Affaire C-37/08
RCI Europe
contre
Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs
(demande de décision préjudicielle, introduite par
le VAT and Duties Tribunal, London)
«Sixième directive TVA — Rattachement fiscal — Prestations de services se rattachant à un bien immeuble — Prestations consistant à faciliter l'échange par des titulaires de droits d'occuper un bien immeuble destiné aux vacances»
Sommaire de l'arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Prestations de services — Détermination du lieu de rattachement fiscal — Prestations de services se rattachant à un bien immeuble
(Directive du Conseil 77/388, art. 9, § 2, a))
L'article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens que le lieu des prestations de services fournies par une association dont l'activité consiste à organiser l'échange entre ses membres de leurs droits d'utilisation à temps partagé portant sur des logements de vacances en contrepartie desquelles cette association perçoit de ses membres des frais d'adhésion, des cotisations annuelles ainsi que des frais d'échange est le lieu où est situé l'immeuble sur lequel le membre concerné est titulaire du droit d'utilisation à temps partagé.
En effet, il est difficile d'établir la relation entre l'association organisant l'échange et ses adhérents sans tenir compte de la finalité de cette relation. En outre, les droits d'utilisation à temps partagé constituent des droits sur des biens immeubles, et leur cession en échange de la jouissance de droits analogues constitue une transaction rattachée à des biens immeubles. Le propriétaire qui souhaite échanger son droit d'utilisation à temps partagé avec celui d'un autre entre en contact direct non pas avec ce dernier, mais avec l'association chargée d'organiser l'échange. Ce qui distingue ce système d'une simple location dans une quelconque agence de voyages est le fait que, dans le cadre d'un tel système, la personne concernée paye non pas pour une prestation de vacances, mais pour le service rendu par ladite association pour faciliter l'échange de son droit relatif à un immeuble particulier. Il s'ensuit que l'immeuble auquel la prestation de services de l'association se rattache est celui sur lequel le propriétaire qui veut échanger possède son droit. En outre, la logique qui sous-tend les dispositions concernant le lieu de la prestation de services contenues à l'article 9 de la sixième directive veut que l'imposition s'effectue dans la mesure du possible à l'endroit où les biens et les services sont consommés. Or, dans le cadre de l'organisation de l'échange de droits d'utilisation à temps partagé, sur des logements de vacances, les prestations de services sont consommées non pas sur le lieu d'établissement de l'organisation de l'échange, mais sur le lieu où se situe le bien immeuble sur lequel porte ledit droit d'utilisation faisant l'objet du service d'échange. Pour ce qui concerne les frais d'adhésion, les cotisations annuelles et les frais d'échange, cet immeuble est celui sur lequel le membre concerné détient des droits d'utilisation à temps partagé, qu'il met à disposition dans le système d'échange.
(cf. points 37-39, 41, 43 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
3 septembre 2009 (*)
«Sixième directive TVA – Rattachement fiscal – Prestations de services se rattachant à un bien immeuble – Prestations consistant à faciliter l’échange par des titulaires de droits d’occuper un bien immeuble destiné aux vacances»
Dans l’affaire C-37/08,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni), par décision du 9 janvier 2008, parvenue à la Cour le 31 janvier 2008, dans la procédure
RCI Europe
contre
Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs,
LA COUR (première chambre),
composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Tizzano, A. Borg Barthet (rapporteur) et E. Levits, juges,
avocat général: Mme V. Trstenjak,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 février 2009,
considérant les observations présentées:
– pour RCI Europe, par M. H. Foster, solicitor, ainsi que par Mme M. Hall et M. M. Angiolini, barristers,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Bryanston-Cross, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,
– pour le gouvernement grec, par MM. S. Spyropoulos et I. Bakopoulos ainsi que par Mmes S. Alexandriou et V. Karra, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement espagnol, par Mme B. Plaza Cruz, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 avril 2009,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), repris à l’article 45 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), entrée en vigueur le 1er janvier 2007.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant RCI Europe aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (ci-après les «Commissioners») au sujet d’un redressement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»).
Le cadre juridique
3 L’article 9, paragraphes 1 et 2, sous a), de la sixième directive dispose:
«1. Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.
