Affaire C-426/07
Dariusz Krawczyński
contre
Dyrektor Izby Celnej w Białymstoku
(demande de décision préjudicielle, introduite par
le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Białymstoku)
«Impositions intérieures — Taxes sur les véhicules automobiles — Droit d’accise — Véhicules d’occasion — Importation»
Sommaire de l'arrêt
1. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Interdiction de percevoir d'autres impôts nationaux ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires
(Directive du Conseil 77/388, art. 33, § 1)
2. Dispositions fiscales — Impositions intérieures — Droits d'accise frappant toute vente de véhicules automobiles avant leur première immatriculation sur le territoire national
(Art. 90, al. 1, CE)
1. L’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 91/680, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un droit d’accise qui frappe toute vente de véhicules automobiles avant leur première immatriculation sur le territoire national.
En effet, dès lors qu'un tel droit d'accise ne frappe que des opérations de vente de véhicules automobiles avant leur première immatriculation sur le territoire national, il ne saurait être considéré comme frappant d'une manière générale toutes les transactions ayant pour objet des biens ou des services et, partant, se distingue de la taxe sur la valeur ajoutée d'une manière telle qu'il ne saurait être qualifié de taxe ayant le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires au sens dudit article.
(cf. points 22-23, 25-26, disp. 1)
2. L’article 90, premier alinéa, CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un droit d’accise frappant toute vente de véhicules automobiles avant leur première immatriculation sur le territoire national dans la mesure où le montant du droit frappant la vente des véhicules d’occasion importés d’un autre État membre excède le montant résiduel du même droit incorporé dans la valeur vénale de véhicules similaires immatriculés auparavant dans l’État membre ayant instauré ce droit. Il incombe au juge national de vérifier si la réglementation nationale a une telle conséquence.
(cf. point 39, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
17 juillet 2008 (*)
«Impositions intérieures – Taxes sur les véhicules automobiles – Droit d’accise – Véhicules d’occasion – Importation»
Dans l’affaire C-426/07,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Białymstoku (Pologne), par décision du 27 juin 2007, parvenue à la Cour le 14 septembre 2007, dans la procédure
Dariusz Krawczyński
contre
Dyrektor Izby Celnej w Białymstoku,
LA COUR (première chambre),
composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano, M. Ilešič (rapporteur), E. Levits et J.-J. Kasel, juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour M. Krawczyński, par M. W. Kłoskowski, radca prawny,
– pour le Dyrektor Izby Celnej w Białymstoku, par M. W. Dziemiach, radca prawny,
– pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991 (JO L 376, p. 1, ci-après la «sixième directive»), et, d’autre part, de l’article 90, premier alinéa, CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Krawczyński au Dyrektor Izby Celnej w Białymstoku (directeur de la chambre des douanes de Białystok) au sujet de droits d’accise qui ont été mis à sa charge pour la vente de véhicules automobiles d’occasion avant leur première immatriculation en Pologne.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 L’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive disposait:
«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l’introduction par un État membre de taxes sur les contrats d’assurance, sur les jeux et paris, d’accises, de droits d’enregistrement et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n’ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.»
La réglementation nationale
4 L’article 2 de la loi relative aux droits d’accise (ustawa o podatku akcyzowym), du 23 janvier 2004 (Dz. U n° 29, position 257), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la «loi de 2004»), énonce:
«Aux fins de la présente loi, on entend par
[…]
11) ‘acquisition intracommunautaire’: le transfert de produits soumis à l’accise du territoire d’un État membre vers le territoire national;
[…]»
5 L’article 10, paragraphe 1, de ladite loi est libellé comme suit:
«La base imposable, en cas d’expression du taux en pourcentage de l’assiette, est:
1) le montant dû au titre de la vente, sur le territoire national, des produits soumis à accise, diminué du montant de la taxe sur les biens et services ou du montant d’accise dû au titre de ces marchandises;
2) le montant que l’acquéreur est obligé de payer pour les marchandises soumises à accise, en cas d’acquisition intracommunautaire;
3) le montant dû au titre de la livraison des produits soumis à accise sur le territoire d’un État membre, en cas de livraison dans la Communauté;
4) la valeur en douane des produits soumis à accise augmentée des droits de douane dus, en cas d’importation, compte tenu des paragraphes 6 à 9.»
