Affaires jointes C-428/06 à C-434/06
Unión General de Trabajadores de La Rioja (UGT-Rioja) e.a.
contre
Juntas Generales del Territorio Histórico de Vizcaya e.a.
(demandes de décision préjudicielle, introduites par
le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Autónoma del País Vasco)
«Aides d’État — Mesures fiscales adoptées par une collectivité régionale ou locale — Caractère sélectif»
Sommaire de l'arrêt
1. Aides accordées par les États — Notion — Caractère sélectif de la mesure
(Art. 87, § 1, CE)
2. Aides accordées par les États — Notion — Caractère sélectif de la mesure — Mesures adoptées par une entité infraétatique
(Art. 87, § 1, CE)
1. Lorsqu'il s'agit d'examiner si une mesure revêt un caractère sélectif, la détermination du cadre de référence est essentielle et ce cadre n'est pas nécessairement défini dans les limites du territoire national.
C'est ainsi que, pour apprécier la sélectivité d'une mesure adoptée par une entité infraétatique et visant à fixer, dans une partie seulement du territoire d'un État membre, un taux d'imposition réduit par rapport au taux en vigueur dans le reste dudit État membre, il convient d'examiner si ladite mesure a été prise par cette entité dans l'exercice de pouvoirs suffisamment autonomes par rapport au pouvoir central et, le cas échéant, de rechercher si elle s'applique effectivement à toutes les entreprises établies ou à toutes les productions réalisées sur le territoire relevant de la compétence de cette entité.
Dans la situation où une autorité régionale ou locale arrête, dans l'exercice de pouvoirs suffisamment autonomes par rapport au pouvoir central, un taux d'imposition qui est inférieur au taux national et qui est applicable uniquement aux entreprises présentes sur le territoire relevant de sa compétence, le cadre juridique pertinent pour apprécier la sélectivité d'une mesure fiscale peut se limiter à la zone géographique concernée dans le cas où l'entité infraétatique, notamment en raison de son statut et de ses pouvoirs, occupe un rôle fondamental dans la définition de l'environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises présentes sur le territoire relevant de sa compétence. À cet égard, ce rôle fondamental est la conséquence de l’autonomie et non une condition préalable de celle-ci. En effet, lorsqu’une entité infraétatique est suffisamment autonome, c’est-à-dire lorsqu’elle dispose d’une autonomie du point de vue institutionnel, procédural et économique, elle joue un rôle fondamental dans la définition de l’environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises.
Pour qu'une décision prise en pareilles circonstances puisse être considérée comme ayant été adoptée dans l'exercice de pouvoirs suffisamment autonomes, il faut tout d'abord que cette décision ait été prise par une autorité régionale ou locale dotée, sur le plan constitutionnel, d'un statut politique et administratif distinct de celui du gouvernement central. Cette autonomie exige que l’entité infraétatique assume les conséquences politiques et financières d’une mesure de réduction de l’impôt. Tel ne saurait être le cas lorsque l’entité n’assume pas la gestion d’un budget, c’est-à-dire qu’elle ne possède pas la maîtrise tant des recettes que des dépenses. Ensuite, la décision doit avoir été adoptée sans que le gouvernement central puisse intervenir directement sur son contenu, même si une telle autonomie procédurale n’exclut pas qu’une procédure de concertation soit mise en place en vue de prévenir les conflits, pour autant que la décision finale prise à l’issue de cette procédure est adoptée par l’entité infraétatique et non par le gouvernement central. Enfin, les conséquences financières d'une réduction du taux d'imposition national applicable aux entreprises présentes dans la région ne doivent pas être compensées par des concours ou subventions, déclarées ou ne résultant que de l'examen concret de flux financiers, en provenance des autres régions ou du gouvernement central.
(cf. points 46-51, 55, 67, 96, 133, 107, 123, 135, 144 et disp.)
2. Lorsqu'il s'agit d'examiner si une entité infraétatique dispose d'une autonomie suffisante pour qu'il soit possible de considérer que des dispositions favorables aux entreprises établies sur son territoire qu'elle adopte doivent s'analyser comme des règles générales et ne remplissent donc pas la condition de sélectivité qui permettrait d'identifier des aides d'État, il faut prendre en considération les dispositions de droit national qui fixent l'étendue des compétences de cette entité, telles qu'elles sont interprétées par les juridictions nationales et telles que celles-ci les font respecter, étant précisé que le fait que cette entité est, dans l'exercice desdites compétences, sous le contrôle du juge, comme cela est le cas dans tout État de droit, n'est pas pertinent pour mesurer son degré d'autonomie.
(cf. points 77-83 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
11 septembre 2008 (*)
«Aides d’État – Mesures fiscales adoptées par une collectivité régionale ou locale – Caractère sélectif»
Dans les affaires jointes C-428/06 à C-434/06,
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Autónoma del País Vasco (Espagne), par décisions des 20 septembre 2006 (C-428/06, C-429/06 et C-431/06 à C-434/06) et 29 septembre 2006 (C-430/06), parvenues à la Cour le 18 octobre 2006, dans les procédures
Unión General de Trabajadores de La Rioja (UGT-Rioja) (C-428/06),
Comunidad Autónoma de La Rioja (C-429/06),
contre
Juntas Generales del Territorio Histórico de Vizcaya,
Diputación Foral de Vizcaya,
Cámara de Comercio, Industria y Navegación de Bilbao,
Confederación Empresarial Vasca (Confebask),
et
Comunidad Autónoma de La Rioja (C-430/06),
Comunidad Autónoma de Castilla y León (C-433/06),
contre
Diputación Foral de Álava,
Juntas Generales de Álava,
Confederación Empresarial Vasca (Confebask),
et
Comunidad Autónoma de La Rioja (C-431/06),
Comunidad Autónoma de Castilla y León (C-432/06),
contre
Diputación Foral de Guipúzcoa,
Juntas Generales de Guipúzcoa,
Confederación Empresarial Vasca (Confebask),
et
Comunidad Autónoma de Castilla y León (C-434/06)
contre
Diputación Foral de Vizcaya,
Juntas Generales del Territorio Histórico de Vizcaya,
Cámara de Comercio, Industria y Navegación de Bilbao,
Confederación Empresarial Vasca (Confebask),
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 février 2008,
considérant les observations présentées:
– pour l’Unión General de Trabajadores de La Rioja (UGT-Rioja), par Me V. Suberviola González, abogado, et MM. C. Cabezón Llach et J. Granda Loza, secretarios generales,
– pour la Comunidad Autónoma de La Rioja, par Mes J. Criado Gámez et I. Serrano Blanco, abogados,
– pour la Comunidad Autónoma de Castilla y León, par Mes S. Perandones Peidró et M. E. Martínez Álvarez, abogadas,
– pour les Juntas Generales del Territorio Histórico de Vizcaya, la Diputación Foral de Álava, la Diputación Foral de Vizcaya et la Cámara de Comercio, Industria y Navegación de Bilbao, par Mes I. Sáenz-Cortabarría Fernández et M. Morales Isasi, abogados,
– pour la Diputación Foral de Guipúzcoa, par Mes A. Ibarguchi Otermin, I. Sáenz-Cortabarría Fernández et M. Morales Isasi, abogados,
– pour la Confederación Empresarial Vasca (Confebask), par Mes M. Araujo Boyd et D. Armesto Macías, abogados,
– pour le gouvernement espagnol, par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. D. Del Gaizo, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mmes E. O’Neill et I. Rao, en qualité d’agents, assistées de M. D. Anderson, QC,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. F. Castillo de la Torre et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 mai 2008,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 87, paragraphe 1, CE.
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant l’Unión General de Trabajadores de La Rioja (ci-après l’«UGT-Rioja» (C-428/06), la Comunidad Autónoma de La Rioja (C-429/06 à C-431/06) et la Comunidad Autónoma de Castilla y León (C-432/06 à C-434/06) aux Juntas Generales del Territorio Histórico de Vizcaya, aux Diputaciones Forales de Álava, de Vizcaya et de Guipúzcoa, qui sont les autorités compétentes des Territorios Históricos de Vizcaya, de Álava et de Guipúzcoa (ci-après les «autorités forales»), ainsi qu’à la Cámara de Comercio, Industria y Navegación de Bilbao et à la Confederación Empresarial Vasca (ci-après «Confebask»), à propos de normes fiscales adoptées par lesdites autorités.
Le droit national
La Constitution espagnole de 1978
3 Les articles 2, 31, paragraphe 1, 137 à 139 et 143, paragraphe 1, de la Constitution espagnole de 1978 (ci-après la «Constitution») sont rédigés comme suit:
«Article 2.
La Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles.
[…]
Article 31.
1. Toute personne contribuera aux dépenses publiques, en fonction de sa capacité économique, par un système fiscal juste fondé sur des principes d’égalité et de progressivité qui ne revêtira, en aucun cas, le caractère d’une confiscation.
[…]
Titre VIII – De l’organisation territoriale de l’État
Chapitre premier – Principes généraux
Article 137.
L’État se compose, dans son organisation territoriale, de communes, de provinces et des Communautés autonomes qui seront constituées. Toutes ces entités jouissent d’une autonomie pour la gestion de leurs intérêts respectifs.
Article 138.
1. L’État garantit l’application effective du principe de solidarité consacré à l’article 2 de la Constitution, en veillant à l’établissement d’un équilibre économique approprié et juste entre les différentes parties du territoire espagnol, compte tenu tout particulièrement des circonstances relatives à l’insularité.
2. Les différences entre les statuts des diverses Communautés autonomes ne pourront impliquer, en aucun cas, des privilèges économiques ou sociaux.
Article 139.
1. Tous les Espagnols ont les mêmes droits et les mêmes obligations dans n’importe quelle partie du territoire de l’État.
2. Aucune autorité ne pourra adopter des mesures qui directement ou indirectement entraveraient la liberté de circulation et d’établissement des personnes et la libre circulation des biens sur tout le territoire espagnol.
[…]
Chapitre III – Des Communautés autonomes
Article 143.
1. En application du droit à l’autonomie reconnu à l’article 2 de la Constitution, les provinces limitrophes ayant des caractéristiques historiques, culturelles et économiques communes, les territoires insulaires et les provinces formant une entité régionale historique pourront se gouverner eux-mêmes et se constituer en Communautés autonomes, conformément aux dispositions [du titre VIII] et des statuts respectifs.»
4 L’article 148 de la Constitution, qui décrit les matières dans lesquelles les communautés autonomes peuvent exercer des compétences, est libellé comme suit:
«1. Les Communautés autonomes pourront assumer des compétences dans les matières suivantes:
[…]
3. L’aménagement du territoire, l’urbanisme et le logement.
4. Les travaux publics intéressant la Communauté autonome sur son propre territoire.
5. Les chemins de fer et les routes dont le parcours se trouve intégralement sur le territoire de la Communauté autonome et, dans les mêmes conditions, le transport assuré par ces moyens ou par câble.
