Affaire C-242/08
Swiss Re Germany Holding GmbH
contre
Finanzamt München für Körperschaften
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesfinanzhof)
«Sixième directive TVA — Articles 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et 13, B, sous a), c) et d), points 2 et 3 — Notion d’opérations d’assurance et de réassurance — Cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie à une personne établie dans un État tiers -Détermination du lieu de cette cession — Exonérations»
Sommaire de l'arrêt
1. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Prestations de services — Notion
(Directive du Conseil 77/388, art. 6)
2. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Prestations de services — Détermination du lieu de rattachement fiscal — Opérations bancaires, financières et d'assurance, y compris celles de réassurance
(Directive du Conseil 77/388, art. 9, § 2, e), 5e tiret, 13, B, a), et 13, B, d), points 2 et 3)
3. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Exonérations prévues par la sixième directive
(Directive du Conseil 77/388, art. 13, B, c))
1. Une cession à titre onéreux, par une société établie dans un État membre à une compagnie d'assurances établie dans un État tiers, d'un portefeuille de contrats de réassurance vie impliquant, pour cette dernière, la reprise, avec l'accord des assurés, de l'ensemble des droits et des obligations résultant de ces contrats, constitue une prestation de services au sens de l'article 6 de la directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires. En effet, des contrats de réassurance vie ne peuvent être qualifiés de biens corporels au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive. Par conséquent, une opération qui consiste à céder de tels contrats ne peut être considérée comme une livraison de biens au sens de cette dernière disposition.
(cf. points 25, 28)
2. Une cession à titre onéreux, par une société établie dans un État membre à une compagnie d'assurances établie dans un État tiers, d'un portefeuille de contrats de réassurance vie impliquant, pour cette dernière, la reprise, avec l'accord des assurés, de l'ensemble des droits et des obligations résultant de ces contrats ne constitue ni une opération relevant des articles 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, ni une opération relevant d'une combinaison des points 2 et 3 de l'article 13, B, sous d), de cette directive.
En effet, une telle cession à titre onéreux d'un portefeuille de contrats de réassurance vie, qui a consisté dans le paiement, par la compagnie acquéreuse, d'un prix en contrepartie de l'acquisition desdits contrats, ne constitue pas, par sa nature, une opération bancaire. Elle ne répond pas davantage aux caractéristiques d'une opération d'assurance, à savoir le fait que l'assureur se charge, moyennant le paiement préalable d'une prime, de procurer à l'assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat, et ne correspond pas non plus à une opération de réassurance, par laquelle un assureur conclut un contrat par lequel il s'engage à prendre en charge, contre le paiement d'une prime et dans les limites fixées par ce contrat, les dettes qui résulteraient, pour un autre assureur, des engagements pris, par ce dernier, dans le cadre des contrats d'assurance qu'il a conclus avec ses propres assurés.
Par ailleurs, une cession d'un portefeuille de contrats de réassurance vie ne constitue pas, par sa nature, une opération financière, au sens de l'article 13, B, sous d), de la sixième directive. Il s'agit, en outre, d'une prestation unique qui ne saurait être artificiellement décomposée en deux prestations consistant, d'une part, en une prise en charge d'engagements, au sens de l'article 13, B, sous d), point 2, de la sixième directive, et, d'autre part, en une opération concernant des créances, au sens du point 3 de cet article 13, B, sous d).
Dans le cadre d'une telle cession, la circonstance que c'est non pas le cessionnaire, mais le cédant, qui paie une contrepartie, par la fixation d'une valeur négative, pour la reprise de certains des contrats cédés, est sans incidence sur ce qui précède.
