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Affaire C-174/08

NCC Construction Danmark A/S

contre

Skatteministeriet

(demande de décision préjudicielle, introduite par l'Østre Landsret)

«Sixième directive TVA — Article 19, paragraphe 2 — Déduction de la taxe payée en amont — Assujetti mixte — Biens et services utilisés à la fois pour des activités taxées et des activités exonérées — Calcul du prorata de déduction — Notion d’‘opérations accessoires immobilières’ — Livraisons à soi-même — Principe de neutralité fiscale»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Biens et services utilisés à la fois pour des opérations ouvrant et n'ouvrant pas droit à déduction

(Directive du Conseil 77/388, art. 19, § 2)

2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directive du Conseil 77/388)

1.        L'article 19, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d'une entreprise de construction, la vente par celle-ci d'immeubles réalisés pour son propre compte ne saurait être qualifiée d'«opération accessoire immobilière» au sens de cette disposition, dès lors que cette activité constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'apprécier in concreto la mesure dans laquelle cette activité de vente, considérée isolément, implique une utilisation de biens et de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due.

(cf. points 34-35, disp. 1)

2.        Le principe de neutralité fiscale ne saurait s'opposer à ce qu'une entreprise de construction, qui acquitte la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations de construction qu'elle effectue pour son propre compte (livraisons à soi-même), ne puisse pas déduire intégralement la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux frais généraux engendrés par la réalisation de ces prestations, dès lors que le chiffre d'affaires résultant de la vente des constructions ainsi réalisées est exonéré de la taxe sur la valeur ajoutée.

En effet, si ledit principe de neutralité fiscale est la traduction par le législateur communautaire, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, du principe général d’égalité de traitement, toutefois, tandis que ce dernier principe a, à l’instar des autres principes généraux du droit communautaire, rang constitutionnel, le principe de neutralité fiscale nécessite une élaboration législative qui ne peut se faire que par un acte de droit communautaire dérivé. Le principe de neutralité fiscale peut, par conséquent, faire l’objet, dans un tel acte législatif, de précisions découlant de l’application combinée des articles 19, paragraphe 1, et 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, ainsi que du point 16 de l’annexe F de cette directive, en vertu de laquelle l’assujetti exerçant à la fois des activités taxées et des activités exonérées de vente de biens immobiliers ne peut pas déduire intégralement la taxe sur la valeur ajoutée grevant ses frais généraux.

Par ailleurs, le principe de neutralité fiscale ne saurait être utilement invoqué pour s’opposer à l’application des dispositions de la sixième directive transposées par la législation nationale dès lors que, par les dispositions critiquées portant transposition de la sixième directive, le législateur national, tenant dûment compte du principe général d’égalité de traitement, a souhaité placer les entreprises de construction qui exercent, en marge de leur activité de construction, une activité exonérée de vente immobilière, dans la même situation que les promoteurs immobiliers, lesquels, eu égard au caractère exonéré de cette dernière activité, ne peuvent déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prestations de construction fournies par les entreprises tierces auxquelles ils ont recours, et ce afin d’éviter les distorsions de concurrence sur le marché intérieur.

(cf. points 41-43, 46-47, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

29 octobre 2009 (*)

«Sixième directive TVA – Article 19, paragraphe 2 – Déduction de la taxe payée en amont – Assujetti mixte – Biens et services utilisés à la fois pour des activités taxées et des activités exonérées – Calcul du prorata de déduction – Notion d’‘opérations accessoires immobilières’ – Livraisons à soi-même – Principe de neutralité fiscale»

Dans l’affaire C-174/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Østre Landsret (Danemark), par décision du 17 avril 2008, parvenue à la Cour le 28 avril 2008, dans la procédure

NCC Construction Danmark A/S

contre

Skatteministeriet,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, G. Arestis et J. Malenovský (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 avril 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour NCC Construction Danmark A/S, par Me B. Møll Pederson, advokat,

