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Affaire C-67/08

Margarete Block

contre

Finanzamt Kaufbeuren

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesfinanzhof)

«Libre circulation des capitaux — Articles 56 CE et 58 CE — Droits de succession — Réglementation nationale ne permettant pas d'imputer sur les droits de succession dus dans l'État membre où résidait le propriétaire des biens à la date de son décès les droits de succession acquittés par l'héritier dans un autre État membre lorsque les biens successoraux sont des créances en capital — Double imposition — Restriction — Absence»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des capitaux — Restrictions — Impôt sur les successions

(Art. 56 CE et 58 CE)

Les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui, en ce qui concerne le calcul des droits de succession dus par un héritier résident de cet État membre sur des créances en capital détenues sur une institution financière située dans un autre État membre, ne prévoit pas, lorsque la personne dont la succession est ouverte résidait, à la date de son décès, dans le premier État membre, l’imputation sur les droits de succession dus dans celui-ci des droits de succession acquittés dans l’autre État membre.

En effet, ce désavantage fiscal résulte de l’exercice parallèle par les deux États membres concernés de leur compétence fiscale, lequel est caractérisé par le choix de l’un de soumettre les créances en capital aux droits de succession nationaux lorsque le créancier est résident de cet État membre, alors que le choix de l’autre est de soumettre de telles créances aux droits de succession nationaux lorsque le débiteur est établi dans ce dernier État membre. Or, le droit communautaire, en l’état actuel de son développement et dans une situation relative au paiement de droits de succession, ne prescrit pas de critères généraux pour la répartition des compétences entre les États membres s’agissant de l’élimination des doubles impositions à l’intérieur de la Communauté européenne. Il en résulte que, en l’état actuel du développement du droit communautaire, les États membres bénéficient, sous réserve du respect du droit communautaire, d’une certaine autonomie en la matière et que, partant, ils n’ont pas l’obligation d’adapter leur propre système fiscal aux différents systèmes de taxation des autres États membres, en vue, notamment, d’éliminer la double imposition découlant de l’exercice parallèle par lesdits États de leurs compétences fiscales et de permettre, en conséquence, la déduction des droits de succession acquittés dans un État membre autre que celui dans lequel réside l’héritier.

Ces considérations ne sont pas susceptibles d’être remises en cause par la circonstance selon laquelle la réglementation nationale prévoit des règles d’imputation plus favorables lorsque la personne dont la succession est ouverte résidait, au moment de son décès, dans un autre État membre, dès lors que cette différence de traitement, s’agissant de la succession d’une personne non-résidente au moment de son décès, découle également du choix par l’État membre concerné, dont l’exercice relève de ses compétences fiscales, du lieu de résidence du créancier comme critère de rattachement pour la détermination du caractère «étranger» du patrimoine successoral et, partant, pour l’imputabilité des droits de succession acquittés dans un autre État membre.

(cf. points 28, 30-32, 34, 36 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

12 février 2009 (*)

«Libre circulation des capitaux – Articles 56 CE et 58 CE – Droits de succession – Réglementation nationale ne permettant pas d’imputer sur les droits de succession dus dans l’État membre où résidait le propriétaire des biens à la date de son décès les droits de succession acquittés par l’héritier dans un autre État membre lorsque les biens successoraux sont des créances en capital – Double imposition – Restriction – Absence»

Dans l’affaire C-67/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 16 janvier 2008, parvenue à la Cour le 20 février 2008, dans la procédure

Margarete Block

contre

Finanzamt Kaufbeuren,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 novembre 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Block, par Me S. Gorski, Rechtsanwalt,

–        pour le Finanzamt Kaufbeuren, par M. M. Stock, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. Noort, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de Mme S. Ford, barrister,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et W. Mölls, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 CE et 58 CE relatifs à la libre circulation des capitaux.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Block, héritière d’une personne décédée en Allemagne, au Finanzamt Kaufbeuren (ci-après le «Finanzamt») au sujet du calcul des droits de succession dus sur des créances en capital que le de cujus détenait sur des institutions financières situées en Espagne.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire 

3        Aux termes de l’article 1er de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5):

«1.      Les États membres suppriment les restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les États membres, sans préjudice des dispositions figurant ci-après. Pour faciliter l’application de la présente directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I.