(cf. points 30, 34, 37-38, 48, 52-53, 59, disp. 1-2)
3. L'article 13, B, sous c) de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'appplique pas à une cession à titre onéreux d'un portefeuille de contrats de réassurance vie, dès lors qu'une telle cession ne peut être considérée comme une livraison de biens, au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive, mais doit être considérée comme une prestation de services, au sens de l'article 6 de cette directive. En outre, à supposer même qu'une telle opération puisse être considérée comme une livraison de biens au sens de la sixième directive, cette opération ne saurait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 13, B, sous c) de cette directive, puisque l'exonération de cette opération serait incompatible avec le but poursuivi par cette disposition, qui est d'éviter une double imposition contraire au principe de la neutralité fiscale inhérent au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée.
(cf. points 61, 63, disp. 3)
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
22 octobre 2009 (*)
«Sixième directive TVA – Articles 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et 13, B, sous a), c) et d), points 2 et 3 – Notion d’opérations d’assurance et de réassurance – Cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie à une personne établie dans un État tiers –Détermination du lieu de cette cession – Exonérations»
Dans l’affaire C-242/08,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 16 avril 2008, parvenue à la Cour le 4 juin 2008, dans la procédure
Swiss Re Germany Holding GmbH
contre
Finanzamt München für Körperschaften,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour Swiss Re Germany Holding GmbH, par Me K. von Brocke, Rechtsanwalt, et M. S. Trapp, Steuerberater,
– pour le Finanzamt München für Körperschaften, par Mme Schmid, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et B. Klein, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement grec, par M. S. Spyropoulos ainsi que par Mmes S. Trekli et V. Karra, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. L. Seeboruth, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 mai 2009,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et 13, B, sous a), c) et d), points 2 et 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Swiss Re Germany Holding GmbH (ci-après «Swiss») au Finanzamt München für Körperschaften au sujet de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») d’une cession d’un portefeuille de contrats de réassurance vie.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 L’article 5, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive dispose:
«1. Est considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.
2. Sont considérés comme biens corporels le courant électrique, le gaz, la chaleur, le froid et les choses similaires.»
4 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la sixième directive:
«1. Est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5.
Cette opération peut consister entre autres:
– en une cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre,
[…]»
5 L’article 9, paragraphes 1 et 2, sous e), cinquième tiret, de la sixième directive est libellé comme suit:
«1. Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.
2. Toutefois:
[…]
e) le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:
[…]
– les opérations bancaires, financières et d’assurance, y compris celles de réassurance, à l’exception de la location de coffres-forts,
[…]»
6 L’article 13, B, de la sixième directive prévoit:
«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
a) les opérations d’assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance;
[…]
c) les livraisons de biens qui étaient affectés exclusivement à une activité exonérée en vertu du présent article ou en vertu de l’article 28 paragraphe 3 sous b), si ces biens n’ont pas fait l’objet d’un droit à déduction, ainsi que les livraisons de biens dont l’acquisition ou l’affectation avait fait l’objet de l’exclusion du droit à déduction conformément à l’article 17, paragraphe 6;
d) les opérations suivantes:
[…]
2. la négociation et la prise en charge d’engagements, de cautionnements et d’autres sûretés et garanties ainsi que la gestion de garanties de crédits effectuée par celui qui a octroyé les crédits;
3. les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances;
[…]»
La réglementation nationale
7 Selon la juridiction de renvoi, les dispositions de la réglementation nationale applicable au litige au principal sont les suivantes.
8 L’article 3a de la loi de 1999 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 1999, BGBl. 1999 I, p. 1270, ci-après l’«UStG»), dans sa version applicable à l’affaire au principal, prévoit:
«(1) Sous réserve des articles 3b et 3f, une prestation est fournie à l’endroit où l’entrepreneur exerce son activité, […]
[…]
(3) Si le bénéficiaire d’une des autres prestations mentionnées au paragraphe 4 est une entreprise, par dérogation au paragraphe 1, la prestation est censée être fournie à l’endroit où le preneur exerce son activité […]
(4) Au sens du paragraphe 3, on entend par ‘autres prestations’:
[…]
6.a les autres prestations du type de celles décrites à l’article 4, points 8, sous a) à g), et 10 […]»
9 En vertu de l’article 4, point 8, sous c) et g), de l’UStG, les opérations concernant des créances, des chèques et d’autres titres ainsi que la négociation de ces opérations, à l’exception de la récupération de créances, d’une part, ainsi que la négociation et la prise en charge d’engagements, de cautionnements et d’autres sûretés, d’autre part, sont exonérées.
