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Affaire C-303/07

Procédure engagée par

Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Korkein hallinto-oikeus)

«Liberté d'établissement — Directive 90/435/CEE — Impôt sur les sociétés — Distribution de dividendes — Retenue à la source opérée sur les dividendes versés à des sociétés non-résidentes autres que les sociétés au sens de ladite directive — Exonération des dividendes versés à des sociétés résidentes»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Législation fiscale — Impôt sur les sociétés — Imposition des dividendes

(Art. 43 CE et 48 CE; directive du Conseil 90/435, art. 2, a))

Les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la législation d’un État membre qui exonère de la retenue à la source les dividendes distribués par une filiale résidente de cet État à une société anonyme établie dans le même État, mais qui soumet à cette retenue à la source les dividendes similaires versés à une société mère du type société d’investissement à capital variable (SICAV) résidente d’un autre État membre, qui revêt une forme juridique inconnue dans le droit du premier État et ne figurant pas sur la liste des sociétés visées à l’article 2, sous a), de la directive 90/435, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, telle que modifiée par la directive 2003/123, et qui est exonérée de l’impôt sur le revenu en application de la législation de l’autre État membre.

En effet, une telle différence de traitement fiscal des dividendes entre sociétés mères en fonction du lieu de leur siège constitue une restriction à la liberté d’établissement, en principe interdite par les articles 43 CE et 48 CE en ce qu’elle rend moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement par des sociétés établies dans d’autres États membres, lesquelles pourraient en conséquence renoncer à l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale dans l’État membre qui met en oeuvre une telle différence de traitement.

Certes, à l’égard des mesures prévues par un État membre afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d’actionnaires bénéficiaires résidents d’un autre État membre. Toutefois, à partir du moment où un État membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais également les actionnaires non-résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents. Par conséquent, dès lors qu’un État membre a choisi de préserver les sociétés mères résidentes d’une imposition en chaîne sur les bénéfices distribués par une filiale résidente, il doit étendre cette mesure aux sociétés mères non-résidentes se trouvant dans une situation comparable, en raison du fait qu’une imposition analogue frappant ces sociétés non-résidentes résulte de l’exercice de sa compétence fiscale sur ces dernières.

La circonstance qu’il n’existe pas, dans le droit national, un type de sociétés ayant une forme juridique identique à celle d’une SICAV résidente d'un autre État membre ne saurait, en elle-même, justifier un traitement différencié, dans la mesure où, le droit des sociétés des États membres n’étant pas entièrement harmonisé au niveau communautaire, cela priverait la liberté d’établissement de tout effet utile. En outre, la circonstance relative à l’absence d’imposition des revenus d’une SICAV dans son État membre de résidence n’instaure pas une différence entre celle-ci et une société anonyme résidente justifiant un traitement différencié en ce qui concerne la retenue à la source sur les dividendes perçus par ces deux catégories de sociétés, dès lors que l'État membre de la société distributrice a choisi de ne pas exercer sa compétence d'imposition sur de tels revenus, lorsqu'ils sont perçus par les sociétés résidentes. Par ailleurs, n’est pas non plus pertinent l’argument selon lequel, en raison du fait qu'un État membre n’imposerait pas les revenus d’une SICAV, l’imposition en chaîne interviendrait non pas au niveau de cette société, mais bien au niveau de ses actionnaires et devrait être évitée par l’État membre dans lequel ces derniers ont leur résidence, dès lors que c’est bien l'État membre concerné qui, en soumettant à une retenue à la source les revenus qui ont déjà été imposés au niveau de la société distributrice, crée l’imposition en chaîne, imposition que cet État membre a choisi de prévenir s’agissant des dividendes distribués aux sociétés résidentes. Dans ces conditions, les différences existant entre une SICAV étrangère et une société anonyme de droit national ne sont pas suffisantes pour créer une distinction objective au regard de l’exonération de la retenue à la source sur les dividendes perçus.

Un tel régime fiscal ne saurait être justifié par des raisons tenant à la prévention de l’évasion fiscale dans la mesure où il ne vise pas spécifiquement des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique et créés uniquement dans le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national. S’agissant de l’argument relatif à la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition, dès lors qu’un État membre a choisi de ne pas imposer les sociétés bénéficiaires établies sur son territoire à l’égard de ce type de revenus, il ne saurait invoquer la nécessité d’assurer une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres afin de justifier l’imposition des sociétés bénéficiaires établies dans un autre État membre. La restriction à la liberté d’établissement constituée par ladite réglementation ne saurait pas non plus être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal. En effet, l’exonération de la retenue à la source des dividendes n’étant pas soumise à la condition que les dividendes perçus par la société anonyme soient redistribués par celle-ci et que leur imposition dans le chef des détenteurs des parts de ladite société permette de compenser l’exonération de la retenue à la source, il n’existe pas de lien direct entre l’exonération de la retenue à la source et l’imposition desdits dividendes en tant que revenus des détenteurs de parts d’une société anonyme.