–        pour le gouvernement danois, par Mme B. Weis Fogh, en qualité d’agent, assistée de Me D. Auken, advokat,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Triantafyllou et S. Schønberg, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 juin 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), ainsi que de la portée du principe de neutralité fiscale en matière de taxes sur le chiffre d’affaires.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société NCC Construction Danmark A/S (ci-après «NCC») au Skatteministeriet (ministère des Impôts et Accises), au sujet du droit à déduction partielle de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») auquel NCC pouvait prétendre sur ses frais généraux.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive dispose que sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

4        L’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive est libellé comme suit:

«Les États membres peuvent assimiler à une livraison effectuée à titre onéreux:

a)      l’affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d’un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté ou importé dans le cadre de son entreprise dans le cas où l’acquisition d’un tel bien auprès d’un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à la déduction complète de la [TVA]».

5        L’article 6, paragraphe 3, de la sixième directive énonce :

«Afin de prévenir des distorsions de concurrence et sous réserve de la consultation prévue à l’article 29, les États membres peuvent assimiler à une prestation de services effectuée à titre onéreux l’exécution, par un assujetti, d’un service pour les besoins de son entreprise, dans le cas où l’exécution d’un tel service par un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à la déduction complète de la [TVA].»

6        L’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive prévoit que, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable la TVA due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti.

7        Il ressort de l’article 17, paragraphe 5, de la sixième directive que, en ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 de cet article et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Ce prorata est déterminé pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti conformément à l’article 19.

8        L’article 19, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive est libellé comme suit:

«Calcul du prorata de déduction

1.      Le prorata de déduction, prévu par l’article 17, paragraphe 5, premier alinéa, résulte d’une fraction comportant:

–        au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, [TVA] exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l’article 17, paragraphes 2 et 3,

–        au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, [TVA] exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction. [...]

Le prorata est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l’unité supérieure.

2.      Par dérogation au paragraphe 1, il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, du montant du chiffre d’affaires afférent aux livraisons de biens d’investissement utilisés par l’assujetti dans son entreprise. Il est également fait abstraction du montant du chiffre d’affaires afférent aux opérations accessoires immobilières et financières ou à celles visées à l’article 13 sous B sous d), lorsqu’il s’agit d’opérations accessoires. [...]»

9        Conformément à la disposition transitoire prévue à l’article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, les États membres peuvent, au cours de la période transitoire visée au paragraphe 4 de cet article, continuer à exonérer les opérations énumérées à l’annexe F de ladite directive. Cette annexe F contient, à son point 16, la mention «les livraisons de bâtiments et de terrains visés à l’article 4 paragraphe 3».

 La réglementation nationale

10      La loi relative à la TVA (momsloven) transpose la sixième directive.

11      En ce qui concerne les prestations internes à l’entreprise, l’article 6, paragraphe 1, de cette loi prévoit que la TVA est due par les assujettis qui construisent des bâtiments, pour leur propre compte et sur leur propre terrain, pour les vendre, lorsqu’ils exécutent des travaux de construction, tandis que le paragraphe 2 de ce même article prévoit que, pour les bâtiments pour lesquels la TVA est due conformément au paragraphe 1, les travaux et les matériaux utilisés à cet effet doivent être assimilés à des prestations effectuées contre rémunération et, partant, à des prestations taxées.

12      L’article 13, paragraphe 1, point 9), de la loi relative à la TVA exonère de TVA la livraison d’immeubles.

13      À propos du droit à déduction, l’article 37 de la loi relative à la TVA prévoit que «les entreprises immatriculées aux fins de la TVA peuvent, lors du calcul de la taxe due en amont, déduire la taxe acquittée pour leurs achats de biens et de services qui sont utilisés exclusivement pour les livraisons de l’entreprise qui ne sont pas exonérées conformément à l’article 13».

