Affaire C-157/07
Finanzamt für Körperschaften III in Berlin
contre
Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt GmbH
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesfinanzhof)
«Liberté d’établissement — Accord sur l’Espace économique européen (EEE) — Législation fiscale — Traitement fiscal de pertes subies par un établissement stable situé dans un État membre de l’EEE et appartenant à une société ayant son siège statutaire dans un État membre de l’Union européenne»
Sommaire de l'arrêt
1. Accords internationaux — Accord créant l’Espace Économique Européen — Liberté d'établissement — Dispositions du traité — Champ d'application
(Art. 43 CE; accord EEE, art. 31)
2. Accords internationaux — Accord créant l’Espace Économique Européen — Liberté d'établissement — Législation fiscale — Impôt sur les sociétés
(Accord EEE, art. 31)
1. Les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement s’opposent à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation, toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté devant être considérées comme des restrictions. Ces principes s’appliquent, lorsqu’une société établie dans un État membre opère dans un autre État membre par l’intermédiaire d’un établissement stable.
(cf. points 29-31)
2. L’article 31 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ne s’oppose pas à un régime fiscal national qui, après avoir admis la prise en compte des pertes subies par un établissement stable sis dans un État autre que celui dans lequel est établie la société dont cet établissement dépend, aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu de cette société, prévoit une réintégration fiscale desdites pertes au moment où ledit établissement stable dégage des bénéfices, lorsque l’État où est situé ce même établissement stable n’accorde aucun droit au report des pertes subies par un établissement stable appartenant à une société établie dans un autre État et lorsque, en vertu d’une convention visant à prévenir la double imposition conclue entre les deux États concernés, les revenus d’une telle entité sont exonérés d’imposition dans l’État où la société dont cette dernière dépend a son siège.
Un tel régime fiscal comporte certes une restriction au droit énoncé à l’article 31 de l’accord EEE dès lors que la situation fiscale d’une société qui a son siège statutaire dans un État membre et qui possède un établissement stable dans un autre État membre est moins favorable que celle qui serait la sienne si cette dernière entité était établie dans le premier État membre. En effet, si l'intégralité des pertes enregistrées par l'établissement stable sis dans un autre État membre est, dans un premier temps, retranchée des bénéfices réalisés par la société dont il dépend, dans le cadre de l'imposition, dans le premier État membre, de ladite société, et que, ce faisant, ledit État consent un avantage fiscal de la même manière que si cet établissement stable était sis sur le territoire national, toutefois, en procédant, dans un second temps, à la réintégration des pertes dudit établissement stable dans l'assiette imposable de la société dont il dépend, dès lors que ce dernier a réalisé des bénéfices, le régime fiscal national retire le bénéfice de cet avantage fiscal, soumettant ainsi les sociétés résidentes possédant des établissements stables dans un autre État membre à un traitement fiscal moins favorable que celui dont bénéficient les sociétés résidentes possédant des établissements stables sis sur le territoire national. En raison de cette différence de traitement fiscal, une société résidente pourrait être dissuadée de continuer à exercer ses activités par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans un autre État membre.
Toutefois, une telle restriction est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal. À cet égard, la réintégration des pertes prévue par le régime fiscal en cause ne saurait être dissociée de la prise en compte antérieure de celles-ci. Cette réintégration, dans le cas d’une société possédant un établissement stable sis dans un autre État, au regard duquel l’État de résidence de cette société ne dispose d’aucun droit d’imposition, reflète en effet une logique symétrique. Il existe donc un lien direct, personnel et matériel entre les deux éléments du mécanisme fiscal en cause, ladite réintégration constituant le complément logique de la déduction accordée précédemment. De plus, cette restriction est appropriée pour atteindre un tel objectif en tant qu’elle opère de manière parfaitement symétrique, seules les pertes déduites étant réintégrées. Par ailleurs, ladite restriction est tout à fait proportionnée à l’objectif visé, dès lors que les pertes réintégrées ne le sont qu’à concurrence du montant des bénéfices réalisés.
Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les effets combinés dudit régime fiscal et de la législation fiscale de l’État où est situé l’établissement stable. En l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation communautaire, les États membres demeurent compétents pour déterminer les critères d’imposition des revenus et de la fortune, en vue d’éliminer, le cas échéant par la voie conventionnelle, les doubles impositions. Cette compétence implique également qu’un État ne saurait être tenu de prendre en considération, aux fins de l’application de sa propre législation fiscale, les conséquences éventuellement défavorables découlant des particularités d’une réglementation d’un autre État applicable à un établissement stable situé sur le territoire dudit État et appartenant à une société dont le siège se trouve sur le territoire du premier État. À supposer même que l’effet combiné de l’imposition établie dans l’État où est implanté le siège de la société dont dépend l’établissement stable concerné et de l’imposition due dans l’État où est situé cet établissement puisse conduire à une restriction de la liberté d’établissement, une telle restriction est uniquement imputable au second de ces États, ladite restriction résultant non pas du régime fiscal en cause, mais de la répartition des compétences fiscales opérée dans le cadre de la convention visant à prévenir la double imposition conclue entre les deux États concernés.
L’appréciation selon laquelle la restriction qui découle dudit régime fiscal est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence de celui-ci ne saurait non plus être remise en cause par le fait que la société dont dépend l’établissement stable concerné a cédé ce dernier et que les bénéfices et les pertes réalisés par ledit établissement stable tout au long de son existence se soldent par un résultat négatif. En effet, la réintégration du montant des pertes de l’établissement stable dans les résultats de la société dont il dépend est le complément indissociable et logique de leur prise en compte opérée précédemment.
(cf. points 34-39, 42-46, 48-49, 51-55 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
23 octobre 2008 (*)
«Liberté d’établissement – Accord sur l’Espace économique européen (EEE) – Législation fiscale – Traitement fiscal de pertes subies par un établissement stable situé dans un État membre de l’EEE et appartenant à une société ayant son siège statutaire dans un État membre de l’Union européenne»
Dans l’affaire C-157/07,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 29 novembre 2006, parvenue à la Cour le 21 mars 2007, dans la procédure
Finanzamt für Körperschaften III in Berlin
contre
Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt GmbH,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász, G. Arestis, et J. Malenovský, juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: M. B. Fülöp, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 juillet 2008,
considérant les observations présentées:
– pour le Finanzamt für Körperschaften III in Berlin, par MM. J.-P. Panthen et P. Lamprecht, en qualité d’agents,
– pour Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt GmbH, par Me J. Schönfeld, Rechtsanwalt,
– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement belge, par Mme A. Hubert, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et C. ten Dam, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Bryanston-Cross, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et W. Mölls, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 31 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Finanzamt für Körperschaften III in Berlin (ci-après le «Finanzamt») à Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt GmbH (ci-après «KR Wannsee») au sujet du traitement fiscal, en Allemagne, de pertes subies par un établissement stable situé en Autriche et appartenant à KR Wannsee.
Le cadre juridique
Le droit international
3 L’article 6 de l’accord EEE dispose:
«Sans préjudice de l’évolution future de la jurisprudence, les dispositions du présent accord, dans la mesure où elles sont identiques en substance aux règles correspondantes du traité instituant la Communauté économique européenne, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier et des actes arrêtés en application de ces deux traités, sont, pour leur mise en œuvre et leur application, interprétées conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de signature du présent accord.»
4 L’article 31 de l’accord EEE est libellé comme suit:
«1. Dans le cadre du présent accord, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre de la [Communauté européenne] ou d’un État de l’[Association européenne de libre-échange (AELE)] sur le territoire d’un autre de ces États sont interdites. La présente disposition s’étend également à la création d’agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d’un État membre de la [Communauté européenne] ou d’un État de l’AELE, établis sur le territoire de l’un de ces États.
La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, notamment de sociétés au sens de l’article 34, [second] alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre 4.
[…]»
5 L’article 34, second alinéa, de l’accord EEE prévoit:
«Par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif.»
6 La convention préventive de la double imposition dans le domaine de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ainsi que des taxes professionnelles et de l’impôt foncier, conclue entre la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche le 4 octobre 1954 (BGBl. 1955 II, p. 749), telle que modifiée par la convention du 8 juillet 1992 (BGBl. 1994 II, p. 122, ci-après la «convention germano-autrichienne»), prévoit à son article 4:
«1) Si une personne domiciliée dans l’un des États contractants tire des revenus, en tant qu’exploitant ou coexploitant d’une entreprise industrielle ou commerciale dont l’activité s’étend au territoire de l’autre État contractant, le droit d’imposition sur ces revenus ne ressortit à la compétence de cet autre État que dans la mesure où ils sont tirés d’un établissement stable situé sur son territoire.