2. Toutefois:
a) le lieu des prestations de services se rattachant à un bien immeuble, y compris les prestations d’agents immobiliers et d’experts, ainsi que les prestations tendant à préparer ou à coordonner l’exécution de travaux immobiliers comme, par exemple, les prestations fournies par les architectes et les bureaux de surveillance, est l’endroit où le bien est situé;
[…]»
4 L’article 26, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive est libellé comme suit:
«1. Les États membres appliquent la [TVA] aux opérations des agences de voyages conformément au présent article, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d’autres assujettis. Le présent article n’est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d’intermédiaire et auxquelles l’article 11 sous A paragraphe 3 sous c) est applicable. Au sens du présent article, sont également considérés comme agences de voyages les organisateurs de circuits touristiques.
2. Les opérations effectuées par l’agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de service unique de l’agence de voyages au voyageur. Celle-ci est imposée dans l’État membre dans lequel l’agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. Pour cette prestation de services est considérée comme base d’imposition et comme prix hors taxe, au sens de l’article 22 paragraphe 3 sous b), la marge de l’agence de voyages, c’est-à-dire la différence entre le montant total à payer par le voyageur hors [TVA] et le coût effectif supporté par l’agence de voyages pour les livraisons et prestations de services d’autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur.»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
L’activité de RCI Europe
5 RCI Europe a été créée le 29 novembre 1973 au Royaume-Uni. Son activité consiste à permettre et à organiser l’échange, entre ses membres, de leurs droits d’utilisation à temps partagé portant sur des logements de vacances situés en dehors de cet État membre.
6 RCI Europe gère un programme d’échange de droits d’utilisation à temps partagé, sur une base hebdomadaire, dénommé «RCI Weeks», qui présente les caractéristiques particulières exposées ci-après.
7 Les promoteurs de résidences de vacances sont invités à se joindre au programme en tant qu’«affiliés». Les particuliers titulaires de droits d’utilisation à temps partagé dans une résidence de vacances peuvent demander à devenir membres du programme RCI Weeks.
8 L’adhésion audit programme RCI Weeks permet aux membres de déposer leurs propres droits d’utilisation de période de vacances, détenus dans des biens immeubles en multipropriété, dans un fonds de logements en multipropriété (ci-après le «Weeks Pool») et de recevoir les droits d’utilisation déposés par d’autres membres. Dans ce cadre, les membres n’ont de contact qu’avec RCI Europe. Le dépôt de droits d’utilisation de période de vacances dans le Weeks Pool n’entraîne pas de transfert à RCI Europe de droits sur le bien immeuble auxquels ces droits d’utilisation se rapportent. Au contraire, le titulaire initial du droit d’utilisation à temps partagé conserve ce dernier tout au long du processus.
9 Les membres du programme RCI Weeks versent des frais d’adhésion, couvrant une période allant de un an à cinq ans, ainsi que des cotisations annuelles. En outre, ils doivent s’acquitter de frais d’échange au moment du dépôt de la demande d’échange. RCI Europe comptabilise ces frais d’échange comme une avance remboursable. Lorsqu’elle ne peut pas trouver d’offre d’échange du Weeks Pool à la convenance d’un membre, elle lui accorde un avoir imputable sur un prochain échange ou, sur demande, le rembourse.
10 RCI Europe peut compléter le Weeks Pool par l’achat de logements à des tiers ou la mise à disposition de semaines supplémentaires par un promoteur. Moyennant le versement de frais d’échange, les membres peuvent également demander un échange contre un logement issu de telles offres complémentaires.
La procédure devant les autorités fiscales nationales
11 Le siège de RCI Europe est situé au Royaume-Uni. Une grande partie de ses membres sont ressortissants de cet État membre. En revanche, une grande partie des biens immeubles concernés par le programme d’échange RCI Weeks sont situés en Espagne. Les autorités fiscales britanniques et espagnoles ont toutes deux réclamé le versement de la TVA sur les opérations de RCI Europe, ce qui conduit en fin de compte à une double imposition dans deux États membres différents.