14      À propos des achats destinés à un usage mixte, l’article 38 de la loi relative à la TVA prévoit que «pour les biens et services qu’une entreprise immatriculée utilise dans l’entreprise à la fois à des fins ouvrant droit à déduction conformément à l’article 37 et à d’autres fins, la déduction peut être opérée pour la partie de la taxe qui est proportionnelle au chiffre d’affaires afférent à la partie de l’activité qui est soumise à immatriculation. Lors du calcul du chiffre d’affaires, il est fait abstraction du montant de celui-ci afférent aux livraisons de biens d’investissement qui ont été utilisés dans l’entreprise [omissis]. Il est également fait abstraction du montant de celui-ci afférent aux opérations accessoires immobilières [omissis]».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      NCC est une entreprise opérant dans le secteur du bâtiment, notamment en tant que maître d’œuvre. Elle effectue des travaux de construction, couvrant notamment les activités d’ingénierie, de planification, de conseil et de main-d’œuvre, dans le secteur du génie civil, tant pour le compte de tiers que pour son propre compte.

16      La vente des biens immobiliers qu’elle a construits pour son propre compte ne constitue pas l’activité principale de la requérante, mais une activité à part, dérivée de son activité de personne assujettie à la TVA en matière de construction.

17      La loi danoise relative à la TVA exonérant de la TVA la vente d’immeubles réalisés pour compte propre, NCC était tenue, en tant qu’assujetti mixte, de calculer un prorata pour déterminer le montant sur lequel portait le droit à déduction de la TVA auquel elle pouvait prétendre sur les frais communs à ses deux activités (frais généraux).

18      Dans le cadre de ce calcul, NCC n’a pas pris en considération le chiffre d’affaires résultant de la vente des immeubles construits pour son propre compte. Elle a estimé, en effet, que cette activité de vente immobilière devait être regardée comme une «opération accessoire immobilière», au sens de l’article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de la sixième directive.

19      Ayant modifié leur pratique depuis le 1er avril 2002, les autorités fiscales danoises ont considéré que l’activité de vente immobilière poursuivie par une entreprise de construction ne pouvait être assimilée à une «opération accessoire immobilière». Il en a résulté pour la société que la TVA ayant grevé en amont ses frais communs n’était désormais déductible que partiellement.

20      NCC, qui entendait bénéficier de la déduction totale de la TVA afférente à ses frais communs, a contesté la position du Skatteministeriet.

21      Dans ces conditions, l’Østre Landsret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La notion d’‘opérations immobilières accessoires’ visée à l’article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de la sixième directive TVA doit-elle être entendue en ce sens qu’elle s’applique aux activités d’une entreprise de construction assujettie, dans le cadre de la vente subséquente d’immeubles réalisés par l’entreprise de construction pour son propre compte, en tant qu’activité pleinement assujettie à la TVA dans la perspective d’une revente?

2)      La réponse à la première question est-elle fonction de la mesure dans laquelle des activités de vente, considérées isolément, impliquent une utilisation de biens et de services pour lesquels la TVA est due?

3)      Est-il conforme au principe de neutralité de la TVA qu’une entreprise de construction, tenue selon la législation de l’État membre considéré – au titre des dispositions combinées des articles 5, paragraphe 7, et 6, paragraphe 3, de la sixième directive TVA – d’acquitter la TVA sur les livraisons internes à l’entreprise dans le cadre de la réalisation de travaux de construction pour son propre compte en vue de la revente des immeubles, n’ait qu’un droit à déduction partielle de la TVA pour les frais généraux engendrés par l’activité de construction, au motif que la vente subséquente des immeubles est, selon la législation de l’État membre en matière de TVA, exonérée de la TVA, sous couvert de l’article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive TVA, combiné au point 16 de l’annexe F de cette même directive?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

22      Par ces deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’une entreprise de construction, la vente par celle-ci d’immeubles réalisés pour son propre compte peut être qualifiée d’«opération accessoire immobilière» au sens de cette disposition et, d’autre part, si, dans le cadre de cette qualification, il convient d’apprécier in concreto dans quelle mesure ladite activité, considérée isolément, implique une utilisation de biens et de services pour lesquels la TVA est due.

23      À titre liminaire, il convient de rappeler que, pour déterminer la portée d’une disposition du droit communautaire, il y a lieu de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités (arrêts du 15 octobre 1992, Tenuta il Bosco, C-162/91, Rec. p. I-5279, point 11; du 16 janvier 2003, Maierhofer, C-315/00, Rec. p. I-563, point 27, et du 8 décembre 2005, Jyske Finans, C-280/04, Rec. p. I-10683, point 34).

