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Affaire C-569/07

HSBC Holdings plc
et
Vidacos Nominees Ltd

contre

The Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs

(demande de décision préjudicielle, introduite par

les Special Commissioners of Income Tax, London)

«Impôts indirects — Rassemblements de capitaux — Imposition d'un droit de 1,5 % sur le transfert ou l'émission des actions dans un service de compensation de transactions ('clearance service')»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux

(Directive du Conseil 69/335, art. 11, a))

L'article 11, sous a), de la directive 69/335, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à la perception d'une taxe lors de l'émission d'actions dans un service de compensation.

En effet, autoriser la perception d'un impôt ou d’une taxe sur la première acquisition d'un titre nouvellement émis revient en réalité à imposer l'émission elle-même de ce titre en tant qu'elle fait partie intégrante d'une opération globale au regard du rassemblement de capitaux.

Cette première acquisition ne saurait être considérée comme constituant une «transmission», au sens de l'article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 69/335, sous peine de priver l'article 11, sous a), de ladite directive de son effet utile et de remettre en cause la distinction nette que ces deux articles établissent entre la notion d'«émission» et celle de «transmission». En effet, une telle interprétation aurait pour conséquence que pourrait néanmoins être frappée d'un impôt ou d'une taxe l'opération d'émission qui, tout en impliquant nécessairement une acquisition des titres nouvellement émis, ne doit, conformément à l'article 11, sous a), être soumise à aucune imposition ou taxe autre que le droit d'apport. Partant, une taxe frappant cette première acquisition ne saurait relever de la dérogation figurant à l'article 12, paragraphe 1, sous a). Au demeurant, ladite taxe ne saurait être considérée comme s'appliquant, en réalité, à des transmissions futures, dès lors que ni la base imposable ni l'assujetti de cette taxe ne sont déterminés par rapport à de telles transmissions par ailleurs hypothétiques.

Dès lors, dans la mesure où ladite taxe est prélevée sur des titres nouveaux consécutivement à la réalisation d'une augmentation de capital, une telle taxe constitue une imposition au sens de l'article 11, sous a), de ladite directive dont l'institution est prohibée par cette disposition.

(cf. points 32, 34-38 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

1er octobre 2009 (*)

«Impôts indirects – Rassemblements de capitaux – Imposition d’un droit de 1,5 % sur le transfert ou l’émission des actions dans un service de compensation de transactions (‘clearance service’)»

Dans l’affaire C-569/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par les Special Commissioners of Income Tax, London (Royaume-Uni), par décision du 19 décembre 2007, parvenue à la Cour le 24 décembre 2007, dans la procédure

HSBC Holdings plc,

Vidacos Nominees Ltd

contre

The Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.-C. Bonichot, K. Schiemann, J. Makarczyk (rapporteur) et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 janvier 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour HSBC Holdings plc, par Mme R. Norton, solicitor, ainsi que par MM. I. Glick, QC, et D. Jowell, barrister,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mmes M. Hall et I. Rao ainsi que par M. R. Thomas, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 mars 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 10 et 11 de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23, ci-après la «directive»), ainsi que des articles 43 CE, 49 CE ou 56 CE, ou de toute autre disposition de droit communautaire.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant HSBC Holdings plc (ci-après «HSBC») et Vidacos Nominees Ltd aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs (autorités fiscales britanniques) au sujet de la perception d’une taxe dénommée «stamp duty reserve tax» (ci-après la «SDRT»), en application de l’article 96 de la loi de finances de 1986 (Finance Act 1986, ci-après la «LF 1986»).

