Available languages

Taxonomy tags

Info

References in this case

References to this case

Share

Highlight in text

Go

Affaire C-451/06

Gabriele Walderdorff

contre

Finanzamt Waldviertel

(demande de décision préjudicielle, introduite par

l' Unabhängiger Finanzsenat, Außenstelle Wien)

«Sixième directive TVA — Article 13, B, sous b) — Exonération — Opérations d’affermage et de location de biens immeubles — Location d’un droit de pêche»

Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 18 juillet 2007 

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 6 décembre 2007 

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Exonérations prévues par la sixième directive — Exonération de l'affermage et de la location de biens immeubles

(Directive du Conseil 77/388, art. 13, B, b))

L'article 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens que la concession à titre onéreux du droit de pratiquer la pêche, en vertu d'un contrat de location conclu pour une durée de dix ans, par le propriétaire du plan d'eau pour lequel ce droit a été accordé ainsi que par le titulaire du droit de pêche dans un plan d'eau relevant du domaine public, ne constitue pas un affermage ni une location de biens immeubles, dans la mesure où cette concession ne confère pas le droit d'occuper le bien immeuble concerné et d'exclure toute autre personne du bénéfice d'un tel droit.

(cf. point 23 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 décembre 2007 (*)

«Sixième directive TVA – Article 13, B, sous b) – Exonération – Opérations d’affermage et de location de biens immeubles – Location d’un droit de pêche»

Dans l’affaire C-451/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Unabhängiger Finanzsenat, Außenstelle Wien (Autriche), par décision du 24 octobre 2006, parvenue à la Cour le 6 novembre 2006, dans la procédure

Gabriele Walderdorff

contre

Finanzamt Waldviertel,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. U. Lõhmus (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 juillet 2007,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Walderdorff au Finanzamt Waldviertel (ci-après le «Finanzamt»), au sujet de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») d’opérations de location d’un droit de pêche.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       L’article 2, point 1, de la sixième directive prévoit que sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

4       Aux termes de l’article 13, B, de la sixième directive:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[…]

b)      l’affermage et la location de biens immeubles, à l’exception:

1.      des opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper;

2.      des locations d’emplacement pour le stationnement des véhicules;

3.      des locations d’outillages et de machines fixés à demeure;

4.      des locations de coffres-forts.

Les États membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d’application de cette exonération.

[…]»

 La réglementation nationale

5       Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires de 1994 (Umsatzsteuergesetz 1994, BGBl. 663/1994, ci-après l’«UStG»), sont soumises à la taxe sur le chiffre d’affaires les livraisons et les prestations de services qu’un entrepreneur accomplit en Autriche à titre onéreux dans le cadre de son entreprise.

6       Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, point 16, de l’UStG sont exonérées:

«la location et l’affermage de biens immeubles, de titres auxquels s’appliquent les dispositions du droit civil relatives aux biens immeubles et de propriétés foncières et immobilières de l’État; la concession de l’usage de locaux professionnels ou autres locaux en vertu de contrats de jouissance est considérée comme une location ou un affermage de biens immeubles. La consommation personnelle est également exonérée. Ne sont pas exonérés:

–       la location (concession de l’usage) de biens immeubles à des fins d’habitation, à l’exception de la consommation personnelle;

–       la location et l’affermage de machines et autres outillages de toute nature, qui font partie des installations d’une entreprise, même s’ils constituent des éléments essentiels d’un immeuble;

–       l’hébergement dans des locaux d’habitation et des chambres à coucher aménagés à cette fin;

–       la location (concession de l’usage) de locaux ou de places destinés au stationnement de véhicules de toute nature;

–        la location (concession de l’usage) de terrains aménagés pour camper».

 Le litige au principal et la question préjudicielle

7       Mme Walderdorff dirige une exploitation agricole et forestière en Autriche. Les opérations réalisées par l’intéressée dans le cadre de son activité économique sont soumises au régime général en matière de TVA.

8       Le 21 novembre 1995, Mme Walderdorff a conclu avec le Sportfischereiverein Zwettl (société de pêche sportive de Zwettl, ci-après la «société de pêche») un contrat d’une durée de dix ans. Selon ce contrat, la société de pêche bénéficiait, contre rémunération, du droit de pêcher, d’une part, dans deux étangs situés dans l’exploitation de Mme Walderdorff, pour lesquels cette dernière dispose d’un droit de pêche en sa qualité de propriétaire et, d’autre part, dans une zone de pêche faisant partie du domaine public sur laquelle Mme Walderdorff dispose d’un droit de pêche enregistré au cadastre (zone «Zwettl I/3»). Ledit contrat de location a été conclu pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2005. Mme Walderdorff n’a pas payé la TVA pour ces opérations de location. Cette taxe n’a pas non plus été facturée au preneur.