10 Conformément à l’article 4, point 10, sous a), de l’UStG, les prestations fondées sur un contrat d’assurance au sens de la loi fiscale sur les assurances (Versicherungsteuergesetz) sont également exonérées.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11 Swiss est la société mère d’une société anonyme (ci-après la «société cédante») qui, en tant que compagnie d’assurances, exerce notamment des activités de réassurance vie.
12 Par une convention de cession de portefeuille signée les 10 et 21 janvier 2002, la société cédante a cédé à la compagnie d’assurances S (ci-après la «compagnie S»), établie en Suisse, un portefeuille comprenant 195 contrats de réassurance vie.
13 Selon cette convention, la compagnie S était tenue d’obtenir l’accord des assurés pour devenir partie à ces contrats et reprendre l’ensemble des droits et des obligations résultant de ceux-ci.
14 En vertu de cette même convention, une valeur négative a été fixée pour la cession de 18 de ces 195 contrats, de sorte que le prix global d’acquisition de l’ensemble de ces contrats a été réduit.
15 Les contrats de réassurance vie cédés concernaient exclusivement des entreprises établies dans des États membres autres que l’Allemagne ou dans des États tiers.
16 Considérant que la cession en question était soumise à la TVA en tant que livraison d’un bien, le Finanzamt München für Körperschaften a adopté un avis d’imposition relatif au paiement d’une avance sur la TVA et a rejeté la réclamation dirigée contre cet avis.
17 Ensuite, Swiss a introduit un recours devant le Finanzgericht München.
18 Ce recours ayant également été rejeté, Swiss a introduit un recours en «Revision» devant le Bundesfinanzhof au motif que les prestations fondées sur ladite cession seraient exonérées de la TVA.
19 La juridiction de renvoi considère que, en vertu de la réglementation nationale, l’opération en cause au principal constitue une prestation de service effectuée en Allemagne et imposable dans cet État membre.
20 Toutefois, selon cette juridiction, il existe des doutes quant à la question de savoir si cette interprétation de la réglementation nationale est conforme aux dispositions de la sixième directive.
21 C’est dans ces conditions que le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Les dispositions [des articles] 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et […] 13, B, sous a) et d), points 2 et 3, de la sixième directive […] doivent-elles être interprétées en ce sens que la reprise par un acquéreur à titre onéreux d’un contrat de réassurance vie sur la base de laquelle ledit acquéreur reprend avec l’accord de l’assuré les activités exonérées de réassurance exercées jusque-là par l’ancien assureur et qu’il fournit dorénavant à l’assuré des prestations de réassurance exonérées en lieu et place de l’ancien assureur, doit être considérée comme:
a) une opération d’assurance ou bancaire au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, de la sixième directive […],
b) une opération de réassurance en vertu de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive […] ou
c) une opération qui consiste pour l’essentiel, d’une part, en une prise en charge exonérée d’un engagement et, d’autre part, en une opération exonérée concernant des créances, en vertu de l’article 13, B, sous d), points 2 et 3, de la sixième directive […]?
2) La réponse à la première question est-elle différente si c’est non pas l’acquéreur, mais bien l’ancien assureur, qui paie une contrepartie pour cette reprise?
3) Si la première question sous a), b) et c) doit recevoir une réponse négative, l’article 13, B, sous c), de la sixième directive […] doit-il être interprété en ce sens que la transmission à titre onéreux de contrats de réassurance vie constitue une livraison de biens et, en cas d’application de l’article 13, B, sous c), de la sixième directive […], ne convient-il pas de distinguer selon que le lieu des activités exonérées se situe dans l’État membre de la livraison ou dans un autre État membre?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
22 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une cession à titre onéreux, par une société établie dans un État membre à une compagnie d’assurances établie dans un État tiers, d’un portefeuille de contrats de réassurance vie impliquant, pour cette dernière, la reprise, avec l’accord des assurés, de l’ensemble des droits et des obligations résultant de ces contrats constitue une opération relevant de l’article 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, de la sixième directive, de l’article 13, B, sous a), de cette directive ou d’une combinaison des points 2 et 3 dudit article 13, B, sous d).
