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Affaire C-25/07

Alicja Sosnowska

contre

Dyrektor Izby Skarbowej we Wrocławiu Ośrodek Zamiejscowy w Wałbrzychu

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu)

«TVA — Directives 67/227/CEE et 77/388/CEE — Législation nationale fixant les modalités de remboursement de l’excédent de TVA — Principes de neutralité fiscale et de proportionnalité — Mesures particulières dérogatoires»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directive du Conseil 77/388, art. 18, § 4)

L’article 18, paragraphe 4, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, et le principe de proportionnalité s’opposent à une réglementation nationale qui, afin de permettre les contrôles nécessaires pour éviter l’évasion et les fraudes fiscales, porte de 60 à 180 jours, à compter du dépôt de la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée par l’assujetti, le délai dont dispose l’administration fiscale nationale pour rembourser à une catégorie d’assujettis l’excédent de la taxe sur la valeur ajoutée, sauf si ceux-ci déposent une caution d’un montant fixe élevé.

Une législation nationale fixant des modalités de remboursement de l'excédent de la taxe sur la valeur ajoutée plus onéreuses pour une catégorie d'assujettis en raison d'un risque de fraude présumé, sans qu'il soit possible à l'assujetti de démontrer l'absence de fraude ou d'évasion fiscales afin de bénéficier de conditions moins contraignantes, ne constitue pas un moyen proportionné à l'objectif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et affecte excessivement les objectifs et les principes de la sixième directive.

De même, une telle réglementation ne paraît pas conforme à la condition selon laquelle le remboursement de l'excédent de la taxe doit être effectué dans un délai raisonnable. En effet, le délai de remboursement de 180 jours prévu pour la catégorie des nouveaux assujettis, à savoir les assujettis ayant commencé leurs activités depuis moins de 12 mois, est, d'une part, six fois plus long que la période d'un mois de déclaration de taxe et, d'autre part, trois fois plus long que le délai appliqué aux autres assujettis, et cela sans que soit démontrée la nécessité d'instaurer, afin de lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, une différence de traitement d'une telle ampleur.

La possibilité offerte aux nouveaux assujettis de verser une caution afin de bénéficier du délai normal de 60 jours ne saurait remettre en cause ces considérations, dans la mesure où ladite caution n'est proportionnée ni au montant de l'excédent de la taxe à rembourser ni à la taille économique de l'assujetti. En particulier, le dépôt d'une telle caution est susceptible de faire courir un risque financier non négligeable à des entreprises qui viennent de débuter leurs activités et peuvent, de ce fait, ne pas disposer de ressources importantes. En réalité, l'obligation de constituer ladite caution, afin de pouvoir se prévaloir du délai normalement applicable, n'a pour effet que de remplacer la charge financière liée à l'immobilisation pour une durée de 180 jours du montant de l'excédent de la taxe par celle afférente à l'immobilisation du montant de la caution.

(cf. points 24, 26-27, 29-33, disp. 1)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

10 juillet 2008 (*)

«TVA – Directives 67/227/CEE et 77/388/CEE – Législation nationale fixant les modalités de remboursement de l’excédent de TVA – Principes de neutralité fiscale et de proportionnalité – Mesures particulières dérogatoires»

Dans l’affaire C-25/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (Pologne), par décision du 11 décembre 2006, parvenue à la Cour le 25 janvier 2007, dans la procédure

Alicja Sosnowska

contre

Dyrektor Izby Skarbowej we Wrocławiu Ośrodek Zamiejscowy w Wałbrzychu,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano (rapporteur), A. Borg Barthet, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 novembre 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Sosnowska, par M. M. Sworobowicz, doradca podatkowy,

–        pour le gouvernement polonais, par Mmes E. Ośniecka-Tamecka et H. Majszczyk, ainsi que par M. M. Jarosz, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Herrmann et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 février 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte, d’une part, sur l’interprétation de l’article 5, troisième alinéa, CE, lu en combinaison avec l’article 2 de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires (JO 1967, 71, p. 1301), telle que modifiée par la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur le valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «première directive TVA»), et l’article 18, paragraphe 4, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 2005/92/CE du Conseil, du 12 décembre 2005 (JO L 345, p. 19, ci-après la «sixième directive TVA»). Cette demande porte, d’autre part, sur l’interprétation de l’article 27, paragraphe 1, de la sixième directive TVA.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Sosnowska (ci-après la «requérante») au Dyrektor Izby Skarbowej we Wrocławiu Ośrodek Zamiejscowy w Wałbrzychu (directeur de la chambre fiscale de Wrocław, ci-après le «Dyrektor») au sujet d’une demande de remboursement de l’excédent de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») versé par la requérante.

 Cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 2 de la première directive TVA dispose:

«Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel aux prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.

Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée est appliqué jusqu’au stade du commerce de détail inclus.»

4        L’article 18, paragraphe 2, premier alinéa, de la sixième directive TVA énonce:

«La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration, du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu du paragraphe 1, au cours de la même période.

[…]»

5        L’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, de la sixième directive TVA prévoit:

«Quand le montant de déductions autorisées dépasse celui de la taxe due pour une période de déclaration, les États membres peuvent soit faire reporter l’excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu’ils fixent.»

6        Aux termes de l’article 27, paragraphe 1, de la sixième directive TVA:

«Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d’éviter certaines fraudes ou évasions fiscales. Les mesures destinées à simplifier la perception de la taxe ne peuvent influer, sauf de façon négligeable, sur le montant global des recettes fiscales de l’État membre perçues au stade de la consommation finale.»

 Le droit national

7        L’article 87, paragraphes 1 et 2, de la loi relative à la taxe sur les biens et les services (ustawa o podatku od towarów i usług), du 11 mars 2004 (Dz. U de 2004, n° 54, position 535, ci-après la «loi sur la TVA»), prévoit:

«1.      Au cas où le montant de TVA payé en amont […] est supérieur à celui perçu en aval, l’assujetti a le droit de déduire cette différence du montant de TVA dû pour la période suivante ou d’en obtenir le remboursement sur son compte bancaire.

2.      […] le remboursement du crédit de TVA à l’assujetti se fait […] dans le délai de 60 jours à compter du dépôt de la déclaration [de] TVA par l’assujetti. S’il s’avère utile de vérifier plus amplement la légalité du remboursement, le chef de l’administration fiscale peut prolonger ce délai aux fins d’obtenir les éclaircissements nécessaires. […]»

8        L’article 97 de la loi sur la TVA stipule:

«1.      Les assujettis, visés à l’article 15, qui sont soumis à l’obligation d’enregistrement en tant qu’assujettis à la TVA, sont tenus, avant d’effectuer leur première livraison ou acquisition intracommunautaire, de notifier au chef de l’administration fiscale, dans la déclaration d’enregistrement visée à l’article 96, leur intention de commencer ce type d’activité.

[…]

5.      Lorsqu’il s’agit d’assujettis commençant les activités visées à l’article 5 ou d’assujettis ayant commencé ces activités depuis moins de 12 mois avant la notification prévue au paragraphe 1, et qui ont été enregistrés en tant qu’assujettis à la TVA – UE [ci-après les «nouveaux assujettis»], le délai de remboursement de la différence de taxe visée à l’article 87, paragraphes 2 […] est allongé à 180 jours. […]

6.      Lorsqu’il s’agit des assujettis visés au paragraphe 5, les principes et les délais de remboursement définis à l’article 87, paragraphes 2 à 6, s’appliquent à partir de la déclaration afférente à la période suivant une période de 12 mois ou de quatre trimestres, période pour laquelle l’assujetti a déposé une déclaration fiscale et s’est acquitté, dans les délais, des impôts composant le revenu de l’État, y compris en tant que redevable de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

7.      La disposition du paragraphe 5 ne s’applique pas au cas où l’assujetti fournit à l’administration fiscale une garantie, consistant en i) une caution ou ii) en une garantie sur son patrimoine ou encore iii) en une garantie bancaire à concurrence de 250 000 PLN, ci-après la ‘caution’».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        Dans sa déclaration de TVA du mois de janvier 2006, la requérante a indiqué avoir payé un excédent de cette taxe pour un montant de 44 782 PLN. En invoquant l’article 18, paragraphe 4, de la sixième directive TVA, elle a alors demandé à l’administration fiscale de Świdnica de lui rembourser cet excédent, dans un délai de 60 jours à compter du dépôt de sa déclaration de TVA.

10      Sur le fondement des articles 87, paragraphes 1 et 2, et 97, paragraphes 5 et 7, de la loi sur la TVA, l’administration fiscale de Świdnica a rejeté sa demande. En effet, selon ladite administration, la requérante ne pouvait obtenir le remboursement de l’excédent de TVA dans le délai de 60 jours, car, ayant commencé ses activités depuis moins de 12 mois et n’ayant pas fourni à l’administration fiscale de «caution», au sens dudit article 97, paragraphe 7, elle ne remplissait pas les conditions fixées par ladite loi aux fins d’obtenir le remboursement escompté.

