Affaire C-510/08
Vera Mattner
contre
Finanzamt Velbert
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Finanzgericht Düsseldorf)
«Libre circulation des capitaux — Articles 56 CE et 58 CE — Droits de mutation sur les donations — Terrain sur lequel est édifié un immeuble — Droit à un abattement sur la base imposable — Traitement différent des résidents et des non-résidents»
Sommaire de l'arrêt
Libre circulation des capitaux — Restrictions — Impôt sur les donations
(Art. 56 CE et 58 CE)
Les dispositions combinées des articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation d’un État membre qui prévoit, pour le calcul des droits sur les donations, que l’abattement sur la base imposable en cas de donation d’un immeuble situé sur le territoire de cet État est inférieur, lorsque le donateur et le donataire résidaient, à la date à laquelle la donation a été effectuée, dans un autre État membre, à l’abattement qui aurait été appliqué si au moins l’un d’entre eux avait résidé, à la même date, dans le premier État membre.
En effet, dès lors que ladite réglementation nationale fait dépendre l’application d’un abattement sur la base imposable du bien immeuble concerné du lieu de résidence du donateur et du donataire, à la date à laquelle la donation est effectuée, la charge fiscale plus lourde grevant la donation entre non-résidents constitue une restriction à la libre circulation des capitaux.
Une telle différence de traitement ne saurait être justifiée par le motif qu’elle se rapporte à des situations qui sont objectivement différentes. Dès lors qu’une réglementation nationale met sur le même plan, aux fins de l’imposition d’un bien immeuble acquis par donation et sis dans l’État membre concerné, d’une part, les donataires non-résidents ayant acquis ce bien d’un donateur non-résident et, d’autre part, les donataires non-résidents ou résidents ayant acquis un tel bien d’un donateur résident ainsi que les donataires résidents ayant acquis ce même bien d’un donateur non-résident, elle ne peut, sans enfreindre les exigences du droit de l’Union, traiter ces donataires différemment, dans le cadre de cette même imposition, en ce qui concerne l’application d’un abattement sur la base imposable de ce bien immeuble. En effet, il n’existe entre ces deux catégories de personnes, au regard des modalités et des conditions de la perception des droits sur les donations, aucune différence de situation objective de nature à justifier une différence de traitement.
Par ailleurs, l’État membre sur le territoire duquel est situé le bien immeuble faisant l’objet de la donation ne saurait, pour justifier une restriction à la libre circulation des capitaux résultant de sa propre réglementation, se prévaloir de la possibilité, indépendante de sa volonté, pour le donataire de bénéficier d’un abattement similaire octroyé par un autre État membre, tel que celui dans lequel le donateur et le donataire résidaient à la date de la donation, qui pourrait compenser, en tout ou en partie, le préjudice subi par ce dernier en raison de l’abattement à taux réduit appliqué lors du calcul des droits sur les donations dus dans le premier État membre. Il en est ainsi à plus forte raison si l’État membre dans lequel résident le donateur et le donataire applique un abattement moins élevé que celui octroyé par l’État membre sur le territoire duquel est situé le bien immeuble faisant l’objet de la donation ou fixe la valeur de ce bien à un niveau supérieur à celui déterminé par ce dernier État.
En outre, le risque de contournement des dispositions fiscales sur les successions par la réalisation de plusieurs donations simultanées ou la transmission de l'ensemble du patrimoine d'une personne au moyen de donations successives étalées dans le temps ne saurait justifier une limitation de l'abattement applicable sur la base imposable lorsque ce risque apparaît purement hypothétique. S’agissant de l’éventualité de donations ultérieures, si, certes, l’État membre sur le territoire duquel est situé un bien immeuble faisant l’objet d’une donation est en droit de s’assurer que les règles d’imposition en matière de successions ne sont pas contournées par des donations fractionnées entre les mêmes personnes, le risque de contournement en ce qui concerne les donations effectuées entre des personnes qui ne résident pas dans cet État membre existe tout autant en ce qui concerne les donations impliquant un résident. Dès lors que, pour faire obstacle à de telles donations fractionnées, la réglementation nationale prévoit, s'agissant des donations impliquant un résident, non pas l'application d'un abattement à taux réduit, mais tout au plus que l'abattement au taux plein prévu en ce qui concerne de telles donations ne s'applique qu'une seule fois sur la base imposable résultant de la totalisation des donations concernées, l’application d’un abattement à taux réduit lorsque la donation a lieu entre des personnes non-résidentes ne peut pas être considérée comme un moyen approprié pour atteindre l’objectif d'éviter un tel contournement.