 Le cadre juridique

 Le droit communautaire

3        Aux termes des premier et sixième considérants de la directive:

«considérant que l’objectif du traité est de créer une union économique ayant des caractéristiques analogues à celles d’un marché intérieur et qu’une des conditions essentielles pour y accéder est de promouvoir la libre circulation des capitaux;

[…]

considérant que la conception d’un marché commun ayant les caractéristiques d’un marché intérieur suppose que l’application aux capitaux, rassemblés dans le cadre d’une société, du droit sur les rassemblements de capitaux ne puisse intervenir qu’une seule fois au sein du marché commun et que cette taxation, afin de ne pas perturber la circulation des capitaux, doit être d’un niveau égal dans tous les États membres».

4        L’article 4 de la directive établit la liste des opérations susceptibles d’être soumises au droit d’apport, sur laquelle figurent, notamment, la constitution d’une société de capitaux et l’augmentation de son capital social au moyen de l’apport de biens de toute nature.

5        L’article 10 de la directive interdit la perception de toute imposition autre que le droit d’apport sur les opérations visées à l’article 4 de celle-ci.

6        Aux termes de l’article 11 de la directive:

«Les États membres ne soumettent à aucune imposition sous quelque forme que ce soit:

a)      la création, l’émission, l’admission en Bourse, la mise en circulation ou la négociation d’actions, de parts ou autres titres de même nature, ainsi que de certificats représentatifs de ces titres, quel qu’en soit l’émetteur;

b)      les emprunts, y compris les rentes, contractés sous forme d’émission d’obligations ou autres titres négociables, quel qu’en soit l’émetteur, et toutes les formalités y afférentes, ainsi que la création, l’émission, l’admission en Bourse, la mise en circulation ou la négociation de ces obligations ou autres titres négociables.»

7        Toutefois, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de cette même directive, les États membres peuvent, par dérogation aux dispositions des articles 10 et 11 de celle-ci, percevoir «des taxes sur la transmission des valeurs mobilières, perçues forfaitairement ou non».

8        En vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive, ces États doivent exonérer du droit d’apport les opérations qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984. S’agissant des autres opérations sur lesquelles un droit d’apport peut être perçu en vertu de la directive, celles-ci peuvent être soit exonérées, soit soumises à un taux unique ne dépassant pas 1 %.

 Le droit national

9        En application de l’article 87, paragraphe 1, de la LF 1986, toute cession d’actions ou d’autres valeurs passibles de droits à titre onéreux est assujettie à la SDRT au taux de 0,5 % de la valeur des titres ou du prix de cession. La SDRT n’est pas due si le transfert de propriété des actions est constaté au moyen d’un formulaire de cession de valeurs mobilières dûment timbré, conformément à l’article 92 de la LF 1986.

10      L’article 87, paragraphe 1, de la LF 1986 n’est applicable qu’aux opérations de cessions de «valeurs passibles de droits». La notion de «valeurs passibles de droits» est définie à l’article 99 de ladite loi et vise les actions émises par des sociétés établies au Royaume-Uni ou les actions émises par des sociétés étrangères si ces dernières actions sont inscrites dans un registre au Royaume-Uni ou «couplées» à des actions émises par des sociétés établies au Royaume-Uni, ainsi que certains autres droits dans et sur de telles actions. L’article 86, paragraphe 4, de la LF 1986 énonce que le droit est dû quel que soit le lieu de la transaction et quel que soit le lieu de résidence des parties.

11      L’article 96, paragraphes 1 et 2, de la LF 1986 dispose:

«1.      Sous réserve des […] articles 97 et 97 bis ci-après, la SDRT est due en application du présent article dans les conditions suivantes:

a)      une personne A, dont l’activité consiste, exclusivement ou non, en la prestation de services de compensation dans les opérations d’achat et de cession de valeurs passibles de droits, a conclu un accord avec un tiers pour lui fournir de tels services; et

b)      conformément à cet accord, des valeurs passibles de droits sont transférées ou émises en faveur de A ou à un tiers, dont l’activité consiste, exclusivement ou non, à détenir des valeurs passibles de droits pour le compte de A.