(cf. points 41-44, 50-51, 54-56, 65-67, 73-76 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

18 juin 2009 (*)

«Liberté d’établissement – Directive 90/435/CEE – Impôt sur les sociétés – Distribution de dividendes – Retenue à la source opérée sur les dividendes versés à des sociétés non-résidentes autres que les sociétés au sens de ladite directive – Exonération des dividendes versés à des sociétés résidentes»

Dans l’affaire C-303/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Korkein hallinto-oikeus (Finlande), par décision du 27 juin 2007, parvenue à la Cour le 29 juin 2007, dans la procédure engagée par

Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano, A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 novembre 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy, par MM. J. Laaksonen, oikeustieteen kandidaatti, et M. Virolainen, kauppatieteiden maisteri,

–        pour le gouvernement finlandais, par Mme J. Himmanen, en qualité d'agent,

–        pour le gouvernement chypriote, par Mme E. Neofitou, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et I. Koskinen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 43 CE, 48 CE, 56 CE et 58 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée devant le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême) par la société de droit finlandais Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy (ci-après «Alpha») au sujet du prélèvement d’une retenue à la source sur les dividendes à distribuer à Aberdeen Property Nordic Fund I SICAV (ci-après «Nordic Fund SICAV»), une société d’investissement à capital variable (SICAV) de droit luxembourgeois établie au Luxembourg.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        La directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), telle que modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003 (JO 2004, L 7, p. 41, ci-après la «directive 90/435»), prévoit à son article 2:

«1.      Aux fins de l’application de la […] directive [90/435], les termes ‘société d’un État membre’ désignent toute société:

a)      qui revêt une des formes énumérées à l’annexe;

[…]

c)      qui, en outre, est assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée, à l’un des impôts suivants:

[…]

–      impôt sur le revenu des collectivités au Luxembourg,

[…]

–      yhteisöjen tulovero/inkomstskatten för samfund en Finlande,

[…]»

4        L’article 3, paragraphe 1, sous a), premier alinéa, de la directive 90/435 dispose que, aux fins de l’application de celle-ci, la qualité de société mère est reconnue au moins à toute société d’un État membre qui remplit les conditions énoncées à l’article 2 de cette directive et qui détient, dans le capital d’une société d’un autre État membre remplissant les mêmes conditions, une participation minimale de 20 %. Conformément au même article 3, paragraphe 1, sous a), troisième et quatrième alinéas, ce pourcentage minimal de participation correspond à 15 % à partir du 1er janvier 2007 et à 10 % à partir du 1er janvier 2009.

5        En vertu de l’article 5 de ladite directive, les bénéfices distribués par une filiale à sa société mère sont exonérés de retenue à la source.

6        L’annexe de la directive 90/435, sous i) et m), est libellée comme suit:

«i)      les sociétés de droit luxembourgeois dénommées ‘société anonyme’, ‘société en commandite par actions’, ‘société à responsabilité limitée’, ‘société coopérative’, ‘société coopérative organisée comme une société anonyme’, ‘association d’assurances mutuelles’, ‘association d’épargne-pension’, ‘entreprise de nature commerciale, industrielle ou minière de l’État, des communes, des syndicats de communes, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public’, ainsi que les autres sociétés constituées conformément au droit luxembourgeois et assujetties à l’impôt sur les sociétés au Luxembourg;

m)      les sociétés de droit finlandais dénommées ‘osakeyhtiö/aktiebolag’, ‘osuuskunta/andelslag’, ‘säästöpankki/sparbank’ et ‘vakuutusyhtiö/försäkringsbolag’».

 La réglementation nationale

7        Conformément à l’article 3 de la loi relative à l’impôt sur le revenu [Tuloverolaki (1535/1992)] du 30 décembre 1992, on entend par «collectivité», notamment, la société anonyme, la coopérative, la caisse d’épargne et le fonds d’investissement ainsi que toute autre personne morale ou universalité de biens consacrée à un objectif particulier assimilable aux collectivités visées à cet article.

8        L’article 9, paragraphe 1, de ladite loi relative à l’impôt sur le revenu prévoit:

«Est assujettie à l’impôt sur le revenu:

[…]

2)      toute personne physique qui n’était pas domiciliée en Finlande pendant l’exercice fiscal et toute personne morale étrangère pour les revenus perçus en Finlande (assujettissement à titre partiel).»

9        Conformément à l’article 10, paragraphe 6, de ladite loi, les dividendes versés par une société anonyme, une coopérative ou toute autre collectivité finlandaise constituent un revenu perçu en Finlande.

