Affaire C-407/07
Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing
contre
Staatssecretaris van Financiën
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)
«Sixième directive TVA — Article 13, A, paragraphe 1, sous f) — Exonérations — Conditions — Prestations de services effectuées par des groupements autonomes — Services rendus à un ou à plusieurs membres du groupement»
Sommaire de l'arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Exonérations prévues par la sixième directive
(Directive du Conseil 77/388, art. 13, A, § 1, f))
L'article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens que, sous réserve que les autres conditions prévues à cette disposition soient remplies, les prestations de services fournies à leurs membres par des groupements autonomes bénéficient de l'exonération prévue à ladite disposition, même si ces prestations sont fournies à un seul ou à quelques-uns desdits membres.
En effet, une limitation du champ d’application de cette disposition, en excluant du bénéfice de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée des prestations fournies par les groupements autonomes à leurs membres, notamment dans un contexte où les besoins desdits membres diffèrent, n’est pas confirmée par la finalité de cette dernière qui est d’instituer une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée pour éviter que la personne qui offre certains services soit soumise au paiement de ladite taxe alors qu’elle a été amenée à collaborer avec d’autres professionnels à travers une structure commune prenant en charge des activités nécessaires à l’accomplissement desdits services.
Au demeurant, la nécessité d’interpréter de manière stricte ladite disposition ne peut pas conduire à ce qu’il soit conféré à chaque membre d’un groupement autonome le droit de priver les autres membres de ce groupement du bénéfice de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, en décidant, à tout moment, de ne pas recourir à telle ou telle prestation fournie par le groupement dont il a pourtant initialement choisi de faire partie. L’existence d’un tel droit aux mains de chaque membre d’un groupement autonome ne ressort ni du libellé ni de la finalité de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive.
(cf. points 36-37, 41 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
11 décembre 2008 (*)
«Sixième directive TVA – Article 13, A, paragraphe 1, sous f) – Exonérations – Conditions – Prestations de services effectuées par des groupements autonomes – Services rendus à un ou à plusieurs membres du groupement»
Dans l’affaire C-407/07,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 10 août 2007, parvenue à la Cour le 5 septembre 2007, dans la procédure
Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing
contre
Staatssecretaris van Financiën,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. Klučka (rapporteur), U. Lõhmus et Mme P. Lindh, juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 septembre 2008,
considérant les observations présentées:
– pour la Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing, par Me B. Zadelhoff, advocaat,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels, C. ten Dam et M. M. de Grave, en qualité d’agents,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. van Beek et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 octobre 2008,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing (ci-après la «Stichting») au Staatssecretaris van Financiën au sujet d’un redressement de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998.
Le cadre juridique
3 Les neuvième et onzième considérants de la sixième directive énoncent:
«considérant que la base d’imposition doit faire l’objet d’une harmonisation afin que l’application du taux communautaire aux opérations imposables conduise à des résultats comparables dans tous les États membres;
[…]
considérant qu’il convient d’établir une liste commune d’exonérations en vue d’une perception comparable des ressources propres dans tous les États membres».
4 L’article 13 de la sixième directive dispose:
«Exonérations à l’intérieur du pays
A. Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général
1. Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
[…]
f) les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence;
[…]»
Le litige au principal et la question préjudicielle
5 La Stichting est un groupement d’hôpitaux et d’autres établissements actifs dans le secteur de la santé, parmi lesquels figurent notamment l’Orde van Medisch Specialisten (Ordre des médecins spécialistes), la Koninklijke Nederlandse Maatschappij tot Bevordering van de Geneeskunst (Société royale néerlandaise pour la promotion de l’art de guérir), le Nationale Ziekenhuisraad (Conseil national des hôpitaux), la Vereniging van Nederlandse Ziekenfondsen (Union des caisses néerlandaises d’assurance maladie), le Kontaktorgaan Landelijke Organisaties van Ziektekostenverzekeraars (Organe de contact des organisations d’assureurs maladie) et la Nederlandse Vereniging voor Ziekenhuisdirecteuren (Association néerlandaise des directeurs d’hôpitaux).
6 Il ressort de la décision de renvoi que la Stichting fournit à titre onéreux à ses membres, exerçant une activité exonérée ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti, des prestations de services dans le domaine des soins de santé, notamment des services concernant les normes de qualité ainsi que la description et l’encouragement de la politique de qualité dans le secteur des soins de santé.
7 Une partie des services fournis par la Stichting aux hôpitaux affiliés est financée au titre de la loi relative aux tarifs des soins de santé (Wet tarieven gezondheidszorg), du 20 novembre 1980 (Stb. 1980, n° 646). Ces services sont exonérés du paiement de la TVA en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous u), de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting 1968), qui transpose l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive.