6 L’article 75, paragraphes 1 et 3, de la loi de 2004 prévoit:
«1. Le taux d’imposition sur les produits soumis à accise non harmonisés s’élève à 65 % de la base définie à l’article 10, à l’exception du taux applicable à l’énergie électrique.
[…]
3. Le ministre compétent en matière de finances publiques peut, par voie d’arrêté, réduire les taux d’accise définis aux paragraphes 1 et 2 et les différencier en fonction du type de produit, voire définir les conditions de leur application.»
7 L’article 79 de la même loi énonce:
«Le contribuable a le droit de déduire du montant de l’accise le droit d’accise acquitté par lui, sur une vente ou une importation imposable, au moment de l’acquisition de produits soumis à accises non harmonisés.»
8 Aux termes de l’article 80, paragraphes 1 à 4, de la loi de 2004:
«1. Sont soumises à accise les voitures particulières non immatriculées sur le territoire national conformément au code de la route.
2. Sont redevables d’un droit d’accise:
1) les personnes effectuant toute vente de voitures particulières avant leur première immatriculation sur le territoire national;
2) les importateurs et les personnes effectuant des acquisitions dans la Communauté.
3. Un droit d’accise sur les voitures naît:
1) en cas de vente, à compter de la délivrance de la facture et, au plus tard, dans un délai de sept jours à compter du jour de la livraison de la marchandise;
2) en cas d’importation, à compter du jour où naît la dette douanière au sens des dispositions du droit des douanes;
3) en cas d’acquisition dans la Communauté, à compter de l’acquisition du droit de disposer de la voiture particulière en tant que propriétaire et, au plus tard, à compter de son immatriculation sur le territoire national conformément au code de la route.
4. Le ministre compétent en matière de finances publiques peut, par voie d’arrêté, fixer les données concernant les voitures particulières, dont la charge utile admissible, à des fins de perception du droit d’accise, en tenant compte des solutions appliquées par les dispositions fiscales particulières et de la nécessité d’assurer une perception régulière des accises.»
9 L’article 81, paragraphe 1, de la loi de 2004 est libellé comme suit:
«Les personnes effectuant, dans la Communauté, des acquisitions intracommunautaires de voitures particulières non immatriculées sur le territoire national conformément au code de la route, sont tenues:
1) de déposer, lors de l’importation sur le territoire national, une déclaration simplifiée auprès du bureau des douanes compétent dans un délai de cinq jours à compter du jour de l’acquisition dans la Communauté;
2) d’acquitter le droit d’accise au plus tard à la date de l’immatriculation de ce véhicule dans le pays.»
10 En vertu de l’article 82, paragraphe 3, de la loi de 2004, en cas d’acquisition intracommunautaire d’une voiture particulière, la base d’imposition est le montant que l’acquéreur est tenu de payer au vendeur.
11 L’article 7 de l’arrêté du ministre des Finances relatif à la réduction du taux des droits d’accise (rozporządzenie Ministra Finansów w sprawie obniżenia stawek podatku akcyzowego), du 22 avril 2004 (Dz. U n° 87, position 825), dans la version applicable au litige au principal (ci-après l’«arrêté de 2004»), ainsi que les annexes 1 et 2 de celui-ci font apparaître que, pour les voitures neuves ou de moins de deux ans d’âge, le taux du droit d’accise s’élève à 3,1 % ou à 13,6 % selon la cylindrée de ces dernières et que, en revanche, pour les véhicules de plus de deux ans d’âge, ce taux, qui est fixé conformément à la formule de calcul figurant à l’article 7, paragraphe 2, de l’arrêté de 2004, varie en fonction de l’âge du véhicule et peut aller jusqu’à 65 % de la base imposable.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 Par décision du 7 novembre 2005, le Naczelnik Urzędu Celnego w Białymstoku (chef du bureau des douanes de Białystok) a fixé à 11 066 PLN le montant dû par M. Krawczyński pour la vente en Pologne de cinq véhicules automobiles, avant leur première immatriculation sur le territoire polonais, au titre des droits d’accise que ce contribuable avait l’obligation de déclarer et de régler, ce qu’il s’est abstenu de faire.