24      En outre, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme (voir en ce sens, notamment, arrêts du 15 juillet 2004, Harbs, C-321/02, Rec. p. I-7101, point 28, et du 18 octobre 2007, Österreichischer Rundfunk, C-195/06, Rec. p. I-8817, point 24).

25      À cet égard, il doit être constaté que l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, et que ses termes ne permettent pas, par eux-mêmes, de considérer, avec certitude, qu’il vise une activité telle que celle en cause au principal.

26      Il importe, dans ces conditions, de prendre en compte le contexte et les finalités de cette disposition.

27      S’agissant d’abord de son contexte, il convient de rappeler que l’article 19 de la sixième directive fait partie du titre XI de celle-ci, consacré au régime de déduction. Le droit à déduction, posé à l’article 17, paragraphe 2, de ladite directive, portant sur la taxe qui a grevé en amont les biens ou les services utilisés par l’assujetti pour les besoins de ses opérations taxées, vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA garantit, par conséquent, la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir, notamment, arrêt du 8 février 2007, Investrand, C-435/05, Rec. p. I-1315, point 22 et jurisprudence citée).

28      Lorsque l’assujetti effectue à la fois des opérations taxées ouvrant droit à déduction et des opérations exonérées n’ouvrant pas ce droit, l’article 17, paragraphe 5, de la sixième directive prévoit que la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant des opérations taxées. Ce prorata est calculé selon les modalités définies à l’article 19 de cette directive.

29      Si le paragraphe 1er dudit article 19 prévoit que le prorata de déduction résulte d’une fraction comportant, au numérateur, le chiffre d’affaires afférent aux opérations taxées et, au dénominateur, le chiffre d’affaires total, le paragraphe 2 du même article dispose que, par dérogation, il est fait abstraction, notamment, du montant du chiffre d’affaires afférent aux «opérations accessoires immobilières». Toutefois, la sixième directive ne contient nulle part la définition de cette notion d’«opération accessoire immobilière».

30      S’agissant, ensuite, de la finalité dudit paragraphe 2, celle-ci ressort, notamment, de l’exposé des motifs accompagnant la proposition de sixième directive, présentée par la Commission des Communautés européennes au Conseil des Communautés européennes le 29 juin 1973 (voir Bulletin des Communautés européennes, supplément 11/73, p. 20). Aux termes de cet exposé, «[l]es éléments visés dans ce paragraphe doivent être exclus du calcul du prorata, afin d’éviter qu’ils puissent en fausser la signification réelle dans la mesure où de tels éléments ne reflètent pas l’activité professionnelle de l’assujetti. Tel est le cas de ventes de biens d’investissement et des opérations immobilières ou financières qui ne sont effectuées qu’à titre accessoire, c’est-à-dire qui n’ont qu’une importance secondaire ou accidentelle par rapport au chiffre d’affaires global de l’entreprise. Ces opérations ne sont d’ailleurs exclues que si elles ne relèvent pas de l’activité professionnelle habituelle de l’assujetti».

31      À cet égard, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour se fondant sur ladite finalité, une activité économique ne saurait être qualifiée d’«accessoire», au sens de l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive, si elle constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable de l’entreprise (arrêt du 11 juillet 1996, Régie dauphinoise, C-306/94, Rec. p. I-3695, point 22) ou si elle implique une utilisation significative de biens et de services pour lesquels la TVA est due (arrêt du 29 avril 2004, EDM, C-77/01, Rec. p. I-4295, point 76).

32      C’est donc à la lumière de cette jurisprudence que la Cour doit répondre à la question posée par la juridiction de renvoi.