2.      […] le droit dû en application du présent article est fixé au taux de 1,5 %:

a)      du prix d’émission si les valeurs font l’objet d’une émission;

b)      du prix de cession si la propriété des valeurs est transférée à titre onéreux;

c)      de la valeur des valeurs dans les autres cas.»

12      La notion de service de compensation n’est pas définie par la loi. Selon le manuel de l’administration fiscale sur les droits de timbre, cette notion doit être comprise comme suit:

«14.10 Les services de compensation consistent généralement en un système de détention de valeurs mobilières et de gestion des opérations sur ces valeurs par jeu d’écritures. Les valeurs peuvent être détenues indéfiniment dans le système, nonobstant des changements de propriété effective; elles sont détenues par la société gérant le système de compensation ou par son mandataire et peuvent faire l’objet d’opérations sans actes constatant le transfert de propriété.

14.11          Les services de compensation sont largement répandus sur le continent européen. Il est fréquent que les actions soient au porteur et ce système permet d’assurer la sécurité physique (les certificats au porteur étant déposés dans des chambres fortes) tout en facilitant les opérations sur les valeurs et le règlement.

14.12          La SDRT ne frappe pas les conventions de transfert de propriété de valeurs mobilières détenues par un service de compensation.»

13      Après l’acquittement de la taxe initiale, l’article 90, paragraphe 5, de la LF 1986 exonère du droit normalement dû en application de l’article 87 de ladite loi les opérations de transfert de propriété réalisées au sein du service de compensation.

14      L’article 97 bis de la LF 1986 dispose que l’opérateur du service de compensation, sur agrément de l’administration des contributions directes, peut opter pour que le droit de timbre et la SRDT soient perçus en application dudit article. L’option pour l’article 97 bis de la LF 1986 devient effective au jour où l’administration des contributions directes notifie son agrément à l’opérateur du service de compensation. Tant que cette option est en vigueur, le droit de timbre et la SDRT sont perçus, dans le cadre des services de compensation couverts par l’option (par exemple pour toute cession ou émission en application de l’article 96, paragraphe 1, de la LF 1986), tels qu’ils l’auraient été indépendamment de l’article 96 de la LF 1986. En conséquence, si une telle option est exercée et agréée, les opérations effectuées au sein du service de compensation sont taxées au taux normal de 0,5 % et aucun droit n’est dû à l’admission des valeurs en question dans le service de compensation.

15      L’article 97, paragraphe 4, de la LF 1986 exonère des droits de l’article 96 de la LF 1986 les émissions d’actions en échange d’autres actions détenues sous un «régime de service de compensation» si l’émetteur soit détient le contrôle de l’autre société, soit le détiendra en conséquence de l’offre d’échange. L’article 97, paragraphe 6, de la LF 1986 a pour effet que ce régime n’est applicable que si les autres actions sont également des valeurs passibles de droits.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

16      Il ressort de la décision de renvoi que, le 7 juin 2000, HSBC, société constituée et fiscalement résidente au Royaume-Uni, a lancé une offre publique d’achat portant sur la totalité des actions du Crédit commercial de France (ci-après le «CCF»), société anonyme constituée et fiscalement résidente en France, dont les actions étaient cotées à la Bourse de Paris.

17      L’offre était formulée en termes d’achat au comptant des actions du CCF, mais elle comportait également la possibilité d’un échange d’actions entre les deux sociétés, à raison de treize actions de HSBC pour une action du CCF. Afin de rendre cette dernière option attractive pour les actionnaires du CCF résidant en France, HSBC a obtenu d’être cotée à la Bourse de Paris. En conséquence de cette cotation, HSBC a dû faire ouvrir un compte à son nom auprès de la société interprofessionnelle pour la compensation des valeurs mobilières (Sicovam), à savoir le système de compensation français qui détenait, à la date des faits au principal, le monopole en la matière pour les actions négociées à la Bourse de Paris. Il existait donc trois moyens d’obtenir des actions de HSBC en échange des actions du CCF, à savoir:

–        par l’intermédiaire de la Sicovam, le système français de compensation pour les actions cotées à la Bourse de Paris;

–        par l’intermédiaire du CREST, le système britannique de règlement liquidation pour des actions dématérialisées, et

–        par leur inscription nominative dans le registre des actionnaires de HSBC avec émission d’un certificat représentatif.