6. Les ports de refuge, les ports et les aéroports de plaisance et, en général, ceux qui n’ont pas d’activités commerciales.
7. L’agriculture et l’élevage, conformément à l’ordonnancement général de l’économie.
8. Les forêts et l’exploitation forestière.
9. La gestion en matière de protection de l’environnement.
10. Les projets, la construction et l’exploitation des installations hydrauliques, des canaux et des systèmes d’irrigation, présentant un intérêt pour la Communauté autonome, et les eaux minérales et thermales.
11. La pêche dans les eaux intérieures, l’exploitation des fruits de mer et l’aquaculture, la chasse et la pêche fluviale.
12. Les foires locales.
13. Le développement de l’activité économique de la Communauté autonome dans le cadre des objectifs fixés par la politique économique nationale.
14. L’artisanat.
[…]»
5 L’article 149, paragraphe 1, de la Constitution dispose:
«1. L’État jouit d’une compétence exclusive dans les matières suivantes:
1. La réglementation des conditions fondamentales qui garantissent l’égalité de tous les Espagnols dans l’exercice de leurs droits et dans l’accomplissement des devoirs constitutionnels.
[…]
6. La législation commerciale, pénale et pénitentiaire; la législation de la procédure, sans préjudice des spécialités nécessaires qui, dans ce domaine, découlent des particularités du droit substantiel des Communautés autonomes.
7. La législation du travail, sans préjudice de son application par les organes des Communautés autonomes.
[…]
11. Le système monétaire: devises, change et convertibilité; les bases de l’organisation du crédit, des banques et des assurances.
[…]
13. Les bases et la coordination de la planification générale de l’activité économique.
14. Les finances générales et la dette de l’État.
[…]
17. La législation fondamentale et le régime économique de la sécurité sociale, sans préjudice de la mise en œuvre de ses services par les Communautés autonomes.
[…]
24. Les travaux publics d’intérêt général ou dont la réalisation concerne plus d’une Communauté autonome.
[…]»
6 Les articles 156 à 158 de la Constitution sont rédigés comme suit:
«Article 156.
1. Les Communautés autonomes jouiront de l’autonomie financière pour développer et exercer leurs compétences, conformément aux principes de coordination avec les finances de l’État et de solidarité entre tous les Espagnols.
2. Les Communautés autonomes pourront agir comme délégués ou collaborateurs de l’État pour le recouvrement, la gestion et la liquidation de ses ressources fiscales, conformément aux lois et aux statuts.
Article 157.
1. Les ressources des Communautés autonomes seront constituées par:
a) Les impôts cédés totalement ou partiellement par l’État; les surtaxes sur les impôts de l’État et autres participations aux recettes de celui-ci.
b) Leurs propres impôts, taxes et contributions spéciales.
c) Les transferts d’un fonds de compensation interterritorial et d’autres assignations à la charge des budgets généraux de l’État.
d) Les revenus provenant de leur patrimoine et les recettes de droit privé.
e) Le produit des opérations de crédit.
2. Les Communautés autonomes ne pourront en aucun cas prendre des mesures fiscales à l’encontre de biens situés hors de leur territoire ou qui pourraient constituer un obstacle à la libre circulation des marchandises ou des services.
3. Une loi organique pourra réglementer l’exercice des compétences financières énumérées au paragraphe 1, les normes visant à résoudre les conflits qui pourraient surgir et les possibilités de collaboration financière entre les Communautés autonomes et l’État.
Article 158.
1. Dans les budgets généraux de l’État, on pourra fixer une assignation aux Communautés autonomes en fonction de l’importance des services et des activités étatiques qu’elles auront assumés et des prestations minimales qu’elles s’engagent à apporter en ce qui concerne les services publics fondamentaux sur tout le territoire espagnol.
2. Afin de corriger des déséquilibres économiques interterritoriaux et de mettre en œuvre le principe de solidarité, on constituera un Fonds de compensation destiné aux dépenses d’investissement dont les ressources seront réparties par les Cortes Generales [Chambre des députés] entre les Communautés autonomes et les provinces, s’il y a lieu.»
Le statut d’autonomie
7 Conformément à l’article 2, au chapitre III du titre VIII (articles 143 à 158), ainsi qu’à la première disposition additionnelle et à la deuxième disposition transitoire de la Constitution, le Pays basque constitue une Communauté autonome au sein du Royaume d’Espagne. La Communauté autonome du Pays basque est régie par le statut d’autonomie du Pays basque («Estatuto de Autonomía del País Vasco»), approuvé par la loi organique des Cortes Generales 3/1979, du 18 décembre 1979 (BOE n° 306, du 22 décembre 1979, ci-après le «statut d’autonomie»).
8 La Communauté autonome du Pays basque est composée de trois Territorios Históricos (entités administratives territoriales), eux-mêmes constitués des Municipios (municipalités). La structure politique et institutionnelle de cette Communauté autonome comprend deux niveaux différents, à savoir celui des institutions communes à l’ensemble du Pays basque (gouvernement autonome et Parlement) et celui des institutions ou des organes «foraux» dotés de compétences limitées aux Territorios Históricos.
9 L’article 37 du statut d’autonomie est libellé comme suit:
«1. Les organes foraux des Territorios Históricos seront régis par le régime juridique propre à chacun d’entre eux.
2. Les dispositions contenues dans le présent statut n’entraîneront pas de modification de la nature du régime foral spécifique ou des compétences prévues par les régimes propres à chacun des Territorios Históricos.
3. Dans tous les cas, ces derniers détiendront une compétence exclusive au sein de leurs territoires respectifs dans les matières suivantes:
a) L’organisation, le régime et le fonctionnement de leurs propres institutions.
b) L’élaboration et l’approbation de leurs budgets.
c) La définition des démarcations territoriales à caractère supramunicipal qui n’excéderaient pas les limites de la province.
d) Le régime des biens appartenant aux provinces et aux municipalités, qu’ils relèvent du domaine public ou patrimonial, ou qu’ils soient propres et communaux.
e) Le régime électoral municipal.
f) Toutes autres compétences spécifiées dans le présent statut ou qui leur seraient transférées.
4. Le pouvoir réglementaire et exécutif leur reviendra, également, sur leurs territoires, dans les matières énoncées par le Parlement basque.»
10 L’article 40 du statut d’autonomie prévoit que, pour l’exercice adéquat et le financement de ses compétences, le Pays basque «dispose de ses propres finances autonomes».
11 L’article 41 dudit statut est libellé comme suit:
«1. Les relations fiscales entre l’État et le Pays basque sont régies par le système foral traditionnel de l’accord économique (‘Concierto Económico’) ou des conventions (‘Convenios’).
2. Le contenu du régime d’accord respectera et se conformera aux principes et bases suivants:
a) Les institutions compétentes des Territorios Históricos peuvent maintenir, établir et réglementer sur leur territoire le régime fiscal, en tenant compte de la structure générale d’imposition de l’État, des règles prévues par le régime de concertation économique pour la coordination, l’harmonisation fiscale et la collaboration avec l’État et de celles que prend le Parlement basque à des fins identiques dans la Communauté autonome. L’accord sera approuvé par la loi.
b) Le prélèvement, la gestion, la liquidation, le recouvrement et l’inspection de l’ensemble des impôts, exception faite des impositions douanières et de celles qui sont actuellement recouvrées au moyen de monopoles fiscaux, seront assurés, à l’intérieur de chaque Territorio Histórico, par les Diputaciones Forales respectives, sans préjudice de la collaboration avec l’État et des inspections de la part de ce dernier.
c) Les institutions compétentes des Territorios Históricos adopteront les décisions pertinentes afin d’appliquer sur leurs territoires respectifs les règles fiscales à caractère exceptionnel et conjoncturel que l’État décide d’appliquer au territoire commun. Leur durée de validité sera identique à celle prévue pour ces dernières.
d) La contribution du Pays basque à l’État consistera en une quote-part globale formée par celles qui incombent à chacun de ses Territorios Históricos comme contribution à toutes les charges de l’État que la Communauté autonome n’assume pas.
e) Pour la fixation des quotes-parts revenant à chaque Territorio Histórico faisant partie de la quote-part globale précitée, il sera mis en place une commission mixte composée, d’une part, d’un représentant de chaque Diputación Foral et d’un nombre équivalent de représentants du gouvernement basque et, d’autre part, d’un nombre égal de représentants de l’administration de l’État. La quote-part ainsi fixée sera approuvée par la loi, avec une périodicité établie par le régime de concertation, sans préjudice de sa mise à jour annuelle au moyen de la procédure prévue, également, dans le régime de concertation.
f) Le régime d’accord s’appliquera conformément au principe de solidarité, auquel font référence les articles 138 et 156 de la Constitution.»
L’accord économique
12 L’accord économique entre la Communauté autonome du Pays basque et le Royaume d’Espagne a été approuvé par la loi 12/2002 (Ley 12/2002 por la que se aprueba el Concierto Económico con la Comunidad Autónoma del País Vasco), du 23 mai 2002 (BOE n° 124, du 24 mai 2002, ci-après l’«accord économique»).
13 Les articles 2 à 4 de l’accord économique sont rédigés comme suit:
«Article 2. Principes généraux.
Premièrement – Le régime fiscal qu’établissent les Territorios Históricos devra observer les principes suivants:
1º Respect de la solidarité dans les termes prévus par la Constitution et le statut d’autonomie.
2º Observation de la structure générale d’imposition de l’État.
3º Coordination, harmonisation fiscale et collaboration avec l’État, conformément aux dispositions du présent accord économique.
4º Coordination, harmonisation fiscale et collaboration mutuelle entre les institutions des Territorios Históricos conformément aux dispositions dictées à cette fin par le Parlement basque.
5º Soumission aux traités ou conventions internationaux signés et ratifiés par l’État espagnol ou à ceux auxquels celui-ci adhérerait.
Il devra respecter notamment les dispositions des conventions internationales signées par le Royaume d’Espagne afin d’éviter la double imposition ainsi que les normes d’harmonisation fiscale de l’Union européenne et devra prendre en charge les remboursements à réaliser en vertu de l’application de ces conventions et réglementations.
Deuxièmement – Les règles de cet accord seront interprétées conformément aux dispositions de la loi générale relative aux impôts quant à l’interprétation des normes fiscales.
Article 3. Harmonisation fiscale.
Lors de l’élaboration de la réglementation d’ordre fiscal, les Territorios Históricos:
a) Se conformeront à la loi générale relative aux impôts en ce qui concerne la terminologie et les concepts, sans préjudice des particularités précisées au présent accord économique.
b) Exerceront une pression fiscale effective globale équivalente à celle qui existe dans le reste de l’État.
c) Respecteront et garantiront la liberté de circulation et d’établissement des personnes, de même que la libre circulation des biens, des capitaux et des services sur tout le territoire espagnol, sans que se produisent des effets discriminatoires, d’atteinte aux règles de concurrence des entreprises ou de distorsion dans l’allocation des ressources.
d) Utiliseront la même classification pour les activités industrielles, minières, commerciales, de services, professionnelles, agricoles, artistiques, les activités de pêche et d’élevage que dans le territoire commun, sans préjudice de l’élaboration éventuelle d’une classification plus détaillée desdites activités.