33      S’agissant du respect de la première condition, l’activité de vente d’immeubles qu’une société de construction a édifiés pour son propre compte ne saurait être regardée comme une activité accessoire à son activité professionnelle taxable, qui consiste en la construction d’immeubles pour compte de tiers ou pour compte propre. En effet, découlant de la même activité de construction, elle constitue son prolongement direct. L’organisation générale de ses activités implique de NCC qu’elle programme d’emblée et régulièrement, à titre permanent, la construction pour son propre compte d’un certain nombre d’immeubles, si faible soit-il, dont elle envisage d’assurer elle-même la commercialisation ultérieure. L’activité de vente immobilière qui s’ensuit n’apparaît donc pas accidentelle, mais résulte nécessairement d’une volonté délibérée de la part de la société de développer, dans le cadre de son activité professionnelle, une activité de commercialisation des immeubles qu’elle a construits pour son propre compte. Elle participe de l’objectif d’entreprise de l’assujetti et est effectuée dans un but commercial (voir, par analogie, arrêt EDM, précité, point 67).

34      Dans ces conditions, une activité de vente immobilière, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, doit être regardée comme constituant le prolongement direct, permanent et nécessaire d’une activité professionnelle taxable de la société, sans qu’il y ait lieu d’apprécier in concreto la mesure dans laquelle cette activité de vente, considérée isolément, implique une utilisation de biens et de services pour lesquels la TVA est due.

35      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deux premières questions que l’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’une entreprise de construction, la vente par celle-ci d’immeubles réalisés pour son propre compte ne saurait être qualifiée d’«opération accessoire immobilière» au sens de cette disposition, dès lors que cette activité constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’apprécier in concreto la mesure dans laquelle cette activité de vente, considérée isolément, implique une utilisation de biens et de services pour lesquels la TVA est due.

 Sur la troisième question

36      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour s’il est conforme au principe de neutralité fiscale qu’une entreprise de construction, qui acquitte la TVA sur les prestations de construction qu’elle effectue pour son propre compte (livraisons à soi-même), ne puisse pas déduire intégralement la TVA afférente aux frais généraux engendrés par la réalisation de ces prestations, dès lors que le chiffre d’affaires résultant de la vente des constructions ainsi réalisées est exonéré de la TVA.

37      NCC fait valoir que, si le chiffre d’affaires résultant de son activité de vente immobilière est exonéré de la TVA, l’activité de construction d’immeubles pour son propre compte a été taxée (au titre de livraisons à soi-même et nonobstant l’absence, par hypothèse, de chiffre d’affaires correspondant) sur la base du prix de revient de ladite activité augmenté de la marge bénéficiaire habituelle dans ce secteur d’activité. Dans ces conditions, NCC soutient que, bien qu’assujettie à la TVA, elle a été privée de la possibilité d’obtenir le remboursement de la TVA afférente à des biens et à des services (les frais généraux) utilisés pour les besoins d’une opération taxée (la construction d’immeubles pour son propre compte). Elle soutient qu’une telle situation n’est pas conforme aux exigences du principe de neutralité fiscale.

38      En outre, NCC fait valoir que les modalités de transposition choisies par le Royaume de Danemark pour ce qui a trait aux dispositions d’exonération prévues par la sixième directive impliquent qu’elle se trouve moins bien traitée que ce à quoi les entreprises de construction ont droit en vertu de cette directive, à savoir la pleine déductibilité pour l’ensemble des frais généraux.

39      À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de neutralité fiscale, découlant des prescriptions de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, implique que l’assujetti puisse déduire intégralement la TVA ayant grevé les biens et les services acquis pour l’exercice de ses activités taxées (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2008, Nordania Finans et BG Factoring, C-98/07, Rec. p. I-1281, point 19).

40      À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de neutralité fiscale, et en particulier le droit à déduction, constitue, en tant que partie intégrante du mécanisme de la TVA, un principe fondamental inhérent au système commun de la TVA mis en place par la législation communautaire (voir arrêts du 10 juillet 2008, Sosnowska, C-25/07, Rec. p. I-5129, points 14 et 15 ainsi que jurisprudence citée, et du 23 avril 2009, PARAT Automotive Cabrio, C-74/08, non encore publié au Recueil, point 15).

41      Ledit principe de neutralité fiscale est la traduction par le législateur communautaire, en matière de TVA, du principe général d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2008, Marks & Spencer, C-309/06, Rec. p. I-2283, point 49 et jurisprudence citée).