10      La loi relative à l’imposition des revenus provenant d’une activité économique [Laki elinkeinotulon verottamisesta (360/1968)] du 24 juin 1968, qui réglemente la fiscalité des dividendes perçus par les sociétés anonymes établies en Finlande, dispose à son article 6 a, dans sa version du 30 juillet 2004:

«Les dividendes perçus par une société ne constituent pas des revenus imposables. Sous réserve du deuxième alinéa, ils sont néanmoins imposables à 75 % et exonérés d’impôt à 25 % si:

1)      le dividende a été perçu sur la base d’actions détenues dans des actifs et la société qui le distribue n’est pas une société étrangère au sens de l’article 2 de la directive [90/435] dont 10 % au moins du capital social est détenu directement, lors de la distribution des dividendes, par le bénéficiaire du dividende;

2)      la société qui distribue le dividende n’est pas une société finlandaise ni une société établie dans un État membre de l’Union européenne, telle que visée au point 1, ou

3)      la société qui distribue le dividende est une société cotée au sens de l’article 33 a, deuxième alinéa, de la loi relative à l’impôt sur le revenu et le bénéficiaire du dividende est une société non cotée qui ne détient pas directement, lors de la distribution des dividendes, 10 % au moins du capital social de la société distribuant le dividende.

En l’absence de convention visant à éviter la double imposition entre l’État d’établissement de la société étrangère distribuant le dividende visé au premier alinéa, point 2, et la [République de] Finlande, applicable au dividende distribué durant l’exercice concerné, ce dividende constitue un revenu intégralement imposable.

[…]»

11      Conformément à l’article 3 de la loi relative à l’imposition des revenus des redevables assujettis à titre partiel [Laki rajoitetusti verovelvollisen tulon verottamisesta (627/1978)] du 11 août 1978, l’impôt à la source est prélevé notamment sur les dividendes. Les dispositions de cette loi applicables aux dividendes valent également pour la participation aux bénéfices des fonds d’investissement.

12      Selon l’article 3, cinquième alinéa, de ladite loi, dans sa version du 30 juillet 2004, l’impôt à la source n’est pas prélevé sur les dividendes versés à une société domiciliée dans un État membre de l’Union européenne qui détient directement au moins 20 % du capital de la société qui verse le dividende, à condition que le bénéficiaire soit une société au sens de l’article 2 de la directive 90/435.

13      Les dividendes non visés par l’exception prévue audit article 3, cinquième alinéa, sont soumis à un impôt à la source, dont le taux est déterminé par la convention fiscale entre l’État membre de résidence du bénéficiaire et la République de Finlande, et, en l’absence d’une telle convention, ce taux est fixé à 28 % du montant brut du dividende.

 La convention préventive de la double imposition

14      La convention entre le Luxembourg et la Finlande tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, conclue le 1er mars 1982 (Mémorial A 1982, p. 1966), dans sa rédaction applicable au litige au principal (ci-après la «convention fiscale»), ne prévoit pas de dispositions particulières concernant les sociétés de type «SICAV» de droit luxembourgeois, mais, selon la jurisprudence du Korkein hallinto-oikeus, une telle société est considérée comme une personne domiciliée au Luxembourg aux fins de cette convention.

15      En vertu de l’article 10 de la convention fiscale, les dividendes qu’une société domiciliée dans l’un des États membres contractants paye à une personne domiciliée dans l’autre État membre contractant peuvent être imposés dans ce dernier État. Les dividendes peuvent être imposés également dans l’État membre contractant où est domiciliée la société qui verse le dividende, selon le droit de cet État. Toutefois, si le bénéficiaire est le détenteur des avantages attachés au dividende, l’impôt ne peut excéder 5 % du dividende total s’il s’agit d’une société qui détient directement ou indirectement au moins 25 % du capital de la société distribuant le dividende.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

16      Alpha a présenté une demande de décision préalable à la Keskusverolautakunta (commission centrale des impôts) concernant l’imposition des dividendes versés par cette société à Nordic Fund SICAV, dont elle allait devenir, ainsi qu’il résulte de cette demande, une filiale à 100 %. La société Aberdeen Property Investors Luxemburg SA, membre du groupe Aberdeen Property Investors, devait répondre de la gestion de Nordic Fund SICAV.

17      Les parts de Nordic Fund SICAV devaient être proposées en priorité aux investisseurs institutionnels, tels que des sociétés d’assurances et des fonds de pension allemands. Nordic Fund SICAV avait pour objectif d’investir dans le secteur immobilier en Finlande au moyen d’Alpha qui ferait l’acquisition de parts de sociétés immobilières, voire, le cas échéant, deviendrait directement propriétaire de biens immobiliers.

18      Alpha a demandé à la Keskusverolautakunta si elle était tenue de prélever l’impôt à la source sur les dividendes versés à Nordic Fund SICAV, eu égard aux articles 43 CE ainsi que 56 CE et compte tenu du fait qu’un dividende versé à une société anonyme finlandaise analogue à une société de type SICAV, exerçant une activité d’investissement dans l’immobilier, ou à une autre collectivité de nature équivalente, établie en Finlande, ne serait pas un revenu imposable en vertu de la législation finlandaise et ne serait pas non plus grevé de l’impôt à la source.

19      La Keskusverolautakunta a, dans sa décision préalable n° 2/2006, du 25 janvier 2006, relative au recouvrement de l’impôt à la source pour les années 2005 et 2006, considéré qu’Alpha était tenue de prélever l’impôt sur les dividendes versés à Nordic Fund SICAV.