12 Il ressort de la décision de renvoi que, jusqu’au 31 décembre 2003, RCI Europe s’est acquittée de la TVA au Royaume-Uni sur tous les frais d’adhésion versés par les nouveaux membres ainsi que sur toutes les cotisations annuelles versées par les membres déjà admis. En outre, jusqu’au 31 décembre 2005, RCI Europe s’est acquittée de la TVA au Royaume-Uni sur tous les frais d’échange versés par les membres qui avaient acquis un droit d’utilisation à temps partagé se rapportant à un bien immeuble situé dans l’Union européenne. Elle ne s’acquittait pas de la TVA au Royaume-Uni sur tous les frais d’échange versés par les membres qui avaient acquis un tel droit d’utilisation se rapportant à un bien immeuble situé en dehors de l’Union.
13 Les autorités fiscales espagnoles considèrent que les services fournis par RCI Europe se rattachent directement à un bien immeuble et sont, par conséquent, soumis à la TVA dans l’État où est situé ce bien en multipropriété. Les avis d’imposition émis par les autorités fiscales espagnoles à l’encontre de RCI Europe ainsi que les décisions des juridictions fiscales rejetant les recours de celle-ci font actuellement l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Tribunal Supremo (Espagne).
14 À compter du 1er janvier 2004, RCI Europe a cessé de s’acquitter de la TVA au Royaume-Uni sur les frais d’adhésion et les cotisations annuelles des membres dont les droits d’utilisation à temps partagé se rapportent à des biens immeubles situés en Espagne. Elle a également cessé de s’acquitter de la TVA au Royaume-Uni sur les frais d’échange versés par des membres qui échangeaient leurs droits d’utilisation à temps partagé contre des droits correspondants se rapportant à des biens immeubles situés en Espagne.
15 Le 23 mars 2005, les Commissioners ont décidé d’émettre un avis d’imposition visant à percevoir la TVA que, selon eux, RCI Europe aurait dû déclarer au titre de l’année 2004 sur les frais d’adhésion et les cotisations annuelles des membres dont les droits d’utilisation de périodes de vacances se rapportent à des biens immeubles situés en Espagne ainsi que sur les frais d’échange de droits d’utilisation à temps partagé se rapportant à de tels biens. L’avis d’imposition, d’un montant de 1 339 709 GBP, a été émis le 5 avril 2005.
16 Le 5 mai 2005, RCI Europe a formé un recours contre cet avis d’imposition devant la juridiction de renvoi.
17 Dans sa décision de renvoi, cette juridiction évoque l’incertitude juridique persistante quant à la détermination du lieu de prestation de services ainsi que le risque de perturbation de l’activité de RCI Europe que cette incertitude comporte.
18 Dans ces conditions, le VAT and Duties Tribunal, London, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Dans le cadre des services fournis par [RCI Europe] en contrepartie:
– des frais d’adhésion;
– des cotisations, et
– des frais d’échange
payés par des membres de son système RCI Weeks, quels éléments convient-il de prendre en compte pour déterminer si les services sont ‘rattachés’ à des biens immeubles au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive [...]?
2) Dans l’hypothèse où certains ou l’ensemble des services fournis par [RCI Europe] sont ‘rattachés’ à des biens immeubles au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive [...], les biens immeubles auxquels certains ou l’ensemble des services sont rattachés sont-ils ceux qui sont déposés auprès de la bourse d’échange, ceux qui sont demandés en échange des biens immeubles déposés, ou bien ces deux catégories de biens immeubles?
3) Si certains des services sont ‘rattachés’ aux deux catégories de biens immeubles, comment convient-il de classer ces services en vertu de la sixième directive [...]?
4) Compte tenu des solutions divergentes adoptées par différents États membres, comment la sixième directive [...] caractérise-t-elle les revenus tirés par un assujetti des ‘frais d’échange’ perçus pour les services suivants:
– la facilitation de l’échange de droits d’utilisation de périodes de vacances dont est titulaire un adhérent à un système d’échange exploité par l’assujetti contre des droits d’utilisation de périodes de vacances dont est titulaire un autre adhérent à ce système, et/ou
– la fourniture de droits d’utilisation d’un logement acquis par l’assujetti auprès de tiers assujettis pour compléter la bourse d’échange de logements mise à la disposition des membres dudit système?»
