Affaire C-73/06
Planzer Luxembourg Sàrl
contre
Bundeszentralamt für Steuern
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Finanzgericht Köln)
«Sixième directive TVA — Article 17, paragraphes 3 et 4 — Remboursement de la TVA — Huitième directive TVA — Remboursement de la TVA aux assujettis non établis à l'intérieur du pays — Articles 3, sous b), et 9, second alinéa — Annexe B — Attestation d'assujettissement — Portée juridique — Treizième directive TVA — Remboursement de la TVA aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté — Article 1er, point 1 — Notion de siège de l'activité économique»
Sommaire de l'arrêt
1. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Remboursement de la taxe aux assujettis non établis à l'intérieur du pays
(Directive du Conseil 79/1072, art. 3, b), 9, al. 2, et annexe B)
2. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Remboursement de la taxe aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté
(Directive du Conseil 86/560, art. 1er, point 1)
1. Les articles 3, sous b), et 9, second alinéa, de la huitième directive 79/1072 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays, doivent être interprétés en ce sens que l'attestation conforme au modèle figurant à l'annexe B de cette directive permet, en principe, de présumer que l'intéressé est non seulement assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'État membre dont relève l'administration fiscale qui la lui a délivrée, mais également qu'il est établi dans cet État membre sous une forme ou sous une autre, que ce soit en y disposant du siège de son activité économique ou d'un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées.
L'administration fiscale de l'État membre où est sollicité le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont est, en principe, liée, en fait et en droit, par les indications figurant dans cette attestation.
Ces dispositions n'impliquent toutefois pas qu'il soit interdit à l'administration fiscale de l'État membre de remboursement qui éprouverait des doutes quant à la réalité économique de l'établissement dont l'adresse est mentionnée dans cette attestation de s'assurer de cette réalité en recourant aux mesures administratives prévues à cet effet par la réglementation communautaire en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
Si les informations obtenues font ressortir que l'adresse mentionnée dans l'attestation d'assujettissement ne correspond ni au siège de l'activité économique de l'assujetti ni à un établissement stable à partir duquel celui-ci effectue ses opérations, l'administration fiscale de l'État membre de remboursement est en droit de refuser le remboursement sollicité par l'assujetti, sans préjudice de l'exercice éventuel d'un recours judiciaire par ce dernier.
(cf. points 40-41, 49-50, disp. 1)
2. L'article 1er, point 1, de la treizième directive 86/560 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté, doit être interprété en ce sens que le siège de l'activité économique d'une société est le lieu où sont adoptées les décisions essentielles concernant la direction générale de cette société et où sont exercées les fonctions d'administration centrale de celle-ci.
La détermination du lieu du siège de l'activité économique d'une société implique la prise en considération d'un faisceau de facteurs, au premier rang desquels figurent le siège statutaire, le lieu de l'administration centrale, le lieu de réunion des dirigeants sociaux et celui, habituellement identique, où s'arrête la politique générale de cette société. D'autres éléments, tels que le domicile des principaux dirigeants, le lieu de réunion des assemblées générales, de tenue des documents administratifs et comptables et de déroulement principal des activités financières, notamment bancaires, peuvent également entrer en ligne de compte.
Ainsi, une implantation fictive, telle que celle caractérisant une société «boîte aux lettres» ou «écran», ne pourrait être qualifiée de siège d'une activité économique au sens de l'article 1er, point 1, de la treizième directive.