20      D’une part, la Keskusverolautakunta a relevé que, puisque les SICAV ne figurent pas dans la liste de l’annexe de la directive 90/435 et ne payent pas d’impôt sur le revenu dans l’État membre où elles sont établies, Nordic Fund SICAV ne saurait être considérée comme une société au sens de cette directive et, par conséquent, le dividende qui lui est versé ne doit pas être exonéré de l’impôt à la source.

21      D’autre part, la Keskusverolautakunta a indiqué que, si Nordic Fund SICAV est comparable à une société anonyme finlandaise («osakeyhtiö»), ces sociétés présentent plusieurs différences. En effet, elles diffèrent, premièrement, en ce que le capital social de la société anonyme finlandaise est bloqué et que, pendant la période d’activité de celle-ci, il ne peut pas être remboursé aux actionnaires. De telles sociétés se distinguent, deuxièmement, en raison du fait que la société anonyme finlandaise est imposable dans l’État d’établissement et, troisièmement, en tant que celle-ci est une société au sens de la directive 90/435. Dès lors, ces deux types de sociétés ne sont pas comparables au sens du droit communautaire.

22      Alpha a contesté la décision de la Keskusverolautakunta devant la juridiction de renvoi. Considérant que la solution du litige dont il est saisi nécessite une interprétation du droit communautaire, le Korkein hallinto-oikeus a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Convient-il d’interpréter les articles 43 CE et 48 CE ainsi que 56 CE et 58 CE en ce sens que, aux fins de la concrétisation des libertés fondamentales qui y sont garanties, une société anonyme ou un fonds d’investissement de droit finlandais et une […] SICAV de droit luxembourgeois doivent être considérés comme comparables bien que le droit finlandais ne connaisse pas de forme de société équivalant exactement à une […] SICAV et compte tenu aussi de ce que la […] SICAV, société de droit luxembourgeois, ne figure pas sur la liste des sociétés visées à l’article 2, sous a), de la directive [90/435], à laquelle est conforme la législation finlandaise relative à l’impôt à la source applicable en l’occurrence, et que la […] SICAV est exonérée d’impôt sur le revenu en application de la législation fiscale interne du Grand-Duché de Luxembourg? Est-il dans ces conditions contraire aux articles précités du traité CE que la société de type SICAV domiciliée au Luxembourg, bénéficiaire du dividende, ne soit pas exonérée de la retenue en Finlande de l’impôt à la source sur le dividende reçu?»

 Sur la question préjudicielle

23      Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 43 CE, 48 CE, 56 CE et 58 CE s’opposent à la législation d’un État membre qui exonère de la retenue à la source les dividendes distribués par une filiale résidente de cet État à une société anonyme ou à un fonds d’investissement établis dans le même État, mais qui soumet à cette retenue à la source les dividendes similaires versés à une société mère du type SICAV résidente d’un autre État membre, qui revêt une forme juridique inconnue dans le droit du premier État et ne figurant pas sur la liste des sociétés visées à l’article 2, sous a), de la directive 90/435, et qui est exonérée de l’impôt sur le revenu en application de la législation de l’autre État membre.

24      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C- 446/03, Rec. p. I-10837, point 29; du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C-196/04, Rec. p. I-7995, point 40; du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C-374/04, Rec. p. I-11673, point 36, et du 8 novembre 2007, Amurta, C-379/05, Rec. p. I-9569, point 16).

25      Il importe également de relever que, en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation communautaire, les États membres demeurent compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir de taxation, en vue, notamment, d’éliminer les doubles impositions (arrêts du 12 mai 1998, Gilly, C-336/96, Rec. p. I-2793, points 24 et 30; du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C-307/97, Rec. p. I-6161, point 57; du 7 septembre 2006, N, C-470/04, Rec. p. I-7409, point 44, et Amurta, précité, point 17).

26      Ce n’est que pour les distributions de dividendes entrant dans le champ d’application de la directive 90/435 que l’article 5 de celle-ci impose aux États membres d’exonérer de la retenue à la source les dividendes distribués par une filiale à sa société mère.

27      Ainsi que l’indique la juridiction de renvoi, la situation en cause au principal ne relève pas du champ d’application de la directive 90/435 dans la mesure où une société de type SICAV ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), de cette directive.

28      La Cour a déjà jugé que, pour des participations ne relevant pas de la directive 90/435, il appartient aux États membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d’introduire, à cet effet, de façon unilatérale ou au moyen de conventions conclues avec d’autres États membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition économique. Toutefois, ce seul fait ne leur permet pas d’appliquer des mesures contraires aux libertés de circulation garanties par le traité (voir arrêts précités Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, point 54, et Amurta, point 24).

29      La juridiction de renvoi ayant posé sa question par rapport tant aux articles 43 CE et 48 CE qu’aux articles 56 CE et 58 CE, il convient de déterminer au préalable si, et dans quelle mesure, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal est susceptible d’affecter les libertés garanties par ces articles.