23 En premier lieu, il convient de déterminer si l’opération en cause au principal constitue une «livraison d’un bien», au sens de l’article 5 de la sixième directive, ou une «prestation de services», au sens de l’article 6 de cette directive.
24 Aux termes dudit article 5, paragraphe 1, «est considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire».
25 À cet égard, il suffit de constater que des contrats de réassurance vie ne peuvent être qualifiés de biens corporels au sens de cette disposition et que, par conséquent, une opération telle que celle en cause au principal, qui consiste à céder de tels contrats, ne peut être considérée comme une livraison de biens au sens de cette même disposition.
26 Or, selon l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la sixième directive, toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5 de cette directive est considérée comme prestation de services.
27 Dans ce contexte, il y a lieu de relever que ledit article 6, paragraphe 1, second alinéa, premier tiret, prévoit que cette opération peut consister entre autres en une cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre.
28 Il en résulte qu’une cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie telle que celle en cause au principal constitue une prestation de services au sens de l’article 6 de la sixième directive.
29 En deuxième lieu, il convient d’examiner si une telle cession peut être qualifiée d’opération d’assurance ou d’opération bancaire, au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, de la sixième directive, ou encore d’opération d’assurance ou de réassurance, au sens de l’article 13, B, sous a), de cette directive.
30 À cet égard, il suffit, d’une part, de constater qu’une cession d’un portefeuille de contrats de réassurance ne constitue pas, par sa nature, une opération bancaire.
31 D’autre part, il y a lieu de relever que le bon fonctionnement et l’interprétation uniforme du système commun de la TVA impliquent que les notions d’«opérations d’assurance» et de «réassurance» figurant aux articles 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et 13, B, sous a), de la sixième directive ne soient pas définies de façon différente selon qu’elles sont utilisées à l’une ou à l’autre de ces dispositions.
32 En effet, les prestations de services figurant à l’article 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, de la sixième directive sont des notions communautaires, qui doivent être interprétées uniformément afin d’éviter des situations de double imposition ou de non-imposition pouvant résulter d’interprétations divergentes (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 1993, Commission/France, C-68/92, Rec. p. I-5881, point 14).
33 De même, il est de jurisprudence constante que les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive constituent des notions autonomes du droit communautaire qui ont pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à l’autre et qui doivent être replacées dans le contexte général du système commun de la TVA (voir arrêts du 8 mars 2001, Skandia, C-240/99, Rec. p. I-1951, point 23, et du 3 mars 2005, Arthur Andersen, C-472/03, Rec. p. I-1719, point 25).
34 Dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la notion d’«opérations d’assurance» se caractérise, de façon généralement admise, par le fait que l’assureur se charge, moyennant le paiement préalable d’une prime, de procurer à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat (voir arrêts du 25 février 1999, CPP, C-349/96, Rec. p. I-973, point 17; Skandia, précité, point 37, et du 20 novembre 2003, Taksatorringen, C-8/01, Rec. p. I-13711, point 39).
35 À cet égard, la Cour a précisé que, s’il est constant que les termes «opérations d’assurance» utilisés à l’article 13, B, sous a), de la sixième directive englobent en tout état de cause le cas où l’opération concernée est effectuée par l’assureur même qui a pris en charge la couverture du risque assuré, une telle expression ne vise pas uniquement les opérations effectuées par les assureurs eux-mêmes et est, en principe, suffisamment large pour inclure l’octroi d’une couverture d’assurance par un assujetti qui n’est pas lui-même assureur, mais qui, dans le cadre d’une assurance collective, procure à ses clients une telle couverture en utilisant les prestations d’un assureur qui se charge du risque assuré (voir arrêts précités CPP, point 22; Skandia, point 38, et Taksatorringen, point 40).