2) Ce faisant, on imputera à cet établissement stable les revenus qu’il aurait réalisés s’il avait été une entreprise indépendante exerçant une activité identique ou analogue dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l’entreprise dont il constitue un établissement stable.
3) Au sens de la présente [c]onvention, l’expression ‘établissement stable’ désigne une installation fixe d’affaires de l’entreprise industrielle ou commerciale où cette entreprise exerce tout ou partie de son activité.
[…] »
7 L’article 15 de la convention germano-autrichienne dispose:
«1) L’État de résidence n’a pas droit d’imposition si ce dernier a été attribué à l’autre État contractant dans les articles précédents.
[…]
3) Le paragraphe 1 n’exclut pas que l’État de résidence impose les revenus et les éléments de fortune qui relèvent de sa compétence en appliquant le taux d’impôt correspondant au revenu global ou à la fortune totale du contribuable.»
8 L’article 12, sous b), du protocole, du 24 août 2000, de la convention préventive de la double imposition dans le domaine de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ainsi que des taxes professionnelles et de l’impôt foncier, conclue entre la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche le 4 octobre 1954, (BGBl. 2002 II, p. 734), stipule que les pertes réalisées à partir de l’exercice 1998 sont à prendre en compte sur la base de la réciprocité dans l’État où est situé l’établissement stable concerné. Cette disposition est libellée comme suit:
«Lorsque des personnes résidant en Allemagne subissent, à partir de l’exercice 1990 (1989/1990), des pertes dans des établissements situés en Autriche, les pertes dégagées jusqu’à l’exercice 1997 (1996/1997) inclus sont prises en compte conformément aux dispositions de l’article 2a, paragraphe 3, de la loi allemande relative à l’impôt sur le revenu [(Einkommensteuergesetz, BGBl. 1988 I, p. 1093, ci-après l’‘EstG’)]. À compter de l’année d’imposition 1994, la prise en compte des sommes initialement déduites, conformément à l’article 2a, paragraphe 3, troisième phrase, de [l’EStG], ne s’applique pas. Dès lors qu’un traitement fiscal ne peut être effectué conformément à ces dispositions, en Allemagne, compte tenu du caractère définitif de l’imposition et de l’impossibilité de relancer la procédure en raison de l’expiration du délai fixé pour la détermination de l’impôt, la prise en compte est possible en Autriche sous la forme d’une déduction de pertes. Des pertes dégagées à partir de l’exercice 1998 (1997/1998) doivent être prises en compte dans l’État où se situe l’établissement selon le principe de réciprocité. Les règles ci-dessus ne s’appliquent que pour autant qu’elles n’entraînent pas une double prise en compte des pertes.»
Le droit allemand
9 L’article 2, paragraphe 1, de la loi relative à des mesures fiscales applicables aux investissements des entreprises allemandes à l’étranger [Gesetz über steuerliche Maßnahmen bei Auslandsinvestitionen der deutschen Wirtschaft (Auslandsinvestitionsgesetz)], du 18 août 1969 (BGBl. 1969 I, p. 1211, ci-après l’«AIG»), en vigueur à la date des faits au principal, était libellé comme suit:
«Lorsque, en vertu d’une convention visant à éviter la double imposition, il y a lieu d’exonérer un assujetti intégral de l’impôt sur les revenus concernant des résultats issus d’une exploitation industrielle ou commerciale établie dans un État étranger, il y a lieu, à la demande de l’assujetti, de déduire, dans le calcul du montant total des revenus, une perte qui se dégagerait de ces résultats selon les dispositions du droit fiscal national, dès lors que cette perte pourrait être compensée ou déduite par l’assujetti, si ces revenus ne devaient pas être exonérés, et dès lors qu’elle dépasse des revenus positifs d’une activité industrielle ou commerciale, provenant d’autres exploitations établies dans ce même État étranger, exonérés en vertu de ladite convention. Dès lors que cela n’entraîne pas la compensation de la perte, la déduction de celle-ci est admise en présence des conditions fixées à l’article 10d de [l’EStG]. Le montant déduit, conformément aux première et deuxième phrases, doit être pris à nouveau en compte dans le calcul de la somme totale des revenus, pour la période d’imposition concernée, dès lors que, dans l’une des périodes d’imposition suivantes, il se dégage, dans l’ensemble, un revenu positif des résultats issus d’une activité industrielle et commerciale provenant d’exploitations établies dans cet État étranger, ce revenu positif étant exonéré conformément à la convention en cause. La troisième phrase ne s’applique pas, dès lors que l’assujetti démontre que, en vertu des dispositions édictées par l’État étranger qui lui sont applicables, il n’est pas autorisé à porter ces pertes en déduction de résultats autres que ceux de l’année au cours de laquelle la perte a été dégagée».