Sur les questions préjudicielles
19 Par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, quel est, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, le lieu des prestations de services fournies par une association dont l’activité consiste à organiser l’échange entre ses membres de leurs droits d’utilisation à temps partagé portant sur des logements de vacances en contrepartie desquelles cette association perçoit de ses membres des frais d’adhésion, des cotisations annuelles ainsi que des frais d’échange.
20 Il importe de rappeler que l’article 9 de la sixième directive contient des règles qui déterminent le lieu de rattachement fiscal des prestations de services. Le paragraphe 1 de cet article énonce à ce sujet une règle d’ordre général, le paragraphe 2 de ce même article énumérant une série de règles de rattachement spécifiques. L’objectif de ces dispositions est d’éviter, d’une part, des conflits de compétence susceptibles de conduire à des doubles impositions et, d’autre part, la non-imposition de recettes (arrêts du 4 juillet 1985, Berkholz, 168/84, Rec. p. 2251, point 14; du 26 septembre 1996, Dudda, C-327/94, Rec. p. I-4595, point 20, et du 6 novembre 2008, Kollektivavtalsstiftelsen TRR Trygghetsrådet, C-291/07, non encore publié au Recueil, point 24).
21 La juridiction de renvoi demande, plus particulièrement, à la Cour quels sont les éléments qui doivent être pris en compte pour déterminer si les prestations de services fournies en contrepartie de chacun des paiements effectués dans le cadre global du système RCI Weeks présentent ou non un «rattachement» à des biens immobiliers.
22 Comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 56 de ses conclusions, il ressort ainsi d’une interprétation raisonnable des questions préjudicielles que celles-ci visent à savoir dans quelle mesure les différents types de cotisations et de frais, dont doivent s’acquitter les membres participant au programme d’échange RCI Weeks, peuvent correspondre à différentes prestations de services de RCI Europe.
23 Il convient donc d’examiner séparément les différentes transactions conclues par les parties dans le cadre du système RCI Weeks au regard du rapport de droit synallagmatique auquel fait référence Mme l’avocat général au point 57 de ses conclusions.
24 À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’une prestation de services n’est effectuée «à titre onéreux», au sens de l’article 2, point 1, de la sixième directive, et n’est dès lors taxable, que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (voir, notamment, arrêts du 3 mars 1994, Tolsma, C-16/93, Rec. p. I-743, point 14; du 14 juillet 1998, First National Bank of Chicago, C-172/96, Rec. p. I-4387, points 26 à 29, et du 21 mars 2002, Kennemer Golf, C-174/00, Rec. p. I-3293, point 39).
25 Dans ces conditions, il convient d’examiner chaque transaction effectuée dans le cadre du système RCI Weeks de manière, d’une part, à identifier les prestations de services fournies en contrepartie des différents frais facturés par RCI Europe et, d’autre part, d’apprécier les caractéristiques de ces prestations de services au regard des critères fixés à l’article 9 de la sixième directive.
Sur les prestations de services fournies en contrepartie des différents frais facturés par RCI Europe
26 En premier lieu, en ce qui concerne les frais d’adhésion et les cotisations annuelles, RCI Europe estime que les services fournis en contrepartie du versement de ceux-ci ne présentent pas de lien suffisant avec un bien immeuble déterminé et ne relèvent donc pas du champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive. Elle considère, au contraire, qu’il convient d’appliquer la règle générale prévue à l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, avec pour conséquence, selon elle, que le lieu des prestations de services afférentes à l’inscription et à l’adhésion des nouveaux membres ainsi qu’aux cotisations annuelles s’y référant est celui où le prestataire a établi le siège de son activité économique.
27 À l’instar de RCI Europe, le gouvernement du Royaume-Uni estime qu’il n’existe pas de lien suffisamment direct entre les prestations de services fournies en contrepartie des frais et des cotisations en cause au principal et un quelconque bien immeuble. Ce point de vue est fondé, notamment, sur le fait que RCI Europe fournit un accès à une sorte de marché dans le cadre duquel ses membres peuvent échanger leurs droits d’utilisation à temps partagé.
