Affaire C-43/07
D. M. M. A. Arens-Sikken
contre
Staatssecretaris van Financiën
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)
«Libre circulation des capitaux — Articles 73 B et 73 D du traité CE (devenus, respectivement, articles 56 CE et 58 CE) — Réglementation nationale relative aux droits de succession et de mutation ne prévoyant pas, lors du calcul desdits droits, la déduction des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire lorsque la personne dont la succession est ouverte ne résidait pas, au moment de son décès, dans l’État membre où est situé le bien immeuble faisant l’objet de la succession — Restriction — Justification — Absence — Absence de convention bilatérale destinée à prévenir la double imposition — Conséquences sur la restriction à la libre circulation des capitaux d’une compensation préventive de la double imposition moins élevée dans l’État membre de résidence de ladite personne»
Sommaire de l'arrêt
Libre circulation des capitaux — Restrictions — Impôt sur les successions
(Traité CE, art. 73 B et 73 D (devenus art. 56 CE et 58 CE))
Les articles 73 B et 73 D du traité (devenus, respectivement, articles 56 CE et 58 CE) doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale relative au calcul des droits de succession et de mutation dus sur un bien immeuble sis dans un État membre qui, lors du calcul desdits droits, ne prévoit pas la déductibilité des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire, lorsque la personne dont la succession est ouverte était, au moment de son décès, résidente non pas de cet État mais d’un autre État membre, alors que cette déductibilité est prévue lorsque cette personne était, à ce même moment, résidente de l’État dans lequel est situé le bien immeuble faisant l’objet de la succession, dans la mesure où une telle réglementation applique un taux progressif d’imposition et dès lors que la non-prise en compte desdites dettes combinée avec ce taux progressif pourrait entraîner une charge fiscale supérieure pour les héritiers ne pouvant se prévaloir d’une telle déductibilité.
En effet, la restriction à la libre circulation des capitaux résulte du fait qu’une telle réglementation, combinée avec l’application d’un taux progressif d’imposition, aboutit à un traitement différent, lors de la répartition de la charge fiscale, entre les différents héritiers d’une personne qui, au moment de son décès, était résidente et ceux d’une personne qui, à ce même moment, était non-résidente de l’État membre concerné.
Cette différence de traitement ne saurait être justifiée au motif qu'elle se rapporte à des situations qui ne sont pas objectivement comparables. Dès lors qu'une réglementation nationale met sur le même plan, aux fins de l'imposition d’un bien immeuble acquis par succession et sis dans l’État membre concerné, les héritiers d’une personne ayant, au moment de son décès, la qualité de résident et ceux d’une personne ayant, à ce même moment, la qualité de non-résident, elle ne peut, sans créer une discrimination, traiter ces héritiers différemment, dans le cadre de cette même imposition, en ce qui concerne la déductibilité des charges grevant ce bien immeuble. En traitant de manière identique, sauf pour la déduction des dettes, les successions de ces deux catégories de personnes aux fins des impôts sur les successions, le législateur national a, en effet, admis qu’il n’existe entre ces dernières, au regard des modalités et des conditions de cette imposition, aucune différence de situation objective pouvant justifier une différence de traitement.
Ladite appréciation n’est pas affectée par la circonstance que la réglementation de l’État membre dans lequel la personne dont la succession est ouverte résidait au moment de son décès prévoit unilatéralement une possibilité d’octroi d’un crédit d’impôt au titre des droits de succession dus dans un autre État membre pour des biens immeubles situés dans cet autre État. L’État membre dans lequel est situé le bien immeuble ne saurait, pour justifier une restriction à la libre circulation des capitaux résultant de sa réglementation, se prévaloir de l’existence d’une possibilité, indépendante de sa volonté, d’octroi d’un crédit d’impôt par un autre État membre, tel que l’État membre dans lequel la personne dont la succession est ouverte résidait au moment de son décès, qui pourrait compenser, en tout ou en partie, le préjudice subi par les héritiers de cette dernière en raison de la non-prise en compte par l’État membre dans lequel est situé ledit bien immeuble, lors du calcul des droits de mutation, des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire.