La réglementation en cause ne saurait pas non plus être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal national, dès lors que l’avantage fiscal résultant, dans l’État membre sur le territoire duquel est situé le bien immeuble faisant l’objet d’une donation, de l’application d’un abattement à taux plein sur la base imposable lorsque cette donation implique au moins un résident de cet État n’est compensé dans celui-ci par aucun prélèvement fiscal déterminé au titre des droits sur les donations.
(cf. points 28, 35, 38, 42, 44, 46, 48-51, 54-56 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
22 avril 2010 (*)
«Libre circulation des capitaux – Articles 56 CE et 58 CE – Droits de mutation sur les donations – Terrain sur lequel est édifié un immeuble – Droit à un abattement sur la base imposable – Traitement différent des résidents et des non-résidents»
Dans l’affaire C-510/08,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Finanzgericht Düsseldorf (Allemagne), par décision du 14 novembre 2008, parvenue à la Cour le 24 novembre 2008, dans la procédure
Vera Mattner
contre
Finanzamt Velbert,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, Mme P. Lindh, MM. A. Rosas, U. Lõhmus et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. B. Fülöp, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 février 2010,
considérant les observations présentées:
– pour le Finanzamt Velbert, par M. F.-D. Rilinger et Mme G. Köhler, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et W. Mölls, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 39 CE, 43 CE, 56 CE et 58 CE relatifs, respectivement, à la libre circulation des travailleurs, à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Mattner au Finanzamt Velbert (ci-après le «Finanzamt») au sujet du calcul des droits de mutation dus à raison de la donation d’un terrain construit situé en Allemagne.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes de l’article 1er de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5):
«1. Les États membres suppriment les restrictions aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les États membres, sans préjudice des dispositions figurant ci-après. Pour faciliter l’application de la présente directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I.
2. Les transferts afférents aux mouvements de capitaux s’effectuent aux mêmes conditions de change que celles pratiquées pour les paiements relatifs aux transactions courantes.»
4 Parmi les mouvements de capitaux énumérés à l’annexe I de la directive 88/361 figurent, à la rubrique XI de cette annexe, les mouvements de capitaux à caractère personnel, qui comprennent notamment les dons et les dotations.
La réglementation nationale
5 La loi sur les droits de succession et de donation (Erbschaftsteuer- und Schenkungsteuergesetz, dans sa version publiée le 27 février 1997 (BGBl. 1997 I, p. 378) tel que modifiée en dernier lieu par la loi du 10 octobre 2007 (BGBl. 2007 I, p. 2332), qui est celle applicable à la date des faits au principal (ci-après l’«ErbStG»), prévoit les dispositions suivantes:
«Article 1er: Opérations imposables
(1) Sont soumises aux droits de mutation sur les successions (ou donations)
1. les transmissions à cause de mort;
2. les donations entre vifs;
3. […]
(2) Sauf disposition contraire, les règles de la présente loi relatives à la transmission de biens à cause de mort valent aussi pour les donations […]
Article 2: Obligation fiscale personnelle
(1) L’obligation fiscale s’applique
1. dans les cas visés à l’article 1er, paragraphe 1, points 1 à 3, à la totalité de la dévolution patrimoniale lorsque le défunt, à la date du décès, le donateur, à la date où il effectue la donation, ou l’acquéreur, à la date du fait générateur de l’impôt, ont la qualité de résidents.
Sont considérés comme des résidents:
a) les personnes physiques qui ont un domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire national;
b) les ressortissants allemands qui n’ont pas séjourné durablement plus de cinq ans à l’étranger sans avoir de domicile en Allemagne.
[…]
3. Dans tous les autres cas, sur les biens dévolus consistant dans le patrimoine interne au sens de l’article 121 de la [loi d’évaluation (Bewertungsgesetz), ci-après le «BewG»].
[…]
Article 14: Prise en compte de transmissions antérieures
En cas de dévolution de plusieurs avantages patrimoniaux par la même personne en l’espace de dix ans, ils sont totalisés en ajoutant au dernier bien transmis la valeur qu’avaient les biens transmis antérieurement. Les droits de mutation sur le montant total sont minorés des droits qui auraient été dus, en vertu de la situation personnelle du bénéficiaire et sur la base des dispositions applicables à la date de la dernière transmission de biens, sur les biens transmis antérieurement. Au lieu des droits visés à la deuxième phrase, ce sont, pour autant qu’ils sont plus élevés, les droits effectivement dus sur les biens transmis antérieurement et totalisés qui sont déduits des droits de mutation. […]
Article 15: Classes d’imposition
(1) En fonction de la relation personnelle existant entre le bénéficiaire et le défunt ou le donateur, il y a lieu de distinguer entre les trois classes d’imposition suivantes:
Classe d’imposition I:
1. […]
2. les enfants et enfants du conjoint […]
[…]
Article 16: Abattements
(1) Sont exonérées dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 1, point 1, les transmissions de biens
1. […]
2. aux enfants au sens de la classe I, point 2, à hauteur de 205 000 euros.