10 À partir de l’année 1990, les règles relatives au droit à déduction étaient énoncées à l’article 2 bis, paragraphe 3, de l’EStG.
Le droit autrichien
11 Jusqu’en 1988, le droit fiscal autrichien ne prévoyait pas de report des pertes subies par les sociétés partiellement assujetties, c’est-à-dire par les établissements stables appartenant à des sociétés sises sur le territoire d’un État autre que la République d’Autriche. Ce n’est qu’en 1989 que la déduction des pertes réalisées par ces établissements stables a été introduite en Autriche, et cela également en ce qui concerne les pertes réalisées avant le 31 décembre 1988, au cours des sept années précédentes.
12 Un tel report n’a toutefois été admis pour les pertes réalisées par les établissements stables sis sur le territoire de la République d’Autriche et appartenant à des sociétés établies dans un autre État, c’est-à-dire à des contribuables partiellement assujettis, que lorsque l’entreprise concernée n’a réalisé dans l’ensemble, c’est-à-dire au regard des revenus mondiaux, aucun bénéfice. Des pertes subies par un établissement stable sis en Autriche ne pouvaient donc être prises en compte que dans la mesure où elles étaient supérieures aux bénéfices réalisés en dehors de l’assujettissement partiel. En outre, une telle déduction n’était possible que dans la mesure où les pertes avaient été déterminées sur la base d’une comptabilité régulière et n’avaient pas déjà été prises en compte dans le cadre d’une imposition au cours d’exercices fiscaux précédents.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 KR Wannsee, défenderesse dans le cadre du recours en «Revision», est une société à responsabilité limitée établie en Allemagne qui a exploité, de 1982 à 1994, un établissement stable situé en Autriche. Jusqu’à la fin de l’année 1990, elle a subi, au titre de cet établissement, des pertes d’un montant total de 2 467 407 DEM, dont 36 295 DEM pour ladite année.
14 À la demande de KR Wannsee, ces pertes ont été prises en compte, par le Finanzamt, requérant dans le cadre du même recours en «Revision», dans le calcul de l’assiette imposable de cette société, c’est-à-dire eu égard aux bénéfices réalisés en Allemagne, par cette dernière, au cours des périodes d’imposition correspondant aux années 1982 à 1990.
15 Entre 1991 et 1994, KR Wannsee a réalisé, dans son établissement stable sis en Autriche, des bénéfices s’élevant à 1 191 672 DEM, dont 746 828 DEM durant l’année 1994 en cause au principal. Cette même année, KR Wannsee a cédé ledit établissement stable.
16 Conformément aux dispositions du droit fiscal allemand alors en vigueur, le Finanzamt a ajouté les bénéfices réalisés durant la période correspondant aux années 1991 à 1994 par l’établissement stable sis en Autriche à la somme totale des revenus acquis par KR Wannsee en Allemagne. Le Finanzamt a ainsi imposé a posteriori les sommes déduites antérieurement dans le cadre de l’imposition nationale, au titre des pertes réalisées par l’établissement stable sis en Autriche. Pour la période d’imposition en cause au principal, à savoir l’année 1994, les revenus imposables de KR Wannsee ont, par conséquent, été majorés des bénéfices réalisés par ledit établissement stable au cours de cette année, soit d’un montant de 746 828 DEM.
17 En Autriche, KR Wannsee a été imposée au titre de l’impôt sur les sociétés en 1992 et en 1993, exercices pendant lesquels son établissement stable a réalisé des bénéfices. À cette occasion, les pertes subies antérieurement par cette société dans ledit établissement stable n’ont pas été prises en compte. Eu égard au fait que la République d’Autriche ne permettait une déduction des pertes que, à titre subsidiaire, dans le cas où une prise en compte de celles-ci n’était pas possible dans l’État où était établie la société dont dépendait l’établissement stable et étant donné que KR Wannsee avait réalisé des bénéfices en Allemagne entre 1982 et 1990, la compensation des pertes subies lui a été refusée en Autriche au titre des années 1992 et 1993.