9       À la suite d’un contrôle fiscal réalisé au titre des années 1998 à 2000, le Finanzamt a constaté que ces opérations de location devaient être assujetties à la TVA au taux normal, dès lors que les revenus tirés de la location en cause n’étaient pas perçus en raison d’une location d’un droit réel immobilier exonérée en vertu de l’UStG. En effet, selon le Finanzamt le droit de pêche se rapportait à un droit indépendant du sol.

10     C’est ainsi que le 24 mars 2003, le Finanzamt a pris, au titre desdites années, des décisions de redressement à l’encontre de Mme Walderdorff, dans lesquelles il a ajouté aux opérations soumises au taux normal de 20 % la location du droit de pêche. Par lettre du 24 avril 2003, Mme Walderdorff a introduit une réclamation dirigée contre ces décisions, dans laquelle elle a demandé, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, point 16, de l’UStG, l’exonération des opérations de location du droit de pêche.

11     Le Finanzamt a rejeté cette réclamation puis a, sur demande de Mme Walderdorff, porté l’affaire devant l’Unabhängiger Finanzsenat, Außenstelle Wien.

12     Le litige pendant devant cette juridiction porte sur le point de savoir si les redevances versées au titre du contrat conclu entre Mme Walderdorff et la société de pêche sont imposables au taux normal de la TVA en vertu du régime général ou si l’exonération prévue à l’article 6, paragraphe 1, point 16, de l’UStG trouve à s’appliquer.

13     C’est dans ces conditions que l’Unabhängiger Finanzsenat, Außenstelle Wien a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 13, B, sous b), de la sixième directive […] doit-il être interprété en ce sens que la concession à titre onéreux du droit de pratiquer la pêche, en vertu d’un contrat de location conclu pour une durée de dix ans

–       par le propriétaire du bien immeuble sur lequel se situe le plan d’eau pour lequel le droit a été accordé,

–       par le titulaire du droit de pêche sur un plan d’eau relevant du domaine public,

entre dans ‘l’affermage et la location de biens immeubles’?»

 Sur la question préjudicielle

14     Par la question préjudicielle posée, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, B, sous b), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la concession à titre onéreux, en vertu d’un contrat de location conclu pour une durée de dix ans, d’un droit de pratiquer la pêche dans des plans d’eau, par le propriétaire de ces derniers, et dans un plan d’eau relevant du domaine public, par le titulaire du droit de pêche, constitue «un affermage ou une location de biens immeubles» au sens de cette disposition.

15     À titre liminaire, il convient de constater que le contrat conclu entre Mme Walderdorff et la société de pêche porte sur la concession du droit de pêcher dans des plans d’eau. Les opérations de location effectuées en vertu dudit contrat sont donc, en principe, soumises à la TVA conformément à la sixième directive. Il reste à établir si elles relèvent du champ d’application de l’exonération prévue à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive.

16     Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les exonérations prévues à l’article 13 de la sixième directive constituent des notions autonomes du droit communautaire qui doivent dès lors recevoir une définition communautaire (voir arrêts du 12 septembre 2000, Commission/Irlande, C-358/97, Rec. p. I-6301, point 51; du 16 janvier 2003, Maierhofer, C-315/00, Rec. p. I-563, point 25; du 12 juin 2003, Sinclair Collis, C-275/01, Rec. p. I-5965, point 22; du 18 novembre 2004, Temco Europe, C-284/03, Rec. p. I-11237, point 16; du 3 mars 2005, Fonden Marselisborg Lystbådehavn, C-428/02, Rec. p. I-1527, point 27, et 19 avril 2007, Velvet & Steel Immobilien, C-455/05, non encore publié au Recueil, point 15).

17     En l’absence d’une définition des notions d’«affermage» et de «location de biens immeubles» à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, la Cour a défini la location de biens immeubles, au sens de cette disposition, comme le droit donné par le propriétaire d’un immeuble au locataire, contre rémunération et pour une durée convenue, d’occuper cet immeuble et d’exclure toute autre personne du bénéfice d’un tel droit (voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 2001, «Goed Wonen», C-326/99, p. I-6831, point 55; du 9 octobre 2001, Mirror Group, C-409/98, Rec. p. I-7175, point 31, et Cantor Fitzgerald International, C-108/99, Rec. p. I-7257, point 21, ainsi que arrêts précités Commission/Irlande, points 52 à 57; Sinclair Collis, point 25; Temco Europe, point 19, et Fonden Marselisborg Lystbådehavn, point 30).