8 La Stichting fournit aussi à certains de ses membres, à savoir des hôpitaux ainsi que d’autres institutions et personnes, des prestations de services pour lesquelles elle reçoit une rémunération distincte, les destinataires de ces prestations étant facturés de manière individuelle.
9 S’agissant de ces dernières prestations, la Stichting s’est vu imposer un redressement de TVA, pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998, que l’inspecteur, saisi d’une réclamation, a décidé de maintenir au motif que lesdites prestations n’étaient pas exonérées de TVA.
10 La Stichting a fait appel de cette décision devant le Gerechtshof te Amsterdam qui, par arrêt du 1er juin 2004, a annulé celle-ci et a réduit le redressement à un montant de 182 460 NLG. Il a toutefois jugé que, pour les prestations en cause au principal, la Stichting avait procédé à des facturations distinctes et que les rémunérations correspondantes ne couvraient pas les dépenses engagées en commun, au sens de l’article 11, paragraphe 1, sous u), de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires. L’exonération de TVA ne pouvait donc être octroyée.
11 La Stichting s’est pourvue en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden qui indique qu’il est constant que les prestations en cause au principal sont directement nécessaires à l’exercice des activités exonérées des membres de ce groupement et qu’il n’existe pas de distorsion de concurrence.
12 La juridiction de renvoi souligne que, si les prestations en cause au principal sont bien des prestations de services au sens de la sixième directive et si, pour ces prestations, la Stichting demande une rémunération qui ne dépasse pas les coûts réels, la question se pose alors de savoir si les sommes demandées aux membres de ce groupement correspondent à la part des dépenses engagées en commun incombant auxdits membres au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive.
13 Estimant que la résolution du litige dont il est saisi dépend de l’interprétation de cette disposition, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 13, A, paragraphe 1, phrase introductive et sous f), de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens qu’entrent également dans son champ d’application les services rendus à leurs membres par les groupements visés à cette disposition, services qui sont directement nécessaires à ces membres pour effectuer leurs prestations exonérées ou les prestations pour lesquelles ils n’ont pas la qualité d’assujetti et en rémunération desquels il n’est pas réclamé plus que les dépenses engagées pour ces services, si lesdits services ne bénéficient qu’à un seul ou à quelques-uns des membres?»
Sur la question préjudicielle
14 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, sous réserve que les autres conditions prévues à cette disposition soient remplies, les prestations de services fournies à leurs membres par des groupements autonomes bénéficient de l’exonération prévue à ladite disposition, même si ces prestations sont fournies à un seul ou à quelques uns desdits membres.
Observations soumises à la Cour
15 La Stichting et la Commission des Communautés européennes proposent de répondre par l’affirmative à la question posée, en soulignant que s’il y était répondu par la négative, le champ d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive s’en trouverait considérablement limité.
16 Elles soutiennent que, si un groupement autonome fournit à un ou à quelques uns de ses membres une prestation de services qui tombe dans le cadre de la description des activités dudit groupement, ladite prestation peut bénéficier de l’exonération de TVA telle que prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive.
17 La Stichting soutient que ses nombreux membres, tous actifs dans le domaine de la santé, n’ont pas toujours les mêmes besoins, dans la mesure où ils n’ont pas des activités homogènes et que, pour pouvoir bénéficier de l’exonération en cause, il n’est pas envisageable que l’ensemble desdits membres recoure à toutes les activités exercées dans le cadre du groupement.
18 À cet égard, la Stichting précise que, lorsqu’une prestation est fournie à un seul de ses membres, celle-ci lui est facturée à hauteur de son coût réel dans le respect des règles de comptabilité. Ledit membre se verrait facturer la part lui incombant dans les dépenses engagées en commun et il ne rembourserait que cette part. Les conditions d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive seraient ainsi remplies.
19 La Commission ajoute, pour sa part, qu’il ne saurait être déduit du libellé de cette disposition que chaque prestation de services doit profiter à l’ensemble des membres d’un groupement autonome.
20 Elle se fonde, par ailleurs, sur l’arrêt du 20 novembre 2003, Taksatorringen (C-8/01, Rec. p. I-13711, points 60 à 62), ainsi que sur les points 117 et suivants des conclusions de l’avocat général Mischo, rendues dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, pour soutenir que l’interprétation préconisée par le gouvernement néerlandais rendrait l’exonération en cause quasi inapplicable en pratique.
21 Elle rappelle les deux conditions qui, selon l’avocat général Mischo, dans les conclusions précitées, doivent être remplies pour que s’ouvre le droit à l’exonération au titre de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive, à savoir que le prestataire ne doit regrouper que des opérateurs exerçant une activité exonérée ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti et que le groupement autonome ne doit pas poursuivre de but lucratif, en ce sens qu’il ne doit répercuter sur ses membres que les coûts qu’il a exposés pour répondre à leurs besoins sans réaliser le moindre bénéfice.