(cf. points 46, 54, 57, 60, 65, 67, disp. 1-2)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
11 septembre 2008 (*)
«Libre circulation des capitaux − Articles 73 B et 73 D du traité CE (devenus, respectivement, articles 56 CE et 58 CE) – Réglementation nationale relative aux droits de succession et de mutation ne prévoyant pas, lors du calcul desdits droits, la déduction des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire lorsque la personne dont la succession est ouverte ne résidait pas, au moment de son décès, dans l’État membre où est situé le bien immeuble faisant l’objet de la succession – Restriction − Justification − Absence − Absence de convention bilatérale destinée à prévenir la double imposition − Conséquences sur la restriction à la libre circulation des capitaux d’une compensation préventive de la double imposition moins élevée dans l’État membre de résidence de ladite personne»
Dans l’affaire C-43/07,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 12 janvier 2007, parvenue à la Cour le 2 février 2007, dans la procédure
D. M. M. A. Arens-Sikken
contre
Staatssecretaris van Financiën,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, A. Ó Caoimh (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,
avocat général: M. J. Mazák,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 décembre 2007,
considérant les observations présentées:
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. de Mol, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agent, assistée de Me A. Haelterman, advocaat,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal, A. Weimar et R. Troosters, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 mars 2008,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 73 B et 73 D du traité CE (devenus, respectivement, articles 56 CE et 58 CE) relatifs à la libre circulation des capitaux.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Arens-Sikken, épouse d’un ressortissant néerlandais décédé en Italie, au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) au sujet du calcul des droits de mutation dus sur un bien immeuble que le de cujus détenait aux Pays-Bas.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 Aux termes de l’article 1er de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [devenu article 67 du traité CE (abrogé par le traité d’Amsterdam)] (JO L 178, p. 5):
«1. Les États membres suppriment les restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les États membres, sans préjudice des dispositions figurant ci-après. Pour faciliter l’application de la présente directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I.
2. Les transferts afférents aux mouvements de capitaux s’effectuent aux mêmes conditions de change que celles pratiquées pour les paiements relatifs aux transactions courantes.»
4 Parmi les mouvements de capitaux énumérés à l’annexe I de la directive 88/361 figurent, à la rubrique XI, les «Mouvements de capitaux à caractère personnel», qui comprennent les successions et les legs.
La réglementation nationale
5 En droit néerlandais, toute succession fait l’objet d’un impôt. L’article 1er, paragraphe 1, de la loi sur les successions (Successiewet), du 28 juin 1956 (Stb. 1956, n° 362, ci-après la «SW 1956»), faisait une distinction selon que la personne dont la succession est ouverte résidait, au moment de son décès, aux Pays-Bas ou à l’étranger.
6 Cette disposition était, pour la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2001, rédigée comme suit:
«En application de cette loi, les impôts suivants sont perçus:
1. Des droits de succession sur la valeur de l’ensemble des biens transmis en vertu du droit successoral à la suite du décès d’une personne qui résidait aux Pays-Bas à l’époque dudit décès. [...]
2. Des droits de mutation sur la valeur des biens précisés à l’article 5, paragraphe 2, obtenus par libéralité ou par succession à la suite du décès d’une personne qui ne résidait pas aux Pays-Bas à l’époque de ladite libéralité ou dudit décès;
3. Des droits de donation […]»
7 Dans sa version applicable du 8 décembre 1995 au 31 décembre 2000, l’article 5, paragraphe 2, de la SW 1956 disposait:
«Le droit de mutation est perçu sur la valeur:
1. des possessions intérieures citées à l’article 13 de la loi relative à l’impôt sur le patrimoine [Wet op de vermogensbelasting], du 16 décembre 1964 [(Stb. 1964, n° 520, ci-après la ‘WB 1964’)], éventuellement après déduction des dettes visées à cet article;
[…]»
8 Dans sa version applicable du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2000, l’article 13, paragraphe 1, premier tiret, de la WB 1964 définissait les «possessions intérieures» comme couvrant «les biens immeubles sis aux Pays-Bas ou les droits portant sur ceux-ci» (pour autant qu’ils n’appartiennent pas à une entreprise néerlandaise).
9 L’article 13, paragraphe 2, sous b), de la WB 1964 n’admet que la déduction de dettes garanties par une hypothèque sur un bien immobilier sis aux Pays-Bas, pour autant que les frais et les intérêts se rapportant à ces dettes sont pris en considération pour le calcul du revenu brut national, au sens de l’article 49 de la loi relative à l’impôt sur les revenus (Wet op de inkomstenbelasting), du 16 décembre 1964 (Stb. 1964, n° 519).
10 Il n’existe pas, entre le Royaume des Pays-Bas et la République italienne, de convention bilatérale visant à prévenir la double imposition en matière de droits de succession.
11 Il ressort des observations du gouvernement néerlandais que le tarif des droits de succession est progressif à un double titre. D’une part, il dépend du lien existant entre le contribuable et le de cujus. D’autre part, il varie selon la valeur de l’acquisition.
12 Il ressort également desdites observations que, à partir du 1er janvier 1985, le tarif proportionnel de 6 % applicable aux droits de mutation a été abrogé et remplacé par le tarif progressif des droits de succession et de donation. Les droits de mutation s’appliquent donc également selon un tarif doublement progressif déterminé compte tenu du lien existant entre le contribuable et le de cujus et, à partir de cette date, selon la valeur de l’acquisition.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 L’époux de Mme Arens-Sikken est décédé le 8 novembre 1998. Au moment de son décès, il n’habitait plus aux Pays-Bas depuis plus de dix ans, mais résidait en Italie.