(2) Le montant de l’abattement prévu au paragraphe 1 est remplacé par le montant de 1 100 euros dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 1, point 3.
[…]
Article 19: Taux d’imposition
1. Les droits sont perçus aux taux suivants:
Valeur du bien transmis imposable |
Pourcentage en classe fiscale I […] […] |
Jusqu’à 52 000 euros inclus 7 […] […]
Jusqu’à 256 000 euros inclus 11 […] […]
[…]».
6 L’article 121 du BewG, dans sa version publiée le 1er février 1991 (BGBl. 1991 I, p. 230) tel que modifié en dernier lieu par la loi du 13 décembre 2006 (BGBl. 2006 I, p. 2378), intitulé «Patrimoine interne», dispose:
«Le patrimoine interne comprend:
[…]
2. le patrimoine immobilier situé en Allemagne;
[…]»
Le litige au principal et la question préjudicielle
7 Par acte authentique du 23 mai 2007, Mme Mattner, ressortissante allemande qui réside aux Pays-Bas depuis plus de 35 ans, a acquis par une donation effectuée à son profit par sa mère, également ressortissante allemande et résidant aux Pays-Bas depuis plus de 50 ans, un terrain bâti, situé à Düsseldorf (Allemagne), d’une valeur de 255 000 euros.
8 Par un avis d’imposition en date du 24 janvier 2008, le Finanzamt a réclamé à Mme Mattner, au titre de la donation dont elle a bénéficié, des droits de mutation d’un montant de 27 929 euros. Ce montant a été obtenu en déduisant de la valeur du terrain un abattement d’un montant de 1 100 euros et en appliquant à la base imposable en résultant un taux de 11 %.
9 Par décision du 23 mai 2008, le Finanzamt a rejeté la réclamation formée par Mme Mattner contre ledit avis d’imposition.
10 Mme Mattner a introduit devant le Finanzgericht Düsseldorf un recours visant à obtenir le bénéfice de l’abattement de 205 000 euros prévu pour les donations aux enfants lorsque le donateur ou le bénéficiaire ont leur résidence sur le territoire national à la date à laquelle la donation est effectuée.
11 La juridiction de renvoi estime que l’article 16, paragraphe 2, de l’ErbStG restreint la libre circulation des capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, dans la mesure où le montant de l’abattement fiscal en cause dépend du lieu de résidence du donateur ou du donataire. Ainsi, dans l’affaire dont cette juridiction est saisie, si Mme Mattner ou sa mère avaient eu leur résidence en Allemagne, la première aurait pu prétendre à l’abattement de 205 000 euros prévu au paragraphe 1, point 2, dudit article 16, ce qui aurait eu pour conséquence que la base imposable aurait été limitée à 50 000 euros seulement et que les droits réclamés se seraient élevés, compte tenu du taux de 7 % applicable conformément à l’article 19, paragraphe 1, de l’ErbStG, à 3 500 euros au lieu de 27 929 euros.
12 Ladite juridiction n’est pas persuadée que cette restriction à la libre circulation des capitaux est justifiée, dans la mesure où, selon elle, la situation d’une personne assujettie à l’impôt en Allemagne à titre illimité, à laquelle un terrain situé sur le territoire allemand a été cédé à titre gratuit, et celle d’une personne soumise dans le même État membre à l’impôt à titre limité, ayant bénéficié d’une même cession à titre gratuit, sont objectivement comparables.
13 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que, certes, par un arrêt du 21 septembre 2005, le Bundesfinanzhof a jugé qu’il existe, en principe, des différences tellement importantes entre les contribuables qui sont assujettis aux droits de succession à titre illimité et ceux qui le sont à titre limité que le législateur national n’est pas tenu de traiter ces deux catégories d’assujettis de manière identique pour l’octroi des abattements dont elles bénéficient à titre personnel. En effet, tandis que les premiers sont soumis aux droits de succession sur l’ensemble du patrimoine transmis, l’obligation fiscale des seconds ne porte que sur le «patrimoine interne» tel que défini à l’article 121 du BewG. La base imposable à laquelle l’abattement doit être appliqué est donc, en principe, très différente selon que l’obligation fiscale est illimitée ou limitée.