18 En ce qui concerne l’année 1994, l’établissement stable de KR Wannsee aurait dû, conformément aux dispositions fiscales autrichiennes, faire l’objet d’une imposition des bénéfices réalisés au cours de cette année. Néanmoins, aucune imposition au titre de l’impôt sur les sociétés n’a été établie en Autriche pour ladite année, contrairement à ce qui avait été le cas pour les années 1992 et 1993.
19 À la suite de la décision du Finanzamt consistant à calculer la somme totale des revenus acquis par KR Wannsee en Allemagne en tenant compte des bénéfices réalisés par son établissement stable sis en Autriche, cette société a formé un recours contre les avis d’imposition relatifs aux années 1992 à 1994, en demandant la déduction des sommes réintégrées dans la base de calcul de l’impôt établi en Allemagne. KR Wannsee a motivé son recours en soutenant que, en raison de la limitation à sept ans, en Autriche, du report des pertes, une réintégration desdites sommes sur le fondement des dispositions de l’AIG n’était pas conforme au droit.
20 Le Finanzgericht Berlin a rejeté le recours présenté par KR Wannsee à l’encontre des avis d’imposition portant sur les années 1992 et 1993. En revanche, cette juridiction a accueilli le recours dirigé contre l’avis d’imposition relatif à l’année 1994.
21 Le Bundesfinanzhof, saisi du litige en dernier ressort par le Finanzamt au sujet de la réintégration effectuée au titre de l’exercice fiscal 1994, a émis des réserves quant à la conformité de la réglementation nationale avec le droit communautaire.
22 Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article 31 de [l’accord EEE] s’oppose-t-il à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle une personne établie dans ce même État membre et qui y est entièrement assujettie peut en vertu d’une convention de prévention de la double imposition déduire, sous certaines conditions, lors du calcul du montant total des revenus, des pertes exonérées d’impôts sur le revenu provenant d’un établissement stable sis dans un autre État membre,
– mais en vertu de laquelle la somme déduite doit être de nouveau ajoutée pour la période d’imposition en cause lors du calcul du montant total des revenus si, pendant l’une des périodes d’imposition subséquentes, l’établissement stable sis dans l’autre État membre produit un résultat d’ensemble positif résultant des revenus provenant d’une activité commerciale et à exonérer en vertu de la convention de prévention de la double imposition,
– à moins que l’assujetti ne démontre que, d’après les dispositions de l’autre État membre qui lui sont applicables, une déduction de pertes au cours d’autres années que l’année des pertes proprement dite ne peut ‘d’une manière générale’ pas être invoquée, ce qui n’est pas le cas lorsque l’autre État ouvre, certes, d’une manière générale la possibilité d’une déduction de pertes, mais qu’elle n’intervient pas dans la situation concrète dans laquelle se trouve l’assujetti?
2) En cas de réponse positive: si les restrictions portées à la déduction des pertes dans l’autre État membre (que l’État source) enfreignent elles-mêmes l’article 31 de [l’accord EEE] parce qu’elles désavantagent la personne qui y est partiellement assujettie avec ses revenus provenant de l’établissement stable vis-à-vis de la personne entièrement assujettie, cela a-t-il une incidence sur l’État d’établissement?
3) De même en cas de réponse positive: l’État d’établissement doit-il renoncer à l’imposition complémentaire des pertes de l’établissement stable étranger si dans le cas contraire ces pertes ne peuvent être déduite dans aucun État membre, l’établissement stable dans l’autre État membre ayant été abandonné?»
Sur les questions préjudicielles
Sur l’applicabilité de l’article 31 de l’accord EEE
23 À titre préalable, il convient de relever que les stipulations de l’accord EEE relatives à la liberté d’établissement s’appliquaient aux rapports entre la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche pendant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1994, l’adhésion du second de ces États à l’Union européenne étant intervenue le 1er janvier 1995.