11      La requérante a introduit une réclamation contre cette décision devant le Dyrektor, qui a confirmé la décision de refus.

12      Insatisfaite par cette prise de position, la requérante a ensuite saisi d’un recours le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu, lequel, nourrissant des doutes quant à la compatibilité avec le droit communautaire des dispositions nationales en question, a sursis à statuer et a posé à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:

«1)       L’article 5, paragraphe 3, CE, combiné à l’article 2 de la [première directive TVA] et à l’article 18, paragraphe 4, de la [sixième directive TVA], donne-t-il à un État membre le droit d’introduire, dans la réglementation nationale concernant la taxe sur les biens et les services, des dispositions telles que celles visées à l’article 97, paragraphes 5 et 7, de la [loi sur la TVA]?

2)       Ou bien faut-il considérer que les dispositions figurant à l’article 97, paragraphes 5 et 7, de la [loi sur la TVA] peuvent être classées parmi les mesures particulières visées à l’article 27, paragraphe 1, de la [sixième directive TVA] dont l’objectif est d’éviter certaines fraudes ou évasions fiscales?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

13      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 18, paragraphe 4, de la sixième directive TVA, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, afin de permettre les contrôles nécessaires pour éviter l’évasion et les fraudes fiscales, porte de 60 à 180 jours, à compter du dépôt de la déclaration de TVA par l’assujetti, le délai dont dispose l’administration fiscale nationale pour rembourser à une catégorie d’assujettis l’excédant de TVA, sauf si ceux-ci déposent une caution d’un montant de 250 000 PLN.

14      À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’emblée, que le droit des assujettis, garanti par l’article 17 de la sixième directive TVA, de déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA ayant déjà grevé les biens acquis et les services reçus par eux en amont constitue, conformément à une jurisprudence constante, un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation communautaire (voir notamment, en ce sens, arrêts du 18 décembre 1997, Molenheide e.a., C-286/94, C-340/95, C-401/95 et C-47/96, Rec. p. I-7281, point 47, ainsi que du 25 octobre 2001, Commission/Italie, C-78/00, Rec. p. I-8195, point 28).

15      Ainsi que la Cour l’a itérativement souligné, il en résulte que le droit à déduction fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut en principe être limité. En particulier, ce droit s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, notamment, arrêts du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, point 18; du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 43, ainsi que du 18 décembre 2007, Cedilac, C-368/06, non encore publié au Recueil, point 31).

16      Il importe en outre de relever que, lorsque, pour une période de déclaration, le montant de la taxe déductible excède le montant de la taxe due et que l’assujetti ne peut donc effectuer la déduction par imputation, conformément à l’article 18, paragraphe 2, de la sixième directive TVA, le paragraphe 4 de la même disposition prévoit que les États membres peuvent soit faire reporter l’excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu’ils fixent.

17      Quant à cette dernière possibilité, sur laquelle porte l’affaire en cause au principal, la Cour a précisé que, si les États membres disposent d’une liberté de manœuvre certaine dans l’établissement des modalités de remboursement de l’excédent de TVA, ces modalités ne peuvent pas porter atteinte au principe de la neutralité du système fiscal de la TVA en faisant supporter à l’assujetti, en tout ou en partie, le poids de cette taxe. En particulier, de telles modalités doivent permettre à l’assujetti de récupérer, dans des conditions adéquates, la totalité de la créance résultant de cet excédent de TVA, ceci impliquant que le remboursement soit effectué, dans un délai raisonnable, par un paiement en liquidités ou d’une manière équivalente, et que, en tout état de cause, le mode de remboursement adopté ne doit faire courir aucun risque financier à l’assujetti (voir arrêt Commission/Italie, précité, points 32 à 34).

18      Dès lors, c’est à la lumière de ces principes fondamentaux du système commun de la TVA, rappelés aux points précédents, qu’il convient d’examiner la question posée par la juridiction de renvoi.

19      Or, il ressort de la décision de renvoi que les dispositions de la loi sur la TVA, fixant les modalités de remboursement à l’assujetti de l’excédent de cette taxe, prévoient que l’administration fiscale dispose d’un délai de 60 jours, courant à partir du dépôt de la déclaration de TVA par l’assujetti, pour effectuer un tel remboursement, mais que ce délai est porté à 180 jours lorsqu’il s’agit, comme dans le cas de la requérante au principal, de nouveaux assujettis n’ayant pas déposé de «caution», au sens de l’article 97, paragraphe 7, de la même loi.