18     Selon la jurisprudence, les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive, y compris les notions d’«affermage» et de «location de biens immeubles», sont d’interprétation stricte, étant donné que ces exonérations constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (voir, notamment, arrêt du 18 janvier 2001, Stockholm Lindöpark, C-150/99, Rec. p. I-493, point 25, ainsi que arrêts précités Commission/Irlande, points 52 et 55; Sinclair Collis, point 23; Temco Europe, point 17, et Fonden Marselisborg Lystbådehavn, point 29).

19     Dans l’affaire au principal, il est constant que Mme Walderdorff a conclu avec la société de pêche, contre rémunération, un contrat de concession du droit de pratiquer la pêche dans plusieurs surfaces d’eau d’une durée de dix ans. La Cour a déjà jugé qu’une surface en tout ou en partie immergée pouvait elle-même être qualifiée de bien immeuble susceptible de faire l’objet d’une location ou d’un affermage (voir, en ce sens, arrêts Fonden Marselisborg Lystbådehavn, précité, point 34, et du 7 septembre 2006, Heger, C-166/05, Rec. p. I-7749, point 20).

20     Ainsi que l’a relevé à bon droit Mme l’avocat général au point 23 de ses conclusions, tous les éléments de la définition de l’affermage et de la location de biens immeubles, rappelés au point 17 du présent arrêt, doivent être réunis. Il en est ainsi, notamment, de l’élément selon lequel l’affermage ou la location d’un bien immeuble doit conférer le droit d’occuper ledit bien et d’exclure toute autre personne du bénéfice d’un tel droit. Or, tel n’est pas le cas dans le litige au principal.

21     Il ressort de la décision de renvoi que, en vertu du contrat conclu entre Mme Walderdorff et la société de pêche, cette dernière dispose uniquement du droit de pratiquer la pêche dans les plans d’eau concernés. Il ressort également du dossier soumis à la Cour que les termes du contrat de location prévoient que Mme Walderdorff se réserve le droit de pêcher dans ces plans d’eau et d’autoriser chaque jour un invité à y pêcher. Ainsi, en vertu du contrat en cause au principal, la société de pêche ne dispose pas du droit d’exclure toute autre personne du bénéfice du droit d’occuper les plans d’eau dont Mme Walderdorff est propriétaire et celui relevant du domaine public, sur lequel cette dernière dispose d’un droit de pêche enregistré au cadastre.

22     Il y a lieu, par conséquent, de constater, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si un contrat de concession du droit de pratiquer la pêche, tel que celui en cause au principal, porte sur un bien immeuble, que l’un des éléments de la définition des notions communautaires d’affermage et de location de biens immeubles, utilisées dans le cadre du régime communautaire de la TVA, fait défaut en l’espèce, dès lors que le contrat de concession en cause au principal ne confère pas à la société de pêche le droit d’occuper le bien immeuble concerné et d’exclure toute autre personne du bénéfice d’un tel droit.

23     Il convient, dès lors, de répondre à la question posée que l’article 13, B, sous b), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la concession à titre onéreux du droit de pratiquer la pêche, en vertu d’un contrat de location conclu pour une durée de dix ans, par le propriétaire du plan d’eau pour lequel ce droit a été accordé ainsi que par le titulaire du droit de pêche dans un plan d’eau relevant du domaine public, ne constitue pas un affermage ni une location de biens immeubles, dans la mesure où cette concession ne confère pas le droit d’occuper le bien immeuble concerné et d’exclure toute autre personne du bénéfice d’un tel droit.

 Sur les dépens

24     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que la concession à titre onéreux du droit de pratiquer la pêche, en vertu d’un contrat de location conclu pour une durée de dix ans, par le propriétaire du plan d’eau pour lequel ce droit a été accordé ainsi que par le titulaire du droit de pêche dans un plan d’eau relevant du domaine public, ne constitue pas un affermage ni une location de biens immeubles, dans la mesure où cette concession ne confère pas le droit d’occuper le bien immeuble concerné et d’exclure toute autre personne du bénéfice d’un tel droit.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.