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Affaires jointes C-538/08 et C-33/09

X Holding BV

contre

Staatssecretaris van Financiën
et
Oracle Nederland BV
contre
Inspecteur van de Belastingdienst Utrecht-Gooi

(demandes de décision préjudicielle, introduites par

le Hoge Raad der Nederlanden et par le Gerechtshof Amsterdam)

«Sixième directive TVA — Droit à déduction de la taxe versée en amont — Réglementation nationale excluant le droit à déduction pour certaines catégories de biens et de services — Faculté pour les États membres de maintenir des règles d’exclusion du droit à déduction existantes au moment de l’entrée en vigueur de la sixième directive TVA — Modification après l’entrée en vigueur de cette directive»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Exclusions du droit à déduction — Faculté pour les États membres de maintenir les exclusions existant lors de l'entrée en vigueur de la sixième directive

(Directives du Conseil 67/228, art. 11, § 4, et 77/388, art. 17, § 6)

2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Exclusions du droit à déduction — Faculté pour les États membres de maintenir les exclusions existant lors de l'entrée en vigueur de la sixième directive

(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 6)

3.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Exclusions du droit à déduction — Faculté pour les États membres de maintenir les exclusions existant lors de l'entrée en vigueur de la sixième directive

(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 6)

1.        L'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive 67/228, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires et l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la réglementation fiscale d'un État membre, applicable à la date de l'entrée en vigueur de la sixième directive, qui exclut la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux catégories de dépenses concernant, d'une part, la fourniture d'un «moyen de transport individuel», de «repas», de «boissons», d'un «logement» ainsi que «l'offre d'activité de détente» aux membres du personnel de l'assujetti et, d'autre part, la fourniture de «cadeaux d'affaires» ou «d'autres gratifications», dès lors que ces catégories de dépenses exclues du droit à déduction sont définies de manière suffisamment précise par ladite réglementation. La faculté octroyée aux États membres par l’article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la sixième directive présuppose, en effet, que ces derniers précisent à suffisance la nature ou l’objet des biens et des services pour lesquels le droit à déduction est exclu, afin de garantir que cette faculté ne serve pas à prévoir des exclusions générales de ce régime.

(cf. points 44-45, 57, disp. 1)

2.        L'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation nationale, adoptée avant l'entrée en vigueur de cette directive, qui prévoit qu'un assujetti puisse déduire la taxe sur la valeur ajoutée payée lors de l'acquisition de certains biens et services utilisés en partie à des fins privées et en partie à des fins professionnelles non pas intégralement, mais seulement proportionnellement à l'utilisation à des fins professionnelles.

En effet, si, compte tenu de l'étendue de la faculté octroyée aux États membres par ladite disposition, ceux-ci sont habilités à maintenir, dans leur totalité, des exclusions du droit à déduction concernant des catégories de dépenses suffisamment précises, il est également loisible aux États membres de prévoir une limitation de la portée d'une exclusion du droit à déduction en ce qui concerne de telles catégories de dépenses, une telle réglementation étant conforme à l'objectif poursuivi par cette directive, qui se reflète notamment dans son article 17, paragraphe 2.

(cf. points 59-61, disp. 2)

3.        L'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'un État membre, après l'entrée en vigueur de cette directive, apporte à une exclusion du droit à déduction une modification destinée, en principe, à en restreindre la portée, mais dont il ne saurait être exclu que, dans un cas individuel et pour un exercice fiscal déterminé, elle élargisse la portée de cette exclusion, en raison du caractère forfaitaire du régime modifié. La simple possibilité qu'un tel effet défavorable puisse se matérialiser ne saurait conduire à considérer une telle modification réglementaire comme contraire à l'article 17, paragraphe 6, de cette directive, dès lors que cette modification est, de manière générale, favorable aux assujettis par rapport au régime qui prévalait antérieurement. Dans ces conditions, l'existence, même avérée, d'un tel cas de figure isolé ou exceptionnel n'affecterait pas le principe selon lequel la modification de la réglementation nationale adoptée après l'entrée en vigueur de la sixième directive a réduit le champ des exclusions du droit à déduction existant auparavant.