Article 4. Principe de collaboration.
Premièrement – Les institutions compétentes des Territorios Históricos communiqueront à l’administration de l’État, préalablement à leur entrée en vigueur, les projets des dispositions réglementaires en matière fiscale.
L’administration de l’État en fera de même avec lesdites institutions.
Deuxièmement – L’État mettra en œuvre les mécanismes permettant la participation des institutions du Pays basque aux accords internationaux qui ont une répercussion sur l’application du présent accord économique.
Troisièmement – L’État et les Territorios Históricos, dans l’exercice des fonctions qui leur correspondent en matière de gestion, d’inspection et de perception de leurs impôts, échangeront, au moment et dans la forme voulus, toutes les données et renseignements qu’ils estiment nécessaires pour améliorer leur prélèvement.
Notamment, les deux administrations:
a) Échangeront, à travers leurs centres de traitement de données, tous les renseignements dont elles estimeraient avoir besoin. L’intercommunication technique indispensable sera mise en place à cet effet. Un plan commun et coordonné d’informatique fiscale sera élaboré annuellement.
b) Les services d’inspection prépareront des plans d’inspection communs sur des objectifs, des secteurs et des procédures sélectives coordonnés, ainsi que sur les contribuables ayant changé de domicile, les sociétés en régime de transparence fiscale et les sociétés assujetties à l’impôt, proportionnellement au volume d’opérations réalisé, dans le cadre de l’impôt sur les sociétés.»
14 Les articles 48 à 60 de l’accord économique traitent des relations financières entre l’État et le Pays basque. Les articles 48 à 50 de cet accord sont libellés comme suit:
«Article 48. Principes généraux.
Les relations financières entre l’État et le Pays basque seront régies par les principes suivants:
Premièrement – Autonomie fiscale et financière des institutions du Pays basque pour le développement et la mise en œuvre de ses compétences.
Deuxièmement – Respect de la solidarité dans les termes prévus par la Constitution et le statut d’autonomie.
Troisièmement – Coordination et collaboration avec l’État en matière de stabilité budgétaire.
Quatrièmement – Contribution du Pays basque aux charges de l’État non assumées par la Communauté Autonome, dans la forme déterminée par le présent accord économique.
Cinquièmement – Les facultés de tutelle financière exercées à tout moment par l’État en matière de collectivités locales correspondront aux institutions compétentes du Pays basque, sans que cela implique un niveau d’autonomie des collectivités locales basques inférieur à celui dont jouiraient celles de régime commun.
Article 49. Concept de quote-part.
L’apport du Pays basque à l’État consistera en une quote-part globale, se composant de celles correspondant à chacun de ses Territorios Históricos, comme contribution à toutes les charges de l’État non assumées par la Communauté autonome du Pays basque.
Article 50. Périodicité et mise à jour de la quote-part.
Premièrement – Tous les cinq ans, en vertu d’une loi votée par les Cortes Generales, après accord préalable de la commission mixte de l’accord économique, on déterminera la méthodologie pour le calcul de la quote-part qui sera en vigueur durant le quinquennat à venir, conformément aux principes généraux figurant au présent accord économique, ainsi que pour l’approbation de la quote-part de la première année du quinquennat.
Deuxièmement – Au cours de chacune des années suivant la première, la commission mixte de l’accord économique procédera à la mise à jour de la quote-part, en appliquant la méthodologie approuvée par la loi à laquelle fait référence l’alinéa précédent.
Troisièmement – Les principes qui forment la méthodologie déterminant la quote-part figurant au présent accord pourront être modifiés dans le cadre de la loi quinquennale relative à la quote-part, quand les circonstances et l’expérience de leur application le recommandent ainsi.»
15 L’accord économique prévoit l’intervention de deux commissions composées de manière paritaire. Selon l’article 61, premier alinéa, de celui-ci, la commission mixte est constituée, d’une part, d’un représentant du gouvernement de chaque Territorio Histórico ainsi que du même nombre de représentants du gouvernement basque et, d’autre part, d’un nombre égal de représentants de l’administration de l’État.
16 L’article 62 de l’accord économique prévoit que ladite commission mixte a pour fonction, notamment, de s’entendre sur les modifications de cet accord, sur les engagements de collaboration et de coordination en matière de stabilité budgétaire ainsi que sur la méthodologie pour le calcul de la quote-part pour chaque quinquennat et de conclure les accords qui seraient nécessaires à tout moment en matière fiscale et financière pour l’application et le déroulement correct des dispositions dudit accord.
17 L’article 63 de l’accord économique prévoit la constitution de la commission de coordination et d’évaluation normative (Comisión de Coordinación y Evaluación Normativa), composée de quatre représentants de l’administration de l’État et de quatre représentants de la Communauté autonome du Pays basque. Ces derniers sont désignés par le gouvernement basque, trois d’entre eux l’étant sur proposition de chacune des Diputaciones Forales.
18 Parmi les compétences qui sont confiées à la commission de coordination et d’évaluation normative par l’article 64 de l’accord économique figure en premier lieu celle consistant à évaluer la conformité de la réglementation fiscale avec ledit accord, et ce préalablement à la publication de celle-ci. L’article 64, sous a), du même accord dispose expressément que, à cette fin, «lorsque, à l’occasion de l’échange de projets de dispositions réglementaires prévu au paragraphe 1 de l’article 4 du présent accord économique, des observations seraient formulées concernant les propositions qui y sont contenues, l’une quelconque des institutions et des administrations représentées pourra solliciter, par écrit et sous forme motivée, la convocation de cette commission. Cette dernière se réunira dans un délai maximal de quinze jours à compter de la demande de convocation, procédera à l’analyse de la conformité de la réglementation proposée avec l’accord économique et s’efforcera, préalablement à la publication des dispositions correspondantes, de faire en sorte que les institutions et les administrations parviennent à une entente en ce qui concerne les possibles désaccords sur le contenu de la réglementation fiscale».
La loi de 2002 relative à la quote-part pour les années 2002-2006
19 Par la loi 12/2002, du 23 mai 2002, a été approuvée la méthodologie pour la détermination de la quote-part du Pays basque pour les années 2002-2006 (BOE n° 124, p. 18636, ci-après la «loi de 2002 relative à la quote-part»). Les articles 3 à 7 de cette loi prévoient:
«Article 3. Détermination de la quote-part de l’année de base.
La quote-part liquide de l’année de base du quinquennat 2002-2006 sera déterminée par l’application du coefficient d’imputation au montant total des charges non assumées par la Communauté autonome et par la réalisation des ajustements et des compensations correspondants, tout cela selon les termes prévus dans les articles suivants.
Article 4. Charges de l’État non assumées par la Communauté autonome.
Premièrement – Sont considérées comme charges de l’État non assumées par la Communauté autonome celles correspondant à des compétences dont l’exercice n’a pas encore été effectivement assumé par cette dernière.
Deuxièmement – Pour déterminer le montant total des charges en question, on déduira du total des dépenses du budget de l’État l’assignation budgétaire intégrale qui, au niveau de l’État, correspond aux compétences assumées par la Communauté autonome, depuis la date d’effectivité du transfert fixé par les décrets royaux correspondants.
[…]
Article 5. Ajustements.
Premièrement – Sans préjudice des dispositions des articles 14 et 15 ci-après, les chiffres résultant de l’imputation à laquelle se réfère le quatrième alinéa de l’article précédent feront l’objet d’un ajustement de manière à perfectionner l’estimation des recettes au titre des impôts directs imputables au Pays basque et au reste de l’État, conformément aux dispositions de l’article 55 de l’accord économique.
[…]
Article 6. Montants compensatoires.
Premièrement – De la quote-part correspondant à chaque Territorio Histórico, on déduira par compensation les postes suivants:
a) La part imputable des impôts non concertés.
b) La part imputable des recettes budgétaires de nature non fiscale.
c) La part imputable du déficit présenté par le budget général de l’État.
[…]
Article 7. Coefficient d’imputation.
Le coefficient d’imputation auquel se réfèrent les articles 4 et 6 précédents, déterminé pour l’essentiel en fonction du revenu des Territorios Históricos par rapport à celui de l’État, est de 6,24 % pour le quinquennat en vigueur.»
20 Selon l’annexe I de la loi de 2002 relative à la quote-part, établissant la quote-part provisoire de la Communauté autonome du Pays basque pour l’année de base 2002, le montant à verser par les Territorios Históricos s’élève à 1 034 626 080 euros.
La réglementation fiscale en cause au principal
21 Dans les affaires C-428/06, C-429/06 et C-434/06, les recours en annulation introduits au principal visent la loi forale des Juntas Generales de Vizcaya 7/2005, du 23 juin 2005, dont l’article 2 modifie la loi forale 3/1996, du 26 juin 1996, relative à l’impôt sur les sociétés. Les deux premiers de ces recours tendent à l’annulation des paragraphes 4, 6 et 7 dudit article 2, tandis que le troisième recours ne vise que l’annulation des paragraphes 4 et 6 du même article.
22 L’article 2, paragraphe 4, de la loi forale 7/2005 modifie l’article 29 de la loi forale 3/1996 et fixe le taux de l’impôt sur les sociétés «de façon générale à 32,5 %». La juridiction de renvoi indique que, selon la législation commune de l’État, à savoir l’article 28, paragraphe 1, du texte consolidé de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, approuvé par le décret-loi royal 4/2004, du 5 mars 2004, le taux normal de l’impôt sur les sociétés est de 35 %.
23 L’article 2, paragraphe 6, de la loi forale 7/2005 modifie l’article 37 de la loi forale 3/1996 et prévoit une déduction de 10 % du montant des investissements qui sont réalisés en immobilisations corporelles neuves et affectés au développement de l’exploitation économique d’une société. Le paragraphe 7 du même article 2 modifie l’article 39 de la loi forale 3/1996 et prévoit une déduction égale à 10 % des montants provenant du résultat comptable de l’exercice, et pouvant être destinée à une «réserve pour investissements productifs et/ou activités de conservation et d’amélioration de l’environnement ou d’économie d’énergie». La juridiction de renvoi précise que de telles possibilités de déduction n’existent pas dans la loi espagnole relative à l’impôt sur les sociétés.
24 Dans les affaires C-430/06 et C-433/06, les recours en annulation introduits au principal visent le Decreto Foral Normativo de Urgencia Fiscal 2/2005 del Consejo de Diputados de Álava, du 24 mai 2005, validé par l’accord des Juntas Generales de Álava, du 13 juin 2005, dont l’article unique modifie, à ses paragraphes 4 et 5, les articles 29 et 37 de la loi forale 24/1996, du 5 juillet 1996, relative à l’impôt sur les sociétés. Le contenu de la norme attaquée dans lesdits recours est le même que celui de la norme en cause dans le recours au principal ayant conduit à la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C-434/06.