(cf. points 61-63, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
28 juin 2007 (*)
«Sixième directive TVA – Article 17, paragraphes 3 et 4 – Remboursement de la TVA – Huitième directive TVA – Remboursement de la TVA aux assujettis non établis à l’intérieur du pays – Articles 3, sous b), et 9, second alinéa – Annexe B – Attestation d’assujettissement – Portée juridique – Treizième directive TVA – Remboursement de la TVA aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté – Article 1er, point 1 – Notion de siège de l’activité économique»
Dans l’affaire C-73/06,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Finanzgericht Köln (Allemagne), par décision du 19 janvier 2006, parvenue à la Cour le 8 février 2006, dans la procédure
Planzer Luxembourg Sàrl
contre
Bundeszentralamt für Steuern,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, M. E. Juhász, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,
avocat général: Mme V. Trstenjak,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour Planzer Luxembourg Sàrl, par Me P. Widdau, Steuerberater,
– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et U. Forsthoff, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J.-C. Gracia, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement luxembourgeois, par M. S. Schreiner, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 avril 2007,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, sous b), et 9, second alinéa, ainsi que de l’annexe B de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays (JO L 331, p. 11, ci-après la «huitième directive»), d’une part, et de l’article 1er, point 1, de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté (JO L 326, p. 40, ci-après la «treizième directive»), d’autre part.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Planzer Luxembourg Sàrl, société de droit luxembourgeois, au Bundeszentralamt für Steuern (ci-après l’«administration fiscale allemande»), au sujet du rejet, par ce dernier, de demandes tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée par cette société dans le cadre de fournitures de carburant en Allemagne.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
La sixième directive
3 L’article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), dans sa version applicable au moment des faits au principal, comporte, aux paragraphes 2 et 3, les dispositions suivantes:
«2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:
a) la [TVA] due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti redevable de la taxe à l’intérieur du pays;
[…]
3. Les États membres accordent également à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la [TVA] visée au paragraphe 2 dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins:
a) de ses opérations relevant des activités économiques visées à l’article 4 paragraphe 2, effectuées à l’étranger, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées à l’intérieur du pays;
[…]»
4 Les conditions et modalités du droit au remboursement prévu à l’article 17, paragraphe 3, de la sixième directive varient selon que l’assujetti étranger, destinataire des biens ou des services utilisés pour les besoins de ses opérations taxables, est établi dans un autre État membre ou en dehors de la Communauté européenne. Le premier cas de figure relève de la huitième directive et le second de la treizième directive.
La huitième directive
5 L’article 1er de la huitième directive dispose:
«Pour l’application de la présente directive, est considéré comme un assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays l’assujetti […] qui […] n’a eu dans ce pays ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle, et qui […] n’a effectué aucune livraison de biens ou prestation de services réputée se situer dans ce pays […]»
6 L’article 2 de la même directive énonce:
«Chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays mais qui est établi dans un autre État membre, dans les conditions fixées ci-après, la [TVA] ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis […]»
7 Aux termes de l’article 3, sous b), de la huitième directive, l’assujetti établi dans un autre État membre est tenu, pour pouvoir bénéficier du remboursement, de «justifier, au moyen d’une attestation délivrée par l’administration de l’État dans lequel il est établi, qu’il est assujetti à la [TVA] dans cet État».
8 Conformément à l’article 6 de la huitième directive, les États membres ne peuvent, en dehors des obligations prévues par cette directive, notamment à son article 3, imposer à l’assujetti visé à l’article 2 de ladite directive «aucune obligation autre que celle de fournir, dans des cas particuliers, les renseignements nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande de remboursement».
9 Selon l’article 9, second alinéa, de la huitième directive, «[l]es attestations visées à l’article 3 sous b) […] concernant la qualité d’assujetti, doivent être conformes au modèle figurant à l’annexe B».
10 Selon ce modèle, l’attestation de la qualité d’assujetti doit indiquer, notamment, les nom et prénoms ou la dénomination sociale du requérant, la nature de son activité, l’adresse de son établissement et le numéro d’identification TVA ou, le cas échéant, le motif pour lequel le requérant ne dispose pas d’un tel numéro d’identification.
La treizième directive
11 La treizième directive dispose, à son article 1er:
«Au sens de la présente directive, on entend par:
1) assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, l’assujetti visé à l’article 4 paragraphe 1 de la [sixième] directive […] qui, au cours de la période visée à l’article 3 paragraphe 1 de la présente directive, n’a eu sur ce territoire, ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle et qui, au cours de la même période, n’a effectué aucune livraison de biens ou prestation de services réputée se situer dans l’État membre visé à l’article 2 […]
[...]»
12 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive:
«Sans préjudice des articles 3 et 4, chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, dans les conditions fixées ci-après, la [TVA] ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17 paragraphe 3 points a) et b) de la [sixième] directive […]»
13 L’article 3, paragraphe 1, de la treizième directive dispose:
«Le remboursement visé à l’article 2 paragraphe 1 est accordé sur demande de l’assujetti. Les États membres déterminent les modalités d’introduction de cette demande, y compris les délais, la période sur laquelle la demande doit porter, le service compétent pour la recevoir et les montants minimaux pour lesquels le remboursement peut être demandé. Ils déterminent également les modalités du remboursement, y compris les délais. Ils imposent au requérant les obligations qui sont nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande et éviter la fraude, et notamment la preuve qu’il accomplit une activité économique conformément à l’article 4 paragraphe 1 de la [sixième] directive […]. Le requérant doit certifier, par une déclaration écrite, qu’il n’a effectué, au cours de la période fixée, aucune opération ne répondant pas aux conditions établies à l’article 1er point 1 de la présente directive.»