14 Le de cujus ayant disposé de ses biens par testament, sa succession a été répartie en parts égales entre la requérante au principal et les quatre enfants issus de son mariage avec cette dernière.
15 Toutefois, en vertu d’un partage d’ascendant testamentaire au sens de l’ancien article 1167 du code civil néerlandais, tous les éléments d’actif et de passif de la succession ont été attribués au conjoint survivant, à savoir Mme Arens-Sikken.
16 Selon la décision de renvoi et les observations du gouvernement néerlandais, la requérante au principal a reçu, en conséquence de ce partage, des éléments d’actif et de passif dont la valeur dépassait celle de sa part successorale déterminée en application de la loi. Elle a donc bénéficié d’un excédent. Ses enfants, quant à eux, ont subi un déficit, étant donné qu’ils n’ont reçu aucun des biens composant la succession. Aux termes du partage d’ascendant testamentaire, la requérante au principal était tenue de verser à ses enfants la valeur en espèces de leurs parts respectives dans la succession. Elle a donc assumé une dette liée à un excédent d’attribution envers chacun de ses enfants et ceux-ci sont devenus titulaires de créances sur la requérante, celles-ci résultant d’un déficit d’attribution.
17 La succession comprenait notamment la part revenant au de cujus d’un bien immeuble situé aux Pays-Bas, part dont la valeur s’élevait à 475 000 NLG.
18 Les héritiers du de cujus ont effectué une déclaration au titre des droits de mutation en prenant pour base une valeur acquise par chacun d’entre eux de 95 000 NLG, à savoir un cinquième de la valeur du bien immeuble d’un montant de 475 000 NLG.
19 Toutefois, l’administration fiscale a estimé que la requérante au principal avait acquis la totalité de la part dudit bien immeuble revenant à la succession et l’a invitée à payer un montant de droit de mutation calculé sur la base d’une valeur de 475 000 NLG. Aucun droit de mutation n’a été exigé des enfants de Mme Arens-Sikken.
20 Sur réclamation de la requérante au principal, la décision de l’administration fiscale a été confirmée.
21 Mme Arens-Sikken a introduit un recours contre la décision de confirmation prise par ladite administration devant le Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch (cour d’appel de ‘s-Hertogenbosch). Dans ce recours, elle a fait valoir qu’elle ne devait pas être tenue de verser un droit de mutation calculé sur la base de cette valeur de 475 000 NLG, mais qu’il convenait de diminuer ce montant en raison des dettes liées à l’excédent d’attribution.
22 Le Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch a jugé que le droit de mutation se rapportait, en ce qui concerne la requérante au principal, à l’acquisition du bien immeuble en vertu du droit successoral. Dans le cadre du partage d’ascendant testamentaire, il a jugé que le bien attribué à la requérante représentait la part du de cujus dans l’immeuble concerné.
23 La requérante s’est pourvue en cassation contre l’arrêt du Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch devant le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas). Dans la décision de renvoi, ce dernier constate que c’est à bon droit que le Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch a jugé que la requérante au principal, aux fins de la perception du droit de mutation, est réputée avoir, selon le droit successoral néerlandais, reçu dans son intégralité la part du bien immeuble qui lui a été attribuée. Cette juridiction constate que, selon le régime néerlandais des droits de mutation, l’intéressée ne peut, pour déterminer l’assiette du droit, déduire les dettes liées à un excédent d’attribution (de même qu’il ne peut pas déduire une part proportionnelle de toutes les dettes faisant partie de la succession). En revanche, si l’époux de Mme Arens-Sikken avait eu sa résidence aux Pays-Bas au moment de son décès, cette dernière aurait pu tenir compte des dettes liées à un excédent d’attribution (à l’instar de toutes les dettes rattachées à la succession) dans le calcul de l’assiette des droits de succession qui auraient été dus dans cette hypothèse.
24 Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi s’est interrogée sur la question de savoir si la non-déductibilité, dans le cadre de la détermination de l’assiette du droit de mutation, des dettes liées à un excédent d’attribution constitue une restriction illégale à la libre circulation des capitaux. À cet égard, elle se demande également s’il existe un lien de connexité suffisant entre les dettes liées à l’excédent d’attribution et le bien immeuble concerné, conformément à la jurisprudence de la Cour résultant des arrêts du 12 juin 2003, Gerritse (C-234/01, Rec. p. I-5933), et du 11 décembre 2003, Barbier (C-364/01, Rec. p. I-15013).
25 Estimant que le litige soulève des questions d’interprétation du droit communautaire, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Les articles 73 B et 73 D du traité […] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre perçoive, en ce qui concerne un bien immeuble situé dans cet État membre et faisant partie de la succession d’une personne résidant, au moment de son décès, dans un autre État membre, un impôt sur l’acquisition par voie de succession de ce bien selon la valeur de celui-ci, sans tenir compte des dettes liées à un excédent d’attribution, assumées par le bénéficiaire en vertu d’un testament-partage?