36 Toutefois, la Cour a également jugé que, conformément à la définition de l’opération d’assurance figurant au point 34 du présent arrêt, il apparaît que l’identité du destinataire de la prestation a une importance aux fins de la définition du type de services visé à l’article 13, B, sous a), de la sixième directive et qu’une telle opération implique par nature l’existence d’une relation contractuelle entre le prestataire du service d’assurance et la personne dont les risques sont couverts par l’assurance, à savoir l’assuré (voir arrêts précités Skandia, point 41, et Taksatorringen, point 41).
37 Dans l’affaire au principal, la cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie, qui est intervenue entre la société cédante et la compagnie S et qui a consisté dans le paiement, par cette dernière, d’un prix en contrepartie de l’acquisition desdits contrats, ne répond pas aux caractéristiques d’une opération d’assurance, telles que rappelées au point 34 du présent arrêt.
38 Cette cession ne correspond pas non plus à une opération de réassurance, par laquelle un assureur conclut un contrat par lequel il s’engage à prendre en charge, contre le paiement d’une prime et dans les limites fixées par ce contrat, les dettes qui résulteraient, pour un autre assureur, des engagements pris, par ce dernier, dans le cadre des contrats d’assurance qu’il a conclus avec ses propres assurés.
39 En effet, à la différence d’une telle opération de réassurance, ladite cession se traduit par la reprise, par la compagnie S, de l’ensemble des droits et des obligations de la société cédante inhérents aux contrats de réassurance cédés, cette dernière n’entretenant plus de rapport juridique avec les réassurés à la suite de cette reprise.
40 En outre, l’opération en cause au principal doit être distinguée, d’une part, de la relation contractuelle de réassurance entre la société cédante et les réassurés, qui lui est antérieure, et, d’autre part, de la relation contractuelle de réassurance entre la compagnie S et lesdits réassurés, résultant du consentement de ces derniers à ladite reprise, qui lui est postérieure.
41 Il s’ensuit que ladite opération, qui s’inscrit entre ces deux relations contractuelles de réassurance, ne saurait être considérée comme constituant une opération d’assurance ou de réassurance au sens des articles 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et 13, B, sous a), de la sixième directive.
42 En dernier lieu, il convient d’examiner si une cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie telle que celle en cause au principal peut être considérée comme une opération consistant, d’une part, en une prise en charge d’engagements au sens de l’article 13, B, sous d), point 2, de la sixième directive et, d’autre part, en une opération concernant des créances au sens dudit article 13, B, sous d), point 3.
43 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte, étant donné que ces exonérations constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (voir arrêts précités Taksatorringen, point 36, et Arthur Andersen, point 24, ainsi que ordonnance du 14 mai 2008, Tiercé Ladbroke et Derby, C-231/07 et C-232/07, point 15).
44 Dans ce contexte, il convient de rappeler également que les opérations exonérées en vertu de l’article 13, B, sous d), points 2 et 3, de la sixième directive sont définies en fonction de la nature des prestations de services fournies et non en fonction du prestataire ou du destinataire du service (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 1997, SDC, C-2/95, Rec. p. I-3017, point 32; du 4 mai 2006, Abbey National, C-169/04, Rec. p. I-4027, point 66, et du 21 juin 2007, Ludwig, C-453/05, Rec. p. I-5083, point 25).
45 Par ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour, pour être qualifiés d’opérations exonérées au sens de l’article 13, B, sous d), de la sixième directive, les services fournis doivent former un ensemble distinct, apprécié de façon globale, qui a pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles d’un service décrit à cette disposition (voir arrêts SDC, précité, point 66; du 13 décembre 2001, CSC Financial Services, C-235/00, Rec. p. I-10237, point 25; Abbey National, précité, point 70, et Ludwig, précité, point 27).
