Affaire C-377/08
EGN BV – Filiale Italiana
contre
Agenzia delle Entrate – Ufficio di Roma 2
(demande de décision préjudicielle, introduite par la Corte suprema di cassazione)
«Sixième directive TVA — Article 17, paragraphe 3, sous a) — Déductibilité et remboursement de la TVA acquittée en amont — Prestations de services de télécommunications — Fourniture de services au bénéfice d'un preneur établi dans un autre État membre — Article 9, paragraphe 2, sous e) — Détermination du lieu de la prestation»
Sommaire de l'arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Biens et services utilisés pour les besoins des opérations de l'assujetti effectuées à l'étranger
(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 3, a))
L'article 17, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 95/7, doit être interprété en ce sens qu'un prestataire de services de télécommunications, qui est établi sur le territoire d'un État membre, est en droit, en vertu de cette disposition, de déduire ou d'obtenir le remboursement, dans cet État membre, de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont relative à des services de télécommunications qui ont été fournis à une entreprise ayant son siège dans un autre État membre, dès lors qu'un tel prestataire aurait bénéficié de ce droit si les services en cause avaient été fournis à l'intérieur du premier État membre.
(cf. point 34 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
2 juillet 2009 (*)
«Sixième directive TVA – Article 17, paragraphe 3, sous a) – Déductibilité et remboursement de la TVA acquittée en amont – Prestations de services de télécommunications – Fourniture de services au bénéfice d’un preneur établi dans un autre État membre – Article 9, paragraphe 2, sous e) – Détermination du lieu de la prestation»
Dans l’affaire C-377/08,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Corte suprema di cassazione (Italie), par décision du 23 avril 2008, parvenue à la Cour le 18 août 2008, dans la procédure
EGN BV – Filiale Italiana
contre
Agenzia delle Entrate – Ufficio di Roma 2,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. A. Ó Caoimh (rapporteur), président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues et J. Klučka, juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: M. R. Grass,
considérant les observations présentées:
– pour EGN BV – Filiale Italiana, par Mes G. Boniello et G. Polacco, avvocati,
– pour la Commission des Communautés européennes, par M. A. Aresu et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EGN BV – Filiale Italiana (ci-après «EGN») à l’Agenzia delle Entrate – Ufficio di Roma 2 (Agence des impôts et taxes – Bureau de Rome 2, ci-après l’«Agenzia») au sujet du refus de cette dernière d’autoriser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») relative à des services de télécommunications qu’elle avait fournis au cours de l’année 1999.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 Le septième considérant de la sixième directive énonce:
«considérant que la détermination du lieu des opérations imposables a entraîné des conflits de compétence entre les États membres, notamment en ce qui concerne la livraison d’un bien avec montage et les prestations de services; que, si le lieu des prestations de services doit en principe être fixé à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité professionnelle, il convient toutefois de fixer ce lieu dans le pays du preneur, notamment pour certaines prestations de services effectuées entre assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens».
4 L’article 2, point 1, de la sixième directive prévoit que «[s]ont soumises à la [TVA] […] les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».
5 Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive:
«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.
2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.»
6 L’article 9, paragraphes 1 et 2, sous e), de la sixième directive dispose:
«1. Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.
2. Toutefois,
[…]
e) le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:
– les cessions et concessions de droits d’auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce, et d’autres droits similaires,
– les prestations de publicité,
– les prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d’études, avocats, experts comptables et autres prestations similaires, ainsi que le traitement de données et la fourniture d’informations,
– les obligations de ne pas exercer une activité professionnelle entièrement ou partiellement, ou un droit visé à la présente lettre e),
– les opérations bancaires, financières et d’assurance, y compris celles de réassurance, à l’exception de la location de coffres-forts,
– la mise à disposition de personnel,
– les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d’autrui, lorsqu’ils interviennent dans la fourniture de prestations de services visées à la présente lettre e),
– la location de biens meubles corporels, à l’exception de tout moyen de transport.»
7 L’article 17 de la sixième directive est libellé comme suit:
«1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.