(cf. points 70-71, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

15 avril 2010 (*)

«Sixième directive TVA – Droit à déduction de la taxe versée en amont – Réglementation nationale excluant le droit à déduction pour certaines catégories de biens et de services – Faculté pour les États membres de maintenir des règles d’exclusion du droit à déduction existantes au moment de l’entrée en vigueur de la sixième directive TVA – Modification après l’entrée en vigueur de cette directive»

Dans les affaires jointes C-538/08 et C-33/09,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) (C-538/08) et par le Gerechtshof Amsterdam (Pays-Bas) (C-33/09), par décisions, respectivement, des 14 novembre 2008 et 20 janvier 2009, parvenues à la Cour les 4 décembre 2008 et 26 janvier 2009, dans les procédures

X Holding BV

contre

Staatssecretaris van Financiën (C-538/08),

et

Oracle Nederland BV

contre

Inspecteur van de Belastingdienst Utrecht-Gooi (C-33/09),

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász, T. von Danwitz et D. Šváby, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 décembre 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour Oracle Nederland BV, par Me H. Hop, advocaat, et par M. P. Schrijver, belastingadviseur,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. M. Wissels et M. de Mol ainsi que par M. Y. de Vries, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes O. Patsopoulou, S. Trekli et V. Karra ainsi que par M. G. Konstantinos, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. D. Triantafyllou et W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 janvier 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Structure et modalités d’application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 1967, 71, p. 1303, ci-après la «deuxième directive»), ainsi que des articles 6, paragraphe 2, et 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges qui opposent, d’une part, X Holding BV (ci-après «X Holding») au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) et, d’autre part, Oracle Nederland BV (ci-après «Oracle») à l’Inspecteur van de Belastingdienst Utrecht-Gooi (inspecteur du service des impôts d’Utrecht-Gooi, ci-après l’«Inspecteur»), au sujet du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») en ce qui concerne certaines catégories de dépenses.

 Le cadre juridique communautaire

3        L’article 11, paragraphe 1, de la deuxième directive prévoyait:

«Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de son entreprise, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)      la taxe sur la valeur ajoutée qui lui est facturée pour les biens qui lui sont livrés et pour les services qui lui sont rendus;

[…]»

4        Aux termes du paragraphe 4 de ce même article:

«Peuvent être exclus du régime des déductions certains biens et certains services, notamment ceux qui sont susceptibles d’être exclusivement ou partiellement utilisés pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel.»

5        L’article 2 de la sixième directive prévoit:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1.      les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

[…]»

6        L’article 6, paragraphe 2, de la sixième directive est libellé comme suit:

«Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux:

a)      l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée;

b)      les prestations de services à titre gratuit effectuées par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

Les États membres ont la faculté de déroger aux dispositions de ce paragraphe à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence.»

7        Aux termes de l’article 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive:

«2.      Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)      la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

[…]

6.      Au plus tard avant l’expiration d’une période de quatre ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Jusqu’à l’entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l’entrée en vigueur de la présente directive.»

 Le cadre juridique national

8        L’article 2 de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting 1968, ci-après la «loi TVA») dispose ce qui suit:

«Est déduite de la taxe due sur les livraisons de biens et prestations de services la taxe due au titre des livraisons de biens et des prestations de services destinées à l’entrepreneur, des acquisitions intracommunautaires de biens réalisées par lui et des importations de biens qui lui sont destinés.»

9        L’article 15, paragraphe 1, de ladite loi est libellé comme suit:

«La taxe visée à l’article 2 qui est déduite par l’entrepreneur correspond:

a)      à la taxe qui a été portée en compte sur une facture établie conformément aux règles en vigueur par d’autres entrepreneurs, au cours de la période de déclaration, au titre de livraisons de biens et de prestations de services effectuées en faveur de l’entrepreneur;

[…]»

10      L’article 16, paragraphe 1, de la même loi dispose:

«La déduction visée à l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, peut, dans certains cas, être intégralement ou partiellement exclue par arrêté royal afin d’éviter que des biens et des services affectés aux dépenses de luxe, aux besoins de personnes qui ne sont pas entrepreneurs ou […] soient intégralement ou partiellement exonérés de la taxe.»