14 Aux termes de l’article 4 de la treizième directive:
«1. Aux fins de la présente directive, le droit au remboursement est déterminé selon l’article 17 de la [sixième] directive [...], tel qu’il est appliqué dans l’État membre de remboursement.
2. Les États membres peuvent cependant prévoir l’exclusion de certaines dépenses ou soumettre le remboursement à des conditions complémentaires.
[…]»
Le droit national
15 Les dispositions combinées de l’article 18, paragraphe 9, de la loi de 1993 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 1993, BGBl. 1993 I, p. 565, ci-après l’«UStG») et de l’article 59 du règlement de 1993 d’application de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz-Durchführungsverordnung 1993, BGBl. 1993 I, p. 600, ci-après l’«UStDV») règlent la procédure relative au remboursement de la TVA acquittée en Allemagne par un assujetti établi à l’étranger.
16 En vertu de l’article 18, paragraphe 9, septième phrase, de l’UStG, les assujettis qui ne sont pas établis sur le territoire de la Communauté ne bénéficient pas du droit au remboursement en ce qui concerne les montants de taxes en amont qui se rapportent à la fourniture de carburants.
Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles
17 La demanderesse au principal exploite une entreprise de transports. Elle a son siège à Frisange (Luxembourg). Son unique associée est la société Planzer Transport AG (ci-après «P AG»), dont le siège est à Dietikon (Suisse).
18 Les gérants de la demanderesse au principal sont deux employés de P AG. L’un d’eux réside en Suisse et l’autre en Italie.
19 M. Henri Deltgen (ci-après «D») exploite, au siège de la demanderesse au principal, l’entreprise Helvetia House, auprès de laquelle ladite demanderesse a loué ses bureaux. En qualité de représentant de l’unique associée de cette dernière, il s’est chargé des démarches nécessaires à la constitution de celle-ci.
20 Treize autres sociétés, dont trois filiales d’entreprises suisses de transports, ont établi leur siège à la même adresse que celui de la demanderesse au principal.
21 En avril 1997 et en mai 1998, cette dernière a introduit auprès de l’administration fiscale allemande des demandes de remboursement de la TVA qu’elle avait acquittée en Allemagne à l’occasion d’achats de carburant. Ces demandes portaient sur des montants, respectivement, de 11 004,25 DEM pour l’année 1996 et de 16 670,98 DEM pour l’année 1997. À chacune de ces demandes était jointe une attestation délivrée par l’administration fiscale luxembourgeoise conformément au modèle figurant à l’annexe B de la huitième directive.
22 Aux termes de cette attestation, la demanderesse au principal est assujettie à la TVA sous un numéro d’identification luxembourgeois.
23 Sa centrale d’information pour l’étranger l’ayant informée que cette dernière ne disposait pas d’un raccordement téléphonique à l’adresse mentionnée dans ladite attestation, l’administration fiscale allemande a considéré que la demanderesse au principal n’avait pas établi que son siège de direction était situé au Luxembourg. Par deux décisions datées, respectivement, du 24 janvier 1998 et du 29 octobre 1998, elle a rejeté les demandes de remboursement de celle-ci au motif que les conditions d’octroi du remboursement prévues aux articles 18, paragraphe 9, de l’UStG et 59 de l’UStDV n’étaient pas remplies.
24 La demanderesse au principal a introduit des réclamations contre ces décisions. Elle a produit une attestation complémentaire selon laquelle elle est une «société commerciale au sens de la convention préventive de la double imposition conclue entre l’Allemagne et le Luxembourg», soumise aux «impôts directs luxembourgeois». Elle a fait valoir que ses deux gérants, D ainsi qu’une autre personne également responsable de son administration et de sa comptabilité, exercent leurs activités au Luxembourg, que cinq employés travaillent à temps partiel comme chauffeurs à son siège, qu’elle dispose d’un raccordement téléphonique, ainsi que l’atteste son papier à en-tête, que des camions immatriculés au Luxembourg sont utilisés pour le transport de fret aérien et que les factures sont établies à son siège.
25 Par des décisions datées du 1er juillet 1999, l’administration fiscale allemande a rejeté lesdites réclamations de la demanderesse au principal au motif que le lieu de la direction des affaires de celle-ci est situé en Suisse, et non au Luxembourg.