22 Le gouvernement néerlandais est, en revanche, d’avis qu’il convient de répondre par la négative à la question posée. Selon lui, la question déterminante dans la présente affaire est celle de savoir si une prestation de services est fournie dans l’intérêt commun, collectif, de l’ensemble des membres ou dans l’intérêt particulier, individuel, d’un seul membre.
23 Dans ses observations écrites, il doute, à titre liminaire, que les prestations de services en cause au principal n’impliquent pas de distorsion de concurrence, s’agissant notamment de la prestation qui nécessite la mise à disposition de personnel. En outre, il existerait un risque de distorsion de concurrence si les rémunérations réclamées pour les prestations de services concernées reflètent seulement les coûts directs desdites prestations. Le gouvernement néerlandais considère que les coûts, auxquels la juridiction de renvoi fait référence, sont les coûts réels, à savoir la somme des coûts directs et des coûts indirects, et que ces coûts réels sont difficilement déterminables. Il serait donc difficile de pouvoir effectivement ventiler les coûts réels par activité lorsque la Stichting fournit des prestations à un seul ou à quelques uns de ses membres.
24 Quant à l’interprétation de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive, le gouvernement néerlandais rappelle que les exonérations au principe de l’assujettissement à la TVA sont d’interprétation stricte (arrêt du 20 juin 2002, Commission/Allemagne C-287/00, Rec. p. I-5811, point 43), qu’elles constituent des notions autonomes du droit communautaire (arrêts du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties, 348/87, Rec. p. 1737, point 11, et Commission/Allemagne, précité, point 44) et que tel doit être le cas des conditions spécifiques exigées pour bénéficier de ces exonérations (arrêt du 11 août 1995, Bulthuis-Griffioen, C-453/93, Rec. p. I-2341, point 18).
25 Or, l’examen du libellé de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive et la raison d’être de l’exonération prévue à cette disposition démontreraient que les prestations fournies seulement à certains membres d’un groupement autonome ne sont pas couvertes par celle-ci. L’exonération en question présupposerait un remboursement exact de la part des dépenses engagées en commun incombant aux membres de ce groupement, ce qui ne pourrait pas être le cas pour les prestations de services fournies seulement à un ou à certains membres dudit groupement.
26 En se fondant sur les points 118 à 122 des conclusions de l’avocat général Mischo rendues dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Taksatorringen, précité, le gouvernement néerlandais estime que la raison d’être de l’exonération prévue à ladite disposition est la volonté de ne pas taxer les gains d’efficacité tirés de la coopération interne entre les membres d’un groupement autonome. En conséquence n’entreraient dans le champ d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive que les prestations de services fournies par un groupement autonome de manière collective à tous ses membres. Si ce groupement fournit des prestations à certains de ses membres, il s’agirait non pas d’une prestation interne, mais d’un service autonome qui crée une relation de type donneur d’ordre-exécutant, laquelle n’est pas conforme au but de l’exonération en cause.
Réponse de la Cour
27 En premier lieu, en ce qui concerne les conditions d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive relatives à l’objet des prestations de services rendues aux membres du groupement autonome ainsi qu’au risque de distorsion de concurrence, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération instituée à l’article 234 CE, il appartient non pas à la Cour, mais à la juridiction nationale d’établir les faits qui ont donné lieu au litige et d’en tirer les conséquences pour la décision qu’elle est appelée à rendre (voir, notamment, arrêts du 16 septembre 1999, WWF e.a., C-435/97, Rec. p. I-5613, point 32; du 23 octobre 2001, Tridon, C-510/99, Rec. p. I-7777, point 28, ainsi que du 11 décembre 2007, Eind, C-291/05, Rec. p. I-10719, point 18).
28 Dès lors, il y a lieu de répondre à la question posée par la juridiction nationale en partant de la prémisse sur laquelle celle-ci s’est fondée dans sa décision de renvoi, à savoir qu’il est constant que les prestations de services en cause au principal sont directement nécessaires à l’exercice des activités exonérées des membres de la Stichting et qu’il n’existe pas de distorsion de concurrence.
29 En second lieu, il ressort des neuvième et onzième considérants de la sixième directive que celle-ci vise à harmoniser la base d’imposition de la TVA et que les exonérations de cette taxe constituent des notions autonomes du droit communautaire qui, comme la Cour l’a déjà jugé, doivent être replacées dans le contexte général du système commun de la TVA instauré par ladite directive (arrêts du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, 235/85, Rec. p. 1471, point 18, et Stichting Uitvoering Financiële Acties, précité, point 10).
