de services à l’entrepreneur, les acquisitions intracommunautaires de biens effectuées par lui ainsi que les importations de marchandises qui lui étaient destinées est déduite de la taxe à acquitter sur les livraisons de biens et les fournitures de services.»
6 L’article 15, paragraphe 1, de la loi de 1968 dispose:
«La taxe visée à l’article 2, qui est déduite par l’opérateur, est:
a) la taxe qui, pour la période visée par la déclaration, a été portée en compte sur une facture établie selon les modalités prescrites par d’autres opérateurs au titre de livraisons de biens et de prestations de services qu’ils ont effectuées en faveur de l’opérateur;
[…]
le tout pour autant que les biens et les services soient utilisés par l’opérateur pour les besoins de son entreprise.»
Les faits à l’origine du litige au principal et la question préjudicielle
7 Investrand a été fondée le 22 août 1986. Elle détenait 43,57 % des actions de Cofex BV (ci-après «Cofex»), entreprise de confection.
8 Le 3 août 1989, Investrand a vendu ses actions de Cofex à la société Hi-Tec Sports plc (ci-après «Hi-Tec Sports»). Lors de cette vente, il a été convenu qu’elle percevrait, outre une rémunération fixe, une rémunération dont le montant serait fonction de l’évolution des bénéfices de Cofex au cours des années 1989 à 1992.
9 Jusqu’au 1er janvier 1993, l’activité d’Investrand a été celle d’une société holding passive, détenant des participations dans d’autres sociétés, mais ne s’immisçant pas dans la gestion de celles-ci.
10 Avant le 1er janvier 1993, Investrand n’a fourni aucune prestation contre rémunération. À compter de cette date, conformément à un accord conclu avec Cofex, elle a exercé, contre rémunération, des activités de gestion pour cette dernière.
11 Lors du calcul de la rémunération due à Investrand sur la base des bénéfices de Cofex afférents à l’exercice 1992, un litige est né entre Investrand et Hi-Tec Sports. Ce litige a donné lieu, en 1996, à une procédure d’arbitrage dans le cadre de laquelle des frais liés à des services de conseil juridique ont été facturés à Investrand.
12 Investrand a déduit la TVA acquittée sur ces frais, pour un montant de 8 495,5 NLG, au titre de l’exercice 1996.
13 Estimant qu’Investrand n’était pas en droit de procéder à cette déduction, l’administration néerlandaise des impôts lui a adressé un avis de redressement. À la suite d’une réclamation d’Investrand, ladite administration a pris une décision confirmant cet avis de redressement.
14 Investrand a introduit un recours contre cette décision devant le Gerechtshof te Amsterdam. Celui-ci a jugé qu’Investrand n’était pas en droit de déduire la TVA acquittée sur les frais en cause, au motif que les services de conseil lui avaient été fournis dans le cadre d’une activité qu’elle n’exerçait pas à cette époque en qualité d’entrepreneur et que ceux-ci ne présentaient pas de lien direct et immédiat avec une activité exercée en cette qualité.
15 Investrand a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt du Gerechtshof te Amsterdam devant le Hoge Raad der Nederlanden.
16 Le premier moyen de ce pourvoi vise à contester l’appréciation du Gerechtshof te Amsterdam selon laquelle la vente d’actions ne constitue pas une activité économique au sens de la sixième directive. La juridiction de renvoi estime cependant que ce moyen ne saurait être accueilli étant donné qu’une telle appréciation est conforme à la jurisprudence de la Cour (arrêts du 29 avril 2004, EDM, C-77/01, Rec. p. I-4295, et du 26 mai 2005, Kretztechnik, C-465/03, Rec. p. I-4357).
17 Par le second moyen du pourvoi, Investrand soutient que, en rattachant les frais liés aux services de conseil auxquels elle a eu recours en 1996, non pas aux activités qu’elle a exercées, en qualité d’entrepreneur, au cours de l’exercice correspondant à cette année, mais à la période durant laquelle est intervenue la vente d’actions et au cours de laquelle elle n’avait pas encore cette qualité, le Gerechtshof te Amsterdam a fait une interprétation erronée de l’arrêt de la Cour du 8 juin 2000, Midland Bank (C-98/98, Rec. p. I-4177).
18 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un contribuable dont les activités sont soumises à la TVA est, conformément à l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, en droit de déduire celle-ci lorsqu’il existe un lien direct et immédiat entre les biens et services utilisés, d’une part, et les opérations qu’il doit accomplir et pour lesquelles existe un droit à déduction, d’autre part.
19 Elle se demande si l’existence d’un tel lien peut être admise lorsqu’un contribuable a recours à des services dans le but de définir le montant d’une créance qui fait partie des actifs de son entreprise, mais qui a pris naissance au cours d’une période antérieure à celle de son assujettissement à la TVA.