2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:
a) la [TVA] due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;
[…]
3. Les États membres accordent également à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la [TVA] visée au paragraphe 2 dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins:
a) de ses opérations relevant des activités économiques visées à l’article 4 paragraphe 2, effectuées à l’étranger, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées à l’intérieur du pays;
[…]»
8 La décision 97/207/CE du Conseil, du 17 mars 1997, autorisant la République italienne à appliquer une mesure dérogatoire à l’article 9 de la sixième directive 77/388 (JO L 86, p. 19), adoptée à la suite d’une demande introduite par ledit État membre, prévoit:
«Article premier
Par dérogation à l’article 9 paragraphe 1 de la [sixième directive], la République italienne est autorisée à inclure les services de télécommunications dans le champ d’application de l’article 9 paragraphe 2 [sous] e) de ladite directive. […]
Sont considérés comme services de télécommunications, les services ayant pour objet la transmission, émission et réception de signaux, écrits, images et sons ou informations de toute nature, par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques, y compris la cession et concession d’un droit d’utilisation de moyens pour une telle transmission, émission ou réception.
Article 2
La présente décision peut être appliquée aux services de télécommunications dans le cadre desquels le fait générateur a eu lieu à partir du 1er janvier 1997. […]
Article 3
L’autorisation visée à la présente décision vaut jusqu’au 31 décembre 1999 ou jusqu’à la date de l’entrée en vigueur d’une directive modifiant le lieu d’imposition des services de télécommunications, si cette date est antérieure au 31 décembre 1999.
Article 4
La République italienne est destinataire de la présente décision.»
9 Après l’adoption de la décision 97/207, la directive 1999/59/CE du Conseil, du 17 juin 1999, modifiant la directive 77/388 (JO L 162, p. 63), a ajouté à l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, avec effet au 1er janvier 2000, un neuvième tiret libellé comme suit:
«Télécommunications. Sont considérés comme services de télécommunications les services ayant pour objet la transmission, l’émission et la réception de signaux, écrits, images et sons ou informations de toute nature par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques, y compris la cession et la concession y afférentes d’un droit d’utilisation de moyens pour une telle transmission, émission ou réception. Les services de télécommunications au sens de la présente disposition couvrent aussi la fourniture d’accès aux réseaux d’information mondiaux.»
La réglementation nationale
10 La sixième directive a été transposée dans le droit italien par le décret du président de la République n° 633, du 26 octobre 1972, portant création et réglementation de la taxe sur la valeur ajoutée (supplément ordinaire à la GURI n° 292, du 11 novembre 1972), tel que modifié ultérieurement (ci-après le «décret n° 633/1972»).
11 L’article 7, paragraphe 4, sous d), du décret n° 633/1972, qui porte sur la territorialité de l’impôt, prévoit, notamment, que «[les] prestation[s] de services de télécommunications […] sont réputées effectuées sur le territoire national lorsqu’elles sont rendues à des personnes qui ont leur domicile sur ledit territoire ou à des personnes qui y résident et n’ont pas établi leur domicile à l’étranger, ainsi que lorsqu’elles sont rendues à des établissements stables en Italie de personnes domiciliées ou résidant à l’étranger, sauf si elles sont utilisées à l’extérieur de la [Communauté]». Le paragraphe 4, sous e), dudit article dispose en outre que «les prestations de services (et les opérations) visées au point d), fournies à des personnes domiciliées ou résidentes dans d’autres États membres de la [Communauté] sont réputées effectuées sur le territoire national lorsque le preneur n’est pas assujetti à l’impôt dans l’État où il a son domicile ou sa résidence».
12 L’article 19, paragraphe 1, du décret n° 633/1972 prévoit la déductibilité de la TVA «portant sur les biens et les services importés ou acquis pour les activités de l’entreprise, l’exercice de sa profession ou de son art». Le paragraphe 2 du même article énonce que la TVA n’est pas déductible si l’achat ou l’importation concerne «des opérations exonérées ou, en toute hypothèse, non assujetties à la TVA». Cependant, aux termes du paragraphe 3, sous b), dudit article, «la non-déductibilité visée au paragraphe 2 ne s’applique pas si les opérations susmentionnées sont constituées par […] des opérations effectuées en dehors du territoire national qui ouvriraient droit à déduction si elles étaient effectuées sur le territoire national».