20      Force est donc de constater que les nouveaux assujettis se voient imposer des modalités de remboursement de l’excédant de TVA versée plus onéreuses que celles auxquelles sont soumis les autres assujettis. Ils doivent ainsi supporter, à tout le moins dans la mesure du montant de l’excédent de TVA à rembourser, la charge financière de la TVA durant une période particulièrement longue.

21      La République de Pologne explique que cet allongement du délai est justifié par le fait qu’il s’agit de nouveaux assujettis à la TVA, qui ne sont pas connus par l’administration fiscale et au sujet desquels il est nécessaire d’effectuer des contrôles plus importants, afin d’éviter toute évasion et fraude fiscales.

22      Il y a lieu de rappeler à cet égard, comme la Cour a déjà eu l’occasion de le préciser, que les États membres ont un intérêt légitime à prendre les mesures appropriées pour protéger leurs intérêts financiers et que la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par la sixième directive TVA (voir, en ce sens, arrêts Molenheide e.a., précité, point 47; du 21 février 2006, Halifax e.a., C-255/02, Rec. p. I-1609, point 71, ainsi que du 6 juillet 2006, Kittel et Recolta Recycling, C-439/04 et C-440/04, Rec. p. I-6161, point 54).

23      Néanmoins, ainsi que le rappelle M. l’avocat général au point 20 de ses conclusions, les États membres doivent, conformément au principe de proportionnalité, avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d’atteindre efficacement un tel objectif, portent le moins atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation communautaire, comme le principe fondamental du droit à la déduction de la TVA (voir arrêts Molenheide e.a., précité, points 46 et 47; du 27 septembre 2007, Teleos e.a., C-409/04, Rec. p. I-7797, points 52 et 53, ainsi que du 21 février 2008, Netto Supermarkt, C-271/06, non encore publié au Recueil, points 19 et 20).

24      Or, à ce sujet, il ressort de la jurisprudence qu’une législation nationale fixant des modalités de remboursement de l’excédant de TVA plus onéreuses pour une catégorie d’assujettis en raison d’un risque de fraude présumé, sans qu’il soit possible à l’assujetti de démontrer l’absence de fraude ou d’évasion fiscales afin de bénéficier de conditions moins contraignantes, ne constitue pas un moyen proportionné à l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et affecte excessivement les objectifs et les principes de la sixième directive TVA (voir, par analogie, en matière d’exclusion de déductions, arrêt du 19 septembre 2000, Ampafrance et Sanofi, C-177/99 et C-181/99, Rec. p. I-7013, point 62; en matière de saisie conservatoire, arrêt Molenheide e.a., précité, point 51).

25      Tel est précisément le cas, ainsi qu’il a été constaté au point 20 du présent arrêt, de la législation nationale en cause au principal.

26      Il résulte, en effet, de la décision de renvoi que l’article 97, paragraphes 5 et 7, de la loi sur la TVA s’applique de manière générale et préventive aux nouveaux assujettis, sans que ceux-ci aient la possibilité de démontrer l’absence d’un risque de fraude ou d’évasion fiscales.

27      De même, les dispositions nationales en cause ne paraissent pas conformes à la condition posée par la jurisprudence, rappelée au point 17 du présent arrêt, selon laquelle le remboursement de l’excédent de TVA doit être effectué dans un délai raisonnable. En effet, ainsi qu’il est précisé dans la décision de renvoi, le délai de remboursement de 180 jours prévu pour les nouveaux assujettis est, d’une part, six fois plus long que la période d’un mois de déclaration de TVA et, d’autre part, trois fois plus long que le délai appliqué aux autres assujettis, et cela sans que les autorités polonaises n’aient avancé d’éléments permettant d’expliquer la nécessité d’instaurer, afin de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, une différence de traitement d’une telle ampleur.

28      Du reste, un délai aussi long apparaît d’autant moins nécessaire que, en tout état de cause, l’administration fiscale peut, en vertu de l’article 87, paragraphe 2, de la loi sur la TVA, s’il s’avère utile de vérifier plus amplement la légalité du remboursement et afin d’obtenir les éclaircissements nécessaires, prolonger le délai de 60 jours dans lequel le remboursement doit être effectué.