20 Selon cette juridiction, le fait que, en l’occurrence, les frais exposés se rapportent à une opération effectuée au cours d’une période durant laquelle Investrand n’avait pas la qualité de contribuable au sens de la sixième directive s’oppose à ce que soit admise l’existence d’un lien direct et immédiat avec l’activité qu’elle a exercée en tant qu’entreprise et, partant, plaide en faveur d’un refus du droit à déduction. En revanche, le fait que la créance correspondant à la rémunération due à Investrand fasse partie du patrimoine de cette société et que celle-ci expose des frais à charge de ce patrimoine afin de garantir ce dernier pourrait conduire à considérer que lesdits frais font partie des frais généraux de l’intéressée et présentent, par conséquent, avec l’activité ainsi exercée un lien direct et immédiat de nature à justifier un droit à déduction.
21 Confronté à cette incertitude, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Faut-il, à propos du droit à déduction institué à l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, admettre l’existence d’un lien direct et immédiat entre certains services auxquels un contribuable a eu recours et des opérations imposables que ce même contribuable doit encore effectuer lorsque ces services ont été achetés en vue de définir la valeur d’une créance d’argent qui fait partie de son patrimoine, mais qui a pris naissance au cours d’une période antérieure à celle durant laquelle il avait la qualité de contribuable aux fins de la TVA?»
Sur la question préjudicielle
22 À titre liminaire, il convient de rappeler que le régime de déduction institué par la sixième directive vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA garantit, par conséquent, la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir, notamment, arrêts du 14 février 1985, Rompelman, 268/83, Rec. p. 655, point 19; du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal, C-37/95, Rec. p. I-1, point 15, et du 22 février 2001, Abbey National, C-408/98, Rec. p. I-1361, point 24).
23 Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit (voir arrêts Midland Bank, précité, point 24; Abbey National, précité, point 26, ainsi que du 3 mars 2005, Fini H, C-32/03, Rec. p. I-1599, point 26). Le droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition de biens ou de services en amont présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (voir arrêts Midland Bank, précité, point 30; Abbey National, précité, point 28, ainsi que du 27 septembre 2001, Cibo Participations, C-16/00, Rec. p. I-6663, point 31).
24 Un droit à déduction est cependant également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (voir, notamment, arrêts précités Midland Bank, points 23 et 31, ainsi que Kretztechnik, point 36).
25 Dans l’affaire au principal, il convient de relever, ainsi que l’a fait la juridiction de renvoi, que, en vertu d’une jurisprudence constante, la vente d’actions ne constitue pas en elle-même une activité économique au sens de la sixième directive et ne relève donc pas du champ d’application de celle-ci (voir, notamment, arrêts du 20 juin 1996, Wellcome Trust, C-155/94, Rec. p. I-3013, points 33 à 37; EDM, précité, points 57 à 62, ainsi que Kretztechnik, précité, point 19).
26 Contrairement à ce qu’a soutenu Investrand, ne sont pas davantage assimilables à une telle activité des démarches entreprises par un assujetti, pour son propre compte, pour recouvrer une créance ou en déterminer la valeur. En effet, de telles démarches ne constituent pas une exploitation d’un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence, étant donné que l’éventuel fruit de ces démarches résulte de la simple qualité de titulaire de la créance en cause et n’est la contrepartie d’aucune activité économique au sens de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêt Kretztechnik, précité, point 19).
27 Ainsi que l’a relevé le gouvernement néerlandais à l’audience, Investrand ne saurait trouver un appui à cet égard dans l’arrêt du 26 juin 2003, MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring (C-305/01, Rec. p. I-6729). En effet, était concernée, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, l’activité consistant, dans le cadre d’un contrat d’affacturage à titre onéreux, à racheter des créances et à prendre en charge le risque de défaillance des débiteurs, en contrepartie d’une commission versée par le client ainsi déchargé d’un tel risque. Alors que les démarches entreprises par Investrand l’ont été pour son propre compte, l’activité de recouvrement de créances en cause dans ladite affaire était exercée au profit de tiers et contre rémunération. C’est au vu de ces caractéristiques que la Cour a qualifié celle-ci d’activité économique au sens de la sixième directive, susceptible d’ouvrir un droit à déduction.
28 Ni la vente d’actions, ni les démarches entreprises par Investrand en relation avec la créance qu’elle détenait sur Hi-Tec Sports n’étant des opérations relevant du champ d’application de la sixième directive, les frais liés aux services de conseil en cause au principal ne sauraient être considérés comme entretenant un lien direct et immédiat avec une ou des opérations spécifiques ouvrant droit à déduction.