2.      Les transferts afférents aux mouvements de capitaux s’effectuent aux mêmes conditions de change que celles pratiquées pour les paiements relatifs aux transactions courantes.»

4        Parmi les mouvements de capitaux énumérés à l’annexe I de la directive 88/361 figurent, à la rubrique XI de cette annexe, les mouvements de capitaux à caractère personnel, qui comprennent les successions et les legs.

 La réglementation nationale

5        L’article 1er, paragraphe 1, point 1, de la loi sur les droits de succession et de donation (Erbschaftsteuer- und Schenkungsteuergesetz), dans sa version applicable en 1999 (BGBl. 1997 I, p. 378, ci-après l’«ErbStG»), prévoit que les successions sont soumises à cette loi en tant qu’opérations imposables.

6        L’article 2, paragraphe 1, point 1, de l’ErbStG est libellé comme suit, sous l’intitulé «Obligation fiscale personnelle»:

«(1)      L’obligation fiscale s’applique

1.      dans les cas visés à l’article 1er, paragraphe 1, points 1 à 3, à la totalité de la dévolution patrimoniale lorsque le défunt, à la date du décès, le donateur, à la date où il effectue la donation, ou l’acquéreur, à la date à laquelle l’impôt a pris naissance, a la qualité de résident. Sont considérés comme des résidents:

a)      les personnes physiques qui ont un domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire national,

[…]»

7        Sous l’intitulé «Imputation des droits de succession étrangers», l’article 21, paragraphes 1 et 2, de l’ErbStG dispose:

«(1)      Dans le cas d’acquéreurs dont le patrimoine étranger est soumis, dans un pays étranger, à une imposition – étrangère – correspondant aux droits de succession allemands, les droits étrangers fixés et dus par l’acquéreur, acquittés et non susceptibles de bénéficier d’une réduction, sont, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 1, point 1, et dans la mesure où les dispositions d’une convention [fiscale] préventive de [la] double imposition ne sont pas applicables, imputés, si une demande est faite en ce sens, sur les droits de succession allemands dans la mesure où le patrimoine étranger est également soumis aux droits de succession allemands. […]

(2)      Est considéré comme patrimoine étranger au sens du paragraphe 1,

1.      si le de cujus avait la qualité de résident à la date de son décès: l’ensemble des éléments de patrimoine relevant d’un autre État, que l’article 121 de la [loi d’évaluation (Bewertungsgesetz), dans sa version applicable en 1999 (BGBl. 1991 I, p. 230, ci-après le «BewG»)] énumère selon leur nature, ainsi que tous les droits de jouissance attachés auxdits éléments de patrimoine;

2.      si le de cujus n’avait pas la qualité de résident à la date de son décès: l’ensemble des éléments de patrimoine, à l’exception du patrimoine allemand au sens de l’article 121 du [BewG], ainsi que tous les droits de jouissance attachés auxdits éléments de patrimoine.»

8        Sous l’intitulé «Patrimoine interne», l’article 121 du BewG est libellé comme suit:

«Le patrimoine interne comprend:

1.      le patrimoine agricole et forestier interne;

2.      le patrimoine immobilier interne;

3.      le patrimoine d’exploitation interne. Est considéré comme tel le patrimoine qui sert à la poursuite d’une activité industrielle ou commerciale sur le territoire national, lorsqu’un établissement stable est entretenu à cet effet sur le territoire national, ou qu’un représentant permanent a été désigné;

4.      des actions dans des sociétés de capitaux, lorsque la société a son siège ou sa direction commerciale sur le territoire national et que l’associé détient, seul ou avec des parties qui lui sont liées au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la loi fiscale concernant les relations avec l’étranger [Gesetz über die Besteuerung bei Auslandsbeziehungen (Außensteuergesetz)] […], directement ou indirectement, au moins un dixième du capital initial ou du capital social de la société;

5.      les inventions, modèles d’utilité et topographies ne relevant pas du point 3, qui sont enregistrés dans un livre ou registre national;

6.      les biens économiques qui ne relèvent pas des points 1, 2 et 5 et qui sont mis à la disposition d’une exploitation industrielle ou commerciale nationale, en particulier sous forme de location ou d’affermage;