2) Dans l’éventualité où la question précédente devrait recevoir une réponse positive et où, en outre, il y aurait lieu de déterminer par comparaison si, et dans quelle mesure, il faut tenir compte des dettes liées à un excédent d’attribution, quelle est la méthode de comparaison […] alors applicable, dans une hypothèse telle que celle du cas d’espèce, afin de déterminer si des droits de succession qui auraient été perçus, dans l’hypothèse où le de cujus aurait, au moment de son décès, résidé aux Pays-Bas, auraient été inférieurs aux droits de mutation?
3) Faut-il tenir compte, dans l’appréciation de l’existence éventuelle d’une obligation, qui serait assumée en vertu du traité [CE] par l’État membre où le bien immeuble est situé, de permettre la déduction en tout ou en partie des dettes liées à un excédent d’attribution, du fait que cette déduction pourrait aboutir à une compensation préventive de double imposition moins élevée dans l’État membre qui se considère comme fiscalement compétent en ce qui concerne la succession en raison du lieu de résidence du de cujus?»
Sur les questions préjudicielles
Sur les première et deuxième questions
26 Par ces questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées des articles 73 B et 73 D du traité doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, relative au calcul des droits de succession et de mutation dus sur un bien immeuble sis dans cet État membre, qui, lors du calcul desdits droits, ne prévoit pas la déductibilité des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire, lorsque la personne dont la succession est ouverte était, au moment de son décès, résidente non pas de l’État dans lequel est situé ce bien immeuble, mais d’un autre État membre, alors que cette déductibilité est prévue lorsque la personne concernée, au moment de son décès, était résidente de l’État dans lequel est situé ledit bien immeuble.
27 En cas de réponse affirmative à cette question et, eu égard aux arrêts précités Gerritse et Barbier, elle demande, en outre, quelle méthode de comparaison est applicable à une situation telle que celle en cause au principal, afin de déterminer si le montant des droits de succession qui aurait été perçu, dans l’hypothèse où la personne dont la succession est ouverte aurait, au moment de son décès, résidé aux Pays-Bas, aurait été inférieur à celui du droit de mutation.
28 L’article 56, paragraphe 1, CE interdit de façon générale les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres (arrêt du 6 décembre 2007, Federconsumatori e.a., C-463/04 et C-464/04, non encore publié au Recueil, point 19 et jurisprudence citée).
29 En l’absence, dans le traité, de définition de la notion de «mouvements de capitaux» au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, la Cour a précédemment reconnu une valeur indicative à la nomenclature annexée à la directive 88/361, même si celle-ci a été adoptée sur le fondement des articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CEE (devenus articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CE, abrogés par le traité d’Amsterdam), étant entendu que, conformément à son introduction, la liste qu’elle contient ne présente pas un caractère exhaustif (voir, notamment, arrêts du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden, C-513/03, Rec. p. I-1957, point 39; du 3 octobre 2006, Fidium Finanz, C-452/04, Rec. p. I-9521, point 41; Federconsumatori e.a., précité, point 20, ainsi que du 17 janvier 2008, Jäger, C-256/06, non encore publié au Recueil, point 24).
30 À cet égard, la Cour, en rappelant notamment que les successions, qui consistent en une transmission à une ou plusieurs personnes du patrimoine laissé par une personne décédée ou, en d’autres termes, en un transfert aux héritiers de la propriété des différents biens, droits, etc., dont est composé ce patrimoine, relèvent de la rubrique XI de l’annexe I de la directive 88/361, intitulée «Mouvements de capitaux à caractère personnel», a jugé que les successions constituent des mouvements de capitaux au sens de l’article 56 CE, à l’exception des cas où leurs éléments constitutifs se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir arrêts précités Barbier, point 58; van Hilten-van der Heijden, point 42, et Jäger, point 25).
31 Une situation dans laquelle une personne résidant en Italie au moment de son décès laisse en héritage à d’autres personnes, résidant en Italie ou, le cas échéant, dans d’autres États membres, un bien immeuble sis aux Pays-Bas et faisant l’objet d’un calcul de droits de mutation aux Pays-Bas ne constitue nullement une situation purement interne.
32 Par conséquent, la succession en cause au principal constitue un mouvement de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE.
33 Il y a lieu d’examiner tout d’abord si, comme le soutient la Commission des Communautés européennes, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, constitue une restriction aux mouvements de capitaux.