28 Or, s’il est vrai, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 65 de ses conclusions, qu’il ressort d’un examen attentif du modèle commercial de RCI Europe, tel que présenté de façon détaillée par celle-ci, qu’un membre n’obtient tout d’abord qu’un accès au programme d’échange RCI Weeks en contrepartie du versement des frais d’adhésion, il est également vrai que l’adhésion à un tel programme n’aurait, pour le titulaire d’un droit d’utilisation à temps partagé, pas d’utilité s’il n’avait pas l’intention d’échanger son droit avec celui d’autres membres.
29 Par ailleurs, c’est dans ce contexte que le caractère synallagmatique du contrat passé entre RCI Europe et chacun de ses membres doit être pris en considération. En effet, même si les différentes étapes du système RCI Weeks sont prises en considération, il n’en demeure pas moins que, si l’intention d’effectuer un échange des droits d’utilisation à temps partagé au moyen du marché créé par RCI Europe n’existait pas, les frais d’adhésion et les cotisations annuelles seraient dépourvus de toute utilité.
30 À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que la base d’imposition d’une prestation de services est constituée par tout ce qui est reçu en contrepartie du service fourni et qu’une prestation de services n’est taxable que s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contrepartie reçue (arrêts du 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council, 102/86, Rec. p. 1443, points 11 et 12, ainsi que Tolsma, précité, point 13).
31 Dans l’affaire au principal, le service rendu par RCI Europe n’est, certes, pas immédiat. Toutefois, cette dernière s’engage à fournir, dans le futur, le service requis dans le cas d’une demande de la part de l’un de ses membres.
32 En effet, si le titulaire d’un droit d’utilisation à temps partagé a toujours la possibilité de louer une autre propriété, lorsqu’il le souhaite, en payant une autre location pour le bien qu’il désire obtenir, le titulaire d’un tel droit inscrit au programme RCI Weeks qui paye régulièrement les cotisations annuelles a, quant à lui, la possibilité, avec l’aide de RCI Europe, d’échanger son droit avec celui d’un autre propriétaire en payant seulement les frais d’échange. Les frais d’adhésion et les cotisations annuelles sont en effet payés par un membre en contrepartie d’un service rendu ou à rendre par RCI Europe, en vue de faciliter l’échange des droits d’utilisation à temps partagé de ce membre, plutôt que de louer en passant par une agence tierce.
33 Dans une situation similaire, la Cour a eu l’occasion de spécifier que la circonstance qu’une cotisation annuelle soit forfaitaire et ne puisse être rapportée à chaque utilisation ne change rien au fait que des prestations réciproques sont échangées entre les membres et le prestataire de services (voir, en ce sens, arrêt Kennemer Golf, précité, point 40). Les cotisations annuelles des membres d’une association sont susceptibles de constituer la contrepartie des prestations de services fournies par celle-ci, alors même que les membres qui n’utilisent pas ou pas régulièrement les services de l’association sont néanmoins tenus de verser leur cotisation annuelle (voir, en ce sens, arrêt Kennemer Golf, précité, point 42).
34 Il s’ensuit que, dans cette optique, les frais d’adhésion et les cotisations annuelles doivent être considérés comme constituant la contrepartie de la participation à un système conçu initialement pour permettre à chaque membre de RCI Europe d’échanger son droit d’utilisation à temps partagé. Le service fourni par celle-ci consiste à faciliter l’échange, et les frais d’adhésion ainsi que les cotisations annuelles représentent la contrepartie acquittée par un membre pour ce service.
35 En second lieu, en ce qui concerne les frais d’échange, il y a lieu de souligner que la prestation de services en contrepartie de laquelle un membre de RCI Europe verse des frais d’adhésion est l’échange même ou la possibilité future de participer à un tel échange, qui constituent l’objectif principal de chaque adhérent, l’accès à la bourse d’échange ainsi que les informations relatives à celle-ci n’étant que des éléments accessoires à cette finalité.