14 Toutefois, la juridiction de renvoi doute que de telles considérations puissent s’appliquer aux droits de mutation sur les donations (ci-après les «droits sur les donations»), dès lors que, dans un tel cas, seuls les biens donnés à titre de libéralité sont soumis à l’impôt et la base imposable n’est donc pas différente selon que les assujettis sont imposables à titre illimité ou à titre limité. Cette juridiction considère que le traitement différencié des contribuables selon qu’il sont assujettis à titre illimité ou à titre limité ne semble pas non plus pouvoir être justifié par une raison impérieuse d’intérêt général.
15 Par ailleurs, la juridiction de renvoi se demande si l’article 16, paragraphe 2, de l’ErbStG est compatible avec les articles 39 CE et 43 CE, dès lors que les conséquences de la législation fiscale en matière de donations font partie des considérations qu’un ressortissant d’un État membre est susceptible de prendre en compte pour décider de faire usage de la liberté qui lui est reconnue par le traité CE.
16 Dans ces conditions, le Finanzgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Doit-on comprendre les articles 39 CE et 43 CE ainsi que les dispositions combinées des articles 56 CE et 58 CE comme excluant qu’une réglementation nationale d’un État membre en matière de droits […] sur les donations prévoie, en cas d’acquisition par voie de donation d’un terrain situé sur le territoire national par un non-résident, un abattement égal à seulement 1 100 euros au profit du non-résident, alors que, pour la même donation de terrain, ce serait un abattement de 205 000 euros qui serait accordé, si le donateur ou le bénéficiaire avaient eu, au moment de la réalisation de la donation, leur résidence dans l’État membre concerné?»
Sur la question préjudicielle
17 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 39 CE, 43 CE, 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit, pour le calcul des droits sur les donations, que l’abattement sur la base imposable en cas de donation d’un immeuble situé sur le territoire de cet État est inférieur, lorsque le donateur et le donataire résidaient, à la date à laquelle la donation a été effectuée, dans un autre État membre, à l’abattement qui aurait été appliqué si au moins l’un d’entre eux avait résidé, à la même date, dans le premier État membre.
18 Selon une jurisprudence constante, l’article 56, paragraphe 1, CE interdit de façon générale les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres (arrêts du 11 septembre 2008, Eckelkamp e.a., C-11/07, Rec. p. I-6845, point 37; Arens-Sikken, C-43/07, Rec. p. I-6887, point 28, et du 12 février 2009, Block, C-67/08, Rec. p. I-883, point 18).
19 En l’absence, dans le traité, de définition de la notion de «mouvements de capitaux» au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, la Cour a précédemment reconnu une valeur indicative à la nomenclature qui constitue l’annexe I de la directive 88/361, même si celle-ci a été adoptée sur le fondement des articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CEE (devenus articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CE, articles abrogés par le traité d’Amsterdam), étant entendu que, conformément à l’introduction de cette annexe, la liste qu’elle contient ne présente pas un caractère exhaustif (voir, notamment, arrêt du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden, C-513/03, Rec. p. I-1957, point 39, ainsi que arrêts précités Eckelkamp e.a., point 38; Arens-Sikken, point 29, et Block, point 19). Or, les dons et les dotations apparaissent sous la rubrique XI, intitulée «Mouvements de capitaux à caractère personnel», figurant à l’annexe I de la directive 88/361 (arrêt du 27 janvier 2009, Persche, C-318/07, Rec. p. I-359, point 24).
20 À l’instar de l’impôt prélevé sur les successions, lesquelles consistent en une transmission à une ou plusieurs personnes du patrimoine laissé par une personne décédée et qui relèvent également de cette même rubrique de ladite annexe I (voir, notamment, arrêts du 17 janvier 2008, Jäger, C-256/06, Rec. p. I-123, point 25; Eckelkamp e.a., précité, point 39; Arens-Sikken, précité, point 30; Block, précité, point 20, ainsi que du 15 octobre 2009, Busley et Cibrian Fernandez, C-35/08, non encore publié au Recueil, point 18), le traitement fiscal des donations, que celles-ci portent sur des sommes d’argent, des biens immeubles ou des biens meubles, relève donc des dispositions du traité relatives aux mouvements de capitaux, à l’exception des cas où leurs éléments constitutifs se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt Persche, précité, point 27).
21 Une situation dans laquelle une personne résidant aux Pays-Bas effectue en faveur d’une autre personne résidant également dans ce même État membre une donation portant sur un terrain situé en Allemagne ne saurait être considérée comme une situation purement interne.