11      L’article 1er de l’arrêté de 1968 concernant l’exclusion du droit à déduction de la taxe sur le chiffre d’affaires (Besluit uitsluiting aftrek omzetbelasting 1968, ci-après l’«arrêté TVA»), dans la version qui était en vigueur du 1er janvier 1969 au 31 octobre 1979, disposait ce qui suit:

«1.      La déduction visée à l’article 15, paragraphe 1, de la [loi TVA] n’est pas autorisée dans les cas et dans la mesure où les biens et services sont utilisés dans le but de fournir:

[…]

b)      des cadeaux d’affaires ou d’octroyer d’autres gratifications à des personnes qui, si elles étaient tenues d’acquitter la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, ne pourraient pas en déduire l’intégralité ou, à tout le moins, une part substantielle;

c)      au personnel de l’entrepreneur des repas et des boissons, un logement, une rémunération en nature, la possibilité de prendre part à des activités sportives et de loisir ou un moyen de transport individuel, ou dans le but d’autres utilisations privées de ce personnel.

2.      Par ‘cadeaux d’affaires’ ou ‘autres gratifications’, on entend toutes les prestations fournies par l’entrepreneur dans le cadre de ses relations d’affaires ou par libéralité envers les autres, sans rétribution ou pour une rétribution inférieure au coût d’acquisition ou de production, ou, dans le cas de services, au prix coûtant de ceux-ci, hors taxe sur la valeur ajoutée.»

12      L’article 2 dudit arrêté prévoyait:

«Si l’entrepreneur a facturé une rétribution pour une prestation telle que celles visées à l’article 1er, point b) ou c), et qu’un montant de taxe sur la valeur ajoutée est dû à ce titre, la déduction n’est pas exclue à concurrence du montant de la taxe due au titre de cette prestation.»

13      L’article 3 du même arrêté disposait:

«Si le total du coût d’acquisition ou de production, ou le prix coûtant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de toutes les prestations telles que celles visées à l’article 1er, point b) ou c), fournies par l’entrepreneur au cours d’un exercice comptable à une même personne ne dépasse pas 250 florins [néerlandais], les prestations en question demeurent hors du champ d’application du présent arrêté.»

14      L’arrêté TVA a été modifié avec effet au 1er janvier 1980, afin d’instaurer un régime particulier pour la fourniture de repas et de boissons, les autres dispositions dudit arrêté étant demeurées inchangées.

15      Ainsi, à partir du 1er janvier 1980, la fourniture de repas et de boissons a été exclue de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de l’arrêté TVA. Un nouvel article 3 a été inséré, prévoyant l’exclusion de la déduction de la TVA portant sur la fourniture de repas et de boissons. Le montant mentionné à l’ancien article 3, devenu l’article 4, de cet arrêté, a été augmenté, passant de 250 NLG à 500 NLG.

16      Les articles 3 et 4 de l’arrêté TVA étaient dès lors libellés comme suit:

«Article 3

1.      Si les biens et les services sont utilisés par l’entrepreneur pour offrir à son personnel des repas et des boissons, et qu’il facture pour cette prestation un montant inférieur au montant défini au paragraphe 2, la déduction est exclue jusqu’à concurrence de 6 % de la différence entre ce montant et le montant facturé.

2.      Le montant visé au paragraphe 1 correspond au coût d’acquisition des repas et des boissons, hors taxe sur la valeur ajoutée, augmenté de 25 %. Si l’entrepreneur a fabriqué lui-même les repas et boissons, en lieu et place du coût d’acquisition des repas et des boissons, il convient de prendre en considération le coût d’acquisition des matières premières utilisées.

Article 4

1.      Si le total du coût d’acquisition ou de production, ou le prix coûtant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de toutes les prestations telles que celles visées à l’article 1er, paragraphe 1, point b) ou c), fournies par l’entrepreneur au cours d’un exercice comptable à une même personne et que la partie de la différence visée à l’article 3, paragraphe 1, relative à ladite personne ne dépasse pas 500 florins [néerlandais], les prestations en question et cette partie de la différence susmentionnée ne sont pas prises en considération pour l’application du présent arrêté.