34 À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que, conformément à la réglementation néerlandaise, lorsque la personne dont la succession est ouverte réside, au moment de son décès, dans un État membre autre que le Royaume des Pays-Bas, les dettes liées à un excédent d’attribution en vertu d’un partage d’ascendant testamentaire, telles que celles assumées par Mme Arens-Sikken dans l’affaire au principal, ne peuvent être déduites lors du calcul des droits de mutation relatifs au bien immeuble laissé en héritage. Par conséquent, le droit de mutation que la requérante au principal devait acquitter en raison de l’acquisition du bien immeuble par succession devait être calculé sur une valeur de 475 000 NLG, à savoir la totalité de la valeur dudit bien.
35 En revanche, lorsqu’une même personne réside aux Pays-Bas lors de son décès, le calcul des droits de succession dus sur un bien immeuble acquis par voie de succession tient compte de telles dettes. Dans une situation identique à celle de la requérante au principal, caractérisée par la présence de quatre autres héritiers et d’un bien immeuble laissé en héritage d’une valeur de 475 000 NLG, les droits de succession que le conjoint ayant assumé les dettes liées à l’excédent d’attribution devrait acquitter seraient calculés sur un montant de 95 000 NLG, représentant un cinquième de la valeur dudit bien.
36 Il résulte de la jurisprudence de la Cour que des dispositions nationales qui déterminent la valeur d’un bien immeuble aux fins du calcul du montant de l’impôt dû en cas d’acquisition par succession peuvent non seulement être de nature à dissuader l’achat de biens immobiliers sis dans l’État membre concerné, mais elles peuvent également avoir pour effet de diminuer la valeur de la succession d’un résident d’un État membre autre que celui dans lequel se trouvent lesdits biens (voir, en ce sens, arrêts précités Barbier, point 62, et Jäger, point 30).
37 En ce qui concerne le cas des successions, la jurisprudence a confirmé que les mesures interdites par l’article 56, paragraphe 1, CE, en tant qu’elles constituent des restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui ont pour effet de diminuer la valeur de la succession d’un résident d’un État autre que l’État membre où se trouvent les biens concernés et qui impose la succession desdits biens (arrêts précités van Hilten-van der Heijden, point 44, et Jäger, point 31).
38 Certes, dans une situation telle que celle au principal, aux fins de l’application de la réglementation nationale, la valeur imposable du bien immeuble laissé en héritage reste la même, que des déductions soient admises ou non pour tenir compte du partage d’ascendant testamentaire. Il n’en demeure toutefois pas moins, ainsi que la Commission l’a fait valoir à juste titre, que, en ce qui concerne la méthode de calcul employée en vue de déterminer l’impôt effectivement dû, la réglementation néerlandaise opère une distinction entre les personnes qui, au moment de leur décès, étaient résidentes et celles qui, à ce même moment, étaient non-résidentes de l’État membre concerné.
39 En effet, ainsi qu’il ressort des points 34 et 35 du présent arrêt, si un résident avait laissé en héritage à cinq héritiers un bien immeuble sis aux Pays-Bas et avait également conclu un partage d’ascendant testamentaire, la charge fiscale totale liée à ce bien immeuble serait répartie sur l’ensemble des héritiers alors que, à la suite du décès d’un non-résident, tel que l’époux de la requérante au principal, la charge fiscale totale est supportée par un seul héritier. Ainsi que la Commission l’a constaté, dans le premier cas de figure, il y aurait pluralité d’héritiers et la somme perçue par chacun d’entre eux ne dépasserait pas nécessairement, compte tenu de la valeur du bien immeuble concerné, le ou les seuils d’application d’un taux d’imposition plus élevé. En revanche, un prélèvement effectué sur la valeur totale d’un bien immeuble et mis à la charge d’un seul héritier, qui a assumé les dettes liées à un excédent d’attribution consécutif à un partage d’ascendant testamentaire, pourrait conduire, voire conduirait inéluctablement, à l’application d’un taux d’imposition plus élevé.
40 Il s’ensuit que, en raison du caractère progressif des tranches d’imposition prévues par la réglementation néerlandaise qui, ainsi que la Commission l’a souligné lors de l’audience, n’est pas en soi critiquable, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal pourrait soumettre la succession d’un non-résident à une charge fiscale totale plus élevée.
41 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du gouvernement néerlandais selon lequel la réglementation appliquée aux Pays-Bas ne comporte aucune restriction dès lors que la différence de traitement invoquée par la requérante au principal résulte de la répartition de la compétence fiscale entre les États membres. En effet, cette circonstance est sans pertinence au regard des critères découlant de la jurisprudence citée aux points 36 et 37 du présent arrêt. En outre, la différence de traitement dans la prise en compte des dettes liées à un excédent d’attribution découle de l’application de la seule réglementation néerlandaise concernée (voir également, en ce sens, arrêt Jäger, précité, point 34).