25 Dans les affaires C-431/06 et C-432/06, les recours en annulation introduits au principal visent le Decreto Foral 32/2005 de la Diputación foral de Guipúzcoa, du 24 mai 2005, dont l’article unique modifie, à ses paragraphes 3 et 4, les articles 29 et 37 de la loi forale 7/1996, du 4 juillet 1996, relative à l’impôt sur les sociétés. Le contenu de la norme attaquée dans lesdits recours est le même que celui de la norme en cause dans le recours au principal ayant conduit à la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C-434/06.
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
26 Il apparaît que les dispositions attaquées dans les affaires au principal ont été adoptées par les autorités forales après que, par un arrêt rendu le 9 décembre 2004, le Tribunal Supremo eut prononcé, dans le pourvoi en cassation n° 7893/1999, la nullité de plein droit de plusieurs dispositions similaires adoptées par les mêmes autorités au motif que, ces mesures pouvant constituer des aides d’État, elles auraient dû être notifiées à la Commission des Communautés européennes conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE. Les défenderesses au principal indiquent cependant, dans leurs observations écrites présentées devant la Cour, que, en raison du fait que le Tribunal Supremo a statué sans poser de question préjudicielle à la Cour et pour d’autres raisons, un «recurso de amparo» a été formé devant le Tribunal Constitucional à l’encontre de cet arrêt.
27 Dans le cadre des recours en annulation au principal, la juridiction de renvoi se demande si des mesures fiscales de portée générale, n’impliquant pas l’octroi d’un avantage à certaines entreprises ou à certaines productions, doivent être considérées comme «sélectives» et être soumises à la réglementation énoncée aux articles 87 CE et 88 CE, au seul motif qu’elles affectent exclusivement le territoire relevant de la compétence d’une collectivité infraétatique qui est autonome en matière fiscale.
28 La juridiction mentionne à cet égard l’arrêt de la Cour du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C-88/03, Rec. p. I-7115), relatif à des mesures fiscales adoptées par la Région autonome des Açores, et se réfère aux trois conditions de l’autonomie institutionnelle, procédurale et économique précisées par la Cour au point 67 dudit arrêt.
29 Examinant si le Pays basque et ses Territorios Históricos remplissent ces trois conditions, la juridiction de renvoi expose qu’elle n’a pas de doute quant à l’existence d’une autonomie institutionnelle.
30 En revanche, elle se demande si la procédure formelle d’élaboration de la réglementation fiscale au Pays basque répond au critère de l’autonomie procédurale. Certes, cette procédure n’est pas soumise à l’intervention directe du gouvernement central, mais celui-ci dispose de mécanismes de conciliation non coercitifs, réciproques et paritaires destinés à assurer, une fois que les projets sont connus, l’examen de leur compatibilité avec l’accord économique adopté par les parties, en vue de garantir l’adéquation des réglementations approuvées par celles-ci aux règles convenues entre les administrations centrale et régionale, règles qui sont élevées au rang de lois. Par ailleurs, du point de vue des objectifs poursuivis par la réglementation fiscale autonome et de l’obligation qui incombe à l’administration basque, le cas échéant, de «tenir compte de l’intérêt national lors de la fixation du taux d’imposition», l’accord économique énonce à son article 3 certaines limites négatives relatives à la pression fiscale effective globale, aux libertés de circulation et d’établissement ainsi qu’à l’absence d’effets discriminatoires. Ces limites peuvent donner lieu à un contrôle juridictionnel a posteriori des dispositions fiscales mises en vigueur, lequel est destiné à vérifier leur conformité avec les règles ou les lignes directrices susmentionnées.
31 S’agissant du critère de l’autonomie économique, la juridiction de renvoi se demande si, tout en étant une entité fiscalement responsable, le Pays basque dispose néanmoins de suffisamment de compétences pour répondre à ce critère. Cette juridiction indique à cet égard que le niveau de compétence du Pays basque, tout en étant très élevé par rapport aux autres formes d’autonomie régionale dans le contexte européen, est toutefois limité par l’existence de compétences exclusives de l’État dans des domaines ayant une incidence économique sur le Pays basque, tels que le système monétaire, les bases et la coordination de la planification générale de l’activité économique, le régime économique de la sécurité sociale et les travaux publics d’intérêt général, parmi d’autres domaines de compétence mentionnés à l’article 149 de la Constitution. Pour cette raison, l’existence d’un cadre économique distinct à l’intérieur du Pays basque devrait être relativisée et conçue en fonction de certaines exigences fondamentales d’unité du marché ou d’unité de l’ordre économique, lesquelles constitueraient des limites consubstantielles au système des communautés autonomes espagnoles, selon la jurisprudence du Tribunal Constitucional (voir, notamment, arrêts nos 96/1984, du 19 octobre 1984, et 96/2002, du 25 avril 2002).
32 Eu égard à ces éléments, le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Autónoma del País Vasco a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante, laquelle est formulée dans des termes identiques dans les affaires C-428/06, C-429/06 et C-434/06):
«L’article 87, paragraphe 1, CE doit-il être interprété en ce sens que les mesures fiscales adoptées par les Juntas Generales del Territorio Histórico de Vizcaya, modifiant les articles 29, paragraphe 1, sous a), 37 et 39 de la réglementation relative à l’impôt sur les sociétés, doivent être considérées comme sélectives et, partant, constituent, au sens de la disposition susmentionnée, des aides d’État devant être notifiées à la Commission en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE, au motif qu’elles fixent un taux d’imposition inférieur au taux général défini par la législation de l’État espagnol et instaurent des déductions fiscales qui n’existent pas dans l’ordre juridique fiscal étatique et qui sont applicables sur le territoire de cette collectivité infraétatique autonome?»
33 Dans les affaires C-430/06 à C-433/06, la question préjudicielle est la même que celle énoncée au point précédent, mais elle porte sur les lois forales pertinentes d’Álava et de Guipúzcoa.
34 Par ordonnance du président de la Cour du 30 novembre 2006, les affaires C-428/06 à C-434/06 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.
Sur la recevabilité des demandes de décision préjudicielle
Observations soumises à la Cour
35 La Comunidad Autónoma de La Rioja soutient que les demandes de décision préjudicielle ne sont pas recevables car la réponse à la question posée ne serait pas nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de rendre ses jugements. En effet, par ordonnance du 14 novembre 2005, confirmée par une ordonnance ultérieure du 17 mars 2006, adoptées toutes deux dans le cadre de la procédure incidente d’exécution de l’arrêt prononcé par le Tribunal Supremo le 9 décembre 2004 (exécution n° 3753/96-1), le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Autónoma del País Vasco aurait déjà annulé certaines des dispositions attaquées au principal, à savoir l’article 29 des différentes lois forales modifiées relatives au taux de l’impôt sur les sociétés et l’article 39 modifié de la loi forale 3/1996, en considérant que ces dispositions allaient à l’encontre dudit arrêt et qu’elles avaient été adoptées dans le but d’éviter l’exécution de celui-ci. Quant aux deux ordonnances susmentionnées, elles feraient actuellement l’objet de pourvois en cassation.
36 Par lettre du 23 janvier 2008, la Comunidad Autónoma de La Rioja a cependant indiqué à la Cour qu’elle retirait sa demande tendant à ce que les demandes de décision préjudicielle soient déclarées irrecevables.
37 L’UGT-Rioja soutient également que lesdites demandes ne sont pas recevables dès lors qu’il n’existerait pas le moindre doute quant au fait que les mesures fiscales en cause au principal constituent des aides d’État. Elle se réfère à cet égard à l’arrêt du Tribunal Supremo et à certaines décisions de la Commission relatives à des dispositions fiscales adoptées par les Territorios Históricos et qui sont analogues auxdites mesures.
38 Confebask fait également valoir que les demandes de décision préjudicielle n’étaient pas nécessaires dès lors que l’arrêt Portugal/Commission, précité, est très clair et qu’il ne fait pas de doute que les mesures fiscales en cause au principal ne constituent pas des aides d’État.
Appréciation de la Cour
39 Il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 234 CE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt de la Cour rendu à titre préjudiciel (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1995, Zabala Erasun e.a., C-422/93 à C-424/93, Rec. p. I-1567, point 28; du 12 mars 1998, Djabali, C-314/96, Rec. p. I-1149, point 18, et du 20 janvier 2005, García Blanco, C-225/02, Rec. p. I-523, point 27).
40 L’existence d’un litige au principal étant une condition de la compétence de la Cour, celle-ci est susceptible de la vérifier d’office. Il s’ensuit que le retrait de la demande d’irrecevabilité de la question préjudicielle, effectué par la Comunidad Autónoma de La Rioja, est sans incidence sur cette vérification.
41 En l’espèce, il ne ressort d’aucun des éléments fournis à la Cour que les litiges au principal, à la suite de l’annulation de certaines des dispositions attaquées au principal, n’auraient plus d’objet ni que la réponse aux demandes de décision préjudicielle ne serait plus nécessaire à la juridiction de renvoi pour rendre ses jugements dans les affaires dont elle est saisie.
42 S’agissant de la clarté alléguée de la réponse à la question posée, il y a lieu de rappeler que, lorsque la réponse à une question préjudicielle peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsqu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, d’une part, une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel n’est pas tenue, dans certaines circonstances, de poser une question préjudicielle (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, Rec. p. 3415, points 14 et 16 à 20) et, d’autre part, la Cour peut statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, de son règlement de procédure.
43 Toutefois, ces circonstances n’interdisent en aucune manière à une juridiction nationale de poser à la Cour une question préjudicielle (voir, en ce sens, arrêt Cilfit e.a., précité, point 15) et n’ont pas pour effet de rendre la Cour incompétente pour statuer sur une telle question.
44 En tout état de cause, il y a lieu de constater que, pour l’UGT-Rioja, il ne fait pas de doute que les mesures fiscales en cause au principal constituent des aides d’État, tandis que, pour Confebask, il n’est pas douteux que ces mesures ne constituent pas de telles aides. Cette appréciation contradictoire desdites mesures fiscales au regard des dispositions du traité CE suffit à démontrer la nécessité de répondre aux demandes de décision préjudicielle.
Sur la question préjudicielle
45 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 87, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens que des mesures fiscales telles que celles en cause au principal, qui ont été adoptées par des entités infraétatiques, doivent être considérées comme des mesures sélectives et, partant, comme des aides d’État au sens de cette disposition au seul motif qu’elles ne s’appliquent pas à l’ensemble du territoire de l’État membre concerné.
46 Ainsi que la Cour l’a indiqué au point 56 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, aux fins d’apprécier la sélectivité d’une mesure, il convient d’examiner si, dans le cadre d’un régime juridique donné, ladite mesure constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport à d’autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable.