2.      Pour le calcul du total visé au paragraphe 1, la différence visée à l’article 3, paragraphe 1, n’est pas prise en considération si, pour la fourniture de repas et de boissons au personnel de l’entrepreneur, la déduction a été exclue sur la base de l’article 3.»

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 L’affaire C-538/08

17      Au cours de la période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999, X Holding a acheté 34 voitures de tourisme à des concessionnaires automobiles. Elle a conservé les voitures pendant une période limitée pour les revendre ensuite.

18      X Holding a déduit intégralement la TVA qui lui avait été facturée à l’occasion de l’acquisition de ces voitures. Elle a acquitté par voie de déclaration la TVA grevant la livraison de chaque voiture.

19      Le 10 juillet 2001, une enquête sur l’exactitude des déclarations de TVA introduites par X Holding au cours des années concernées a été ouverte. Dans un rapport du 13 novembre 2002, l’inspection des finances a conclu que la majeure partie des voitures acquises n’avait pas été affectée aux besoins de l’entreprise et que X Holding avait donc prétendu à tort au droit à déduction de la TVA acquittée en amont. En conséquence, un rappel de TVA portant sur un montant de 887 852 NLG (402 889 euros) a été établi.

20      X Holding a introduit une réclamation contre cette décision. Dans le cadre du réexamen qui s’est ensuivi, l’inspection des finances a considéré que 4 des 34 voitures avaient été acquises et utilisées dans le cadre de l’entreprise uniquement à des fins professionnelles. Dans ces conditions, la déduction de la TVA acquittée en amont concernant l’acquisition de ces quatre voitures a été admise. Le montant de TVA faisant l’objet d’un rappel a donc été réduit à 856 605 NLG (388 710 euros).

21      X Holding a introduit un recours contre cette dernière décision devant le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam). Ce dernier, ayant jugé que les 30 voitures ayant fait l’objet d’un rappel de TVA avaient été utilisées à des fins tant professionnelles que privées, a rejeté ce recours.

22      Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), saisi d’un recours en cassation contre l’arrêt du Gerechtshof Amsterdam, a relevé que l’article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive permettait aux États membres d’exclure du régime des déductions certains biens et services, en particulier ceux susceptibles d’être exclusivement ou partiellement utilisés pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel. Cette disposition aurait donc autorisé les États membres à exclure dudit régime certaines catégories de véhicules automobiles, mais ne leur aurait pas permis d’en exclure tous les biens dans la mesure où ils sont utilisés pour les besoins privés de l’assujetti. Ainsi, cette faculté n’aurait visé que les exclusions pour des catégories de dépenses définies par référence à la nature du bien ou du service, et non par référence à l’affectation qui lui est donnée ou aux modalités de cette affectation.

23      Le Hoge Raad der Nederlanden a observé que la limitation de la déduction inscrite à l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de l’arrêté TVA concerne également des biens et des services affectés «à d’autres fins privées [du] personnel [de l’entrepreneur]» et aux paiements de rémunération en nature. Cette limitation ne serait pas suffisamment précise dans son ensemble et trop large en ce qu’elle concerne tous les biens affectés à un usage privé. Toutefois, ladite disposition définirait plus spécifiquement certaines catégories de biens et de services, en particulier les biens et les services utilisés pour offrir un moyen de transport individuel au personnel de l’entrepreneur.

24      Dans ce contexte, le Hoge Raad der Nederlanden a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive et l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doivent-ils être interprétés en ce sens qu’un État membre qui a voulu exercer la faculté offerte par ces articles d’exclure (de persister à exclure) de la déduction les catégories de dépenses correspondant à l’expression ‘offrir un moyen de transport individuel’ a satisfait à la condition requérant de désigner une catégorie de biens et de services suffisamment définis?