22 Par conséquent, la donation en cause au principal constitue une opération relevant des mouvements de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE.
23 Dans ces conditions, la décision de renvoi ne contenant aucun élément qui serait susceptible de rattacher le litige au principal à la libre circulation des travailleurs ou à la liberté d’établissement, il n’est pas nécessaire d’examiner l’applicabilité des articles 39 CE et 43 CE (voir, en ce sens, arrêt Busley et Cibrian Fernandez, précité, point 19).
24 Il y a dès lors lieu d’examiner, tout d’abord, si, comme le font valoir tant Mme Mattner dans la procédure au principal que la Commission des Communautés européennes dans ses observations écrites devant la Cour, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal constitue une restriction aux mouvements de capitaux.
25 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour concernant les successions que des dispositions nationales qui déterminent la valeur d’un bien immobilier aux fins du calcul du montant de l’impôt dû en cas d’acquisition par voie de donation peuvent non seulement être de nature à dissuader l’achat de biens immobiliers sis dans l’État membre concerné, mais sont également susceptibles d’avoir pour effet de diminuer la valeur de la donation d’un résident d’un État membre autre que celui sur le territoire duquel se trouvent lesdits biens (voir, en ce sens, arrêts précités Jäger, point 30; Eckelkamp e.a., point 43, ainsi que Arens-Sikken, point 36).
26 En ce qui concerne le cas des donations, il résulte de cette même jurisprudence que les mesures interdites par l’article 56, paragraphe 1, CE, en tant qu’elles constituent des restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui ont pour effet de diminuer la valeur de la donation d’un résident d’un État membre autre que celui sur le territoire duquel se trouvent les biens concernés et qui impose la donation de ceux-ci (voir, par analogie, arrêts précités van Hilten-van der Heijden, point 44; Jäger, point 31; Eckelkamp e.a., point 44; Arens-Sikken, point 37, ainsi que Block, point 24).
27 En l’occurrence, des dispositions nationales telles que celles en cause au principal, en tant qu’elles prévoient qu’une donation comprenant un bien immeuble situé sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne bénéficie d’un abattement sur la base imposable moins élevé lorsque le donateur et le donataire résident dans un autre État membre que celui qui serait appliqué si l’un d’eux avait sa résidence sur le territoire allemand, aboutissant ainsi à ce que la première catégorie de donations soit soumise à des droits sur les donations plus élevés que ceux prélevés dans le cadre de la seconde catégorie de donations, ont pour effet de restreindre les mouvements de capitaux en diminuant la valeur de la donation comprenant un tel bien (voir, par analogie, arrêt Eckelkamp e.a., précité, point 45).
28 En effet, dès lors que lesdites dispositions font dépendre l’application d’un abattement sur la base imposable du bien immeuble concerné du lieu de résidence du donateur et du donataire, à la date à laquelle la donation est effectuée, la charge fiscale plus lourde grevant la donation entre non-résidents constitue une restriction à la libre circulation des capitaux (voir, par analogie, arrêt Eckelkamp e.a., précité, point 46).
29 Ensuite, il convient d’examiner si la restriction à la libre circulation des capitaux ainsi constatée est susceptible d’être justifiée au regard des dispositions du traité.
30 Le Finanzamt et le gouvernement allemand font valoir en substance qu’une donation effectuée entre un donateur et un donataire non-résidents et celle impliquant un résident, qu’il soit donateur ou donataire, relèvent de situations qui sont objectivement différentes. En effet, alors que, dans la première situation, le donataire serait soumis en Allemagne à une obligation fiscale limitée portant sur les seuls biens situés dans cet État membre, dans la seconde situation, il serait soumis dans celui-ci à une obligation fiscale illimitée portant sur l’ensemble de la dévolution patrimoniale, indépendamment du lieu de situation des biens. Conformément à l’arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C-279/93, Rec. p. I-225), un tel traitement différent ne constituerait pas une discrimination au sens des articles 56 CE et 58 CE, dès lors que c’est à l’État membre sur le territoire duquel naît une obligation fiscale illimitée qu’il appartient, en principe, d’apprécier l’ensemble des caractéristiques personnelles de l’assujetti.
31 À cet égard, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE, l’article 56 CE «ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres […] d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis».
32 Cette disposition de l’article 58 CE, en tant qu’elle constitue une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Partant, elle ne saurait être interprétée en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État membre dans lequel ils investissent leurs capitaux est automatiquement compatible avec le traité (voir arrêts précités Jäger, point 40; Eckelkamp e.a., point 57, ainsi que Arens-Sikken, point 51).