13 L’article 30, paragraphe 2, sous d), du décret n° 633/1972 dispose que, dans le cas où la déclaration annuelle de TVA fait état d’un excédent déductible, l’assujetti peut choisir de déduire l’année suivante le montant de l’excédent de l’année précédente ou demander le remboursement en tout ou en partie de l’excédent déductible «dès lors qu’il effectue en majorité des opérations qui ne sont pas soumises à l’impôt du fait de l’article 7».
Le litige au principal et la question préjudicielle
14 EGN est la filiale italienne de EGN – Equant Global Network BV, une société de droit néerlandais contrôlée par la société internationale de télécommunications aéronautiques, qui est elle-même une société coopérative de droit belge fondée en 1949 par onze compagnies aériennes en vue de réaliser un système de télécommunications destiné spécifiquement au transport aérien.
15 Au cours de l’année 1999, EGN a fourni des services de télécommunications à Ensys Ltd, une entreprise établie en Irlande, où elle est assujettie à la TVA, et qui est également controlée par la société internationale de télécommunications aéronautiques.
16 Ces services n’étant pas assujettis à la TVA en Italie, dès lors que la condition d’établissement dans cet État membre prévue à l’article 7, paragraphe 4, sous d), du décret n° 633/1972 n’était pas remplie, EGN, qui se trouvait constamment dans une situation de créancière de la TVA acquittée en amont à ses fournisseurs eux-mêmes établis en Italie, a demandé à l’Agenzia, le 7 février 2000, le remboursement de la TVA au titre de l’année 1999 pour un montant de 9 400 000 000 ITL, ainsi que le remboursement de la créance restante calculée sur les années précédentes, d’un montant de 101 968 000 ITL.
17 Ladite demande de remboursement a été rejetée par décision de l’Agenzia du 23 mars 2001, au motif que les conditions requises pour la déduction ou le remboursement de la TVA payée en amont par EGN n’étaient pas réunies.
18 Statuant sur le recours introduit par EGN contre ladite décision de rejet, la Commissione tributaria provinciale di Roma a, par un jugement du 10 septembre 2001, considéré que, en application de l’article 7 du décret n° 633/1972, la requérante avait le droit de déduire la TVA pour des opérations non assujetties à cette taxe qui, en revanche, seraient imposables si elles étaient effectuées en Italie, conformément à l’article 19, paragraphe 3, sous b), dudit décret.
19 L’Agenzia ayant interjeté appel dudit jugement, la Commissione tributaria regionale del Lazio a annulé celui-ci, par arrêt du 19 septembre 2003, et rejeté les demandes d’EGN tendant à obtenir la déduction de la TVA ainsi que le remboursement des sommes acquittées en amont. Cette juridiction a en effet considéré que l’article 19, paragraphe 3, sous b), du décret n° 633/1972 n’était pas applicable au motif que l’expression «opérations effectuées en dehors du territoire national qui ouvriraient droit à déduction si elles étaient effectuées sur le territoire national» vise uniquement les opérations qui ont été réellement effectuées à l’étranger. La fiction juridique d’extraterritorialité prévue à l’article 7, paragraphe 4, sous e), dudit décret ne pourrait pas être prise en compte, aucune règle n’assimilant cette extraterritorialité conventionnelle et fictive à une extraterritorialité effective. Partant, les services de télécommunications en cause n’étant pas assujettis à la TVA en Italie, l’article 19, paragraphe 2, de ce même décret exclurait qu’ils puissent ouvrir droit à déduction ou au remboursement de la TVA acquittée en amont.