29 Compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 24 du présent arrêt, il convient encore de déterminer si, ainsi que l’a soutenu Investrand en invoquant l’arrêt Midland Bank, précité, les frais en cause au principal constituent des frais généraux présentant un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujettie, au motif que la créance à laquelle ils se rapportent fait partie du patrimoine de l’entreprise qu’elle exploite.
30 Les gouvernements néerlandais, hellénique et du Royaume-Uni ainsi que la Commission des Communautés européennes soutiennent qu’un tel lien fait défaut, étant donné que lesdits frais entretiennent uniquement un rapport avec la vente d’actions de Cofex intervenue entre Investrand et Hi-Tec Sports. Lesdits gouvernements ajoutent que cette opération est, du reste, intervenue à une date où Investrand n’était pas encore assujettie à la TVA.
31 À cet égard, il convient de souligner, ainsi que l’ont fait le gouvernement néerlandais et la Commission, que la circonstance que la créance liée à la vente d’actions de Cofex intervenue entre Investrand et Hi-Tec Sports constitue, selon les indications contenues dans la décision de renvoi, un élément du patrimoine de l’entreprise exploitée par Investrand ne suffit pas pour que soit constatée l’existence d’un lien direct et immédiat entre les frais de conseil relatifs à cette créance, exposés par Investrand, et les activités économiques de cette dernière.
32 En effet, aucun élément du dossier ne permet de soutenir que, si elle n’avait pas exercé d’activités économiques assujetties à la TVA à compter du 1er janvier 1993, Investrand se serait abstenue de recourir aux services de conseil en cause au principal. Il apparaît donc que, qu’elle ait ou non exercé de telles activités à partir de cette date, Investrand aurait eu recours auxdits services dans le but de préserver la contrepartie pécuniaire de la vente d’actions à Hi-Tec Sports intervenue en 1989.
33 Dans ces conditions, il n’est pas permis de considérer que les frais afférents à ces services ont été exposés pour les besoins et en vue des activités taxables d’Investrand. Ne puisant pas leur cause exclusive dans ces activités, lesdits frais n’entretiennent donc pas avec celles-ci un lien direct et immédiat.
34 Ainsi que l’a fait valoir la Commission, la situation d’Investrand n’est en l’occurrence pas différente de celle d’un détenteur privé d’actions qui, après avoir vendu celles-ci, aurait sollicité des conseils juridiques et supporté les dépenses afférentes à ceux-ci dans le cadre d’un litige l’opposant à l’acheteur en ce qui concerne la détermination de la créance correspondant au prix de cette vente. Or, cette dernière situation ne relève pas du champ d’application de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêt EDM, précité, points 60 et 61).
35 Il importe également de préciser que la présente affaire se distingue de celle ayant donné lieu à l’arrêt Kretztechnik, précité. En effet, les frais de conseil concernés dans l’affaire à l’origine dudit arrêt, dont la Cour a admis, au point 36 de celui-ci, qu’ils constituaient des frais généraux entretenant un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujettie, avaient trait à une émission d’actions destinée à renforcer le capital de cette dernière au profit de son activité économique.
36 Tandis qu’aucun élément du dossier ne permet d’affirmer, en l’occurrence, qu’Investrand n’aurait pas eu recours aux services de conseil en cause si elle n’avait pas exercé une activité économique assujettie à la TVA, les services de conseil concernés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kretztechnik, précité, trouvaient, en revanche, leur cause exclusive dans l’activité économique de l’assujettie et dans l’augmentation de capital décidée par celle-ci pour accroître ses moyens financiers au profit de cette activité.
37 À la différence des frais de conseil en cause dans l’affaire au principal, les frais de conseil concernés dans l’arrêt Kretztechnik, précité, entretenaient donc un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujettie.
38 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée par le Hoge Raad der Nederlanden que l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que les coûts de services de conseil auxquels un assujetti a eu recours aux fins de la détermination du montant d’une créance faisant partie du patrimoine de son entreprise et liée à une vente d’actions antérieure à son assujettissement à la TVA ne présentent pas, à défaut d’éléments de nature à établir que lesdits services trouvent leur cause exclusive dans l’activité économique, au sens de ladite directive, exercée par l’assujetti, un lien direct et immédiat avec cette activité et n’ouvrent, par conséquent, pas droit à la déduction de la TVA qui les a grevés.
Sur les dépens
39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
L’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que les coûts de services de conseil auxquels un assujetti a eu recours aux fins de la détermination du montant d’une créance faisant partie du patrimoine de son entreprise et liée à une vente d’actions antérieure à son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ne présentent pas, à défaut d’éléments de nature à établir que lesdits services trouvent leur cause exclusive dans l’activité économique, au sens de ladite directive, exercée par l’assujetti, un lien direct et immédiat avec cette activité et n’ouvrent, par conséquent, pas droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui les a grevés.
Signatures
* Langue de procédure: le néerlandais.