 Sur la liberté applicable

30      Il y a lieu de relever qu’une législation nationale, en vertu de laquelle l’application de l’exonération de la retenue à la source aux dividendes distribués par une société résidente dépend, en premier lieu, du fait que la société bénéficiaire est une société résidente ou non-résidente et, en second lieu, s’agissant des sociétés bénéficiaires non-résidentes, de l’ampleur de la participation détenue dans la société distributrice par la société bénéficiaire ainsi que de la qualification de cette dernière de société au sens de l’article 2 de la directive 90/435, est susceptible de relever aussi bien de l’article 43 CE, relatif à la liberté d’établissement, que de l’article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux.

31      En effet, ne peuvent bénéficier de l’exonération de la retenue à la source ni les sociétés non-résidentes dont les participations dans la société distributrice sont inférieures au seuil fixé par la législation nationale, correspondant à l’époque des faits au principal à 20 % du capital social, ni les sociétés qui, bien que leurs participations soient supérieures à ce seuil, ne répondent pas à la définition de la société au sens de l’article 2 de la directive 90/435.

32      Ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, dans l’affaire au principal, la société bénéficiaire des dividendes est censée détenir 100 % des parts de la société distributrice, mais elle n’est pas considérée comme une société au sens de l’article 2 de ladite directive.

33      Force est dès lors de constater que le litige au principal porte exclusivement sur l’impact de la législation nationale en cause au principal sur la situation d’une société résidente distribuant des dividendes à des actionnaires détenant dans celle-ci une participation leur conférant une influence certaine sur les décisions de ladite société et leur permettant d’en déterminer les activités (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, Rec. p. I-11753, point 38, et du 26 juin 2008, Burda, C-284/06, Rec. p. I-4571, point 72).

34      Or, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une société détient une participation, au sein d’une autre société, qui lui confère une influence certaine sur les décisions de celle-ci et lui permet d’en déterminer les activités, ce sont les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement qui trouvent à s’appliquer (voir, notamment, arrêts Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 31; Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, précité, point 39; du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C-524/04, Rec. p. I-2107, point 27; du 18 juillet 2007, Oy AA, C-231/05, Rec. p. I-6373, point 20, et Burda, précité, point 69).

35      À supposer que la législation en cause au principal ait des effets restrictifs sur la libre circulation des capitaux, de tels effets seraient la conséquence inéluctable d’une éventuelle entrave à la liberté d’établissement et ne justifient pas, dès lors, un examen autonome de cette législation au regard de l’article 56 CE (voir, en ce sens, arrêts précités Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, point 33; Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, point 34, ainsi que Oy AA, point 24).

36      Il convient donc de répondre à la question posée au regard des seuls articles 43 CE et 48 CE.

 Sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement

37      Il résulte de la jurisprudence de la Cour que la liberté d’établissement, que l’article 43 CE reconnaît aux ressortissants communautaires et qui comporte pour eux l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l’article 48 CE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté européenne, le droit d’exercer leur activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (arrêts du 23 février 2006, Keller Holding, C-471/04, Rec. p. I-2107, point 29, ainsi que du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France, C-170/05, Rec. p. I-11949, point 20).

38      S’agissant des sociétés, il importe de relever que leur siège au sens de l’article 48 CE sert à déterminer, à l’instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l’ordre juridique d’un État membre. Admettre que l’État membre de résidence puisse librement appliquer un traitement différent en raison du seul fait que le siège d’une société est situé dans un autre État membre viderait l’article 43 CE de son contenu. La liberté d’établissement vise ainsi à garantir le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, en interdisant toute discrimination fondée sur le siège des sociétés (voir arrêts précités Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, point 43; Denkavit Internationaal et Denkavit France, point 22, et Burda, point 77, ainsi que arrêt du 22 décembre 2008, Truck Center, C-282/07, non encore publié au Recueil, point 32).

39      En l’occurrence, il n’est pas contesté qu’une société anonyme ou un fonds d’investissement de droit finlandais établis en Finlande et percevant des dividendes d’une autre société ayant également son siège dans cet État membre sont, en principe, exonérés de l’impôt sur ceux-ci, tandis que les dividendes versés par une société résidente à une société non-résidente, qui n’est pas considérée comme une société au sens de l’article 2 de la directive 90/435, sont soumis à une retenue à la source.

40      Dans la mesure où les dividendes distribués par une société résidente sont taxés dans le chef de celle-ci en tant que bénéfices réalisés, une société bénéficiaire non-résidente qui n’est pas considérée comme une société au sens de l’article 2 de la directive 90/435 subit, du fait de la retenue à la source, une imposition en chaîne sur ces dividendes, tandis qu’une telle imposition en chaîne est évitée pour les dividendes perçus par une société anonyme ou par un fonds d’investissement résidents.

41      Une telle différence de traitement fiscal des dividendes entre sociétés mères en fonction du lieu de leur siège est susceptible de constituer une restriction à la liberté d’établissement, en principe interdite par les articles 43 CE et 48 CE en ce qu’elle rend moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement par des sociétés établies dans d’autres États membres, lesquelles pourraient en conséquence renoncer à l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale dans l’État membre qui met en œuvre une telle différence de traitement (voir, en ce sens, arrêt Denkavit Internationaal et Denkavit France, précité, points 29 et 30).