13 M. Krawczyński a introduit contre ladite décision un recours pour obtenir que les droits d’accise dus soient fixés à un montant total de 4 599 PLN, car il considérait en substance qu’il avait le droit, conformément à l’article 79 de la loi de 2004, de déduire du montant dû l’accise acquittée par lui, sur une vente ou une importation imposable, au moment de l’acquisition de produits soumis à accise non harmonisés, même s’il n’avait pas déposé la déclaration prévue à cet égard.
14 Le Dyrektor Izby Celnej w Białymstoku a, par décision du 19 janvier 2006, rejeté ce recours. Dans celle-ci, il a souligné en substance, d’une part, que sont redevables d’un droit d’accise les personnes effectuant toute vente de véhicules automobiles en Pologne avant leur première immatriculation sur le territoire polonais et, d’autre part, qu’il est nécessaire, pour bénéficier dudit droit de déduction, que le contribuable dépose auprès du bureau des douanes compétent une déclaration portant sur ces droits d’accise, calcule le droit dû et acquitte celui-ci dans le délai prévu par la réglementation.
15 M. Krawczyński a introduit contre cette dernière décision de rejet un recours devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Białymstoku (tribunal administratif de la voïvodie de Białystok). Il fait valoir notamment que sont exonérées de l’accise les ventes de véhicules automobiles d’occasion déjà immatriculés en Pologne indépendamment de leur âge, tandis que la même exonération ne s’applique pas aux ventes de véhicules automobiles d’occasion importés d’autres États membres. Les ventes de ces derniers véhicules avant leur immatriculation en Pologne sont frappées d’un droit d’accise dont le montant dépend de l’âge du véhicule. M. Krawczyński en conclut que la République de Pologne soumet les véhicules automobiles d’occasion importés d’autres États membres à une accise supérieure à celle qui s’applique aux produits nationaux similaires.
16 En revanche, le Dyrektor Izby Celnej w Białymstoku considère que la République de Pologne n’opère aucune distinction discriminatoire entre les véhicules automobiles selon leur provenance, car le critère décisif pour soumettre ceux-ci au droit d’accise réside dans l’absence d’immatriculation sur le territoire polonais et non dans le fait que ces véhicules proviennent d’un État membre autre que la République de Pologne.
17 Dans ces conditions, le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Białymstoku a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Un droit d’accise établi par un État membre, tel que le droit d’accise prévu par la [loi de 2004], frappant toute vente de voitures particulières avant leur première immatriculation sur le territoire national, peut-il être qualifié d’impôt illicite ayant le caractère de taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive […]?
En cas de réponse négative à la première question:
2) Un droit d’accise, comme celui en cause dans la présente affaire pendante devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Białymstoku, frappant toute vente de voitures particulières avant leur première immatriculation sur le territoire national, est-il contraire à l’article 90 CE, qui interdit expressément toute discrimination ou toute application protectionniste du régime fiscal national en faveur de produits nationaux similaires, étant entendu que l’acquisition de voitures d’occasion déjà immatriculées sur le territoire polonais est exonérée de ce droit?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
18 Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier si un impôt, un droit ou une taxe a le caractère de taxe sur le chiffre d’affaires, au sens de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive, il y a notamment lieu de rechercher s’il a pour effet de compromettre le fonctionnement du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») en grevant la circulation des biens et des services et en frappant les transactions commerciales d’une façon comparable à celle qui caractérise la TVA (arrêt du 11 octobre 2007, KÖGÁZ e.a., C-283/06 et C-312/06, Rec. p. I-8463, point 34 et jurisprudence citée).