Sur l’application des critères de l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive
36 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a fixé les conditions d’application de cette disposition, en ce sens qu’il doit exister un lien «suffisamment direct» entre la prestation de services et l’immeuble en cause au motif qu’il serait contraire à l’économie de ladite disposition de faire entrer dans le champ d’application de cette règle spéciale toute prestation de services pour peu qu’elle présente un lien, même très tenu, avec un bien immeuble, un grand nombre de services se rattachant d’une manière ou d’une autre à un bien immeuble (arrêt du 7 septembre 2006, Heger, C-166/05, Rec. p. I-7749, point 23).
37 Dans l’affaire au principal, il est difficile d’établir la relation entre RCI Europe et ses adhérents sans tenir compte de la finalité de cette relation. En outre, il est constant que les droits d’utilisation à temps partagé constituent des droits sur des biens immeubles, et leur cession en échange de la jouissance de droits analogues constitue une transaction rattachée à des biens immeubles.
38 Le propriétaire qui souhaite échanger son droit d’utilisation à temps partagé avec celui d’un autre entre en contact direct non pas avec ce dernier, mais avec RCI Europe. Ce qui distingue le système RCI Weeks d’une simple location dans une quelconque agence de vacances est le fait que, dans le cadre d’un tel système, la personne concernée paye non pas pour une prestation de vacances, mais pour le service rendu par RCI Europe pour faciliter l’échange de son droit relatif à un immeuble particulier. Il s’ensuit que l’immeuble auquel la prestation de services de RCI Europe se rattache est celui sur lequel le propriétaire qui veut échanger possède son droit.
39 Il convient de garder également à l’esprit que la logique qui sous-tend les dispositions concernant le lieu de la prestation de services contenues à l’article 9 de la sixième directive veut que l’imposition s’effectue dans la mesure du possible à l’endroit où les biens et les services sont consommés.
40 Il en ressort que, si la règle générale énoncée à l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive s’appliquait, il serait aisé pour un opérateur économique tel que RCI Europe de se soustraire totalement à la TVA sur ses prestations de services en établissant son siège en dehors du territoire d’application de la TVA communautaire.
41 Dans l’affaire au principal, les prestations de services sont consommées non pas sur le lieu d’établissement de RCI Europe, mais sur le lieu où se situe le bien immeuble sur lequel porte le droit d’utilisation à temps partagé qui fait l’objet du service d’échange. Pour ce qui concerne les frais d’adhésion, les cotisations annuelles et les frais d’échange, cet immeuble est celui sur lequel le membre de RCI Europe concerné détient des droits d’utilisation à temps partagé, qu’il met à disposition dans le système RCI Weeks.
42 En ce qui concerne la fourniture de droits d’utilisation à temps partagé d’un logement acquis par RCI Europe auprès de tiers assujettis pour compléter la bourse d’échange de logements mise à la disposition des membres dudit système, RCI Europe ne perçoit les frais d’adhésion, les cotisations annuelles et les frais d’échange de ses membres que pour les droits d’utilisation à temps partagé que chaque membre échange. Dans une telle hypothèse, RCI Europe ne perçoit aucune somme de la part des tiers, qui peuvent être assujettis à la TVA. En effet, concernant la fourniture en question, RCI Europe n’est pas redevable de la TVA, lors de cette transaction, sur le logement mis à la disposition de ses membres par un tiers.
43 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles que l’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que le lieu des prestations de services fournies par une association dont l’activité consiste à organiser l’échange entre ses membres de leurs droits d’utilisation à temps partagé portant sur des logements de vacances en contrepartie desquelles cette association perçoit de ses membres des frais d’adhésion, des cotisations annuelles ainsi que des frais d’échange est le lieu où est situé l’immeuble sur lequel le membre concerné est titulaire du droit d’utilisation à temps partagé.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
L’article 9, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que le lieu des prestations de services fournies par une association dont l’activité consiste à organiser l’échange entre ses membres de leurs droits d’utilisation à temps partagé portant sur des logements de vacances en contrepartie desquelles cette association perçoit de ses membres des frais d’adhésion, des cotisations annuelles ainsi que des frais d’échange est le lieu où est situé l’immeuble sur lequel le membre concerné est titulaire du droit d’utilisation à temps partagé.
Signatures
* Langue de procédure: l’anglais.