42      Certes, la Cour a déjà jugé que, à l’égard des mesures prévues par un État membre afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d’actionnaires bénéficiaires résidents d’un autre État membre (arrêts précités Denkavit Internationaal et Denkavit France, point 34, ainsi que Amurta, point 37).

43      Toutefois, à partir du moment où un État membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais également les actionnaires non-résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents (arrêts précités Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, point 68; Denkavit Internationaal et Denkavit France, point 35, ainsi que Amurta, point 38).

44      Par conséquent, dès lors qu’un État membre a choisi de préserver les sociétés mères résidentes d’une imposition en chaîne sur les bénéfices distribués par une filiale résidente, il doit étendre cette mesure aux sociétés mères non-résidentes se trouvant dans une situation comparable, en raison du fait qu’une imposition analogue frappant ces sociétés non-résidentes résulte de l’exercice de sa compétence fiscale sur ces dernières (voir, en ce sens, arrêt Denkavit Internationaal et Denkavit France, précité, point 37).

45      Le gouvernement finlandais estime cependant que, la législation nationale ne permettant pas la création en Finlande de sociétés ayant une forme juridique identique à celle d’une SICAV de droit luxembourgeois, cette dernière se trouve, en raison de sa forme juridique et de son traitement fiscal, dans une situation objectivement différente des sociétés ou des fonds d’investissement établis en Finlande.

46      Ledit gouvernement fait valoir que, à la différence d’une société anonyme finlandaise, une SICAV n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu dans l’État membre d’établissement, dans la mesure où, au Luxembourg, une telle société fait uniquement l’objet d’un impôt sur le capital au taux de 0,01 % et les bénéfices distribués par celle-ci à une personne domiciliée dans un autre État membre ne donnent lieu à aucune retenue à la source. En revanche, les dividendes perçus par les sociétés anonymes finlandaises ne sont exonérés d’impôt qu’afin d’éviter leur imposition en chaîne lors de la distribution de bénéfices entre sociétés anonymes, tandis que les autres revenus de celles-ci sont soumis à l’impôt.

47      Le gouvernement italien ajoute à cet égard qu’une SICAV immobilière, non couverte par la directive 85/611/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO L 375, p. 3), et ayant pour seule raison d’être l’investissement collectif des fonds recueillis au moyen de la vente au public de ses propres actions, constitue une entité fondamentalement transparente qui vise, à travers la gestion collective, à valoriser l’apport individuel de chaque associé et n’est pas comparable en soi à une société ordinaire. Le caractère spécifique d’une telle société justifierait qu’elle soit exonérée de l’impôt sur le revenu dans l’État d’établissement, car le seul revenu à prendre en considération est, en réalité, celui de chaque associé. Le problème de l’imposition en chaîne se poserait donc non pas au niveau de la SICAV, mais bien au niveau des associés et il incomberait alors au droit de l’État membre concerné d’y remédier.

48      En ce qui concerne la comparaison d’une SICAV de droit luxembourgeois à un fonds d’investissement de droit finlandais, le gouvernement finlandais souligne, d’une part, que, au cours de la période en cause au principal, la réglementation nationale interdisait à un tel fonds, exonéré d’impôt, d’effectuer des investissements immobiliers tels que ceux évoqués dans la demande de décision préjudicielle. D’autre part, les bénéfices distribués par une SICAV ne donneraient pas lieu à une retenue à la source au Luxembourg, contrairement aux bénéfices versés par un fonds d’investissement finlandais à une personne résidant dans un autre État membre, à moins qu’une disposition d’une convention destinée à éviter la double imposition ne stipule le contraire.

49      Une telle argumentation ne saurait être accueillie.

50      En premier lieu, il convient de relever que la circonstance qu’il n’existe pas, dans le droit finlandais, un type de sociétés ayant une forme juridique identique à celle d’une SICAV de droit luxembourgeois ne saurait, en elle-même, justifier un traitement différencié, dans la mesure où, le droit des sociétés des États membres n’étant pas entièrement harmonisé au niveau communautaire, cela priverait la liberté d’établissement de tout effet utile.

51      En deuxième lieu, la circonstance invoquée par le gouvernement finlandais relative à l’absence d’imposition des revenus d’une SICAV au Luxembourg, à la supposer établie, n’instaure pas une différence entre celle-ci et une société anonyme résidente justifiant un traitement différencié en ce qui concerne la retenue à la source sur les dividendes perçus par ces deux catégories de sociétés.

52      En effet, d’une part, selon le gouvernement finlandais, les dividendes versés par une société résidente à une autre société résidente ne sont pas soumis à l’impôt, ni au moyen d’une retenue à la source ni en tant qu’ils font partie des revenus de la société bénéficiaire. Par conséquent, l’absence d’imposition de cette catégorie de revenus au Luxembourg n’est pas de nature à justifier l’imposition de ceux-ci par l’État finlandais, dès lors que ce dernier a choisi de ne pas exercer sa compétence d’imposition sur de tels revenus, lorsqu’ils sont perçus par les sociétés établies en Finlande.