33 En effet, la dérogation prévue à l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE est elle-même limitée par le paragraphe 3 du même article, qui prévoit que les dispositions nationales visées audit paragraphe 1 «ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56».
34 Il y a donc lieu de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE des discriminations arbitraires interdites en vertu du paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale telle que celle en cause au principal, qui, aux fins du calcul des droits sur les donations, opère une distinction en ce qui concerne le montant de l’abattement applicable à la base imposable d’un bien immeuble sis dans l’État membre concerné selon que le donateur ou le donataire réside dans cet État membre ou qu’ils résident tous les deux dans un autre État membre, puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il est nécessaire que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général. En outre, pour être justifiée, la différence de traitement entre ces deux catégories de donations ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’objectif poursuivi par la réglementation en cause soit atteint (voir arrêts du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 29; Eckelkamp e.a., précité, points 58 et 59, ainsi que Arens-Sikken, précité, points 52 et 53).
35 À cet égard, il convient de constater que, contrairement à ce que soutiennent le Finanzamt et le gouvernement allemand, cette différence de traitement ne saurait être justifiée par le motif qu’elle se rapporte à des situations qui sont objectivement différentes.
36 En effet, il ressort du dossier soumis à la Cour que le montant des droits sur les donations afférents à un immeuble situé en Allemagne est calculé en application de l’ErbStG, en fonction à la fois de la valeur de ce bien immeuble et du lien familial existant éventuellement entre le donateur et le donataire. Or, ni l’un ni l’autre de ces deux critères ne dépend du lieu de résidence du donateur ou du donataire. Dès lors, s’agissant du montant des droits sur les donations dus au titre d’un bien immeuble situé en Allemagne et faisant l’objet d’une donation, il ne saurait exister aucune différence objective justifiant une inégalité de traitement fiscal entre, respectivement, la situation de personnes dont aucune ne réside dans cet État membre et celle dans laquelle l’une au moins de ces dernières réside dans ledit État. Partant, la situation de Mme Mattner est comparable à celle de tout donataire qui acquiert par donation un bien immeuble sis en Allemagne d’une personne résidant sur le territoire allemand avec laquelle existe un lien familial, ainsi qu’à celle d’un donataire résidant sur ce territoire qui effectue cette acquisition d’une telle personne qui n’y réside pas (voir, en ce sens, arrêts précités Jäger, point 44; Eckelkamp e.a., point 61, ainsi que Arens-Sikken, point 55).
37 La réglementation allemande considère, en principe, tant le bénéficiaire d’une donation entre non-résidents que celui d’une donation impliquant au moins un résident comme des assujettis aux fins de la perception des droits sur les donations afférents aux biens immeubles situés en Allemagne. Ce n’est qu’en ce qui concerne l’abattement appliqué sur la base imposable que cette réglementation opère, aux fins du calcul des droits sur les donations afférents à des biens immeubles sis en Allemagne, une différence de traitement entre les donations effectuées entre non-résidents et celles impliquant un résident. En revanche, la détermination de la classe et du taux d’imposition, prévue aux articles 15 et 19 de l’ErbStG, est effectuée selon les mêmes règles pour les deux catégories de donations (voir, par analogie, arrêts Eckelkamp e.a., point 62, ainsi que Arens-Sikken, point 56).
38 Dès lors qu’une réglementation nationale met sur le même plan, aux fins de l’imposition d’un bien immeuble acquis par donation et sis dans l’État membre concerné, d’une part, les donataires non-résidents ayant acquis ce bien d’un donateur non-résident et, d’autre part, les donataires non-résidents ou résidents ayant acquis un tel bien d’un donateur résident ainsi que les donataires résidents ayant acquis ce même bien d’un donateur non-résident, elle ne peut, sans enfreindre les exigences du droit de l’Union, traiter ces donataires différemment, dans le cadre de cette même imposition, en ce qui concerne l’application d’un abattement sur la base imposable de ce bien immeuble. En traitant de manière identique, sauf en ce qui concerne le montant de l’abattement susceptible de bénéficier au donataire, les donations effectuées au profit de ces deux catégories de personnes, le législateur national a, en effet, admis qu’il n’existe entre ces dernières, au regard des modalités et des conditions de la perception des droits sur les donations, aucune différence de situation objective de nature à justifier une différence de traitement (voir, par analogie, arrêts précités Eckelkamp e.a., point 63, ainsi que Arens-Sikken, point 57).
39 Il convient, enfin, de rechercher si la restriction aux mouvements de capitaux résultant d’une réglementation telle que celle en cause au principal peut être objectivement justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.