47 À cet égard, le cadre de référence ne doit pas nécessairement être défini dans les limites du territoire de l’État membre concerné, en sorte qu’une mesure octroyant un avantage dans une partie seulement du territoire national n’est pas de ce seul fait sélective au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêt Portugal/Commission, précité, point 57).
48 Il ne saurait être exclu qu’une entité infraétatique dispose d’un statut de droit et de fait la rendant suffisamment autonome par rapport au gouvernement central d’un État membre pour que, par les mesures qu’elle adopte, ce soit cette entité, et non le gouvernement central, qui joue un rôle fondamental dans la définition de l’environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises (arrêt Portugal/Commission, précité, point 58).
49 La Cour a évoqué, au point 65 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, la situation dans laquelle une autorité régionale ou locale arrête, dans l’exercice de pouvoirs suffisamment autonomes par rapport au pouvoir central, un taux d’imposition qui est inférieur au taux national et qui est applicable uniquement aux entreprises présentes sur le territoire relevant de sa compétence.
50 Dans cette dernière situation, le cadre juridique pertinent pour apprécier la sélectivité d’une mesure fiscale pourrait se limiter à la zone géographique concernée dans le cas où l’entité infraétatique, notamment en raison de son statut et de ses pouvoirs, occupe un rôle fondamental dans la définition de l’environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises présentes sur le territoire relevant de sa compétence (arrêt Portugal/Commission précité, point 66).
51 Pour qu’une décision prise par une autorité régionale ou locale puisse être considérée comme ayant été adoptée dans l’exercice de pouvoirs suffisamment autonomes de cette autorité, il faut tout d’abord que cette dernière soit dotée, sur le plan constitutionnel, d’un statut politique et administratif distinct de celui du gouvernement central. Ensuite, la décision doit avoir été adoptée sans que le gouvernement central puisse intervenir directement sur son contenu. Enfin, les conséquences financières d’une réduction du taux d’imposition national applicable aux entreprises présentes dans la région ne doivent pas être compensées par des concours ou des subventions en provenance des autres régions ou du gouvernement central (arrêt Portugal/Commission, précité, point 67). Ces trois conditions sont communément considérées comme les critères de l’autonomie institutionnelle, procédurale ainsi qu’économique et financière.
52 La Cour a conclu, au point 68 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, qu’une autonomie politique et fiscale par rapport au gouvernement central qui est suffisante en ce qui concerne l’application des règles communautaires relatives aux aides d’État suppose non seulement que l’entité infraétatique dispose de la compétence pour adopter, sur le territoire qui relève de sa compétence, des mesures de réduction du taux d’imposition indépendamment de toute considération liée au comportement de l’État central, mais également qu’elle assume, en outre, les conséquences politiques et financières d’une telle mesure.
Sur l’absence de condition préalable
53 Contrairement à ce que soutient la Commission, les points 58 et 66 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, n’instaurent aucune condition préalable à la mise en œuvre des trois critères précisés au point 67 du même arrêt.
54 Le libellé même du point 58 dudit arrêt ne permet aucun doute à cet égard. La Cour y indique en effet qu’il n’est pas exclu qu’une entité infraétatique soit suffisamment autonome par rapport au gouvernement central pour que ce soit cette dernière qui joue un rôle fondamental dans la définition de l’environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises.
55 En d’autres termes, lorsqu’une entité infraétatique est suffisamment autonome, c’est-à-dire lorsqu’elle dispose d’une autonomie du point de vue institutionnel, procédural et économique, elle joue un rôle fondamental dans la définition de l’environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises. Ce rôle fondamental est la conséquence de l’autonomie et non une condition préalable de celle-ci.
56 Le point 66 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, exprime également cette idée de conséquence, puisque la Cour y évoque le cas où une entité infraétatique, «notamment en raison de son statut et de ses pouvoirs», occupe un rôle fondamental dans la définition de l’environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises sur le territoire relevant de sa compétence.
57 Ce point 66 éclaire à suffisance le point 67 du même arrêt, lequel décrit les critères auxquels doit répondre une décision pour être considérée comme ayant été adoptée dans l’exercice de pouvoirs suffisamment autonomes, c’est-à-dire dans des circonstances telles que celles visées audit point 66.
58 Cette interprétation du principe posé par la Cour aux points 54 à 68 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, est confortée par l’examen du contrôle effectué par la Cour dans le même arrêt. À cet égard, il convient de relever que cette dernière a examiné, au point 70 du même arrêt, les critères de l’autonomie institutionnelle et de l’autonomie procédurale et, aux points 71 à 76 de celui-ci, celui de l’autonomie économique.
59 Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 70 de ses conclusions, il ne ressort cependant en aucune manière du contrôle effectué par la Cour que cette dernière aurait examiné si la condition préalable dont l’existence est alléguée par la Commission était remplie.
60 Il s’ensuit que les seules conditions qui doivent être remplies pour que le territoire relevant de la compétence d’une entité infraétatique soit le cadre pertinent pour apprécier si une décision adoptée par cette entité a un caractère sélectif sont les conditions d’autonomie institutionnelle, d’autonomie procédurale ainsi que d’autonomie économique et financière telles que précisées au point 67 de l’arrêt Portugal/Commission, précité.
Sur l’entité infraétatique à prendre en considération
Observations soumises à la Cour
61 Afin de vérifier si les mesures en cause dans les affaires au principal ont été adoptées par une entité infraétatique «suffisamment autonome», il convient au préalable de déterminer quelle est l’entité qui doit être prise en considération.
62 En effet, si la question préjudicielle posée dans chacune des affaires C-428/06 à C-434/06 porte sur les mesures fiscales adoptées par un Territorio Histórico particulier, il importe de relever que, dans son raisonnement expliquant la raison pour laquelle la réponse à une telle question est nécessaire, la juridiction de renvoi évoque tant la Communauté autonome du Pays basque que les Territorios Históricos.
63 Devant la Cour, la Comunidad Autónoma de La Rioja, la Comunidad Autónoma de Castilla y León ainsi que la Commission estiment que ce sont uniquement les Territorios Históricos qu’il faut prendre en considération, puisque ce sont ces entités qui ont adopté les mesures en cause au principal. À cet égard, elles soulignent la compétence réduite de ces entités, l’absence d’autonomie de ces dernières et, dès lors, le caractère sélectif des normes forales contestées.
64 De même que la juridiction de renvoi, les autorités forales et le gouvernement espagnol se réfèrent, pour désigner la même entité infraétatique, tantôt aux Territorios Históricos, tantôt à la Communauté autonome du Pays basque, selon qu’ils visent l’autorité compétente en matière fiscale ou dans d’autres matières.
Réponse de la Cour
65 Ainsi qu’il résulte de l’exposé de la réglementation nationale reproduite dans le présent arrêt, le système institutionnel du Royaume d’Espagne est particulièrement complexe. Par ailleurs, la Cour n’est pas compétente pour interpréter le droit national. L’interprétation de l’article 87, paragraphe 1, CE impose cependant de déterminer l’entité infraétatique qui doit être prise en considération lors de l’appréciation du caractère sélectif d’une mesure fiscale.
66 La Communauté autonome du Pays basque est composée des trois provinces de Álava, de Vizcaya et de Guipúzcoa. Les limites de ces provinces coïncident avec celles des Territorios Históricos, entités qui jouissent de droits d’origine ancienne, dénommés «fueros», leur permettant de lever et de collecter l’impôt. En revanche, de nombreuses autres compétences, notamment en matière économique, sont exercées par la Communauté autonome.
67 Il semble peu douteux que, considérés en tant que tels, les Territorios Históricos ne disposent pas d’une autonomie suffisante au sens des critères énoncés aux points 67 et 68 de l’arrêt Portugal/Commission, précité. En effet, l’existence d’une autonomie politique et fiscale exige que l’entité infraétatique assume les conséquences politiques et financières d’une mesure de réduction de l’impôt. Tel ne saurait être le cas lorsque l’entité n’assume pas la gestion d’un budget, c’est-à-dire qu’elle ne possède pas la maîtrise tant des recettes que des dépenses. Il semble que ce soit la situation dans laquelle se trouvent les Territorios Históricos, qui ne seraient compétents qu’en matière fiscale, les autres compétences relevant de la Communauté autonome du Pays basque.
68 Il n’apparaît cependant pas indispensable, pour une analyse des critères d’autonomie d’une entité infraétatique, de ne prendre en considération que les Territorios Históricos ou, à l’inverse, que la Communauté autonome du Pays basque.
69 Il ressort en effet des explications fournies à la Cour que c’est pour des raisons historiques que les compétences exercées sur le territoire géographique correspondant à la fois aux Territorios Históricos et à la Communauté autonome du Pays basque sont organisées en distinguant la compétence en matière fiscale, conférée aux Territorios Históricos, et les compétences en matière économique, conférées à la Communauté autonome.
70 Pour éviter de conduire à des situations incohérentes, ce partage des compétences impose une collaboration étroite entre les diverses entités.
71 Ainsi, le statut d’autonomie traite des compétences de la Communauté autonome du Pays basque, mais précise également, à son article 41, paragraphe 2, les principes fondamentaux qui doivent être respectés par les autorités forales dont il est plus amplement question dans l’accord économique.
72 Cet accord économique, approuvé par une loi, a été conclu entre la Communauté autonome du Pays basque et l’État espagnol. Il ne traite cependant pas uniquement des compétences de la Communauté autonome, mais comporte de nombreuses dispositions relatives aux Territorios Históricos, qui sont compétents pour de nombreuses matières fiscales.
73 La bonne exécution de l’accord économique est contrôlée par une commission mixte. Selon l’article 61, premier alinéa, de cet accord, cette commission est constituée, d’une part, d’un représentant de chaque gouvernement territorial ainsi que du même nombre de représentants du gouvernement basque et, d’autre part, d’un nombre égal de représentants de l’administration de l’État.
74 De même, la composition de la commission de coordination et d’évaluation normative atteste de la coopération étroite entre les Territorios Históricos et la Communauté autonome du Pays basque. En effet, selon l’article 63 de l’accord économique, cette commission est composée de quatre représentants de l’administration de l’État et de quatre représentants de la Communauté autonome désignés par le gouvernement basque, trois de ces derniers étant nommés sur proposition de chacune des Diputaciones Forales.
75 C’est donc à la fois aux Territorios Históricos et à la Communauté autonome du Pays basque qu’il convient de se référer pour déterminer si l’entité infraétatique constituée tant de ces Territorios Históricos que de cette Communauté dispose d’une autonomie suffisante pour constituer le cadre de référence au regard duquel il y a lieu d’apprécier la sélectivité d’une mesure adoptée par l’un de ces Territorios Históricos.