18      HSBC a accepté de payer toute SDRT qui serait due pour les actions négociées par l’intermédiaire de la Sicovam. À défaut, l’offre aurait été financièrement désavantageuse et, par conséquent, peu intéressante pour de nombreux actionnaires français.

19      Les actions de HSBC émises en rémunération des titres du CCF étaient des «valeurs passibles de droits» au sens de l’article 99, paragraphe 3, de la LF 1986. Lors de leur émission au profit d’un service de compensation, à savoir, dans l’affaire au principal, Vidacos Nominees Ltd, le mandataire de la Sicovam pour le Royaume-Uni, la SDRT était due, en application de l’article 96, paragraphes 1 et 2, de la LF 1986, au taux de 1,5 % du prix ou de la valeur de ces actions. En revanche, en ce qui concerne les deux autres options, aucun droit de timbre ni aucune SDRT n’était dû lors de l’émission des actions. Ce n’est qu’à l’occasion de chaque transfert ultérieur des actions que des droits étaient perçus au taux de 0,5 %.

20      Il ressort de la décision de renvoi que les actionnaires du CCF ont choisi de recevoir 255 607 131 actions de HSBC par l’intermédiaire de la Sicovam. Parmi ces actions, environ 105 millions, soit 41 %, ont été retirées de la Sicovam et négociées dans un délai de deux semaines à la Bourse de Londres. Les transferts ultérieurs desdites actions au sein du CREST ont été soumis à la SDRT au taux normal de 0,5 %.

21      En outre, HSBC, dont les actions sont toujours cotées à la Bourse de Paris, offre à ses actionnaires la possibilité de recevoir leur dividende en actions plutôt qu’en numéraire. Cependant, lorsque les actions de HSBC ouvrant droit à dividende sont détenues par la Sicovam, les actions émises à titre de dividende le sont au profit de la Sicovam, puisqu’elles sont, dans le cadre de ce système, enregistrées au nom de cette dernière société. Ces actions ayant donné lieu au paiement de la SDRT au taux de 1,5 %, le coût de cette charge fiscale est répercuté sur les actionnaires français de HSBC détenant leurs actions par l’intermédiaire de la Sicovam, de sorte que ces actionnaires reçoivent un taux de 1,5 % d’actions en moins que les autres actionnaires.

22      La HSBC a introduit une demande de remboursement de la SDRT versée au taux de 1,5 % sur les actions émises au profit de la Sicovam. À la suite du rejet de cette demande par l’administration fiscale, elle a formé un recours devant les Special Commissioners.

23      C’est dans ces circonstances que les Special Commissioners ont décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 10 ou 11 de la directive […] ou les articles 43 CE, 49 CE ou 56 CE ou toute autre disposition de droit communautaire s’opposent-ils à la perception par un État membre (ci-après le ‘premier État membre’) d’un droit de 1,5 % sur la transmission ou l’émission d’actions vers un service de compensation dans le cas de figure suivant:

a)      une société (ci-après la ‘société A’), établie dans le premier État membre, lance une offre d’achat sur les actions cotées et négociées en Bourse d’une société (ci-après la ‘société B’) établie dans un autre État membre (ci-après le ‘second État membre’) en échange d’actions de la société A à émettre à la Bourse des valeurs du second État membre;

b)      les actionnaires de la société B se voient proposer le choix de recevoir les actions nouvelles de la société A:

–        soit sous forme matérialisée;

–        soit sous forme dématérialisée par l’intermédiaire d’un système de règlement liquidation dans le premier État membre;

–        soit sous forme dématérialisée par l’intermédiaire d’un service de compensation du second État membre;

c)      en substance, la législation du premier État membre dispose que:

–        en cas d’émission d’actions sous forme matérialisée (ou sous forme dématérialisée dans un système de règlement liquidation de valeurs dématérialisées dans le premier État membre), aucun droit n’est perçu lors de l’émission d’actions mais l’est lors de chaque cession suivante des actions, droit perçu au taux de 0,5 % du prix de cession; mais,

–        lors de la transmission ou de l’émission d’actions dématérialisées à l’opérateur d’un service de compensation, le droit est perçu, en cas d’émission d’actions, au taux de 1,5 % du prix d’émission ou, en cas de transmission à titre onéreux, au taux de 1,5 % du prix de cession ou, dans les autres cas, au taux de 1,5 % de la valeur des actions, aucun droit n’étant perçu par la suite sur les cessions des actions (ou de droits sur ces actions) réalisées au sein du service de compensation;

–        sur agrément de l’autorité fiscale compétente, l’opérateur d’un service de compensation peut opter pour qu’aucun droit ne soit perçu sur la transmission ou l’émission des actions à son service de compensation, mais qu’il le soit lors de chaque cession au sein du système de compensation, au taux de 0,5 % du prix de cession. L’autorité fiscale compétente peut subordonner (et le fait actuellement) son agrément à la condition que l’opérateur du service de compensation qui le sollicite institue et maintienne des procédures (satisfaisantes pour l’autorité fiscale) aux fins de perception du droit au sein du service de compensation et de respect, ou d’assurance du respect, de la réglementation y relative.;

d)      la réglementation en vigueur applicable à la Bourse des valeurs du second État membre exige que toutes les actions émises sur le territoire de celui-ci soient détenues sous forme dématérialisée par l’intermédiaire d’un service unique de compensation établi sur ce second État membre, dont l’opérateur n’a pas exercé l’option évoquée ci-dessus?»

 Sur la question préjudicielle

24      Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 10 et 11 de la directive ainsi que 43 CE, 49 CE ou 56 CE, ou toute autre disposition de droit communautaire, s’opposent à la perception d’une taxe, telle que celle en cause au principal, lors de l’émission d’actions dans un service de compensation.

25      À titre liminaire, il convient de rappeler que la directive a procédé à une harmonisation exhaustive des cas dans lesquels les États membres peuvent soumettre les rassemblements de capitaux à des impôts indirects (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Commission/Grèce, C-178/05, Rec. p. I-4185, point 31).

26      Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, lorsqu’une question fait l’objet d’une harmonisation au niveau communautaire, les mesures nationales y relatives doivent être appréciées au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation et non pas de celles du traité CE (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2001, DaimlerChrysler, C-324/99, Rec. p. I-9897, point 32, et du 24 janvier 2008, Roby Profumi, C-257/06, Rec. p. I-189, point 14).

27      Il s’ensuit que, pour répondre à la question préjudicielle, la Cour doit se limiter à l’interprétation de la directive.

28      D’emblée, il importe de souligner que, comme il ressort de son préambule, la directive tend à promouvoir la liberté de circulation des capitaux, considérée comme essentielle à la création d’une union économique ayant des caractéristiques analogues à celles d’un marché intérieur. La poursuite d’une telle finalité suppose, en ce qui concerne la taxation frappant les rassemblements de capitaux, la suppression des impôts indirects jusqu’alors en vigueur dans les États membres, et l’application, à leur place, d’un impôt perçu une seule fois dans le marché commun et d’un niveau égal dans tous les États membres.

29      À cet égard, la directive prévoit notamment, conformément à son dernier considérant, la suppression des impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d’apport ou le droit de timbre sur les titres dont le maintien risquerait de remettre en cause les buts qu’elle poursuit. Ces impôts indirects, dont la perception est interdite, sont énumérés aux articles 10 et 11 de la directive.