46 À cet égard, la Cour a également jugé que bien que les opérations visées à ladite disposition ne doivent pas nécessairement être effectuées par les banques ou les établissements financiers, elles relèvent néanmoins, dans leur ensemble, du domaine des opérations financières (voir arrêt du 19 avril 2007, Velvet & Steel Immobilien, C-455/05, Rec. p. I-3225, point 22, ainsi que ordonnance Tiercé Ladbroke et Derby, précitée, point 17).
47 Dès lors, une opération qui ne constitue pas, par sa nature, une opération financière, au sens de l’article 13, B, sous d), de la sixième directive n’entre pas dans le champ d’application de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt Velvet & Steel Immobilien, précité, point 23).
48 Or, l’opération en cause au principal, à savoir une cession d’un portefeuille de contrats de réassurance vie, ne constitue pas, par sa nature, une opération financière, au sens de l’article 13, B, sous d), de la sixième directive.
49 Cette interprétation est corroborée par la finalité des exonérations prévues à cette disposition, qui est, notamment, d’éviter une augmentation de coût du crédit à la consommation (voir arrêt Velvet & Steel Immobilien, précité, point 24, ainsi que ordonnance Tiercé Ladbroke et Derby, précitée, point 24). En effet, la réalisation de l’opération en cause au principal n’ayant aucun rapport avec une telle finalité, cette opération n’a pas vocation à bénéficier de ces exonérations.
50 Il en résulte que cette opération n’entre pas dans le champ d’application de cette disposition.
51 En outre, s’agissant de l’exonération de ladite opération en ce qu’elle serait considérée comme la combinaison d’une prise en charge d’engagements, au sens de l’article 13, B, sous d), point 2, de la sixième directive, et d’une opération concernant des créances, au sens dudit article 13, B, sous d), point 3, il convient de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, chaque prestation de service doit normalement être considérée comme distincte et indépendante et que la prestation constituée d’un seul service au plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA (voir arrêts précités CPP, point 29, et Ludwig, point 17).
52 Or, il convient de relever que l’opération en cause au principal, qui consiste en la cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie, constitue une prestation unique et ne saurait être artificiellement décomposée en deux prestations consistant, d’une part, en une prise en charge d’engagements, au sens de l’article 13, B, sous d), point 2, de la sixième directive, et, d’autre part, en une opération concernant des créances, au sens dudit article 13, B, sous d), point 3.
53 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question posée qu’une cession à titre onéreux, par une société établie dans un État membre à une compagnie d’assurances établie dans un État tiers, d’un portefeuille de contrats de réassurance vie impliquant, pour cette dernière, la reprise, avec l’accord des assurés, de l’ensemble des droits et des obligations résultant de ces contrats ne constitue ni une opération relevant des articles 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et 13, B, sous a), de la sixième directive ni une opération relevant d’une combinaison des points 2 et 3 dudit article 13, B, sous d).
Sur la deuxième question
54 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans le cadre d’une cession à titre onéreux d’un portefeuille comprenant 195 contrats de réassurance vie, telle que celle en cause au principal, la circonstance que c’est non pas le cessionnaire, mais le cédant, qui paie une contrepartie pour la reprise de 18 de ces contrats a une incidence sur la réponse à la première question.
55 Cette question résulte du fait que, dans l’affaire au principal, une valeur négative a été fixée pour la reprise, par la compagnie S, de 18 des 195 contrats de réassurance vie cédés à cette compagnie par la société cédante.
56 À cet égard, il suffit de constater que, ainsi que le relève la juridiction de renvoi elle-même, l’opération en cause au principal constitue une prestation globale ayant donné lieu au paiement d’un prix global pour la reprise de l’ensemble des 195 contrats de réassurance vie en cause.
57 Par conséquent, il n’y a pas lieu d’effectuer de distinction entre la cession de 18 de ces contrats et celle du reste des contrats constituant cet ensemble.