20 Saisie d’un pourvoi en cassation introduit par EGN, la juridiction de renvoi, constatant que les dispositions pertinentes de la sixième directive ont fait l’objet d’interprétations divergentes par les juridictions nationales inférieures, se demande si l’interprétation retenue par la Commissione tributaria regionale del Lazio n’entraîne pas une distorsion de la concurrence. En effet, dès lors que, dans le cas de la fourniture de services de télécommunications à destination d’un autre État membre, le lieu où la TVA est due est celui où le preneur du service est établi, un prestataire de tels services se trouverait dans une situation défavorable par rapport à un prestataire fournissant les mêmes services à l’intérieur d’un seul et même État membre.
21 Dans ces conditions, la Corte suprema di cassazione a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 17, paragraphe 3, sous a), de la [sixième directive] autorise-t-il le fournisseur qui aurait le droit de déduire la TVA portant sur l’acquisition ou l’importation de biens afférents à [des prestations de services de télécommunications] s’il effectuait les mêmes prestations dans son propre pays à procéder à cette déduction en cas de prestations de services de télécommunications entre assujettis résidant habituellement dans des États membres différents de la Communauté et pour lesquelles le destinataire de la prestation est assujetti à la TVA?»
Sur la question préjudicielle
22 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 17, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’un prestataire de services de télécommunications, tel que celui en cause au principal, qui est établi sur le territoire d’un État membre, est en droit, en vertu de cette disposition, de déduire ou d’obtenir le remboursement, dans cet État membre, de la TVA acquittée en amont relative à des services de télécommunications qui ont été fournis à une entreprise établie dans un autre État membre.
23 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 17, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive, tout assujetti à la TVA au sens de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive a le droit de déduire ou d’obtenir le remboursement de la TVA dans la mesure où les services pour lesquels cette taxe a été payée en amont sont utilisés pour des activités économiques visées au paragraphe 2 dudit article 4, effectuées à l’étranger, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées à l’intérieur de l’État membre.
24 En l’occurrence, il est constant qu’EGN est assujettie à la TVA en Italie, dès lors qu’elle exerce dans cet État membre des activités économiques consistant à fournir des prestations de services de télécommunications, lesquelles relèvent des dispositions de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive.
25 Il ressort également de la décision de renvoi que, lorsque de telles prestations de services sont fournies à des preneurs établis en Italie, elles constituent des prestations effectuées à l’intérieur de cet État membre qui ouvrent droit, dans celui-ci, à la déduction ou au remboursement de la TVA acquittée en amont, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, lu en combinaison avec l’article 2, point 1, de celle-ci.
26 Dans ces conditions, afin de déterminer si les prestations de services de télécommunications fournies par une entreprise telle qu’EGN, qui est établie en Italie, au bénéfice d’une entreprise dont le siège est situé dans un autre État membre, en l’occurrence l’Irlande, donnent lieu, dans le premier État membre, à la déduction ou au remboursement de la TVA acquittée en amont, il convient d’examiner si de telles prestations peuvent être considérées comme ayant été «effectuées à l’étranger» au sens de l’article 17, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive.
27 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 9 de la sixième directive contient les règles qui déterminent le lieu de rattachement fiscal des prestations de services. Alors que le paragraphe 1 de cet article édicte à ce sujet une règle de caractère général, le paragraphe 2 de ce même article énumère une série de rattachements spécifiques. L’objectif de ces dispositions est d’éviter, d’une part, des conflits de compétence susceptibles de conduire à des doubles impositions et, d’autre part, la non-imposition de recettes (voir, notamment, arrêts du 26 septembre 1996, Dudda, C-327/94, Rec. p. I-4595, point 20; du 6 novembre 2008, Kollektivavtalsstiftelsen TRR Trygghetsrådet, C-291/07, non encore publié au Recueil, point 24, et du 19 février 2009, Athesia Druck, C-1/08, non encore publié au Recueil, point 20).