7.      les hypothèques, dettes foncières, rentes foncières et autres créances ou droits lorsqu’ils sont garantis, directement ou indirectement, par des biens immeubles situés sur le territoire national, par des droits assimilés à des biens immeubles situés sur le territoire national ou par des bateaux ou navires répertoriés dans un registre national. En sont exclus les bons et les titres d’émission d’obligations conjointes;

8.      les créances résultant de la participation à une exploitation commerciale en tant qu’associé tacite et de prêts partiaires, lorsque le débiteur a son domicile, sa résidence habituelle, son siège ou sa direction commerciale sur le territoire national;

9.      les droits de jouissance attachés à l’un des éléments d’actif cités aux points 1 à 8.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        Mme Block, qui réside en Allemagne, est la seule héritière d’une personne décédée en 1999 dans ce même État membre, où se trouvait le lieu de sa dernière résidence. La succession était essentiellement constituée d’un patrimoine en capital, placé pour une partie en Allemagne, à hauteur de 144 255 DEM, et pour l’autre partie auprès d’institutions financières situées en Espagne pour un montant équivalant à 994 494 DEM. Concernant ce dernier patrimoine, Mme Block a acquitté en Espagne des droits de succession d’un montant s’élevant à 207 565 DEM.

10      Dans son avis d’imposition du 14 mars 2000, le Finanzamt a arrêté les droits de succession dus en Allemagne par Mme Block sans prendre en considération les droits de succession acquittés en Espagne. Contre cet avis, Mme Block a introduit une réclamation, par laquelle elle demandait que les droits de succession versés en Espagne soient imputés sur les droits de succession à payer en Allemagne et que, partant, le montant excédant ces derniers lui soit remboursé.

11      Par décision du 4 juillet 2003, le Finanzamt, suite à ladite réclamation, a autorisé la déduction de la dette fiscale espagnole au titre du passif successoral, à savoir la déduction des droits de succession acquittés en Espagne de la base imposable des droits de succession dus en Allemagne. Selon cette décision, l’acquisition imposable, après déduction des dettes liées à des legs ainsi que d’un abattement personnel, s’élevait à 579 000 DEM et le montant des droits de succession grevant cette acquisition était fixé à 124 500 DEM (63 655,84 euros).

12      Saisi sur recours de Mme Block, par lequel elle demandait que les droits de succession versés en Espagne, au lieu d’être déduits de la base imposable au même titre qu’une dette successorale, soient imputés sur les droits de succession à payer en Allemagne, le Finanzgericht a estimé que l’imputation des droits de succession espagnols prévue à l’article 21, paragraphe 1, de l’ErbStG était exclue par le paragraphe 2, point 1, de cet article, puisque les créances en capital détenues sur des institutions financières situées en Espagne ne relèvent pas de l’article 121 du BewG. Ces créances en capital ne constituaient donc pas un «patrimoine étranger» au sens de l’article 21, paragraphe 2, point 1, de l’ErbStG. Selon le Finanzgericht, si les créances en capital en cause font l’objet d’une double imposition, il n’appartient cependant pas aux autorités fiscales allemandes de subventionner d’autres États membres.

13      Saisi d’un pourvoi en «Revision», le Bundesfinanzhof constate que, en raison de l’absence d’harmonisation communautaire relative à la notion de «patrimoine étranger», Mme Block fait l’objet d’une double imposition, dès lors que, pour déterminer le prélèvement des droits de succession portant sur des créances en capital, la République fédérale d’Allemagne retient le critère de la résidence du créancier, tandis que le Royaume d’Espagne retient celui de la résidence du débiteur.

14      La juridiction de renvoi se demande si cette double imposition est contraire au droit communautaire. D’une part, en effet, si la totalité du patrimoine du de cujus avait été placée en Allemagne, seuls les droits de succession allemands auraient été exigibles. D’autre part, s’agissant du rattachement de l’imposition, le critère de la résidence du créancier ne serait pas moins raisonnable que celui de la résidence du débiteur, puisque le patrimoine hérité appartient au créancier.