30 Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (arrêts Stichting Uitvoering Financiële Acties, précité, point 13; Taksatorringen, précité, point 36, et du 14 juin 2007, Horizon College, C-434/05, Rec. p. I-4793, point 16). Toutefois, l’interprétation de ces termes doit être conforme aux objectifs poursuivis par lesdites exonérations et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA. Ainsi, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées audit article 13 doivent être interprétés d’une manière qui priverait celles-ci de leurs effets (arrêt Horizon College, précité, point 16). La jurisprudence de la Cour n’a pas pour objectif d’imposer une interprétation qui rendrait les exonérations visées quasi inapplicables dans la pratique (arrêt Taksatorringen, précité, point 62).
31 S’agissant de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive, il y a lieu de relever qu’il ne ressort pas de son libellé que l’exonération qu’elle prévoit doit bénéficier aux seules prestations de services fournies par les groupements autonomes à tous leurs membres.
32 Selon ce libellé, le législateur communautaire a retenu seulement que sont visées par l’exonération de TVA les prestations de services effectuées par les groupements autonomes, lorsque ceux-ci se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun.
33 Le gouvernement néerlandais considère que si l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive prévoit qu’il doit être réclamé aux membres d’un groupement autonome le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, cela signifie que seuls les services rendus à tous les membres de ce groupement peuvent bénéficier de l’exonération de TVA. La notion de «dépenses engagées en commun» couvrirait celle de «dépenses collectives», laquelle renverrait aux services fournis à tous les membres dudit groupement et non pas à un membre isolé de celui-ci.
34 À cet égard, il importe de souligner, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 18 de ses conclusions, que les besoins des membres d’un groupement autonome peuvent varier d’un exercice fiscal à un autre de sorte que, selon l’exercice concerné, certaines prestations peuvent être fournies par ce groupement à tous les membres, d’autres à quelques membres et d’autres encore à un seul membre.
35 De même, lorsqu’un groupement autonome est formé de nombreux membres dont les besoins diffèrent, il est parfaitement possible que les prestations qui leur sont fournies par ce groupement ne soient pas systématiquement les mêmes.
36 L’interprétation préconisée par le gouvernement néerlandais aurait donc pour effet de limiter le champ d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive, en excluant du bénéfice de l’exonération de TVA des prestations fournies par les groupements autonomes à leurs membres, notamment dans un contexte où les besoins desdits membres diffèrent.
37 Or, une telle limitation du champ d’application de cette disposition n’est pas confirmée par la finalité de cette dernière qui est d’instituer une exonération de TVA pour éviter que la personne qui offre certains services soit soumise au paiement de ladite taxe alors qu’elle a été amenée à collaborer avec d’autres professionnels à travers une structure commune prenant en charge des activités nécessaires à l’accomplissement desdits services.
38 Il y a lieu de souligner que, même lorsque les prestations sont fournies à un seul ou à quelques membres d’un groupement autonome, le coût de la fourniture de ces prestations reste une dépense engagée en commun par ledit groupement constitué à cette fin, étant indiqué que les méthodes de comptabilité analytique sont tout à fait en mesure de permettre d’identifier la part précise de la dépense imputable à chacun des services pris individuellement.
39 De même, lesdites prestations demeurent fournies dans le cadre des objectifs pour lesquels un groupement autonome a été institué et sont donc offertes conformément à l’objet de celui-ci.
40 Il n’apparaît donc pas possible d’interpréter l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive comme soumettant l’exonération de TVA à la condition que les prestations soient offertes à tous les membres du groupement autonome concerné.
41 Il convient au demeurant de relever que la nécessité d’interpréter de manière stricte ladite disposition ne peut pas conduire à ce qu’il soit conféré à chaque membre d’un groupement autonome le droit de priver les autres membres de ce groupement du bénéfice de l’exonération de TVA, en décidant, à tout moment, de ne pas recourir à telle ou telle prestation fournie par le groupement dont il a pourtant initialement choisi de faire partie. L’existence d’un tel droit aux mains de chaque membre d’un groupement autonome ne ressort ni du libellé ni de la finalité de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive.
42 Les prestations fournies par un groupement autonome à ses membres au cours d’exercices fiscaux différents, voire fournies à un seul ou à certains de ses membres au cours d’un même exercice fiscal, doivent donc pouvoir bénéficier de l’exonération prévue à ladite disposition.
43 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de répondre à la question posée que l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, sous réserve que les autres conditions prévues à cette disposition soient remplies, les prestations de services fournies à leurs membres par des groupements autonomes bénéficient de l’exonération prévue à ladite disposition, même si ces prestations sont fournies à un seul ou à quelques uns desdits membres.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
L’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que, sous réserve que les autres conditions prévues à cette disposition soient remplies, les prestations de services fournies à leurs membres par des groupements autonomes bénéficient de l’exonération prévue à ladite disposition, même si ces prestations sont fournies à un seul ou à quelques uns desdits membres.
Signatures
* Langue de procédure: le néerlandais.