42 Le gouvernement néerlandais fait, toutefois, valoir que les dettes liées à un excédent d’attribution ne doivent pas être considérées comme directement liées au bien immeuble au sens des arrêts précités Gerritse et Barbier. Ces dettes seraient non pas des dettes faisant partie de la succession, mais des dettes assumées par le conjoint survivant, nées après le décès de la personne concernée par l’effet du testament laissé par cette dernière. Lesdites dettes ne viendraient pas grever le bien immeuble et les créanciers du conjoint survivant, qui assume la dette liée à l’excédent d’attribution, ne pourraient faire valoir aucun droit réel sur ce bien immeuble.
43 À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’affaire à l’origine de l’arrêt Barbier, précité, la question posée concernait le calcul du montant de l’impôt exigible en cas d’acquisition par succession d’un bien immobilier sis dans un État membre et la prise en compte, pour estimer la valeur de ce bien, de l’obligation inconditionnelle qui incombait au détenteur du droit réel de délivrer celui-ci à un tiers disposant de la propriété économique dudit bien. Cette dette était donc directement liée au bien immeuble faisant l’objet de la succession.
44 De même, dans le cadre des articles 49 CE et 50 CE, la Cour a relevé qu’une réglementation nationale qui refuse aux non-résidents, en matière d’imposition, la déduction des frais professionnels qui sont directement liés à l’activité ayant généré les revenus imposables dans l’État membre concerné, alors que, en revanche, elle l’accorde aux résidents, risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres États membres et est contraire auxdits articles (voir, en ce sens, arrêt Gerritse, précité, points 27 et 28).
45 Toutefois, dans l’affaire au principal, s’il est vrai, ainsi que la juridiction de renvoi le relève elle-même, que les dettes liées à l’excédent d’attribution sont connexes au bien immeuble en cause, dans la mesure où elles résultent du fait que ledit bien a été, en vertu du partage d’ascendant testamentaire, acquis dans son intégralité par la requérante au principal, il n’est pas nécessaire, afin de conclure à l’existence d’une restriction prohibée, en principe, par l’article 56, paragraphe 1, CE, d’examiner s’il existe un lien direct entre les dettes liées à l’excédent d’attribution et le bien immeuble faisant l’objet de la succession. En effet, contrairement aux affaires susmentionnées, la présente affaire porte sur les conséquences, différentes pour les héritiers, d’une réglementation nationale qui, lors de la répartition de l’assiette imposable par suite d’un partage d’ascendant testamentaire, établit une distinction selon que la personne dont la succession est ouverte était, au moment de son décès, résidente ou non-résidente de l’État membre concerné.
46 En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 38 à 40 du présent arrêt, la restriction à la libre circulation des capitaux résulte du fait qu’une réglementation nationale telle que celle au principal, combinée à l’application d’un taux progressif d’imposition, aboutit à un traitement différent, lors de la répartition de la charge fiscale, entre les différents héritiers d’une personne qui, au moment de son décès, était résidente et ceux d’une personne qui, à ce même moment, était non-résidente de l’État membre concerné.
47 Lors de l’audience, le gouvernement néerlandais a lui-même admis que, dans une situation telle que celle au principal, la non-prise en compte des créances liées à un déficit d’attribution dont font l’objet les autres héritiers d’une telle personne non-résidente pourrait entraîner une charge fiscale supérieure, étant donné que les droits de mutation sont réclamés uniquement au conjoint survivant.
48 Force est également de constater que, dans une situation telle que celle au principal, la restriction résultant du fait que le conjoint survivant est tenu de verser un droit de mutation portant sur la valeur totale du bien immeuble sans que soient prises en compte les dettes liées à un excédent d’attribution est encore aggravée par le fait que, ainsi qu’il ressort du point 12 du présent arrêt et des observations écrites soumises à la Cour par la Commission, le droit de mutation est calculé en fonction non seulement de la valeur de l’acquisition, mais également compte tenu du lien existant entre le contribuable et le de cujus. Selon la Commission, l’exonération qui s’applique aux conjoints survivants est normalement considérable, contrairement à celle qui s’applique aux enfants.
49 Ensuite, il convient d’examiner si la restriction à la libre circulation des capitaux ainsi constatée est susceptible d’être justifiée au regard des dispositions du traité.
50 À cet égard, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE, «[l]’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres […] d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis».
51 Cette disposition de l’article 58 CE, en tant que dérogation au principe fondamental de libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Partant, elle ne saurait être interprétée en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État membre dans lequel ils investissent leur capitaux serait automatiquement compatible avec le traité (voir arrêt Jäger, précité, point 40).
52 En effet, la dérogation prévue à l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE est elle-même limitée par l’article 58, paragraphe 3, CE, qui prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 de cet article «ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56» (voir arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C-35/98, Rec. p. I-4071, point 44; du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 28, et Jäger, précité, point 41). En outre, pour être justifiée, la différence de traitement en matière de droits de succession et de mutation dus au titre d’un bien immeuble sis sur le territoire du Royaume des Pays-Bas entre la personne qui, au moment de son décès, résidait dans cet État membre et celle qui, à ce même moment, était résidente d’un autre État membre ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’objectif poursuivi par la réglementation en cause soit atteint (voir, en ce sens, arrêt Manninen, précité, point 29).