15      Par ailleurs, dans l’hypothèse où cette double imposition constituerait une restriction à la libre circulation des capitaux, ladite juridiction se demande si celle-ci serait justifiée par l’article 73 D, paragraphe 1, sous a), du traité CE [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), CE], tel qu’interprété dans la déclaration n° 7 relative à l’article 73 D du traité instituant la Communauté européenne, annexée au traité UE (JO 1992, C 191, p. 95), déclaration selon laquelle «[l]a Conférence affirme que le droit des États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale visées à l’article 73 D paragraphe 1 point a) du traité instituant la Communauté européenne porte uniquement sur les dispositions qui existent à la fin de 1993. Toutefois, la présente déclaration n’est applicable qu’aux mouvements de capitaux et aux paiements entre États membres». Or, les dispositions de l’article 21 de l’ErbStG seraient antérieures à l’année 1993, la promulgation, en 1997, de la nouvelle version de cette loi n’étant pas un acte constitutif du législateur équivalant à une nouvelle publication.

16      Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les dispositions de l’article 73 D, paragraphes 1, sous a), et 3, du traité CE (devenu article 58, paragraphes 1, sous a), et 3, CE) permettent-elles d’exclure l’imputation de droits de succession espagnols sur les droits de succession allemands prévue par les dispositions combinées de l’article 21, paragraphes 1 et 2, point 1, de l’[ErbStG] et de l’article 121 du [BewG] (restriction matérielle) même pour des successions survenues en 1999?

2)      L’article 73 B, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 56, paragraphe 1, CE) doit-il être interprété en ce sens que les droits de succession qu’un autre État membre de l’Union européenne prélève sur l’acquisition par voie successorale de créances en capital détenues sur des établissements de crédit de cet État membre par un défunt qui résidait en dernier lieu en Allemagne et dont l’héritier réside également en Allemagne doivent être imputés sur les droits de succession allemands?

3)      Le caractère approprié des différents points de rattachement dans les régimes fiscaux nationaux est-il pertinent pour déterminer celui des États concernés qui doit éviter la double imposition et, si tel est le cas, le rattachement au domicile du créancier est-il plus approprié que le rattachement au siège du débiteur?»

 Sur les questions préjudicielles

17      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, en ce qui concerne le calcul des droits de succession dus par un héritier résident de cet État membre sur des créances en capital détenues sur une institution financière située dans un autre État membre, ne prévoit pas, lorsque la personne dont la succession est ouverte résidait, à la date de son décès, dans le premier État membre, l’imputation sur les droits de succession dus dans celui-ci des droits de succession acquittés dans l’autre État membre.

18      Selon une jurisprudence constante, l’article 56, paragraphe 1, CE interdit de façon générale les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres (arrêt du 6 décembre 2007, Federconsumatori e.a., C-463/04 et C-464/04, Rec. p. I-10419, point 19 et jurisprudence citée).

19      En l’absence, dans le traité, de définition de la notion de «mouvements de capitaux» au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, la Cour a précédemment reconnu une valeur indicative à la nomenclature qui constitue l’annexe I de la directive 88/361, même si celle-ci a été adoptée sur le fondement des articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CEE (devenus articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CE, abrogés par le traité d’Amsterdam), étant entendu que, conformément au troisième alinéa de l’introduction de cette annexe, la nomenclature qu’elle contient n’est pas limitative de la notion de mouvements de capitaux (voir, notamment, arrêts du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden, C-513/03, Rec. p. I-1957, point 39, ainsi que du 17 janvier 2008, Jäger, C-256/06, Rec. p. I-123, point 24).

20      À cet égard, la Cour, en rappelant notamment que les successions, qui consistent en une transmission à une ou plusieurs personnes du patrimoine laissé par une personne décédée, relèvent de la rubrique XI de l’annexe I de la directive 88/361, intitulée «Mouvements de capitaux à caractère personnel», a jugé que les successions, qu’elles portent sur des sommes d’argent, des biens immeubles ou des biens meubles, constituent des mouvements de capitaux au sens de l’article 56 CE, à l’exception des cas où leurs éléments constitutifs se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, notamment, arrêts du 11 décembre 2003, Barbier, C-364/01, Rec. p. I-15013, point 58; du 11 septembre 2008, Arens-Sikken, C-43/07, non encore publié au Recueil, point 30, et Eckelkamp, C-11/07, non encore publié au Recueil, point 39, ainsi que du 27 janvier 2009, Persche, C-318/07, non encore publié au Recueil, points 30 et 31).

21      Une situation dans laquelle une personne résidant en Allemagne à la date de son décès laisse en héritage à une autre personne, résidant également dans cet État membre, des créances en capital sur une institution financière située en Espagne et faisant l’objet d’un prélèvement au titre des droits de succession tant en Allemagne qu’en Espagne ne constitue nullement une situation purement interne.