58 En outre, au même titre que la cession des 195 contrats de réassurance vie en cause au principal considérés dans leur ensemble, la cession de 18 de ces contrats ne saurait, pour les motifs exposés aux points 37 à 41 du présent arrêt, être considérée ni comme une opération relevant des articles 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et 13, B, sous a), de la sixième directive ni comme une opération relevant d’une combinaison des points 2 et 3 dudit article 13, B, sous d).
59 Dès lors, il y a lieu de répondre à la deuxième question posée que, dans le cadre d’une cession à titre onéreux d’un portefeuille comprenant 195 contrats de réassurance vie, la circonstance que c’est non pas le cessionnaire, mais le cédant, qui paie une contrepartie, en l’occurrence la fixation d’une valeur négative, pour la reprise de 18 de ces contrats est sans incidence sur la réponse à la première question.
Sur la troisième question
60 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, B, sous c), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie, telle que celle en cause au principal, et si, en cas d’application de cette disposition, il convient de distinguer selon que le lieu des activités exonérées se situe dans l’État membre de la livraison ou dans un autre État membre.
61 À cet égard, il suffit de rappeler qu’une cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie, telle que celle en cause au principal, ne peut être considérée comme une livraison de biens, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la sixième directive, mais qu’elle constitue une prestation de services, au sens de l’article 6 de cette directive.
62 Par ailleurs, s’agissant de la position relative à la cession de clientèle, prise par le Conseil de l’Union européenne et la Commission des Communautés européennes au moment de l’approbation de la sixième directive, à laquelle le Bundesfinanzhof se réfère dans sa décision de renvoi, il convient de relever que des déclarations formulées au stade des travaux préparatoires aboutissant à l’adoption d’une directive ne sauraient être retenues pour son interprétation lorsque leur contenu ne trouve aucune expression dans le texte de la disposition en cause et qu’elles n’ont, dès lors, pas de portée juridique (voir arrêt du 8 juin 2000, Epson Europe, C-375/98, Rec. p. I-4243, point 26).
63 En outre, à supposer même que l’opération en cause au principal puisse être considérée comme une livraison de biens au sens de la sixième directive, cette opération ne saurait bénéficier de l’exonération prévue à l’article 13, B, sous c), de cette directive, puisque, l’exonération de cette opération serait incompatible avec le but poursuivi par cette disposition, qui est d’éviter une double imposition contraire au principe de la neutralité fiscale inhérent au système commun de la TVA (arrêt du 25 juin 1997, Commission/Italie, C-45/95, Rec. p. I-3605, point 15, ainsi que ordonnance du 6 juillet 2006, Salus et Villa Maria Beatrice Hospital, C-155/05 et C-18/05, Rec. p. I-6199, point 29).
64 Par conséquent, l’article 13, B, sous c), de la sixième directive n’est pas applicable à une telle opération.
65 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la troisième question posée que l’article 13, B, sous c), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à une cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie, telle que celle en cause au principal.
Sur les dépens
66 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
1) Une cession à titre onéreux, par une société établie dans un État membre à une compagnie d’assurances établie dans un État tiers, d’un portefeuille de contrats de réassurance vie impliquant, pour cette dernière, la reprise, avec l’accord des assurés, de l’ensemble des droits et des obligations résultant de ces contrats ne constitue ni une opération relevant des articles 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, ni une opération relevant d’une combinaison des points 2 et 3 dudit article 13, B, sous d).
2) Dans le cadre d’une cession à titre onéreux d’un portefeuille comprenant 195 contrats de réassurance vie, la circonstance que c’est non pas le cessionnaire, mais le cédant, qui paie une contrepartie, en l’occurrence la fixation d’une valeur négative, pour la reprise de 18 de ces contrats est sans incidence sur la réponse à la première question.
3) L’article 13, B, sous c), de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à une cession à titre onéreux d’un portefeuille de contrats de réassurance vie, telle que celle en cause au principal.
Signatures
* Langue de procédure: l’allemand.