28 Il convient de rappeler également que, s’agissant du rapport entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 9 de la sixième directive, il n’existe aucune prééminence du paragraphe 1 de cet article sur le paragraphe 2 de celui-ci. La question qui se pose dans chaque situation est celle de savoir si cette dernière est régie par l’un des cas mentionnés audit article 9, paragraphe 2. À défaut, elle relève du paragraphe 1 de cet article [voir, notamment, arrêts du 6 mars 1997, Linthorst, Pouwels en Scheres, C-167/95, Rec. p. I-1195, point 11; du 12 mai 2005, RAL (Channel Islands) e.a., C-452/03, Rec. p. I-3947, point 24, ainsi que du 9 mars 2006, Gillan Beach, C-114/05, Rec. p. I-2427, point 15].
29 Ainsi qu’il ressort du septième considérant de la sixième directive, l’article 9, paragraphe 2, de celle-ci vise, dans son ensemble, à établir un régime spécial pour les prestations de services effectuées entre assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens (arrêts précités Dudda, points 22 et 23, ainsi que Gillan Beach, points 16 et 17).
30 En l’occurrence, il y a lieu de constater que des prestations de services de télécommunications telles que celles en cause au principal relèvent des critères de rattachement spécifiques visés à l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive.
31 Il convient toutefois de préciser que, s’agissant de la période en cause au principal, l’application de ces critères de rattachement spécifiques en ce qui concerne de tels services de télécommunications résulte non pas des dispositions mêmes de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, comme l’envisagent tant la juridiction de renvoi qu’EGN, mais, ainsi que la Commission des Communautés européennes l’a relevé à bon droit, de l’article 1er, premier alinéa, de la décision 97/207, laquelle, à la suite d’une demande introduite en ce sens par la République italienne, a autorisé cet État membre à inclure les services de télécommunications, par dérogation à l’article 9, paragraphe 1, de la même directive, dans le champ d’application du paragraphe 2, sous e), de cet article, à compter du 1er janvier 1997 et jusqu’au 31 décembre 1999 ou jusqu’à la date de l’entrée en vigueur d’une directive modifiant cette dernière disposition. L’ajout des services de télécommunications à l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive résulte de l’adoption ultérieure de la directive 1999/59, laquelle ne devait être mise en œuvre par les États membres qu’à compter du 1er janvier 2000.
32 Or, il résulte du libellé même de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, lu en combinaison avec l’article 1er, premier alinéa, de la décision 97/207, que le lieu des prestations de services de télécommunications rendues à des assujettis établis dans la Communauté, mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.
33 En conséquence, dès lors que, dans l’affaire au principal, le preneur des prestations de services de télécommunications en cause est un assujetti établi dans un État membre autre que celui où le prestataire de ces services a son siège, lesdites prestations de services doivent être considérées comme ayant été «effectuées à l’étranger» au sens de l’article 17, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive et, partant, elles doivent donner droit, dans l’État membre où est établi ce prestataire, à la déduction ou au remboursement de la TVA acquittée en amont dès lors que de telles prestations donneraient lieu à un tel droit si elles avaient été effectuées à l’intérieur de ce même État membre.
34 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 17, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’un prestataire de services de télécommunications, tel que celui en cause au principal, qui est établi sur le territoire d’un État membre, est en droit, en vertu de cette disposition, de déduire ou d’obtenir le remboursement, dans cet État membre, de la TVA acquittée en amont relative à des services de télécommunications qui ont été fournis à une entreprise ayant son siège dans un autre État membre, dès lors qu’un tel prestataire aurait bénéficié de ce droit si les services en cause avaient été fournis à l’intérieur du premier État membre.
Sur les dépens
35 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:
L’article 17, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, doit être interprété en ce sens qu’un prestataire de services de télécommunications, tel que celui en cause au principal, qui est établi sur le territoire d’un État membre, est en droit, en vertu de cette disposition, de déduire ou d’obtenir le remboursement, dans cet État membre, de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont relative à des services de télécommunications qui ont été fournis à une entreprise ayant son siège dans un autre État membre, dès lors qu’un tel prestataire aurait bénéficié de ce droit si les services en cause avaient été fournis à l’intérieur du premier État membre.
Signatures
* Langue de procédure: l’italien.