22      Par conséquent, la succession en cause au principal constitue un mouvement de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE.

23      Il y a dès lors lieu d’examiner si, comme le fait valoir Mme Block, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, constitue une restriction aux mouvements de capitaux.

24      En ce qui concerne le cas des successions, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les mesures interdites par l’article 56, paragraphe 1, CE, en tant qu’elles constituent des restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui ont pour effet de diminuer la valeur de la succession d’un résident d’un État autre que l’État membre où se trouvent les biens concernés et qui impose la succession desdits biens (arrêts précités van Hilten-van der Heijden, point 44; Jäger, point 31; Arens-Sikken, point 37, et Eckelkamp, point 44).

25      Il est cependant constant que la réglementation nationale en cause au principal, en tant qu’elle détermine le calcul des droits de succession dus par un héritier qui réside en Allemagne sur des créances en capital détenues par une personne qui, à la date de son décès, résidait également dans cet État membre, prévoit des règles d’imposition des successions identiques, que l’institution financière débitrice desdites créances soit située en Allemagne ou dans un autre État membre.

26      Mme Block soutient cependant que ladite réglementation nationale restreint la libre circulation des capitaux dès lors que tous les biens successoraux d’une personne qui sont situés dans un État membre autre que celui dans lequel cette dernière résidait à la date de son décès n’ouvrent pas nécessairement un droit à l’imputation des droits de succession acquittés dans cet autre État membre. En effet, lorsque, comme dans l’affaire au principal, le propriétaire desdits biens résidait en Allemagne au moment de son décès, la notion de «patrimoine étranger» au sens de l’article 21 de l’ErbStG, donnant droit à une telle imputation, n’inclurait pas, en vertu du paragraphe 2, point 1, de cet article, certains éléments du patrimoine, tels que les créances en capital, même lorsque, d’un point de vue économique, ceux-ci sont manifestement situés à l’étranger. Il en résulterait une entrave contraire à l’article 56, paragraphe 1, CE, en ce que le risque de double imposition dissuaderait tant les propriétaires que leurs héritiers d’investir dans certains États membres.

27      À cet égard, il convient certes de constater que, comme le fait valoir Mme Block, le fait que des biens successoraux, tels que des créances en capital, sont exclus, en Allemagne, de la notion de «patrimoine étranger» donnant droit, selon la réglementation nationale, à l’imputation sur les droits de succession dus dans cet État membre de ceux acquittés à l’étranger aboutit, lorsque les créances sont détenues sur une institution financière située dans un autre État membre ayant prélevé des droits de succession sur celles-ci, en l’occurrence le Royaume d’Espagne, à une charge fiscale plus élevée que si ces mêmes créances avaient été détenues sur une institution financière établie en Allemagne.

28      Toutefois, comme l’ont soutenu à juste titre tous les gouvernements ayant déposé des observations écrites devant la Cour ainsi que la Commission des Communautés européennes, ce désavantage fiscal résulte de l’exercice parallèle par les deux États membres concernés de leur compétence fiscale, lequel est caractérisé par le choix de l’un, à savoir la République fédérale d’Allemagne, de soumettre les créances en capital aux droits de succession allemands lorsque le créancier est résident de cet État membre, alors que le choix de l’autre, à savoir le Royaume d’Espagne, est de soumettre de telles créances aux droits de succession espagnols lorsque le débiteur est établi dans ce dernier État membre (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2006, Kerckhaert et Morres, C-513/04, Rec. p. I-10967, point 20, ainsi que du 6 décembre 2007, Columbus Container Services, C-298/05, Rec. p. I-10451, point 43).

29      Il convient de rappeler, à cet égard, que les conventions en vue d’éviter les doubles impositions, telles que prévues à l’article 293 CE, servent à éliminer ou à atténuer les effets négatifs pour le fonctionnement du marché intérieur découlant de la coexistence de systèmes fiscaux nationaux évoquée au point précédent (arrêts précités Kerckhaert et Morres, point 21, ainsi que Columbus Container Services, point 44).