53      D’autre part, le gouvernement finlandais n’a pas indiqué en quoi le traitement fiscal des autres catégories de revenus des sociétés résidentes et des SICAV non-résidentes serait pertinent pour apprécier la comparabilité de ces deux types de sociétés au regard de l’exonération de la retenue à la source sur les dividendes perçus.

54      En troisième lieu, n’est pas non plus pertinent l’argument du gouvernement italien selon lequel, en raison du fait que le Grand-Duché de Luxembourg n’imposerait pas les revenus d’une SICAV, l’imposition en chaîne interviendrait non pas au niveau de celle-ci, mais bien au niveau de ses actionnaires et devrait être évitée par l’État membre dans lequel ces derniers ont leur résidence. En effet, c’est bien la République de Finlande qui, en soumettant à une retenue à la source les revenus qui ont déjà été imposés au niveau de la société distributrice, crée l’imposition en chaîne, imposition que cet État membre a choisi de prévenir s’agissant des dividendes distribués aux sociétés résidentes.

55      Dans ces conditions, les différences existant entre une SICAV de droit luxembourgeois et une société anonyme de droit finlandais, invoquées par les gouvernements finlandais et italien, ne sont pas suffisantes pour créer une distinction objective au regard de l’exonération de la retenue à la source sur les dividendes perçus. Par conséquent, il n’y a plus lieu d’examiner dans quelle mesure les différences entre une SICAV de droit luxembourgeois et un fonds d’investissement finlandais, alléguées par lesdits gouvernements, sont pertinentes pour créer une telle différence de situation objective.

56      Il s’ensuit que la différence de traitement entre les SICAV non-résidentes et les sociétés anonymes résidentes au regard de l’exonération de la retenue à la source sur les dividendes qui leur sont distribués par les sociétés résidentes constitue une restriction à la liberté d’établissement interdite, en principe, par les articles 43 CE et 48 CE.

 Sur la justification de la restriction à la liberté d’établissement

57      Il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’une restriction à la liberté d’établissement ne saurait être admise que si elle se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, dans cette hypothèse, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir arrêts du 15 mai 2008, Lidl Belgium, C-414/06, Rec. p. I-3601, point 27, ainsi que du 23 octobre 2008, Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt, C-157/07, non encore publié au Recueil, point 40 et jurisprudence citée).

58      Le gouvernement finlandais fait valoir, à cet égard, que le régime national vise à prévenir l’évasion fiscale dans la mesure où l’exonération de la retenue à la source d’un dividende versé à une société établie dans un État membre autre que la République de Finlande, qui ne paie pas elle-même d’impôt sur ce revenu et dont la distribution des bénéfices ne donne pas non plus lieu à une retenue à la source, comporte le risque de voir apparaître des montages artificiels destinés à éviter toute forme d’imposition des revenus.

59      En outre, le régime fiscal en cause au principal viserait à prévenir des comportements de nature à compromettre le droit de la République de Finlande d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire. L’application d’une retenue à la source serait ainsi justifiée par la nécessité de sauvegarder une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition convenue entre cet État membre et le Grand-Duché de Luxembourg dans la convention fiscale et selon laquelle l’État d’origine du revenu conserve le droit de prélever à la source 5 % de celui-ci.

60      Le gouvernement italien ajoute que l’exonération de la retenue à la source inciterait les groupes de sociétés à installer leurs sociétés mères dans les États où les impôts sont les moins élevés, voire inexistants, ce qui conférerait en définitive aux groupes de sociétés le pouvoir de choisir où et dans quelle mesure les dividendes nés sur le territoire d’un État membre doivent être imposés, ce dernier se trouvant dépossédé de sa compétence fiscale sur ces dividendes. Selon ce gouvernement également, la nécessité de prévenir l’évasion fiscale et de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition justifierait l’application de la retenue à la source.

61      Enfin, selon le gouvernement finlandais, la réglementation en cause au principal serait justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal finlandais, fondé sur le principe selon lequel l’exonération de la retenue à la source des dividendes perçus par la société anonyme et le fonds d’investissement résidents est compensée par l’imposition du revenu correspondant au niveau de la personne physique bénéficiaire, dès lors que l’actionnaire de la société anonyme paie un impôt sur ces dividendes et que le bénéfice versé par le fonds d’investissement est considéré en Finlande comme un revenu de capitaux, qui est imposé au taux de 28 %.

62      Les justifications ainsi invoquées par les gouvernements finlandais et italien ne sauraient être admises.

63      S’agissant, tout d’abord, de l’argument relatif à la prévention de l’évasion fiscale, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une mesure nationale restreignant la liberté d’établissement peut être justifiée lorsqu’elle vise spécifiquement les montages purement artificiels dont le but est d’échapper à l’emprise de la législation de l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 26, ainsi que arrêts précités Marks & Spencer, point 57; Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, point 51, et Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, point 72).