26 La demanderesse au principal a introduit un recours contre ces décisions de rejet. Par un jugement du 26 octobre 2001, le Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne, Allemagne) a fait droit à ce recours, considérant que le Luxembourg constitue le point de départ principal des opérations réalisées vis-à-vis de sa société mère suisse par la demanderesse au principal et que le siège de celle-ci est indéniablement situé dans ce dernier État membre.
27 Par un arrêt du 22 mai 2003, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a annulé ce jugement, au motif que le Finanzgericht Köln a estimé à tort, en se fondant sur la localisation du siège statutaire de la demanderesse au principal, que celle-ci est établie au Luxembourg. Considérant que l’interprétation des notions d’établissement et de siège employées dans la législation allemande sur la TVA relève du droit communautaire, le Bundesfinanzhof a identifié une série de critères qui pourraient, selon lui, s’avérer pertinents à cet égard: identification de la demanderesse au principal en nom propre dans l’annuaire téléphonique luxembourgeois; location de bureaux et conclusion de contrats en nom propre; lieu et période d’activité des éventuels travailleurs affectés au service de la demanderesse au principal; lieu d’établissement des factures afférentes à ses opérations vis-à-vis de sa société mère; lieu d’immatriculation des camions; lieu de stationnement des camions en cas d’inactivité; existence de déclarations à l’impôt sur le chiffre d’affaires au Luxembourg; émission, par les autorités fiscales luxembourgeoises, de documents concernant la demanderesse au principal. Il a ensuite renvoyé l’affaire au Finanzgericht Köln, afin que cette dernière juridiction procède aux constatations factuelles nécessaires.
28 Dans la décision de renvoi, celle-ci constate à cet égard ce qui suit:
«1. Sur la base d’un accord relatif aux tarifs de fret conclu le 1er janvier 1996 et sous sa propre en-tête, la demanderesse a établi, au cours des années 1997 et 1998, maintes factures relatives à des frais de transport destinées à P AG, que celle-ci a réglées par virements bancaires. Parallèlement, elle a facturé également à P AG des frais relatifs à l’utilisation de semi-remorques. Dès le 26 décembre 1995, par l’intermédiaire de son employé, Robert Surber, elle avait conclu un contrat de location écrit prenant effet le 1er janvier 1996 avec la firme Helvetia House – Henri Deltgen, pour des bureaux rue de Luxembourg 23 A à Frisange. Elle payait aussi les frais de chauffage de ces bureaux. Elle pouvait être contactée par le numéro de téléphone de Helvetia House qui était, il est vrai, enregistré dans l’annuaire téléphonique sous le nom de D et elle utilisait également ce numéro sur ses en-têtes. Au cours de la période s’étendant de 1996 à 1998, elle avait aussi fait immatriculer sept camions à son nom auprès du ministère des Transports et avait obtenu une attestation d’activité correspondante du ministère des Classes moyennes et du Tourisme. Selon la liste du personnel qu’elle a produite, à la date du 15 juin 1998, elle employait sept travailleurs que, pour la plupart, elle employait depuis 1996, les autres ayant été engagés pour remplacer des collaborateurs employés eux aussi depuis 1996 qui avaient quitté l’entreprise. La demanderesse avait, dans ce cadre, conclu les contrats de travail écrits appropriés. Enfin, elle était inscrite en matière d’impôt sur le chiffre d’affaires auprès du Bureau d’imposition de l’administration fiscale luxembourgeoise sous le n° 1995 2408 871 et disposait du numéro d’identification TVA LU 1648750. Elle a en outre effectué des déclarations à la TVA et des documents relatifs à la TVA lui ont été adressés. Elle était aussi inscrite, pour les impôts directs, sous le n° 1995/2408/871.
2. Une demande de renseignements émanant de la défenderesse, adressée à l’administration fiscale luxembourgeoise le 11 juillet 2002, a donné le résultat suivant [...]: selon cette administration, la demanderesse aurait loué des surfaces de bureau à Helvetia House et elle aurait aussi fait effectuer partiellement par cette dernière des travaux de secrétariat et de comptabilité. La demanderesse ne possédait ni équipements ni autres objets à son siège statutaire et ses responsables n’étaient par ailleurs pas présents en permanence au Luxembourg. Il n’y avait en ce lieu ni entrepôt ni emplacements de stationnement pour des camions. Toutefois, les conducteurs de camions étaient inscrits au Luxembourg et les camions y étaient aussi immatriculés. Pour l’année 1997, la demanderesse a déclaré au Luxembourg un chiffre d’affaires de 575 129,56 euros.