53 Il y a donc lieu de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE des discriminations arbitraires interdites en vertu du paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale telle que celle en cause au principal, qui, aux fins du calcul des droits de succession, opère une distinction entre la déductibilité des dettes liées à un excédent d’attribution selon que la personne dont la succession est ouverte résidait, au moment de son décès, dans cet État membre ou dans un autre État membre, puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il est nécessaire que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir arrêts précités Verkooijen, point 43; Manninen, point 29, et Jäger, point 43).
54 À cet égard, il convient de constater que, contrairement à ce qui est soutenu par le gouvernement néerlandais, cette différence de traitement ne saurait être justifiée au motif qu’elle se rapporte à des situations qui ne sont pas objectivement comparables.
55 En effet la situation des héritiers du de cujus en cause au principal est comparable à celle de tout autre héritier, dont la succession comprend un bien immeuble sis aux Pays-Bas et laissé en héritage par une personne résidant dans ce même État au moment de son décès.
56 La réglementation néerlandaise considère, en principe, tant les héritiers des personnes résidentes que ceux des personnes non-résidentes au moment de leur décès, comme assujettis aux fins de la perception de droits de succession et/ou de mutation sur des biens immeubles situés aux Pays-Bas. Ce n’est que lors de la déduction des dettes liées à un excédent d’attribution faisant suite à un partage d’ascendant testamentaire qu’un traitement différent est opéré entre la succession des résidents et celle des non-résidents.
57 Dès lors qu’une réglementation nationale met sur le même plan, aux fins de l’imposition d’un bien immeuble acquis par succession et sis dans l’État membre concerné, les héritiers d’une personne ayant, au moment de son décès, la qualité de résident et ceux d’une personne ayant, à ce même moment, la qualité de non-résident, elle ne peut, sans créer une discrimination, traiter ces héritiers différemment, dans le cadre de cette même imposition, en ce qui concerne la déductibilité des charges grevant ce bien immeuble. En traitant de manière identique, sauf pour la déduction des dettes, les successions de ces deux catégories de personnes aux fins des impôts sur les successions, le législateur national a, en effet, admis qu’il n’existe entre ces dernières, au regard des modalités et des conditions de cette imposition, aucune différence de situation objective pouvant justifier une différence de traitement (voir, par analogie, dans le cadre du droit d’établissement, arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 20, ainsi que du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France, C-170/05, Rec. p. I-11949, point 35; dans le cadre de la libre circulation des capitaux et des droits de succession, arrêt de ce jour, Eckelkamp e.a., C-11/07, non encore publié au Recueil, point 63).
58 Pour ce qui est, enfin, de la question de savoir si la restriction aux mouvements de capitaux résultant d’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal peut être objectivement justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, force est de constater que, sous réserve des arguments avancés dans le cadre de la troisième question préjudicielle, aucune justification de ce type n’a été avancée par le gouvernement néerlandais.
59 En ce qui concerne la deuxième question, il convient de relever que la restriction à la libre circulation des capitaux réside dans le fait que la non-prise en compte, lors du calcul des droits de mutation, des dettes liées à un excédent d’attribution combinée au fait que le caractère progressif des tranches d’imposition prévu par la réglementation nationale pourraient aboutir à une charge fiscale totale plus élevée que celle applicable lors du calcul des droits de succession. En outre, la juridiction de renvoi formule cette question en se référant aux arrêts précités Gerritse et Barbier, qui, ainsi qu’il ressort du point 45 du présent arrêt, ne sont pas pertinents en l’espèce. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.
60 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que les articles 73 B et 73 D du traité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, relative au calcul des droits de succession et de mutation dus sur un bien immeuble sis dans un État membre qui, lors du calcul desdits droits, ne prévoit pas la déductibilité des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire, lorsque la personne dont la succession est ouverte était, au moment de son décès, résidente non pas de cet État mais d’un autre État membre, alors que cette déductibilité est prévue lorsque cette personne était, à ce même moment, résidente de l’État dans lequel est situé le bien immeuble faisant l’objet de la succession, dans la mesure où une telle réglementation applique un taux progressif d’imposition et dès lors que la non-prise en compte desdites dettes combinée à ce taux progressif pourrait entraîner une charge fiscale supérieure pour les héritiers ne pouvant se prévaloir d’une telle déductibilité.
Sur la troisième question
61 Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la réponse à la première question peut s’avérer différente, dès lors que l’État membre dans lequel résidait, au moment de son décès, la personne dont la succession est ouverte, en vertu d’une réglementation préventive de la double imposition applicable sur son territoire, octroie un crédit d’impôt au titre des droits de succession dus dans un autre État membre sur les biens situés sur le territoire de cet autre État.