19 La Cour a précisé, à cet égard, que doivent, en tout cas, être considérés comme grevant la circulation des biens et des services d’une façon comparable à la TVA les impôts, les droits et les taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA, même s’ils ne sont pas en tous points identiques à celle-ci (arrêt KÖGÁZ e.a., précité, point 35 et jurisprudence citée).
20 En revanche, l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive ne s’oppose pas au maintien ou à l’introduction d’une taxe qui ne présenterait pas l’une des caractéristiques essentielles de la TVA (arrêt KÖGÁZ e.a., précité, point 36 et jurisprudence citée).
21 La Cour a précisé quelles sont les caractéristiques essentielles de la TVA. Il ressort de sa jurisprudence que lesdites caractéristiques sont au nombre de quatre, à savoir l’application générale de la TVA aux transactions ayant pour objet des biens ou des services; la fixation de son montant proportionnellement au prix perçu par l’assujetti en contrepartie des biens et des services qu’il fournit; la perception de cette taxe à chaque stade du processus de production et de distribution, y compris à celui de la vente au détail, quel que soit le nombre de transactions intervenues précédemment, et la déduction de la TVA due par un assujetti des montants acquittés lors des étapes précédentes du processus de production et de distribution, de telle sorte que cette taxe ne s’applique, à un stade donné, qu’à la valeur ajoutée à ce stade et que la charge finale de ladite taxe repose en définitive sur le consommateur (arrêt KÖGÁZ e.a., précité, point 37 et jurisprudence citée).
22 Or, s’agissant de la première de ces caractéristiques, à savoir l’application générale de la TVA aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, il convient de souligner, ainsi que le relèvent d’ailleurs le Dyrektor Izby Celnej w Białymstoku, le gouvernement polonais ainsi que la Commission des Communautés européennes, que le droit d’accise en cause au principal ne frappe, selon l’article 80, paragraphe 2, point 1, de la loi de 2004, que des opérations de vente de véhicules automobiles avant leur première immatriculation sur le territoire polonais.
23 Eu égard à cette circonstance, ledit droit d’accise ne saurait donc être considéré comme frappant d’une manière générale toutes les transactions ayant pour objet des biens ou des services.
24 Par conséquent, le droit d’accise en cause au principal ne satisfaisant pas à la première des caractéristiques mentionnées au point 21 du présent arrêt, il n’est pas nécessaire de vérifier si ce droit d’accise réunit les trois autres caractéristiques essentielles de la TVA.
25 Dès lors, il apparaît qu’une taxe présentant des caractéristiques telles que celles du droit d’accise en cause au principal se distingue de la TVA d’une manière telle qu’elle ne saurait être qualifiée de taxe ayant le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive.
26 Au regard de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un droit d’accise, tel que celui prévu en Pologne par la loi de 2004, qui frappe toute vente de véhicules automobiles avant leur première immatriculation sur le territoire national.
Sur la seconde question
27 La juridiction de renvoi demande en substance si un droit d’accise frappant toute vente de véhicules automobiles avant leur première immatriculation sur le territoire national est contraire à l’article 90 CE, dans la mesure où la vente de véhicules automobiles d’occasion déjà immatriculés sur le territoire polonais est exonérée de ce droit.
28 Il convient donc de vérifier si un tel régime n’aboutit pas à une taxation plus lourde des véhicules d’occasion importés d’un État membre autre que la République de Pologne, et par conséquent non immatriculés sur le territoire polonais, que les véhicules automobiles d’occasion se trouvant déjà sur le marché national et qui sont immatriculés en Pologne.
29 À titre liminaire, il y a lieu de souligner qu’un droit d’accise tel que celui institué par la réglementation nationale en cause au principal relève du régime général des redevances intérieures sur les marchandises et doit donc être examiné au regard de l’article 90 CE (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2007, Brzeziński, C-313/05, Rec. p. I-513, point 24).