3. À l’audience du 19 janvier 2006, la chambre de céans a encore constaté, dans ce contexte, que les deux gérants de la demanderesse étaient présents au Luxembourg deux à trois jours par semaine (Surber) et deux à quatre jours par semaine (Gemple). C’est là qu’étaient prises les décisions essentielles de gestion économique (telles que l’achat de camions, l’engagement de collaborateurs) et que se trouvait l’administration (comptabilité, établissement des factures, calcul des salaires). Toutefois, l’activité opérationnelle (répartition et organisation des trajets des camions, contacts avec les clients) était assurée au départ de la Suisse par P AG. La demanderesse effectuait alors, selon ces arrangements, les prestations de services de transport correspondantes au moyen des camions susvisés, dont elle était propriétaire. 100 % des prestations de services avaient P AG comme destinataire et la demanderesse facturait ces prestations de services à P AG au départ du Luxembourg.
4. Sur la question de savoir si la demanderesse avait effectué des prestations de services de transport sur le territoire national, la demanderesse a joint à une lettre du 10 janvier 2006, pour les périodes auxquelles se rapportent les remboursements demandés, des attestations relatives à l’application du régime du taux zéro dans le cadre de la procédure de déduction [...]»
29 Soulignant que la question centrale, dans l’affaire dont elle est saisie, est de savoir si la demanderesse au principal est établie en dehors du territoire de la Communauté, auquel cas elle n’a pas droit, compte tenu de l’article 18, paragraphe 9, septième phrase, de l’UStG, au remboursement de la TVA acquittée en Allemagne à l’occasion de l’achat de carburant, la juridiction de renvoi partage l’avis du Bundesfinanzhof selon lequel la notion d’établissement au sens de cette disposition doit être interprétée conformément à l’article 1er, point 1, de la treizième directive. Elle éprouve toutefois des doutes sur la manière d’interpréter correctement cette dernière disposition.
30 Selon elle, il convient avant tout de s’interroger sur la portée juridique de l’attestation produite par la demanderesse au principal. Estimant que cette attestation permet, certes, de présumer de manière irréfragable la qualité d’opérateur assujetti à la TVA de la personne concernée, elle se demande toutefois si une présomption irréfragable s’y attache en ce qui concerne l’établissement de cette personne dans l’État membre dont relève l’administration qui l’a délivrée (ci-après l’«État membre de délivrance»).
31 À supposer que cette question appelle une réponse négative, elle se demande si la notion de siège de l’activité économique au sens de l’article 1er, point 1, de la treizième directive renvoie au lieu où est établi le siège social de la société et où sont prises les décisions essentielles concernant sa gestion économique (lieu qu’elle situe, en l’espèce au principal, au Luxembourg) ou au lieu à partir duquel sont exercées ses activités opérationnelles (lieu qu’elle situe, en l’espèce au principal, en Suisse).
32 Dans ces conditions, le Finanzgericht Köln a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’attestation d’opérateur conforme au modèle figurant à l’annexe B de la huitième directive produit-elle un effet obligatoire ou une présomption irréfragable quant à l’établissement de l’entreprise dans l’État membre [de délivrance]?
2) S’il y a lieu de répondre par la négative à la première question:
Convient-il d’interpréter la notion de ‘siège de son activité économique’ employée à l’article 1er, point 1, de la treizième directive en ce sens qu’elle vise le lieu où la société a son siège social?
Ou convient-il de se fonder, aux fins de cette interprétation, sur le lieu où les décisions de gestion économique sont prises?
Ou encore cette notion vise-t-elle le lieu dans lequel sont prises les décisions réglant les opérations quotidiennes usuelles?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
33 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’attestation conforme au modèle figurant à l’annexe B de la huitième directive prouve nécessairement que l’assujetti est établi dans l’État membre de délivrance.
34 À cet égard, il convient de rappeler que la huitième directive a pour objet d’établir les modalités de remboursement de la TVA payée dans un État membre par des assujettis établis dans un autre État membre et d’harmoniser ainsi le droit au remboursement tel qu’il résulte de l’article 17, paragraphe 3, de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2000, Monte Dei Paschi Di Siena, C-136/99, Rec. p. I-6109, point 20, et du 15 mars 2007, Reemtsma Cigarettenfabriken, C-35/05, non encore publié au Recueil, point 26).