Sur la pertinence du contrôle juridictionnel
76 Avant d’examiner si les trois critères d’autonomie énoncés au point 67 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, sont remplis dans les affaires au principal, il importe également de préciser à quel titre il y a lieu de prendre en considération le contrôle exercé par les juridictions nationales. Certaines des parties au principal ayant présenté des observations font en effet valoir que les normes forales ont le statut de dispositions administratives et sont soumises au contrôle de légalité des juridictions administratives, ce qui aurait une incidence sur l’autonomie procédurale des Territorios Históricos. D’autres parties estiment, en revanche, que ce contrôle n’est pas pertinent pour l’appréciation des critères d’autonomie.
77 À cet égard, il importe de rappeler que, dans le cadre de l’article 234 CE, la Cour est compétente non pour appliquer le droit communautaire, mais uniquement pour interpréter ou apprécier la validité de celui-ci.
78 Il y a donc lieu non pas de se demander si les normes forales en cause dans les affaires au principal constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, mais bien d’interpréter cette disposition afin de vérifier si une réglementation telle que les normes forales adoptées par les Territorios Históricos dans les limites de leurs compétences peuvent être qualifiées de règles d’application générale au sens de la notion d’aide d’État, telle qu’elle résulte de cette disposition, ou si ces normes ont un caractère sélectif.
79 Il apparaît que les limites des compétences des Territorios Históricos sont établies par la Constitution et d’autres dispositions, telles que le statut d’autonomie et l’accord économique. À cet égard, il y a lieu de prendre en considération ces dispositions telles qu’elles sont interprétées par les juridictions nationales et telles que ces dernières les font respecter. En effet, c’est non pas le contrôle du juge qui est pertinent pour vérifier l’existence d’une autonomie, mais le paramètre que ce juge utilise lorsqu’il effectue son contrôle.
80 Le contrôle de légalité a pour fonction de faire respecter les limites préétablies des compétences de différents pouvoirs, organes ou entités de l’État, mais non de déterminer ces limites. Ainsi que l’a fait valoir le gouvernement espagnol lors de l’audience, l’existence d’un contrôle juridictionnel est inhérente à l’existence d’un État de droit.
81 Si la jurisprudence des juridictions d’un État membre est importante pour connaître les limites des compétences d’une entité infraétatique, c’est en tant que l’interprétation jurisprudentielle fait partie intégrante des normes définissant ces compétences. Toutefois, la décision juridictionnelle se borne à interpréter la norme établissant les limites des compétences d’une telle entité, mais elle ne porte pas atteinte, en principe, à l’exercice de ces compétences à l’intérieur de ces limites.
82 Il s’ensuit que ce sont les normes applicables telles qu’interprétées par les juridictions nationales qui déterminent les limites des compétences d’une entité infraétatique et doivent être prises en considération pour vérifier si cette dernière dispose d’une autonomie suffisante.
83 En conséquence, il ne saurait être valablement conclu à l’absence d’autonomie d’une entité infraétatique au seul motif qu’un contrôle juridictionnel est exercé sur les actes adoptés par cette dernière.
Sur les trois critère d’autonomie
Sur le critère de l’autonomie institutionnelle
– Observations soumises à la Cour
84 Les autorités forales, Confebask ainsi que le gouvernement du Royaume-Uni font part de leur accord avec l’analyse de la juridiction de renvoi pour ce qui concerne l’autonomie institutionnelle. De même, le gouvernement espagnol estime que la première condition est remplie.
85 La Comunidad Autónoma de Castilla y León soutient que les Territorios Históricos ne disposent pas d’une autonomie institutionnelle entière, dès lors qu’ils doivent contribuer aux charges de l’État espagnol. La Comunidad Autónoma de La Rioja rappelle qu’il convient de distinguer les autorités forales, qui ont adopté les mesures fiscales en cause au principal, et la Communauté autonome du Pays basque. Cette dernière, comme les autres communautés autonomes, devrait exercer les compétences qui lui sont conférées par l’État dans le cadre des objectifs de politique économique nationale ou de l’organisation générale de l’économie définis par celui-ci, tandis que ces autorités forales ne disposeraient pas de compétences en matière économique. Sans pour autant contester l’existence d’une autonomie institutionnelle, la Commission relève également les compétences réduites dont disposent les autorités forales qui agiraient, pour l’essentiel, comme un collecteur d’impôts pour d’autres administrations.
– Réponse de la Cour
86 Pour autant que de besoin, les différentes thèses en présence ont été rappelées. Toutefois, il y a lieu, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 75 du présent arrêt, de prendre en considération l’entité infraétatique composée à la fois des Territorios Históricos et de la Communauté autonome du Pays basque.
87 À cet égard, il ressort de l’examen de la Constitution, du statut d’autonomie et de l’accord économique que des entités infraétatiques telles que les Territorios Históricos et la Communauté autonome du Pays basque, dès lors qu’elles sont dotées d’un statut politique et administratif distinct de celui du gouvernement central, satisfont au critère de l’autonomie institutionnelle.
Sur le critère de l’autonomie procédurale
– Observations soumises à la Cour
88 La Comunidad Autónoma de La Rioja et la Comunidad Autónoma de Castilla y León ainsi que la Commission soulignent que les autorités forales sont limitées dans l’exercice de leurs compétences, à l’égard tant de l’État central que de la Communauté autonome du Pays basque et entre elles. Un contrôle préalable existerait à cet égard conformément au principe de collaboration avec l’État. La Comunidad Autónoma de Castilla y León insiste sur le rôle de la commission de coordination et d’évaluation normative, dont il est question aux articles 63 et 64 de l’accord économique.
89 Ces parties au principal font également valoir que de nombreux principes constitutionnels ou autres doivent être respectés par les autorités forales, sous le contrôle des juridictions administratives. Ces principes constitueraient des limites matérielles importantes aux pouvoirs de ces autorités. Tel serait le cas du principe de solidarité, consacré à l’article 138 de la Constitution, du principe d’harmonisation fiscale, dont les exigences sont énoncées à l’article 3 de l’accord économique, ainsi que des principes d’égalité, exprimé notamment à l’article 31 de la Constitution, et d’unité du marché.
90 Les autorités forales et Confebask relèvent que l’État n’intervient pas dans l’adoption des normes forales. Il existerait un mécanisme de communication réciproque, mais celui-ci n’aurait qu’un caractère informatif. Même si la commission de coordination et d’évaluation normative rendait une décision négative, cela ne ferait pas obstacle à l’entrée en vigueur des normes forales adoptées, qui ne pourraient être contestées que devant les juridictions nationales.
91 Le gouvernement du Royaume-Uni, de même que le gouvernement italien, considère que des mesures de concertation ne sont pas incompatibles avec la reconnaissance d’une autonomie procédurale. Selon lui, c’est le fait que l’adoption d’une mesure fiscale régionale n’exige pas le consentement de l’État et que celui-ci ne dispose pas du pouvoir d’opposer un veto à cette mesure ou d’infirmer la décision des autorités régionales qui est pertinent.
92 Confebask tire argument d’une différence de formulation entre les conclusions de l’avocat général Geelhoed dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Portugal/Commission, précité, et le libellé de celui-ci pour soutenir qu’il importe peu, lors de la vérification du critère de l’autonomie procédurale, que l’autorité locale soit tenue de prendre en compte des intérêts nationaux. En effet, au point 54 desdites conclusions, il est écrit que «[...] la décision doit être prise par l’autorité locale conformément à une procédure dans laquelle le gouvernement central n’a pas le pouvoir d’intervenir directement sur la fixation du taux d’impôt et l’autorité locale n’est en aucun cas tenue de fixer le taux d’impôt en fonction des intérêts nationaux». En revanche, au point 67 de l’arrêt, la Cour n’aurait pas retenu la dernière partie de la phrase susmentionnée, puisqu’elle se borne à indiquer que la mesure doit avoir été adoptée «sans que le gouvernement central puisse intervenir directement sur son contenu».
93 La Commission soutient, contrairement à Confebask, que le fait de tenir compte des intérêts de l’État est important. Selon cette institution, la condition d’autonomie procédurale ne serait pas remplie si l’entité infraétatique était soumise à l’obligation procédurale de consulter le gouvernement central et/ou à l’obligation matérielle de prendre en considération les répercussions de ses décisions sur l’ensemble du territoire, par exemple afin de respecter les principes d’égalité, de solidarité ou de pression fiscale équivalente.
94 La Commission s’appuie à cet égard sur la dernière phrase du point 68 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, selon lequel l’entité infraétatique devrait disposer de la compétence fiscale «indépendamment de toute considération liée au comportement de l’État central», précision à la lumière de laquelle devrait être interprétée la deuxième condition énoncée au point 67 du même arrêt, à savoir celle selon laquelle la décision prise par l’autorité infraétatique doit avoir été adoptée «sans que le gouvernement central puisse intervenir directement sur son contenu».
– Réponse de la Cour
95 Ainsi qu’il résulte du point 67 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, pour être adoptée dans l’exercice de pouvoirs suffisamment autonomes, une décision de l’autorité infraétatique doit avoir été prise sans que le gouvernement central puisse intervenir directement sur son contenu.
96 Une telle autonomie procédurale n’exclut pas qu’une procédure de concertation soit mise en place en vue de prévenir les conflits, pour autant que la décision finale prise à l’issue de cette procédure est adoptée par l’entité infraétatique et non par le gouvernement central.
97 À cet égard, il ressort de l’article 4, paragraphe 1, de l’accord économique que les autorités forales communiquent à l’administration de l’État les projets de normes forales en matière fiscale et que cette administration fait de même avec ces mêmes autorités.
98 Conformément à l’article 64 du même accord, une commission de coordination et d’évaluation normative composée, pour une moitié, de représentants de l’administration de l’État et, pour l’autre moitié, de représentants de la Communauté autonome du Pays basque peut examiner des projets de normes forales et tenter, par la négociation, d’éliminer d’éventuelles divergences avec la réglementation fiscale applicable dans le reste du territoire espagnol.
99 Ainsi que le relève à juste titre Mme l’avocat général au point 87 de ses conclusions, il ne ressort pas de l’accord économique que, à défaut d’accord au sein de ladite commission, le gouvernement central pourrait imposer l’adoption d’une norme ayant un contenu déterminé.
100 Il y a lieu par ailleurs de relever que la commission de coordination et d’évaluation normative peut examiner non seulement les projets de normes forales, mais également les projets transmis par l’administration de l’État. Cette possibilité montre à suffisance que ladite commission est uniquement un organe consultatif et de conciliation, et non pas un mécanisme par lequel le gouvernement central imposerait sa propre décision dans le cas où un conflit existerait entre un projet de normes forales et la réglementation fiscale de l’État espagnol.
101 S’agissant des différents principes invoqués par la Comunidad Autónoma de La Rioja, la Comunidad Autónoma de Castilla y León ainsi que par la Commission, il n’apparaît pas qu’ils portent atteinte à l’autonomie décisionnelle des Territorios Históricos, mais plutôt qu’ils définissent les limites de celle-ci.