42      Toutefois, tandis que ce dernier principe a, à l’instar des autres principes généraux du droit communautaire, rang constitutionnel, le principe de neutralité fiscale nécessite une élaboration législative qui ne peut se faire que par un acte de droit communautaire dérivé (voir, par analogie, en matière de protection des actionnaires minoritaires, arrêt du 15 octobre 2009, C-101/08, Audiolux e.a., non encore publié au Recueil, point 63).

43      Le principe de neutralité fiscale peut, par conséquent, faire l’objet, dans un tel acte législatif, de précisions, telles que celles, transposées en droit danois, découlant de l’application combinée des articles 19, paragraphe 1, et 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, ainsi que du point 16 de l’annexe F de cette directive, en vertu de laquelle l’assujetti exerçant à la fois des activités taxées et des activités exonérées de vente de biens immobiliers ne peut pas déduire intégralement la TVA grevant ses frais généraux.

44      Il convient encore de souligner que le principe général d’égalité de traitement, dont le principe de neutralité fiscale est une expression particulière au niveau du droit communautaire dérivé et dans le secteur particulier de la fiscalité, exige que les situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêt Marks & Spencer, précité, point 51 et jurisprudence citée). Il suppose, notamment, que les différentes catégories d’opérateurs économiques se trouvant dans une situation comparable soient traitées de manière identique afin d’éviter toute distorsion de concurrence dans le marché intérieur, conformément aux dispositions de l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE.

45      En transposant les dispositions de la sixième directive, les États membres avaient l’obligation de tenir compte du principe d’égalité de traitement, à l’instar des autres principes généraux du droit communautaire,lesquels, dotés d’une valeur constitutionnelle, s’imposent à eux dès lors qu’ils agissent dans le champ du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts du 18 mai 2000, Rombi et Arkopharma, C-107/97, Rec. p. I-3367, point 65, ainsi que du 8 juin 2000, Schloßstrasse, C-396/98, Rec. p. I-4279, point 44).

46      Or, ainsi qu’il ressort des écritures du gouvernement danois, par les dispositions critiquées portant transposition de la sixième directive, le législateur danois, tenant dûment compte du principe général d’égalité de traitement, a souhaité placer les entreprises de construction qui, telle NCC, exercent, en marge de leur activité de construction, une activité exonérée de vente immobilière, dans la même situation que les promoteurs immobiliers, lesquels, eu égard au caractère exonéré de cette dernière activité, ne peuvent déduire la TVA grevant les prestations de construction fournies par les entreprises tierces auxquelles ils ont recours, et ce afin d’éviter les distorsions de concurrence sur le marché intérieur. Dans ces conditions, le principe de neutralité fiscale ne saurait être utilement invoqué pour s’opposer à l’application des dispositions ainsi transposées.

47      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que le principe de neutralité fiscale ne saurait s’opposer à ce qu’une entreprise de construction, qui acquitte la TVA sur les prestations de construction qu’elle effectue pour son propre compte (livraisons à soi-même), ne puisse pas déduire intégralement la TVA afférente aux frais généraux engendrés par la réalisation de ces prestations, dès lors que le chiffre d’affaires résultant de la vente des constructions ainsi réalisées est exonéré de la TVA.

 Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 19, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’une entreprise de construction, la vente par celle-ci d’immeubles réalisés pour son propre compte ne saurait être qualifiée d’«opération accessoire immobilière» au sens de cette disposition, dès lors que cette activité constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’apprécier in concreto la mesure dans laquelle cette activité de vente, considérée isolément, implique une utilisation de biens et de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due.

2)      Le principe de neutralité fiscale ne saurait s’opposer à ce qu’une entreprise de construction, qui acquitte la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations de construction qu’elle effectue pour son propre compte (livraisons à soi-même), ne puisse pas déduire intégralement la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux frais généraux engendrés par la réalisation de ces prestations, dès lors que le chiffre d’affaires résultant de la vente des constructions ainsi réalisées est exonéré de la taxe sur la valeur ajoutée.

Signatures


* Langue de procédure: le danois.