40 En premier lieu, le Finanzamt soutient que, si l’ErbStG prévoyait, dans une affaire telle que celle au principal, l’application d’un abattement identique pour les donations entre non-résidents et celles impliquant un résident, Mme Mattner pourrait, en profitant des mêmes avantages fiscaux dans l’État membre de résidence où elle est soumise à une obligation fiscale illimitée, bénéficier d’un cumul d’abattements.
41 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà relevé, dans le cadre de sa jurisprudence relative à la libre circulation des capitaux et aux droits de succession, qu’un ressortissant d’un État membre ne saurait être privé de la possibilité de se prévaloir des dispositions du traité au motif qu’il profite des avantages fiscaux légalement offerts par les normes en vigueur dans un État membre autre que celui dans lequel il réside (arrêts du 11 décembre 2003, Barbier, C-364/01, Rec. p. I-15013, point 71, ainsi que Eckelkamp e.a., précité, point 66).
42 En tout état de cause, l’État membre sur le territoire duquel est situé le bien immeuble faisant l’objet de la donation ne saurait, pour justifier une restriction à la libre circulation des capitaux résultant de sa propre réglementation, se prévaloir de la possibilité, indépendante de sa volonté, pour le donataire de bénéficier d’un abattement similaire octroyé par un autre État membre, tel que celui dans lequel le donateur et le donataire résidaient à la date de la donation, qui pourrait compenser, en tout ou en partie, le préjudice subi par ce dernier en raison de l’abattement à taux réduit appliqué lors du calcul des droits sur les donations dus dans le premier État membre (voir, par analogie, arrêts précités Eckelkamp e.a., point 68, ainsi que Arens-Sikken, point 65).
43 En effet, un État membre ne saurait invoquer l’existence d’un avantage concédé de manière unilatérale par un autre État membre, en l’occurrence l’État membre dans lequel résident le donateur et le donataire, afin d’échapper aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, notamment au titre des dispositions de celui-ci relatives à la libre circulation des capitaux (voir arrêts précités Eckelkamp e.a., point 69, et Arens-Sikken, point 66).
44 Il en est ainsi à plus forte raison si, comme le gouvernement allemand l’a fait valoir lors de l’audience, l’État membre dans lequel résident le donateur et le donataire applique un abattement moins élevé que celui octroyé par l’État membre sur le territoire duquel est situé le bien immeuble faisant l’objet de la donation ou fixe la valeur de ce bien à un niveau supérieur à celui déterminé par ce dernier État.
45 Au demeurant, il ressort du dossier soumis à la Cour que, lors du calcul des droits sur les donations, la réglementation nationale en cause au principal exclut de manière pure et simple l’abattement à taux plein lorsque le donateur et le donataire ne résident pas dans l’État membre sur le territoire duquel est situé le bien faisant l’objet de la donation, sans que l’octroi éventuel d’un abattement similaire dans un autre État membre, tel que celui dans lequel résident le donateur et le donataire, ni que le mode de détermination de la valeur de ce bien dans ce dernier État membre soient pris en considération.
46 En deuxième lieu, le Finanzamt et le gouvernement allemand font valoir que la réglementation nationale en cause au principal, en traitant en substance de manière identique les successions et les donations, a pour objectif d’éviter que les personnes concernées aient la possibilité de contourner les dispositions fiscales sur les successions en procédant à plusieurs donations simultanées ou en transmettant l’ensemble du patrimoine d’une personne au moyen de donations successives étalées dans le temps. Tel serait, en particulier, l’objet des dispositions de l’article 14 de l’ErbStG, qui prévoient, en substance, que les donations effectuées entre les mêmes personnes au cours d’une période de dix années doivent être totalisées aux fins de l’application des droits sur les successions et les donations.
47 Le Finanzamt et le gouvernement allemand soutiennent dès lors que, en admettant même que, en l’occurrence, la donation ne porte que sur un seul bien immeuble, il est légitime que ladite réglementation, pour déterminer l’abattement applicable à une donation entre non-résidents, se fonde sur le principe selon lequel la donatrice dispose encore, dans son État membre de résidence ou dans d’autres États, d’actifs qu’elle a transmis dans le même temps à Mme Mattner ou qu’elle pourrait transmettre ultérieurement à cette dernière sans qu’ils puissent être soumis aux droits sur les donations en Allemagne. Or, rien ne justifierait qu’un État membre tel que la République fédérale d’Allemagne, qui ne fait valoir son droit d’imposition qu’à l’égard de certains actifs isolés, accorde un abattement adapté à la transmission de l’ensemble du patrimoine. Ce serait donc non pas à cet État membre, mais à celui dans lequel résident la donatrice et Mme Mattner de prendre en compte, dans le cadre de l’assujettissement illimité, la situation personnelle de cette dernière.