30      Or, le droit communautaire, en l’état actuel de son développement et dans une situation telle que celle au principal, ne prescrit pas de critères généraux pour la répartition des compétences entre les États membres s’agissant de l’élimination des doubles impositions à l’intérieur de la Communauté européenne. Ainsi, abstraction faite de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), de la convention du 23 juillet 1990 relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées (JO L 225, p. 10) et de la directive 2003/48/CE du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts (JO L 157, p. 38), aucune mesure d’unification ou d’harmonisation visant à éliminer les situations de double imposition n’a été adoptée, à ce jour, dans le cadre du droit communautaire (voir arrêts précités Kerckhaert et Morres, point 22, ainsi que Columbus Container Services, point 45).

31      Il en résulte que, en l’état actuel du développement du droit communautaire, les États membres bénéficient, sous réserve du respect du droit communautaire, d’une certaine autonomie en la matière et que, partant, ils n’ont pas l’obligation d’adapter leur propre système fiscal aux différents systèmes de taxation des autres États membres, en vue, notamment, d’éliminer la double imposition découlant de l’exercice parallèle par lesdits États de leurs compétences fiscales et de permettre, en conséquence, la déduction, dans une affaire telle que celle au principal, des droits de succession acquittés dans un État membre autre que celui dans lequel réside l’héritier (voir, en ce sens, arrêt Columbus Container Services, précité, point 51).

32      Ces considérations ne sont pas susceptibles d’être remises en cause par la circonstance, alléguée par Mme Block dans ses observations écrites, selon laquelle l’article 21 de l’ErbStG prévoit des règles d’imputation plus favorables lorsque la personne dont la succession est ouverte résidait, au moment de son décès, dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne, le paragraphe 2, point 2, de cet article définissant, dans un tel cas, la notion de «patrimoine étranger» d’une manière plus large que celle applicable à une situation telle que celle de la requérante au principal.

33      Certes, comme le gouvernement allemand et la Commission l’ont confirmé lors de l’audience, lorsque la personne dont la succession est ouverte résidait, au moment de son décès, dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne, la réglementation nationale prévoit, en ce qui concerne le calcul des droits de succession dus en Allemagne par un héritier résident sur des créances en capital détenues par ladite personne sur une institution financière située dans cet autre État membre, l’imputation des droits de succession acquittés dans ce dernier État sur ces mêmes créances, celles-ci relevant, dans un tel cas, de la notion de «patrimoine étranger» en vertu de l’article 21, paragraphe 2, point 2, de l’ErbStG.

34      Toutefois, cette différence de traitement, s’agissant de la succession d’une personne non-résidente au moment de son décès, découle également du choix par l’État membre concerné, dont l’exercice relève, conformément à la jurisprudence citée aux points 28 à 31 du présent arrêt, de ses compétences fiscales, du lieu de résidence du créancier comme critère de rattachement pour la détermination du caractère «étranger» du patrimoine successoral et, partant, pour l’imputabilité en Allemagne des droits de succession acquittés dans un autre État membre.

35      Par ailleurs, selon la jurisprudence constante de la Cour, le traité ne garantit pas à un citoyen de l’Union que le transfert de sa résidence dans un État membre autre que celui dans lequel il résidait jusque-là est neutre en matière d’imposition. Compte tenu des disparités des réglementations des États membres en cette matière, un tel transfert peut, selon les cas, être plus ou moins avantageux pour le citoyen (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2004, Lindfors, C-365/02, Rec. p. I-7183, point 34, et du 12 juillet 2005, Schempp, C-403/03, Rec. p. I-6421, point 45).

36      En conséquence, il convient de répondre aux questions posées que les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, en ce qui concerne le calcul des droits de succession dus par un héritier résident de cet État membre sur des créances en capital détenues sur une institution financière située dans un autre État membre, ne prévoit pas, lorsque la personne dont la succession est ouverte résidait, à la date de son décès, dans le premier État membre, l’imputation sur les droits de succession dus dans celui-ci des droits de succession acquittés dans l’autre État membre.

 Sur les dépens

37      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

Les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, en ce qui concerne le calcul des droits de succession dus par un héritier résident de cet État membre sur des créances en capital détenues sur une institution financière située dans un autre État membre, ne prévoit pas, lorsque la personne dont la succession est ouverte résidait, à la date de son décès, dans le premier État membre, l’imputation sur les droits de succession dus dans celui-ci des droits de succession acquittés dans l’autre État membre.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.