24 S’agissant de la portée desdites stipulations, la Cour a jugé que les règles interdisant des restrictions à la liberté d’établissement énoncées à l’article 31 de l’accord EEE sont identiques à celles qu’impose l’article 43 CE (voir arrêt du 23 février 2006, Keller Holding, C-471/04, Rec. p. I-2107, point 49). La Cour a également précisé que, dans le domaine considéré, les règles de l’accord EEE et celles du traité CE doivent faire l’objet d’une interprétation uniforme (voir arrêts du 23 septembre 2003, Ospelt et Schlössle Weissenberg, C-452/01, Rec. p. I-9743, point 29, et du 1er avril 2004, Bellio F.lli, C-286/02, Rec. p. I-3465, point 34).
25 Quant à l’applicabilité de l’article 31 de l’accord EEE aux faits de l’affaire au principal, le gouvernement allemand fait valoir que, compte tenu du fait que, durant toutes les années concernées par la déduction des pertes, à savoir les années 1982 à 1990, l’accord EEE n’était pas encore en vigueur, le mécanisme fiscal en cause au principal ne saurait être apprécié au regard dudit article, étant donné que le moment pertinent pour déterminer la législation applicable correspond à celui de la déduction initiale des pertes.
26 À cet égard, il importe de relever que, nonobstant la circonstance factuelle ainsi soulignée, c’est non pas la déduction des pertes, mais la réintégration effectuée sur le plan fiscal qui constitue l’élément devant être apprécié par la Cour et que cette réintégration a été opérée en 1994. Or, l’accord EEE étant entré en vigueur le 1er janvier 1994, le mécanisme fiscal en cause au principal peut être examiné au regard de l’article 31 de celui-ci.
Sur l’existence d’une restriction au droit énoncé à l’article 31 de l’accord EEE
27 Par ses questions préjudicielles qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 31 de l’accord EEE s’oppose à un régime fiscal national qui, après avoir admis la prise en compte des pertes subies par un établissement stable sis dans un État autre que celui dans lequel est établie la société dont cet établissement dépend, aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu de cette société, prévoit une réintégration fiscale desdites pertes au moment où ledit établissement stable dégage des bénéfices, lorsque l’État où est situé ce même établissement stable n’accorde aucun droit au report des pertes subies par un établissement stable appartenant à une société établie dans un autre État et lorsque, en vertu d’une convention visant à prévenir la double imposition conclue entre les deux États concernés, les revenus d’une telle entité sont exonérés d’imposition dans l’État où la société dont cette dernière dépend a son siège.
28 Il convient de rappeler que la liberté d’établissement comprend, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté, le droit d’exercer leur activité dans d’autres États membres par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (voir arrêts du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C-307/97, Rec. p. I-6161, point 35; du 14 décembre 2000, AMID, C-141/99, Rec. p. I-11619, point 20, et Keller Holding, précité, point 29).
29 La Cour a également souligné que, même si, selon leur libellé, les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’État d’origine entrave l’établissement dans un autre État de l’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (voir arrêts du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 21, et du 6 décembre 2007, Columbus Container Services, C-298/05, Rec. p. I-10451, point 33).
30 En outre, il est de jurisprudence constante que doivent être considérées comme de telles restrictions toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté (voir arrêts du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37, et du 5 octobre 2004, CaixaBank France, C-442/02, Rec. p. I-8961, point 11).
31 Ces principes s’appliquent, lorsqu’une société établie dans un État membre opère dans un autre État membre par l’intermédiaire d’un établissement stable (voir arrêt du 15 mai 2008, Lidl Belgium, C-414/06, non encore publié au Recueil, point 20).
32 S’agissant des effets du régime fiscal allemand au regard du droit communautaire, il ressort du point 23 de l’arrêt Lidl Belgium, précité, que des dispositions permettant la prise en compte des pertes d’un établissement stable aux fins de la détermination des résultats et du calcul du revenu imposable de la société dont dépend cet établissement constituent un avantage fiscal. L’octroi ou le refus d’un tel avantage au titre d’un établissement stable situé dans un État membre autre que celui où ladite société est établie doit, dès lors, être considéré comme un élément susceptible d’affecter la liberté d’établissement.
33 Certes, par opposition à la réglementation ayant fait l’objet de l’arrêt Lidl Belgium, précité, le régime fiscal allemand en cause dans l’affaire au principal prévoit la prise en compte, dans les résultats de la société établie en Allemagne et dont dépend l’établissement stable sis en Autriche, des pertes subies par ledit établissement stable.