35 Ainsi qu’il ressort de son deuxième considérant, l’objectif premier de cette directive est d’éviter qu’un assujetti établi dans un État membre se trouve soumis à une double imposition en raison du fait qu’il devrait supporter définitivement la taxe qui lui a été facturée dans un autre État membre. Comme la Commission des Communautés européennes l’a exposé, le droit, pour un assujetti établi dans un État membre, d’obtenir le remboursement de la TVA acquittée dans un autre État membre, tel que régi par la huitième directive, est le pendant du droit, instauré en sa faveur par la sixième directive, de déduire la TVA payée en amont dans son propre État membre.
36 Il résulte du sixième considérant de la huitième directive que l’autre objectif général de celle-ci est de lutter contre certaines formes de fraude ou d’évasion fiscales (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 1998, Grandes sources d’eaux minérales françaises, C-361/96, Rec. p. I-3495, point 28).
37 Pour rencontrer ce double objectif, la huitième directive ouvre à l’assujetti un droit au remboursement de la TVA acquittée en amont dans un État membre dans lequel il n’a ni siège, ni établissement stable, ni domicile ou résidence habituelle et où il n’a effectué aucune livraison de biens ou prestation de services (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2001, Commission/France, C-429/97, Rec. p. I-637, point 28), en subordonnant le bénéfice du remboursement à la production, à l’administration fiscale de l’État membre où ce remboursement est sollicité (ci-après l’«État membre de remboursement»), d’une attestation fournie par l’administration fiscale de l’État membre de délivrance et concernant la qualité d’assujetti à la TVA de l’opérateur qui sollicite ce remboursement.
38 Comme l’a souligné la Commission, le système de remboursement institué par la huitième directive repose ainsi sur un mécanisme de coopération et de confiance mutuelle entre les administrations fiscales des États membres.
39 Dans ce contexte, afin d’assurer le fonctionnement harmonieux de ce mécanisme, l’article 9, second alinéa, de la huitième directive prévoit que l’attestation de la qualité d’assujetti fournie par l’administration fiscale de l’État membre de délivrance doit être conforme au modèle figurant à l’annexe B de cette directive. Selon ce modèle, ladite attestation doit indiquer, notamment, le numéro d’identification TVA ainsi que l’«adresse de l’établissement» de la personne concernée. En outre, l’article 3, sous b), de ladite directive prévoit que cette attestation est délivrée par l’administration de l’État membre dans lequel l’assujetti est établi.
40 Comme l’ont fait valoir le gouvernement italien et la Commission, l’attestation conforme au modèle figurant à l’annexe B de la huitième directive permet donc de présumer que l’intéressé est non seulement assujetti à la TVA dans l’État membre de délivrance, mais qu’il y est également établi sous une forme ou sous une autre, que ce soit en y disposant du siège de son activité économique ou d’un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées.
41 L’administration fiscale de l’État membre de remboursement est, en principe, liée, en fait et en droit, par les indications figurant dans cette attestation.
42 Eu égard aux différences existant, en ce qui concerne les conditions de remboursement, entre le régime institué par la huitième directive pour les assujettis établis dans un État membre autre que celui de remboursement et le régime institué par la treizième directive pour les assujettis non établis sur le territoire de la Communauté, la délivrance d’une attestation conforme au modèle figurant à l’annexe B de la huitième directive ne saurait toutefois faire obstacle, comme l’ont fait valoir les gouvernements allemand, français et italien ainsi que la Commission, à ce que l’administration fiscale de l’État membre de remboursement cherche à s’assurer de la réalité économique de l’établissement dont l’adresse est mentionnée dans une telle attestation.
43 Il importe, à cet égard, de rappeler que la prise en compte de la réalité économique constitue un critère fondamental pour l’application du système commun de TVA (arrêt du 20 février 1997, DFDS, C-260/95, Rec. p. I-1005, point 23).
44 En outre, selon une jurisprudence constante, les justiciables ne sauraient abusivement ou frauduleusement se prévaloir des normes communautaires (voir, dans le domaine de la TVA, notamment, arrêts du 3 mars 2005, Fini H, C-32/03, Rec. p. I-1599, point 32, et du 21 février 2006, Halifax e.a., C-255/02, Rec. p. I-1609, point 68).
45 Tel serait le cas si un assujetti entendait bénéficier du système de remboursement selon les conditions énoncées par la huitième directive, alors que l’établissement dont l’adresse est mentionnée dans l’attestation conforme au modèle figurant à l’annexe B de cette directive ne correspondrait à aucune réalité économique dans l’État membre de délivrance et que, du reste, l’intéressé ne serait pas établi sur le territoire de la Communauté, de telle sorte qu’il relèverait non de ladite directive, mais de la treizième directive.