102 Ainsi, le principe de solidarité, défini à l’article 138 de la Constitution et selon lequel «l’État garantit l’application effective du principe de solidarité consacré à l’article 2 de la Constitution, en veillant à l’établissement d’un équilibre économique approprié et juste entre les différentes parties du territoire espagnol […]», ne semble pas porter atteinte à l’autonomie procédurale des Territorios Históricos.
103 En effet, imposer à une entité infraétatique de prendre en considération l’équilibre économique des différentes parties du territoire national lorsqu’elle adopte une norme fiscale définit la limite des compétences de cette entité, même si les notions utilisées pour définir ces limites, telle la notion d’équilibre économique, sont éventuellement développées dans le cadre de l’interprétation propre au contrôle juridictionnel.
104 Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 81 du présent arrêt, le fait que des limites préétablies doivent être respectées lors de l’adoption d’une décision n’implique pas, en principe, qu’il soit porté atteinte à l’autonomie décisionnelle de l’entité qui adopte cette décision.
105 Quant au principe d’harmonisation fiscale, énoncé à l’article 3 de l’accord économique, il impose notamment d’exercer «une pression fiscale effective globale équivalente à celle qui existe dans le reste de l’État» et de respecter et garantir «la liberté de circulation et d’établissement des personnes ainsi que la libre circulation des biens, des capitaux et des services sur tout le territoire espagnol, sans que se produisent des effets discriminatoires, d’atteinte aux règles de concurrence entre entreprises ou de distorsion dans l’allocation des ressources».
106 S’il semble résulter d’un tel principe que les Territorios Históricos ne sont pas dotés d’une compétence de grande amplitude en ce qui concerne la pression fiscale globale susceptible d’être instaurée par les lois forales, puisque celle-ci doit être équivalente à celle qui existe dans le reste de l’État espagnol, il n’est cependant pas contesté que la pression fiscale globale n’est que l’un des éléments à prendre en considération lors de l’adoption d’une norme fiscale. Pour autant qu’ils respectent ce principe, les Territorios Históricos ont donc la faculté d’adopter des dispositions fiscales qui diffèrent à maints égards des dispositions applicables dans le reste dudit État.
107 En tout état de cause, ainsi qu’il résulte du point 67 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, le critère essentiel pour juger de l’existence d’une autonomie procédurale est non pas l’amplitude de la compétence reconnue à l’entité infraétatique, mais la possibilité pour cette entité, en vertu de cette compétence, d’adopter une décision de manière indépendante, c’est-à-dire sans que le gouvernement central puisse intervenir directement sur son contenu.
108 Il s’ensuit que l’obligation, pour une entité infraétatique, de prendre en considération l’intérêt de l’État en vue de respecter les limites des compétences qui sont attribuées à cette entité ne constitue pas, en principe, un élément portant atteinte à l’autonomie procédurale de celle-ci lorsqu’elle adopte une décision dans les limites de ces compétences.
109 Dans les affaires au principal, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort des dispositions nationales applicables et, notamment, des articles 63 et 64 de l’accord économique, il n’apparaît pas que le gouvernement central puisse intervenir directement dans le processus d’adoption d’une norme forale pour faire respecter des principes tels que le principe de solidarité, celui de l’harmonisation fiscale ou d’autres principes tels que ceux invoqués par les requérantes au principal.
110 Toutefois, si la Cour est compétente pour interpréter le droit communautaire, c’est cependant la juridiction nationale qui est compétente pour identifier le droit national applicable et l’interpréter, ainsi que pour appliquer le droit communautaire aux litiges dont elle est saisie. C’est donc à la juridiction de renvoi qu’il incombe, sur le fondement des éléments examinés et de tous autres éléments qu’elle estimerait pertinents, de vérifier si le deuxième critère énoncé au point 67 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, à savoir celui de l’autonomie procédurale, est rempli dans les affaires au principal.
Sur le critère de l’autonomie économique et financière
– Observations soumises à la Cour
111 S’agissant de ce critère, il ressort des observations soumises à la Cour que les auteurs de celles-ci se réfèrent aux points 67 et 68 de l’arrêt Portugal/Commission, précité. La Cour y a jugé, d’une part, que les conséquences financières d’une réduction du taux d’imposition national applicable aux entreprises présentes dans la région ne doivent pas être compensées par des concours ou des subventions en provenance des autres régions ou du gouvernement central et, d’autre part, qu’il n’existe une autonomie économique que lorsque l’entité infraétatique assume les conséquences politiques et financières d’une mesure de réduction des impôts. Plusieurs des observations soumises à la Cour traitent de la détermination de la quote-part et des conséquences à en tirer en ce qui concerne l’autonomie économique et financière de la Communauté autonome du Pays basque ainsi que des Territorios Históricos.
112 La Comunidad Autónoma de La Rioja et la Comunidad Autónoma de Castilla y León font valoir que les Territorios Históricos ne disposent pas d’une autonomie économique, notamment en raison des différents principes imposés par la Constitution et par l’accord économique.
113 Les autorités forales, en revanche, font valoir que le système fiscal des Territorios Históricos est fondé sur les deux piliers que constituent, d’une part, l’autonomie fiscale ainsi que la responsabilité et, d’autre part, le principe de risque unilatéral.
114 Examinant la motivation des décisions de renvoi, Confebask relève que, selon la juridiction nationale, le critère de l’autonomie économique exigerait une différenciation économique entre le territoire autonome et le reste de l’État espagnol en matière fiscale, de sorte qu’un éventuel principe d’unité du marché pourrait remettre en cause l’existence d’une autonomie réelle. Confebask souligne cependant que l’arrêt Portugal/Commission, précité, n’exige en aucun cas la présence d’un élément tel qu’un «cadre économique distinct», réalité qui n’existe même pas parmi les États membres de la Communauté européenne, laquelle constitue une unité économique et sociale largement intégrée. Le seul élément pertinent serait celui selon lequel la charge fiscale inférieure applicable dans une région déterminée ne doit pas être financée par un transfert en provenance du gouvernement central, ce qui implique que les risques politiques et économiques des décisions prises en matière fiscale par l’entité infraétatique soient assumés par cette dernière, une telle exigence étant dénommée, en droit espagnol, «principe de la responsabilité fiscale». Tel serait le cas pour ce qui concerne les Territorios Históricos, la responsabilité fiscale étant consubstantielle au régime de concertation économique.
115 Le gouvernement espagnol examine le système de la quote-part et relève que, bien qu’il existe divers flux financiers entre l’État espagnol et la Communauté autonome du Pays basque, il existe également une contribution nette de cette dernière au profit du ministère des Finances espagnol, laquelle est destinée au financement des matières assumées par l’État et qui ne le sont pas par le Pays basque. Il insiste sur le fait que les modifications fiscales adoptées par les institutions compétentes des Territorios Históricos n’altèrent ni les flux financiers entre l’État et le Pays basque ni la quantification des services fournis par l’État. Il en conclut que du point de vue tant politique qu’économique, les Territorios Históricos assument les conséquences de leurs décisions en matière fiscale.
116 Le gouvernement italien estime que le fait que l’État espagnol ait une compétence exclusive dans des secteurs comme le système monétaire, les bases et la coordination de la planification générale de l’activité économique, le régime économique de la sécurité sociale ainsi que les travaux publics d’intérêt général ne met pas en cause l’existence d’un degré d’autonomie économique et financière suffisant.
117 Le gouvernement du Royaume-Uni considère que le fait que l’État espagnol conserve un certain contrôle sur le cadre économique général et l’existence d’une quote-part contributive aux charges assumées par cet État ne semblent pas incompatibles avec le critère de l’autonomie économique et financière, pour autant que le taux d’imposition n’a pas d’incidence sur le montant de cette quote-part.
118 La Commission fait valoir, premièrement, que, lorsqu’il s’agit d’examiner si une mesure fiscale constitue ou non une aide d’État, il ne convient pas de tenir compte de l’effet d’appel, à savoir la création d’entreprises et, donc, l’augmentation des recettes fiscales que pourrait provoquer une baisse des impôts, un tel effet ne pouvant pas être déterminé a priori. En tout état de cause, le caractère d’aide d’État d’une mesure doit être apprécié au cas par cas, au niveau de l’entreprise bénéficiaire à un moment donné. Elle relève, deuxièmement, que l’examen de l’autonomie économique d’un territoire donné implique l’analyse de tous les mécanismes de transferts financiers et des mécanismes de solidarité, même s’ils ne se présentent pas comme tels (par exemple le mécanisme de la caisse unique de la sécurité sociale, la garantie par l’État d’un service public minimal, etc.). La Commission souligne, troisièmement, que ce sont non pas les objectifs des interventions étatiques qui doivent être pris en considération pour vérifier si une mesure fiscale s’analyse comme une aide d’État, mais les effets de cette mesure. Elle rappelle, dans ce contexte, que le fait qu’un territoire soit doté de vastes compétences en matière fiscale et possède la maîtrise de ses recettes n’implique pas nécessairement qu’il joue un rôle fondamental dans la définition de l’environnement économique.
119 La Commission souligne à cet égard l’importance du principe constitutionnel de solidarité, qui constitue une limite à l’autonomie financière des Territorios Históricos et doit garantir des services d’un niveau minimal sur l’ensemble du territoire espagnol.
120 La Commission examine plus particulièrement le Fonds de compensation interterritorial, prévu à l’article 158, paragraphe 2, de la Constitution. Selon elle, l’existence même de ce Fonds indique que les Territorios Históricos n’assument pas les conséquences financières d’une décision portant sur la diminution du taux de l’impôt ou l’augmentation des déductions autorisées. S’agissant de la quote-part, elle conclut de l’analyse du mécanisme de celle-ci qu’elle est calculée en fonction du revenu relatif des Territorios Históricos par rapport à celui de l’État et que, par conséquent, elle constitue un mécanisme de solidarité. Il existerait par ailleurs d’autres transferts financiers, tels que les ajustements et les compensations au titre des impôts directs et indirects, qui constitueraient également des mécanismes de solidarité, dès lors que certaines compensations seraient calculées en fonction dudit revenu relatif.
121 S’agissant de la sécurité sociale, la Commission invoque un rapport du ministère de l’Emploi et des Affaires sociales relatif aux années 1999-2005. En matière de retraites, par exemple, le système aurait présenté, en 2005, un déficit de 311 millions d’euros dans la Communauté autonome du Pays basque. La Commission en conclut que les prestations de la sécurité sociale sont financées par les autres communautés autonomes. Le financement des déficits faisant partie des compétences non assumées, la Communauté autonome du Pays basque y contribuerait par la quote-part. Or, dès lors que celle-ci serait calculée sur le revenu relatif de cette Communauté, le système institué pour pallier le déficit de la sécurité sociale constituerait un mécanisme de solidarité.