34 En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 14 du présent arrêt, l’intégralité des pertes enregistrées par l’établissement stable sis en Autriche a été, dans un premier temps, retranchée des bénéfices réalisés par la société dont il dépendait, dans le cadre de l’imposition, en Allemagne, de ladite société.
35 Ce faisant, la République fédérale d’Allemagne a consenti un avantage fiscal à la société résidente dont dépendait l’établissement stable sis en Autriche, de la même manière que si cet établissement stable avait été sis en Allemagne.
36 Toutefois, en procédant, dans un second temps, à la réintégration des pertes dudit établissement stable dans l’assiette imposable de la société dont il dépendait, dès lors que ce dernier avait réalisé des bénéfices, le régime fiscal allemand a retiré le bénéfice de cet avantage fiscal.
37 Quand bien même cette réintégration n’a été opérée qu’à concurrence du montant des bénéfices réalisés par ce même établissement stable, il n’en demeure pas moins que, dans cette mesure, la législation allemande a ainsi soumis les sociétés résidentes possédant des établissements stables en Autriche à un traitement fiscal moins favorable que celui dont ont bénéficié les sociétés résidentes possédant des établissements stables sis en Allemagne.
38 Dans ces conditions, la situation fiscale d’une société qui a son siège statutaire en Allemagne et qui possède un établissement stable en Autriche est moins favorable que celle qui serait la sienne si cette dernière entité était établie en Allemagne. En raison de cette différence de traitement fiscal, une société allemande aurait pu être dissuadée de continuer à exercer ses activités par l’intermédiaire d’un établissement stable situé en Autriche (voir, en ce sens, arrêt Lidl Belgium, précité, point 25).
39 Force est de conclure que le régime fiscal en cause au principal comporte une restriction au droit énoncé à l’article 31 de l’accord EEE.
Sur l’existence d’une justification
40 Il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’une restriction à la liberté d’établissement ne saurait être admise que si elle se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, dans cette hypothèse, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir arrêt Lidl Belgium, précité, point 27 et jurisprudence citée).
41 À cet égard, la juridiction de renvoi souligne le fait que les revenus dégagés par l’établissement stable situé en Autriche sont imposés non pas en Allemagne, c’est-à-dire dans l’État membre de résidence de la société à laquelle il appartient, mais en Autriche, conformément aux dispositions de la convention germano-autrichienne.
42 Sur ce point, il convient de relever que la réintégration des pertes prévue par le régime fiscal allemand en cause au principal ne saurait être dissociée de la prise en compte antérieure de celles-ci. Cette réintégration, dans le cas d’une société possédant un établissement stable sis dans un autre État, au regard duquel l’État de résidence de cette société ne dispose d’aucun droit d’imposition, reflète en effet, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, une logique symétrique. Il existait donc un lien direct, personnel et matériel entre les deux éléments du mécanisme fiscal en cause au principal, ladite réintégration constituant le complément logique de la déduction accordée précédemment.
43 Force est de conclure que la restriction qui découle de la réintégration ainsi prévue est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal allemand.
44 À cet égard, il convient d’ajouter que cette restriction est appropriée pour atteindre un tel objectif en tant qu’elle opère de manière parfaitement symétrique, seules les pertes déduites étant réintégrées.
45 Par ailleurs, ladite restriction est tout à fait proportionnée à l’objectif visé, dès lors que les pertes réintégrées ne le sont qu’à concurrence du montant des bénéfices réalisés.
46 Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les effets combinés, dont fait état la juridiction de renvoi dans le cadre de ses première et deuxième questions, du régime fiscal allemand et de la législation fiscale autrichienne en cause dans l’affaire au principal.
47 La juridiction de renvoi précise, à cet égard, que la législation fiscale allemande ne prévoyait pas une réintégration telle que celle faisant l’objet du litige au principal, dès lors que l’assujetti démontrait que les dispositions qui lui étaient applicables dans un État autre que celui où il était établi ne permettaient pas, d’une manière générale, de bénéficier d’une déduction de pertes au cours d’années autres que celles au titre desquelles elles avaient été réalisées, ce qui n’était pas le cas lorsque cet État prévoyait, en principe, une telle possibilité de déduction de pertes, mais que cette faculté ne pouvait être mise en œuvre dans la situation concrète dans laquelle se trouvait ledit assujetti. Or, dans l’affaire au principal, KR Wannsee se serait trouvée dans l’impossibilité de faire prendre en compte par les autorités fiscales autrichiennes les pertes subies entre 1982 et 1990.