48 À cet égard, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que Mme Mattner aurait, en l’occurrence, reçu en donation, au cours de la période de dix années ayant précédé la donation en cause au principal, d’autres biens de la part du même donateur, de sorte que le risque de contournement qui pourrait résulter de l’existence de donations antérieures, voire simultanées, entre les mêmes parties apparaît purement hypothétique et ne saurait donc, dans une affaire telle que celle en cause au principal, justifier une limitation de l’abattement applicable sur la base imposable.
49 Par ailleurs, s’agissant de l’éventualité de donations ultérieures, il y a lieu de constater que, si, certes, l’État membre sur le territoire duquel est situé un bien immeuble faisant l’objet d’une donation est en droit de s’assurer que les règles d’imposition en matière de successions ne sont pas contournées par des donations fractionnées entre les mêmes personnes, le risque de contournement allégué en l’occurrence en ce qui concerne les donations effectuées entre des personnes qui ne résident pas dans cet État membre existe tout autant en ce qui concerne les donations impliquant un résident.
50 Or, il y a lieu d’observer à cet égard que l’article 14 de l’ErbStG, qui vise à faire obstacle à de telles donations fractionnées en totalisant, aux fins du calcul des droits dus, les donations effectuées au cours d’une période de dix années, prévoit, s’agissant des donations impliquant un résident, non pas l’application d’un abattement à taux réduit, mais tout au plus que l’abattement au taux plein prévu en ce qui concerne de telles donations ne s’applique qu’une seule fois sur la base imposable résultant de la totalisation des donations concernées.
51 Il en ressort que l’application d’un abattement à taux réduit, tel que celui prévu par la réglementation nationale en cause au principal lorsque la donation a lieu entre des personnes qui ne résident pas dans l’État membre sur le territoire duquel est situé le bien faisant l’objet de la donation, ne peut pas être considérée comme un moyen approprié pour atteindre l’objectif que cette réglementation poursuit.
52 En troisième lieu, lors de l’audience, le gouvernement allemand a invoqué la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal allemand, en faisant valoir à cet égard qu’il serait logique de réserver l’avantage fiscal résultant de l’application de l’abattement à taux plein sur la base imposable d’une donation aux seuls assujettis soumis à une obligation fiscale illimitée dans l’État membre sur le territoire duquel est situé le bien faisant l’objet de la donation, dès lors que ce régime, en ce qu’il implique la taxation du patrimoine mondial de l’assujetti, est globalement moins avantageux que celui applicable aux assujettis soumis à une obligation fiscale limitée dans ce même État.
53 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il résulte certes de la jurisprudence de la Cour que la nécessité de sauvegarder la cohérence d’un système fiscal peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité. Toutefois, pour qu’une telle justification puisse être admise, il est nécessaire que soit établie l’existence d’un lien direct entre l’octroi de l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé (voir arrêts Manninen, précité, point 42, ainsi que du 17 septembre 2009, Glaxo Wellcome, C-182/08, non encore publié au Recueil, points 77 et 78).
54 Or, en l’occurrence, il suffit de constater que l’avantage fiscal résultant, dans l’État membre sur le territoire duquel est situé le bien immeuble faisant l’objet d’une donation, de l’application d’un abattement à taux plein sur la base imposable lorsque cette donation implique au moins un résident de cet État n’est compensé dans celui-ci par aucun prélèvement fiscal déterminé au titre des droits sur les donations.
55 Il s’ensuit que la réglementation en cause au principal ne saurait être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal allemand.
56 Il convient dès lors de répondre à la question posée que les dispositions combinées des articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit, pour le calcul des droits sur les donations, que l’abattement sur la base imposable en cas de donation d’un immeuble situé sur le territoire de cet État est inférieur, lorsque le donateur et le donataire résidaient, à la date à laquelle la donation a été effectuée, dans un autre État membre, à l’abattement qui aurait été appliqué si au moins l’un d’entre eux avait résidé, à la même date, dans le premier État membre.
Sur les dépens
57 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
Les dispositions combinées des articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit, pour le calcul des droits sur les donations, que l’abattement sur la base imposable en cas de donation d’un immeuble situé sur le territoire de cet État est inférieur, lorsque le donateur et le donataire résidaient, à la date à laquelle la donation a été effectuée, dans un autre État membre, à l’abattement qui aurait été appliqué si au moins l’un d’entre eux avait résidé, à la même date, dans le premier État membre.
Signatures
* Langue de procédure: l’allemand.