30 Or, il convient de rappeler que la Cour a jugé que l’article 90 CE constitue, dans le système du traité CE, un complément des dispositions relatives à la suppression des droits de douane et des taxes d’effet équivalent. Cette disposition a pour objectif d’assurer la libre circulation des marchandises entre les États membres dans des conditions normales de concurrence par l’élimination de toute forme de protection pouvant résulter de l’application d’impositions intérieures discriminatoires à l’égard des produits originaires d’autres États membres (arrêt Brzeziński, précité, point 27 et jurisprudence citée).
31 En matière de taxation des véhicules automobiles d’occasion importés, l’article 90 CE vise à garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre les produits se trouvant déjà sur le marché national et les produits importés (arrêt du 20 septembre 2007, Commission/Grèce, C-74/06, Rec. p. I-7585, point 24 et jurisprudence citée).
32 En outre, un système de taxation ne peut être considéré comme compatible avec l’article 90 CE que s’il est établi qu’il est aménagé de façon à exclure, en toute hypothèse, que les produits importés soient taxés plus lourdement que les produits nationaux et, dès lors, qu’il ne comporte, en aucun cas, des effets discriminatoires (arrêt Brzeziński, précité, point 40 et jurisprudence citée).
33 Dans ce contexte, il y a lieu de vérifier si le droit d’accise en cause au principal grève de la même manière tant la vente d’un véhicule automobile d’occasion importé que la vente d’un véhicule automobile d’occasion déjà immatriculé en Pologne, ces deux catégories de véhicules constituant des produits similaires au sens de l’article 90, premier alinéa, CE.
34 Dans le cadre de cette comparaison, il importe de distinguer entre deux catégories de véhicules, à savoir, d’une part, ceux qui sont vendus d’occasion au cours des deux années calendaires suivant la date de leur fabrication, l’année de fabrication étant considérée comme la première année calendaire, et, d’autre part, ceux qui sont vendus d’occasion postérieurement à cette période biennale (arrêt Brzeziński, précité, point 34).
35 En ce qui concerne les véhicules particuliers, vendus à l’état neuf ou d’occasion au cours de ladite période de deux ans, il ressort de l’arrêté de 2004 qu’ils sont assujettis à un droit d’accise calculé selon le même taux (voir, en ce sens, arrêt Brzeziński, précité, point 35).
36 S’agissant des véhicules d’occasion de moins de deux ans d’âge, il incombe plus spécifiquement à la juridiction nationale de vérifier, à la lumière notamment de l’arrêté de 2004, s’ils supportent, au titre du droit d’accise, effectivement une charge identique en raison du fait que le montant résiduel de ce droit incorporé dans la valeur vénale des véhicules d’occasion immatriculés en Pologne est égal au montant du même droit grevant les véhicules d’occasion similaires en provenance d’un État membre autre que la République de Pologne (arrêt Brzeziński, précité, point 36).
37 En revanche, s’agissant du droit d’accise qui frappe les véhicules d’occasion vendus plus de deux ans après la date de leur fabrication, le taux d’accise est calculé selon la formule prévue à l’article 7 de l’arrêté de 2004. L’application de cette formule aboutit à l’augmentation de ce taux en fonction de l’âge du véhicule (voir, en ce sens, arrêt Brzeziński, précité, point 37).
38 Or, il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner si une telle augmentation dudit taux ne frappe que les véhicules d’occasion en provenance d’un État membre autre que la République de Pologne et si, en revanche, pour les véhicules d’occasion, immatriculés à l’état neuf en Pologne, le taux du droit d’accise résiduel incorporé dans la valeur d’un tel véhicule demeure constant (arrêt Brzeziński, précité, point 38).
39 Au regard de ce que précède, il convient de répondre à la seconde question que l’article 90, premier alinéa, CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un droit d’accise, tel que celui en cause au principal, dans la mesure où le montant du droit frappant la vente avant la première immatriculation des véhicules d’occasion importés d’un autre État membre excède le montant résiduel du même droit incorporé dans la valeur vénale de véhicules similaires immatriculés auparavant dans l’État membre ayant instauré ce droit. Il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner si la réglementation en cause au principal, et notamment l’application de l’article 7 de l’arrêté de 2004, a une telle conséquence.