30      Les dispositions de l’article 12, paragraphe 1, de la directive établissent une liste exhaustive des taxes et droits autres que le droit d’apport qui, par dérogation auxdits articles 10 et 11, peuvent frapper les sociétés de capitaux à l’occasion des opérations visées par ces dernières dispositions (voir arrêt du 2 février 1988, Investeringsforeningen Dansk Sparinvest, 36/86, Rec. p. 409, point 9). L’article 12 de la directive vise, notamment, à son paragraphe 1, sous a), les «taxes sur la transmission des valeurs mobilières, perçues forfaitairement ou non».

31      Dans l’affaire au principal, le fait générateur de la SDRT réside dans la réalisation d’une opération spécifique portant sur l’acquisition de titres nouvellement émis à l’occasion d’une offre publique d’achat. À cet égard, ainsi que le rappelle M. l’avocat général au point 23 de ses conclusions, les actions de HSBC introduites dans le service de compensation pour être échangées contre des actions du CCF constituaient des actions nouvelles, correspondant à une augmentation de capital.

32      Or, il importe de rappeler que, autoriser la perception d’un impôt ou d’une taxe sur la première acquisition d’un titre nouvellement émis revient en réalité à imposer l’émission elle-même de ce titre en tant qu’elle fait partie intégrante d’une opération globale au regard du rassemblement de capitaux. En effet, une émission de titres ne se suffit pas à elle-même, mais n’a de sens qu’à partir du moment où ces titres trouvent des acquéreurs (arrêt du 15 juillet 2004, Commission/Belgique, C-415/02, Rec. p. I-7215, point 32).

33      L’effet utile de l’article 11, sous a), de la directive implique dès lors que l’«émission», au sens de cette disposition, doit inclure la première acquisition de titres s’effectuant dans le cadre de l’émission de ceux-ci (voir arrêt Commission/Belgique, précité, point 33).

34      À cet égard, interpréter le terme «transmission» figurant à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive en un sens tel que celui préconisé par le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission des Communautés européennes, à savoir que la SDRT au taux de 1,5 % serait une taxe sur les transmissions d’actions prenant la forme d’un «ticket saisonnier» («season ticket»), reviendrait à priver l’article 11, sous a), de cette directive de son effet utile et à remettre en cause la distinction nette que les articles 11, sous a), et 12, paragraphe 1, sous a), de la directive établissent entre la notion d’«émission» et celle de «transmission». En effet, une telle interprétation aurait pour conséquence que pourrait néanmoins être frappée d’un impôt ou d’une taxe l’opération d’émission qui, tout en impliquant nécessairement une acquisition des titres nouvellement émis, ne doit, conformément à cette disposition, être soumise à aucune imposition ou taxe autre que le droit d’apport.

35      Dès lors, la première acquisition de titres dans le cadre de leur émission ne saurait être considérée comme constituant une «transmission», au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive, et, partant, une taxe frappant cette première acquisition ne saurait relever de la dérogation figurant à cette disposition.

36      Au demeurant, une taxe telle que la SDRT ne saurait être considérée comme s’appliquant, en réalité, à des transmissions futures, dès lors que, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 38 de ses conclusions, ni la base imposable ni l’assujetti de cette taxe ne sont déterminés par rapport à de telles transmissions par ailleurs hypothétiques.

37      Eu égard à ces considérations, il y a lieu de constater que, dans la mesure où une taxe telle que la SDRT est prélevée sur des titres nouveaux consécutivement à la réalisation d’une augmentation de capital, une telle taxe constitue une imposition au sens de l’article 11, sous a), de la directive dont l’institution est prohibée par cette disposition.

38      En conséquence, il convient de répondre à la question posée que l’article 11, sous a), de la directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la perception d’une taxe, telle que celle en cause au principal, lors de l’émission d’actions dans un service de compensation.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 11, sous a), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la perception d’une taxe, telle que celle en cause au principal, lors de l’émission d’actions dans un service de compensation.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.