46 Si l’administration fiscale de l’État membre de remboursement éprouve des doutes, par exemple dans le cas d’une suspicion d’abus fiscal, quant à la réalité économique de l’établissement visé dans cette attestation, elle ne peut cependant pas, compte tenu de la présomption qui s’attache à ladite attestation, opposer à l’assujetti un refus de remboursement sans autre forme de vérification préalable.
47 En pareil cas, ainsi que le relève Mme l’avocat général au point 53 de ses conclusions, cette administration dispose de la possibilité, offerte par l’article 6 de la huitième directive, de contraindre l’assujetti à lui fournir les renseignements nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande de remboursement (voir, en ce sens, arrêt Monte Dei Paschi Di Siena, précité, point 31), tels que des informations censées lui permettre d’évaluer la réalité économique de l’établissement mentionné dans l’attestation d’assujettissement.
48 Comme l’a indiqué la Commission, ladite administration a également à sa disposition les instruments communautaires de coopération et d’assistance administratives adoptés pour permettre l’établissement correct de la TVA et lutter contre la fraude ainsi que l’évasion fiscales en ce domaine, tels que les mesures prévues par le règlement (CE) n° 1798/2003 du Conseil, du 7 octobre 2003, concernant la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée et abrogeant le règlement (CEE) n° 218/92 (JO L 264, p. 1), ainsi que le règlement (CE) n° 1925/2004 de la Commission, du 29 octobre 2004, fixant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement n° 1798/2003 (JO L 331, p. 13).
49 Si les informations obtenues font ressortir que l’adresse mentionnée dans l’attestation d’assujettissement ne correspond ni au siège de l’activité économique de l’assujetti ni à un établissement stable à partir duquel celui-ci effectue ses opérations, l’administration fiscale de l’État membre de remboursement est en droit de refuser le remboursement sollicité par l’assujetti, sans préjudice de l’exercice éventuel d’un recours judiciaire par ce dernier (voir, en ce sens, concernant l’abus fiscal, arrêt Fini H, précité, points 33 et 34; voir par analogie, dans le contexte de l’article 43 CE, arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C-196/04, Rec. p. I-7995, point 55).
50 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que les articles 3, sous b), et 9, second alinéa, de la huitième directive doivent être interprétés en ce sens que l’attestation conforme au modèle figurant à l’annexe B de cette directive permet, en principe, de présumer que l’intéressé est non seulement assujetti à la TVA dans l’État membre dont relève l’administration fiscale qui la lui a délivrée, mais également qu’il est établi dans cet État membre. Ces dispositions n’impliquent toutefois pas qu’il soit interdit à l’administration fiscale de l’État membre de remboursement qui éprouverait des doutes quant à la réalité économique de l’établissement dont l’adresse est mentionnée dans cette attestation de s’assurer de cette réalité en recourant aux mesures administratives prévues à cet effet par la réglementation communautaire en matière de TVA.
Sur la seconde question
51 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi sollicite une interprétation des termes «siège de son activité économique» employés à l’article 1er, point 1, de la treizième directive.
52 À titre liminaire, il convient de souligner que, au sens de la treizième directive, la qualité d’assujetti non établi sur le territoire de la Communauté suppose, notamment, que l’assujetti n’ait, au cours de la période visée à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, disposé, sur ce territoire, d’aucun des éléments de rattachement identifiés à l’article 1er, point 1, de ladite directive.
53 Parmi ces éléments de rattachement figurent, notamment, le «siège de son activité économique» et l’existence d’un «établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées».
54 Conformément à une jurisprudence bien établie dans le domaine de la TVA, la notion d’établissement stable exige une consistance minimale, par la réunion permanente des moyens humains et techniques nécessaires à des prestations de services déterminées (voir arrêts du 4 juillet 1985, Berkholz, 168/84, Rec. p. 2251, point 18; DFDS, précité, point 20, et du 17 juillet 1997, ARO Lease, C-190/95, Rec. p. I-4383, point 15). Elle suppose dès lors un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l’équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées (voir arrêt ARO Lease, précité, point 16).