48 Sur ce point, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation communautaire, les États membres demeurent compétents pour déterminer les critères d’imposition des revenus et de la fortune, en vue d’éliminer, le cas échéant par la voie conventionnelle, les doubles impositions (voir arrêts du 3 octobre 2006, FKP Scorpio Konzertproduktionen, C-290/04, Rec. p. I-9461, point 54; du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C-374/04, Rec. p. I-11673, point 52, et du 18 juillet 2007, Oy AA, C-231/05, Rec. p. I-6373, point 52).
49 Cette compétence implique également qu’un État ne saurait être tenu de prendre en considération, aux fins de l’application de sa propre législation fiscale, les conséquences éventuellement défavorables découlant des particularités d’une réglementation d’un autre État applicable à un établissement stable situé sur le territoire dudit État et appartenant à une société dont le siège se trouve sur le territoire du premier État (voir, en ce sens, arrêts Columbus Container Services, précité, point 51, et du 28 février 2008, Deutsche Shell, C-293/06, non encore publié au Recueil, point 42).
50 La Cour a, en effet, jugé que la liberté d’établissement ne saurait être comprise en ce sens qu’un État membre est obligé d’aménager ses règles fiscales en fonction de celles d’un autre État membre afin de garantir, dans toutes les situations, une imposition qui efface toute disparité découlant des réglementations fiscales nationales, étant donné que les décisions prises par une société quant à l’établissement de structures commerciales à l’étranger peuvent, selon les cas, être plus ou moins avantageuses ou désavantageuses pour une telle société (voir arrêt Deutsche Shell, précité, point 43).
51 À supposer même que l’effet combiné de l’imposition établie dans l’État où est implanté le siège de la société dont dépend l’établissement stable concerné et de l’imposition due dans l’État où est situé cet établissement puisse conduire à une restriction de la liberté d’établissement, une telle restriction est uniquement imputable au second de ces États.
52 Dans une telle hypothèse, ladite restriction résulterait non pas du régime fiscal en cause au principal, mais de la répartition des compétences fiscales opérée dans le cadre de la convention germano-autrichienne.
53 L’appréciation selon laquelle la restriction qui découle dudit régime fiscal est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence de celui-ci ne saurait non plus être remise en cause par le fait, dont fait état la juridiction de renvoi dans le cadre de sa troisième question, que la société dont dépend l’établissement stable concerné a cédé ce dernier et que les bénéfices et les pertes réalisés par ledit établissement stable tout au long de son existence se soldent par un résultat négatif.
54 En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 42 du présent arrêt, la réintégration du montant des pertes de l’établissement stable dans les résultats de la société dont il dépend est le complément indissociable et logique de leur prise en compte opérée précédemment.
55 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux questions préjudicielles que l’article 31 de l’accord EEE ne s’oppose pas à un régime fiscal national qui, après avoir admis la prise en compte des pertes subies par un établissement stable sis dans un État autre que celui dans lequel est établie la société dont cet établissement dépend, aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu de cette société, prévoit une réintégration fiscale desdites pertes au moment où ledit établissement stable dégage des bénéfices, lorsque l’État où est situé ce même établissement stable n’accorde aucun droit au report des pertes subies par un établissement stable appartenant à une société établie dans un autre État et lorsque, en vertu d’une convention visant à prévenir la double imposition conclue entre les deux États concernés, les revenus d’une telle entité sont exonérés d’imposition dans l’État où la société dont cette dernière dépend a son siège.
Sur les dépens
56 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
L’article 31 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, ne s’oppose pas à un régime fiscal national qui, après avoir admis la prise en compte des pertes subies par un établissement stable sis dans un État autre que celui dans lequel est établie la société dont cet établissement dépend, aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu de cette société, prévoit une réintégration fiscale desdites pertes au moment où ledit établissement stable dégage des bénéfices, lorsque l’État où est situé ce même établissement stable n’accorde aucun droit au report des pertes subies par un établissement stable appartenant à une société établie dans un autre État et lorsque, en vertu d’une convention visant à prévenir la double imposition conclue entre les deux États concernés, les revenus d’une telle entité sont exonérés d’imposition dans l’État où la société dont cette dernière dépend a son siège.
Signatures
* Langue de procédure: l’allemand.