29      S’agissant, enfin, de la possibilité offerte aux nouveaux assujettis par l’article 97, paragraphe 7, de la loi sur la TVA de verser une caution afin de bénéficier du délai normal de 60 jours pour obtenir le remboursement de l’excédent de TVA, celle-ci ne saurait remettre en cause les considérations développées aux points précédents.

30      En effet, ainsi que le fait valoir la Commission, ladite caution n’est proportionnée ni au montant de l’excédent de TVA à rembourser ni à la taille économique de l’assujetti.

31      En particulier, le dépôt d’une telle caution est susceptible, contrairement à l’exigence édictée par la jurisprudence visée au point 17 du présent arrêt, de faire courir un risque financier non négligeable à des entreprises qui viennent de débuter leurs activités et peuvent, de ce fait, ne pas disposer de ressources importantes.

32      En réalité, l’obligation de constituer ladite caution, afin de pouvoir se prévaloir du délai normalement applicable, n’a pour effet que de remplacer la charge financière liée à l’immobilisation pour une durée de 180 jours du montant de l’excédent de TVA, par celle afférente à l’immobilisation du montant de la caution. Or, cela est d’autant moins justifié que, d’une part, ce dernier montant peut, comme dans l’affaire au principal, être plus élevé que le montant de l’excédant de TVA en cause et, d’autre part, la durée de l’immobilisation de la caution est plus longue que le délai de remboursement de l’excédent de TVA prévu pour les nouveaux assujettis. En effet, en vertu de l’article 97, paragraphe 6, de la loi sur la TVA, la caution ne peut être libérée qu’après une période de douze mois, à condition que l’assujetti se soit acquitté de l’ensemble des impôts afférant à cette période dont il est redevable envers l’État.

33      Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que l’article 18, paragraphe 4, de la sixième directive TVA et le principe de proportionnalité s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans le litige au principal, qui, afin de permettre les contrôles nécessaires pour éviter l’évasion et les fraudes fiscales, porte de 60 à 180 jours, à compter du dépôt de la déclaration de TVA par l’assujetti, le délai dont dispose l’administration fiscale nationale pour rembourser à une catégorie d’assujettis l’excédant de TVA, sauf si ceux-ci déposent une caution d’un montant de 250 000 PLN.

 Sur la seconde question

34      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si les dispositions figurant à l’article 97, paragraphes 5 et 7, de la loi sur la TVA peuvent être considérées comme des «mesures particulières dérogatoires» tendant à éviter certaines fraudes ou évasions fiscales, au sens de l’article 27, paragraphe 1, de la sixième directive TVA.

35      À cet égard, il est nécessaire de rappeler que l’article 27, paragraphe 1, de la sixième directive TVA subordonne la possibilité pour un État membre d’introduire de telles mesures dérogatoires à une procédure spécifique, prévoyant en particulier l’accord du Conseil statuant à l’unanimité.

36      Or, ainsi que le souligne M. l’avocat général au point 39 de ses conclusions et le fait valoir à juste titre la Commission, il ne résulte pas du dossier que les mesures en cause aient été autorisées par le Conseil, conformément à ladite disposition, en tant que mesures particulières dérogatoires à la sixième directive TVA.

37      Dans ces conditions, des dispositions telles que celles figurant à l’article 97, paragraphes 5 et 7, de la loi sur la TVA ne sauraient relever du champ d’application dudit article 27, paragraphe 1.

38      Par conséquent il y a lieu de répondre à la seconde question que des dispositions, telles que celles en cause dans le litige au principal, ne constituent pas des «mesures particulières dérogatoires» tendant à éviter certaines fraudes ou évasions fiscales, au sens de l’article 27, paragraphe 1, de la sixième directive TVA.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      L’article 18, paragraphe 4, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 2005/92/CE du Conseil, du 12 décembre 2005, et le principe de proportionnalité s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans le litige au principal, qui, afin de permettre les contrôles nécessaires pour éviter l’évasion et les fraudes fiscales, porte de 60 à 180 jours, à compter du dépôt de la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée par l’assujetti, le délai dont dispose l’administration fiscale nationale pour rembourser à une catégorie d’assujettis l’excédant de la taxe sur la valeur ajoutée, sauf si ceux-ci déposent une caution d’un montant de 250 000 PLN.

2)      Des dispositions, telles que celles en cause dans le litige au principal, ne constituent pas des «mesures particulières dérogatoires» tendant à éviter certaines fraudes ou évasions fiscales, au sens de l’article 27, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 2005/92.

Signatures


* Langue de procédure: le polonais.