55 S’agissant, en particulier, d’activités de transport, cette notion implique, aux fins de l’application de la réglementation communautaire sur la TVA, à tout le moins un bureau dans lequel les contrats puissent être établis et les décisions administratives de gestion quotidienne puissent être prises ainsi qu’un lieu d’entreposage des véhicules affectés auxdites activités (voir, en ce sens, arrêts ARO Lease, précité, points 19 et 27, ainsi que du 7 mai 1998, Lease Plan, C-390/96, Rec. p. I-2553, point 26). En revanche, l’immatriculation desdits véhicules dans l’État membre concerné n’est pas l’indice d’un établissement stable dans cet État membre (voir, en ce sens, arrêt Lease Plan, précité, points 21 et 27).
56 Ne constitue pas un établissement stable une installation fixe utilisée aux seules fins d’exercer, pour l’entreprise, des activités à caractère préparatoire ou auxiliaire, telles que le recrutement du personnel ou l’achat des moyens techniques nécessaires à l’accomplissement des activités de l’entreprise.
57 En l’espèce au principal, ainsi qu’il ressort du point 31 du présent arrêt, la juridiction de renvoi est d’avis que, compte tenu de ses différentes constatations factuelles (voir point 28 du présent arrêt), le lieu à partir duquel les activités de transport de la demanderesse au principal sont effectivement exercées est situé en Suisse.
58 S’agissant de la notion de siège de l’activité économique au sens de l’article 1er, point 1, de la treizième directive, il convient d’observer que, si, certes, un même lieu peut correspondre à la fois au siège de l’activité économique et à un établissement stable de l’entreprise concernée, le simple fait que cette disposition, comme, du reste, l’article 1er de la huitième directive, se réfère de façon distincte aux notions de siège de l’activité économique, d’une part, et d’établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, d’autre part, montre cependant que, dans l’esprit du législateur communautaire, la première notion revêt une portée autonome par rapport à la seconde.
59 Il s’ensuit que la circonstance que, d’après les constatations opérées par la juridiction de renvoi dans le cadre de l’affaire au principal, le lieu à partir duquel les activités de la demanderesse au principal sont effectivement exercées ne soit pas situé dans l’État membre de délivrance n’exclut pas pour autant que la demanderesse au principal y ait établi le siège de son activité économique.
60 S’agissant d’une société, comme en l’espèce au principal, la notion de siège de l’activité économique au sens de l’article 1er, point 1, de la treizième directive vise le lieu où sont adoptées les décisions essentielles concernant la direction générale de cette société et où sont exercées les fonctions d’administration centrale de celle-ci.
61 La détermination du lieu du siège de l’activité économique d’une société implique la prise en considération d’un faisceau de facteurs, au premier rang desquels figurent le siège statutaire, le lieu de l’administration centrale, le lieu de réunion des dirigeants sociaux et celui, habituellement identique, où s’arrête la politique générale de cette société. D’autres éléments, tels que le domicile des principaux dirigeants, le lieu de réunion des assemblées générales, de tenue des documents administratifs et comptables et de déroulement principal des activités financières, notamment bancaires, peuvent également entrer en ligne de compte.
62 Ainsi, une implantation fictive, telle que celle caractérisant une société «boîte aux lettres» ou «écran», ne pourrait être qualifiée de siège d’une activité économique au sens de l’article 1er, point 1, de la treizième directive (voir, par analogie, arrêts du 2 mai 2006, Eurofood IFSC, C-341/04, Rec. p. I-3813, point 35, ainsi que Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 68).
63 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’article 1er, point 1, de la treizième directive doit être interprété en ce sens que le siège de l’activité économique d’une société est le lieu où sont adoptées les décisions essentielles concernant la direction générale de cette société et où sont exercées les fonctions d’administration centrale de celle-ci.
Sur les dépens
64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
1) Les articles 3, sous b), et 9, second alinéa, de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays, doivent être interprétés en ce sens que l’attestation conforme au modèle figurant à l’annexe B de cette directive permet, en principe, de présumer que l’intéressé est non seulement assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans l’État membre dont relève l’administration fiscale qui la lui a délivrée, mais également qu’il est établi dans cet État membre.
Ces dispositions n’impliquent toutefois pas qu’il soit interdit à l’administration fiscale de l’État membre où est sollicité le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont qui éprouverait des doutes quant à la réalité économique de l’établissement dont l’adresse est mentionnée dans cette attestation de s’assurer de cette réalité en recourant aux mesures administratives prévues à cet effet par la réglementation communautaire en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
2) L’article 1er, point 1, de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté, doit être interprété en ce sens que le siège de l’activité économique d’une société est le lieu où sont adoptées les décisions essentielles concernant la direction générale de cette société et où sont exercées les fonctions d’administration centrale de celle-ci.
Signatures
* Langue de procédure: l’allemand.