Sur la limitation des effets dans le temps du présent arrêt
40 Dans ses observations écrites soumises à la Cour, le gouvernement polonais a demandé à cette dernière, au cas où elle constaterait qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal est incompatible avec l’article 90, premier alinéa, CE, de limiter dans le temps les effets de l’arrêt à intervenir.
41 À l’appui de sa demande, ledit gouvernement invoque, d’une part, le fait que, lors de l’adoption de la réglementation nationale en cause au principal, il a tenu compte des arrêts de la Cour même si ceux-ci ne portaient pas sur des situations juridiques et factuelles analogues à celle de la présente affaire et, d’autre part, que, malgré le fait que certaines dispositions de l’arrêté de 2004 ne sont pas conformes, selon la Commission et la Cour, à l’article 90, premier alinéa, CE, car elles prévoient une augmentation du taux d’accise en fonction de l’âge du véhicule, une telle constatation n’est pas valide en ce qui concerne les autres dispositions dudit arrêté. Au regard de ces dernières dispositions, la Cour pourrait limiter les effets dans le temps du présent arrêt.
42 Il convient à cet égard de rappeler que ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi (arrêt du 6 mars 2007, Meilicke e.a., C-292/04, Rec. p. I-1835, point 35 et jurisprudence citée).
43 Une telle limitation ne peut être admise, selon la jurisprudence constante de la Cour, que dans l’arrêt même qui statue sur l’interprétation sollicitée (arrêt Meilicke e.a., précité, point 36 et jurisprudence citée).
44 En effet, il faut nécessairement un moment unique de détermination des effets dans le temps de l’interprétation sollicitée que donne la Cour d’une disposition du droit communautaire. À cet égard, le principe qu’une limitation ne peut être admise que dans l’arrêt même qui statue sur l’interprétation sollicitée garantit l’égalité de traitement des États membres et des autres justiciables face à ce droit et remplit par là même les exigences découlant du principe de sécurité juridique (arrêt Meilicke e.a., précité, point 37).
45 Le présent renvoi préjudiciel concerne, en substance, la question de la compatibilité avec l’article 90, premier alinéa, CE d’un droit d’accise qui grève la vente des véhicules automobiles avant leur première immatriculation sur le territoire national. À cet égard, il ressort du point 41 de l’arrêt Brzeziński, précité, que l’article 90, premier alinéa, CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un droit d’accise dans la mesure où le montant du droit frappant les véhicules d’occasion de plus de deux ans d’âge acquis dans un État membre autre que celui qui a institué un tel droit excède le montant résiduel du même droit incorporé dans la valeur vénale de véhicules similaires immatriculés auparavant dans l’État membre ayant instauré ce droit. Il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner si la réglementation en cause au principal, et notamment l’application de l’article 7 de l’arrêté de 2004, a une telle conséquence.
46 Or, il ressort du point 62 de l’arrêt Brzeziński, précité, que la Cour n’a pas limité dans le temps les effets dudit arrêt.
47 Par conséquent, il n’y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.
Sur les dépens
48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
1) L’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un droit d’accise, tel que celui prévu en Pologne par la loi relative aux droits d’accise (ustawa o podatku akcyzowym), du 23 janvier 2004, qui frappe toute vente de véhicules automobiles avant leur première immatriculation sur le territoire national.
2) L’article 90, premier alinéa, CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un droit d’accise, tel que celui en cause au principal, dans la mesure où le montant du droit frappant la vente avant la première immatriculation des véhicules d’occasion importés d’un autre État membre excède le montant résiduel du même droit incorporé dans la valeur vénale de véhicules similaires immatriculés auparavant dans l’État membre ayant instauré ce droit. Il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner si la réglementation en cause au principal, et notamment l’application de l’article 7 de l’arrêté du ministre des Finances relatif à la réduction du taux des droits d’accise (rozporządzenie Ministra Finansów w sprawie obniżenia stawek podatku akcyzowego), du 22 avril 2004, a une telle conséquence.
Signatures
* Langue de procédure: le polonais.