62 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’élimination des doubles impositions est l’un des objectifs de la Communauté européenne dont la réalisation dépend des États membres en vertu de l’article 293, deuxième tiret, CE. En l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation communautaire visant à éliminer les doubles impositions, les États membres demeurent compétents pour déterminer les critères d’imposition des revenus et de la fortune en vue d’éliminer, le cas échéant par la voie conventionnelle, les doubles impositions. Dans ce contexte, les États membres sont libres, dans le cadre des conventions bilatérales, de fixer les facteurs de rattachement aux fins de la répartition de la compétence fiscale (voir arrêts du 12 mai 1998, Gilly, C-336/96, Rec. p. I-2793, points 24 et 30; du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C-307/97, Rec. p. I-6161, point 57; du 19 janvier 2006, Bouanich, C-265/04, Rec. p. I-923, point 49, ainsi que Denkavit Internationaal et Denkavit France, précité, point 43).
63 En ce qui concerne l’exercice du pouvoir d’imposition ainsi réparti, les États membres ne peuvent néanmoins s’affranchir du respect des règles communautaires (arrêts précités Saint-Gobain ZN, point 58; Bouanich, point 50, ainsi que Denkavit Internationaal et Denkavit France, point 44).
64 Toutefois, à supposer même qu’une telle convention bilatérale entre l’État membre dans lequel résidait, au moment de son décès, la personne dont la succession est ouverte et l’État dans lequel est situé le bien immeuble qui a fait l’objet, dans ce dernier État, de la succession puisse neutraliser les effets de la restriction à la libre circulation des capitaux relevée dans le cadre de la réponse à la première question, force est de constater qu’il n’existe pas de convention bilatérale entre le Royaume des Pays-Bas et la République italienne en matière de prévention de la double imposition des droits de succession.
65 Dans ces conditions, il suffit de constater que l’État membre dans lequel est situé le bien immeuble ne saurait, pour justifier une restriction à la libre circulation des capitaux résultant de sa réglementation, se prévaloir de l’existence d’une possibilité, indépendante de sa volonté, d’octroi d’un crédit d’impôt par un autre État membre, tel que l’État membre dans lequel la personne dont la succession est ouverte résidait au moment de son décès, qui pourrait compenser, en tout ou en partie, le préjudice subi par les héritiers de cette dernière en raison de la non-prise en compte par l’État membre dans lequel est situé ledit bien immeuble, lors du calcul des droits de mutation, des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire (voir, en ce sens, arrêt Eckelkamp e.a., précité, point 68).
66 En effet, un État membre ne saurait invoquer l’existence d’un avantage concédé de manière unilatérale par un autre État membre, en l’espèce l’État membre dans lequel la personne concernée résidait au moment de son décès, afin d’échapper aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, notamment en vertu des dispositions de celui-ci relatives à la libre circulation des capitaux (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007, Amurta, C-379/05, non encore publié au Recueil, point 78).
67 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que la réponse donnée à la première question n’est pas affectée par la circonstance que la réglementation de l’État membre dans lequel la personne dont la succession est ouverte résidait au moment de son décès prévoit unilatéralement une possibilité d’octroi d’un crédit d’impôt au titre des droits de succession dus dans un autre État membre pour des biens immeubles situés dans cet autre État.
Sur les dépens
68 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
1) Les articles 73 B et 73 D du traité CE (devenus, respectivement, articles 56 CE et 58 CE) doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, relative au calcul des droits de succession et de mutation dus sur un bien immeuble sis dans un État membre qui, lors du calcul desdits droits, ne prévoit pas la déductibilité des dettes liées à un excédent d’attribution résultant d’un partage d’ascendant testamentaire, lorsque la personne dont la succession est ouverte était, au moment de son décès, résidente non pas de cet État mais d’un autre État membre, alors que cette déductibilité est prévue lorsque cette personne était, à ce même moment, résidente de l’État dans lequel est situé le bien immeuble faisant l’objet de la succession, dans la mesure où une telle réglementation applique un taux progressif d’imposition et dès lors que la non-prise en compte desdites dettes combinée à ce taux progressif pourrait entraîner une charge fiscale supérieure pour les héritiers ne pouvant se prévaloir d’une telle déductibilité.
2) La réponse donnée au point 1 du dispositif du présent arrêt n’est pas affectée par la circonstance que la réglementation de l’État membre dans lequel la personne dont la succession est ouverte résidait au moment de son décès prévoit unilatéralement une possibilité d’octroi d’un crédit d’impôt au titre des droits de succession dus dans un autre État membre pour des biens immeubles situés dans cet autre État.
Signatures
* Langue de procédure: le néerlandais.