122 Eu égard à l’ensemble des éléments exposés, la Commission conclut que les Territorios Históricos n’assument pas toutes les conséquences financières des mesures de réduction du taux d’imposition ou d’augmentation des déductions autorisées. Par conséquent, la troisième condition énoncée au point 67 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, ne serait pas remplie.
– Réponse de la Cour
123 Ainsi qu’il résulte du point 67 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, une condition pour qu’une entité infraétatique jouisse d’une autonomie économique et financière est que les conséquences financières d’une réduction du taux d’imposition applicable aux entreprises présentes dans la région ne soient pas compensées par des concours ou des subventions en provenance des autres régions ou du gouvernement central.
124 Les transferts financiers entre l’État espagnol et la Communauté autonome du Pays basque sont réglementés par l’accord économique et par la loi de 2002 relative à la quote-part. Il convient dès lors d’examiner ces dispositions en premier lieu, afin de vérifier si elles peuvent avoir pour effet la compensation, par l’État espagnol, des conséquences financières d’une mesure fiscale adoptée par les autorités forales.
125 La méthode de calcul de la quote-part est particulièrement complexe. La première étape de ce calcul consisterait à évaluer les montants des charges assumées par l’État dans l’ensemble du Royaume d’Espagne concernant les compétences non assumées par la Communauté autonome du Pays basque. À ce montant serait appliqué un coefficient d’imputation qui doit refléter, en principe, le poids relatif de l’économie basque dans l’ensemble du Royaume d’Espagne. Enfin, il serait procédé à divers ajustements visant à perfectionner l’estimation des recettes perçues par les différentes entités au titre de divers impôts.
126 Il ressort des observations présentées devant la Cour que le montant des recettes fiscales des Territorios Históricos n’a pas d’incidence sur la première étape du calcul, qui consiste exclusivement en une évaluation de diverses charges assumées par l’État espagnol. Quant aux ajustements, ce ne serait que de manière indirecte qu’ils pourraient être affectés par une norme forale instaurant une fiscalité plus favorable pour les contribuables relevant de l’application de cette norme.
127 L’une des données essentielles du calcul de la quote-part serait le coefficient d’imputation, actuellement fixé à 6,24 %. À cet égard, il est ressorti des débats devant la Cour que, si ce coefficient est déterminé à partir de données économiques, il est cependant fixé lors de négociations essentiellement politiques entre l’État espagnol et la Communauté autonome du Pays basque. Une décision de réduction du taux d’imposition n’aurait donc pas nécessairement d’incidence sur le taux de ce coefficient.
128 Lors de l’audience, la Commission a mis en cause le coefficient d’imputation actuel, en considérant qu’il est sous-évalué et que, en conséquence, les Territorios Históricos contribuent moins qu’ils ne le devraient aux charges de l’État. Il importe cependant une nouvelle fois de rappeler que la Cour n’est compétente que pour interpréter l’article 87, paragraphe 1, CE et non pour juger, dans les affaires au principal, si le coefficient d’imputation calculé en application de la loi de 2002 relative à la quote-part l’a été de manière correcte sur le plan économique ou s’il est sous-évalué.
129 Il convient cependant de relever qu’une sous-évaluation dudit coefficient ne pourrait constituer qu’un indice d’une absence d’autonomie économique des Territorios Históricos. Or, il doit exister une compensation, c’est-à-dire un lien de cause à effet entre une mesure fiscale adoptée par les autorités forales et les montants mis à la charge de l’État espagnol.
130 Ainsi qu’il a été exposé devant la Cour, le coefficient d’imputation est fixé à partir de données économiques lors de négociations politiques auxquelles participe l’État espagnol et dans le cadre desquelles celui-ci défend l’intérêt national ainsi que celui des autres régions du Royaume d’Espagne. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si un tel processus de fixation a pour objet de permettre au gouvernement central de compenser le coût d’une subvention ou d’une mesure fiscale favorable aux entreprises adoptée par les Territorios Históricos.
131 De même, il appartient à cette juridiction d’examiner les effets de ce processus et de vérifier si, en raison de la méthodologie adoptée et des données économiques prises en considération, la fixation du coefficient d’imputation et, de manière plus générale, le calcul de la quote-part peut avoir pour effet de faire compenser, par l’État espagnol, les conséquences d’une mesure fiscale adoptée par les autorités forales.
132 Dans ses observations écrites, la Commission allègue également qu’il existe de nombreux autres transferts financiers compensant les mesures fiscales de réduction d’impôts, tels que ceux résultant de l’existence d’une caisse unique de sécurité sociale, d’un service public minimal assuré par l’État ou du Fonds de compensation interterritorial. Il a en outre été fait état, lors de l’audience, de transferts et de subventions de montants considérables à des organismes publics de la Communauté autonome du Pays basque, dont il ne serait pas tenu compte dans le calcul de la quote-part.
133 À cet égard, si une compensation financière peut être déclarée et spécifique, elle pourrait également être occulte et ne résulter que de l’examen concret des flux financiers existant entre l’entité infraétatique concernée, l’État membre dont celle-ci relève et les autres régions de ce dernier.
134 Cet examen peut en effet indiquer qu’une décision de réduction d’impôt adoptée par l’entité infraétatique a pour conséquence des transferts financiers plus importants à son profit, en raison des modes de calcul utilisés pour déterminer les montants à transférer.
135 Toutefois, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé en substance au point 109 de ses conclusions, et contrairement à ce que semble soutenir la Commission, le simple fait qu’il ressorte d’une appréciation globale des relations financières entre l’État central et ses entités infraétatiques qu’il existe des transferts financiers dudit État vers ces dernières ne saurait, en tant que tel, suffire à démontrer que ces entités n’assument pas les conséquences financières des mesures fiscales qu’elles adoptent et, partant, qu’elles ne jouissent pas d’une autonomie financière, dès lors que de tels transferts peuvent s’expliquer par des motifs qui ne présentent aucun lien avec lesdites mesures fiscales.
136 Dans les affaires au principal, il n’est pas contesté que les compétences des Territorios Históricos ont pour limites, notamment, les différents principes invoqués devant la Cour et, plus particulièrement, celui de l’harmonisation fiscale.
137 Compte tenu de ces limites, il importe d’examiner si des normes forales adoptées par les Territorios Históricos pourraient entraîner des compensations occultes dans des secteurs tels que la sécurité sociale ou la garantie, par l’État espagnol, d’un service public minimal, ou même dans le fonctionnement du Fonds de compensation interterritorial, ainsi que l’affirme notamment la Commission. À cet égard, il convient de constater que cette dernière n’a pas explicité ses allégations de manière précise.
138 Enfin, quant à l’argument de la Commission, souligné lors de l’audience, selon lequel les mesures fiscales litigieuses ne s’appliquent pas à toutes les entreprises établies ou à toutes les productions réalisées dans les Territorios Históricos, il suffit de constater qu’il ne saurait affecter l’analyse qui précède dès lors qu’il est constant que, conformément à ce qu’a jugé la Cour au point 62 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, lesdites mesures s’appliquent à toutes les entreprises ou à toutes les productions qui relèvent, conformément à la règle de répartition de la compétence fiscale établie par l’État membre concerné et cette entité infraétatique, de la compétence de cette dernière.
139 En tout état de cause, ce n’est pas à la Cour qu’il appartient de dire si les normes forales en cause dans les affaires au principal constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. En effet, une telle opération de qualification impliquerait que la Cour procède à la détermination, à l’interprétation et à l’application du droit national pertinent, ainsi qu’à un examen des faits, tâches qui relèvent de la compétence de la juridiction de renvoi, alors que la Cour est uniquement compétente pour interpréter la notion d’aide d’État au sens de cette disposition, afin de donner à ladite juridiction des critères lui permettant de trancher les litiges portés devant elle.
140 Il y a dès lors lieu de conclure que, sur le fondement des éléments examinés et de tous autres éléments que la juridiction de renvoi estimerait pertinents, il appartient à cette dernière de vérifier si les Territorios Históricos assument les conséquences politiques et financières d’une mesure fiscale adoptée dans les limites des compétences qui leur sont conférées.
Conclusion en ce qui concerne les trois critères énoncés au point 51 du présent arrêt
141 Déterminer si des normes forales adoptées par les Territorios Históricos constituent une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE impose de vérifier si ces Territorios Históricos et la Communauté autonome du Pays basque disposent d’une autonomie institutionnelle, procédurale et économique suffisante pour qu’une norme adoptée par ces autorités dans les limites des compétences qui leur sont conférées soit considérée comme d’application générale au sein de cette entité infraétatique et n’ait pas un caractère sélectif au sens de la notion d’aide d’État visée à l’article 87, paragraphe 1, CE.
142 Cette vérification ne peut être effectuée qu’après un contrôle préalable permettant d’assurer que les Territorios Históricos et la Communauté autonome du Pays basque respectent les limites de leurs compétences puisque les règles relatives, notamment, aux transferts financiers ont été élaborées en fonction de ces compétences telles que définies.
143 La constatation d’une violation des limites de ces compétences pourrait en effet mettre en cause le résultat de l’analyse effectuée sur le fondement de l’article 87, paragraphe 1, CE, dès lors que le cadre de référence pour apprécier le caractère sélectif de la norme d’application générale dans l’entité infraétatique ne serait plus nécessairement constitué par les Territorios Históricos et la Communauté autonome du Pays basque, mais pourrait, le cas échéant, être étendu à l’ensemble du territoire espagnol.
144 Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 87, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens que, pour l’appréciation du caractère sélectif d’une mesure, il est tenu compte de l’autonomie institutionnelle, procédurale et économique dont jouit l’autorité qui adopte cette mesure. Il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour identifier le droit national applicable et l’interpréter, ainsi que pour appliquer le droit communautaire aux litiges dont elle est saisie, de vérifier si les Territorios Históricos et la Communauté autonome du Pays basque jouissent d’une telle autonomie, ce qui aurait pour conséquence que les normes adoptées dans les limites des compétences qui sont octroyées à ces entités infraétatiques par la Constitution et les autres dispositions du droit espagnol n’ont pas un caractère sélectif au sens de la notion d’aide d’État telle que visée à l’article 87, paragraphe 1, CE.
Sur les dépens
145 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
L’article 87, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens que, pour l’appréciation du caractère sélectif d’une mesure, il est tenu compte de l’autonomie institutionnelle, procédurale et économique dont jouit l’autorité qui adopte cette mesure. Il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour identifier le droit national applicable et l’interpréter, ainsi que pour appliquer le droit communautaire aux litiges dont elle est saisie, de vérifier si les Territorios Históricos et la Communauté autonome du Pays basque jouissent d’une telle autonomie, ce qui aurait pour conséquence que les normes adoptées dans les limites des compétences qui sont octroyées à ces entités infraétatiques par la Constitution espagnole de 1978 et les autres dispositions du droit espagnol n’ont pas un caractère sélectif au sens de la notion d’aide d’État telle que visée à l’article 87, paragraphe 1, CE.
Signatures
* Langue de procédure: l’espagnol.