64      Pour qu’une restriction à la liberté d’établissement puisse être justifiée par des motifs de lutte contre des pratiques abusives, le but spécifique d’une telle restriction doit être de faire obstacle à des comportements consistant à créer des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dans le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national (arrêts précités Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, point 55, ainsi que Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, point 74).

65      Or, il suffit de relever que le régime fiscal en cause au principal ne vise pas spécifiquement de tels montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique et créés uniquement dans le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national, et, par conséquent, il ne saurait être justifié par des raisons tenant à la prévention de l’évasion fiscale.

66      S’agissant, ensuite, de l’argument relatif à la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition, il convient de rappeler qu’une telle justification peut être admise dès lors, notamment, que le régime en cause vise à prévenir des comportements de nature à compromettre le droit d’un État membre d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire (voir arrêt du 29 mars 2007, Rewe Zentralfinanz, C-347/04, Rec. p. I-2647, point 42, ainsi que arrêts précités Oy AA, point 54, et Amurta, point 58).

67      Toutefois, dès lors qu’un État membre a choisi de ne pas imposer les sociétés bénéficiaires établies sur son territoire à l’égard de ce type de revenus, il ne saurait invoquer la nécessité d’assurer une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres afin de justifier l’imposition des sociétés bénéficiaires établies dans un autre État membre (arrêt Amurta, précité, point 59).

68      À cet égard, le fait que la convention fiscale réserve à la République de Finlande le droit d’exercer sa compétence fiscale sur les dividendes payés par les sociétés établies dans cet État membre aux bénéficiaires résidant au Luxembourg est dépourvu de pertinence.

69      En effet, un État membre ne saurait exciper d’une convention destinée à éviter les doubles impositions aux fins d’échapper aux obligations qui lui incombent en vertu du traité (voir arrêts précités Denkavit Internationaal et Denkavit France, point 53, ainsi que Amurta, point 55).

70      En outre, dans la mesure où les dividendes distribués par les sociétés résidentes sont soumis à l’imposition dans le chef des sociétés distributrices en tant que bénéfices réalisés, l’exonération de la retenue à la source sur ces dividendes ne prive pas la République de Finlande de tout droit d’imposer les revenus relatifs aux activités réalisées sur son territoire.

71      Enfin, s’agissant de l’argument relatif à la préservation de la cohérence du régime fiscal finlandais, il y a lieu de rappeler que la Cour a admis que la nécessité de préserver une telle cohérence peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (voir arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249, point 28; Commission/Belgique, C-300/90, Rec. p. I-305, point 21; Keller Holding, précité, point 40; Amurta, précité, point 46, et du 28 février 2008, Deutsche Shell, C-293/06, Rec. p. I-1129, point 37).

72      Pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, la Cour exige toutefois un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé (arrêts du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson, C-484/93, Rec. p. I-3955, point 18; ICI, précité, point 29; du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 42, ainsi que Keller Holding, précité, point 40), le caractère direct de ce lien devant être apprécié au regard de l’objectif de la réglementation en cause (arrêts précités Manninen, point 43, et Deutsche Shell, point 39, ainsi que arrêt du 27 novembre 2008, Papillon, C-418/07, non encore publié au Recueil, point 44).

73      Or, dans le cadre du régime fiscal en cause au principal, l’exonération de la retenue à la source des dividendes n’est pas soumise à la condition que les dividendes perçus par la société anonyme soient redistribués par celle-ci et que leur imposition dans le chef des détenteurs des parts de ladite société permette de compenser l’exonération de la retenue à la source.

74      Par conséquent, il n’existe pas de lien direct, au sens de la jurisprudence citée au point 72 du présent arrêt, entre l’exonération de la retenue à la source et l’imposition desdits dividendes en tant que revenus des détenteurs de parts d’une société anonyme.

75      Il s’ensuit que la restriction à la liberté d’établissement constituée par la réglementation en cause au principal ne saurait être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal finlandais.

76      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la législation d’un État membre qui exonère de la retenue à la source des dividendes distribués par une filiale résidente de cet État à une société anonyme établie dans le même État, mais qui soumet à cette retenue à la source les dividendes similaires versés à une société mère du type SICAV résidente d’un autre État membre, qui revêt une forme juridique inconnue dans le droit du premier État et ne figurant pas sur la liste des sociétés visées à l’article 2, sous a), de la directive 90/435, et qui est exonérée de l’impôt sur le revenu en application de la législation de l’autre État membre.

 Sur les dépens

77      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la législation d’un État membre qui exonère de la retenue à la source les dividendes distribués par une filiale résidente de cet État à une société anonyme établie dans le même État, mais qui soumet à cette retenue à la source les dividendes similaires versés à une société mère du type société d’investissement à capital variable (SICAV) résidente d’un autre État membre, qui revêt une forme juridique inconnue dans le droit du premier État et ne figurant pas sur la liste des sociétés visées à l’article 2, sous a), de la directive 90/435/CEE du Conseil, 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, telle que modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003, et qui est exonérée de l’impôt sur le revenu en application de la législation de l’autre État membre.

Signatures


* Langue de procédure: le finnois.