2)      Si la première question appelle une réponse affirmative, l’article 6, paragraphe 2, et l’article 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive autorisent-ils une disposition légale nationale telle que celle en cause, adoptée avant l’entrée en vigueur de cette directive, qui prévoit qu’un assujetti ne peut pas déduire intégralement la TVA payée au moment de l’acquisition de certains biens et services qui sont utilisés partiellement à des fins professionnelles et partiellement à des fins privées du personnel, mais ne peut la déduire que pour autant que la TVA est imputable à l’utilisation à des fins professionnelles?»

 L’affaire C-33/09

25      Au mois de mai 2005, Oracle a fourni, contre paiement, des repas et boissons à son personnel. Par ailleurs, elle a acquis les services d’un disc-jockey pour une fête du personnel et a fait réaliser une mission de recherche de logement pour un de ses salariés. Ladite société a également offert, à titre de cadeau d’affaires, un forfait de golf à des personnes tierces à l’entreprise. En outre, elle a mis à la disposition de certains de ses salariés des voitures qui lui appartenaient en propre ou qui faisaient l’objet d’un leasing dont elle était titulaire, en partie contre rétribution.

26      Dans sa déclaration relative à la TVA pour le mois de mai 2005, Oracle a identifié comme non déductible un montant de TVA de 62 127 euros, alors que le montant global dont elle s’est acquittée au titre de cette taxe pour ce même mois était de 9 768 326 euros.

27      Ledit montant de 62 127 euros concernait les postes suivants:

–        leasing d’automobiles

–        sans contribution du salarié 8 480 euros

–        avec contribution du salarié 41 520 euros

–        automobiles propres 306 euros

–        téléphones mobiles 6 358 euros

–        restauration 3 977 euros

–        divertissements 850 euros

–        hébergement 380 euros

–        cadeaux d’affaires 256 euros.

28      Oracle a ensuite introduit une réclamation, faisant valoir qu’elle disposait en réalité du droit de déduire la TVA relative à ces dépenses.

29      L’Inspecteur a rejeté cette réclamation comme non fondée.

30      Oracle a formé un recours contre cette décision devant le Rechtbank te Haarlem (tribunal d’Haarlem).

31      Ce dernier a jugé que l’Inspecteur avait erronément écarté la déduction de la TVA versée en amont en ce qui concerne les frais de téléphones mobiles, les frais de courtage immobilier et le paiement de forfaits de golf, étant donné qu’ils ne correspondaient pas à des limitations de déduction suffisamment déterminées. En revanche, cette juridiction a estimé que les autres catégories de dépenses non déductibles étaient suffisamment déterminées et que, par conséquent, l’Inspecteur avait refusé à juste titre la déduction de la TVA payée en amont pour les postes concernés.

32      Tant Oracle que l’Inspecteur ont interjeté appel contre ce jugement devant le Gerechtshof Amsterdam.

33      Devant cette juridiction, Oracle a notamment soutenu que les dispositions applicables de la réglementation nationale litigieuse, excluant ou restreignant le droit à la déduction de la TVA ayant grevé la fourniture des biens et des services en cause au principal, ne sont pas conformes à l’article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive ni à l’article 6, paragraphe 2, de la sixième directive. Pour sa part, l’Inspecteur a fait valoir que le refus de déduction de la TVA repose sur une disposition introduite aux Pays-Bas avant l’entrée en vigueur de la sixième directive, conformément à la faculté octroyée aux États membres par l’article 17, paragraphe 6, de celle-ci, et qui est toujours d’application.

34      Dans ces conditions, le Gerechtshof Amsterdam a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive et l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doivent-ils être interprétés en ce sens qu’un État membre qui a voulu exercer la faculté offerte par ces articles d’exclure (de persister à exclure) de la déduction les catégories de dépenses correspondant aux expressions [suivantes]:

–        ‘fourniture de repas et de boissons au personnel de l’entrepreneur’;

–        ‘cadeaux d’affaires ou autres cadeaux offerts à des personnes qui ne pourraient pas bénéficier de la déduction de la totalité ou de la majeure partie de la taxe qui leur est ou leur serait facturée’;

–        ‘fourniture d’un logement au personnel de l’entrepreneur’;

–        ‘offre d’activités de détente au personnel de l’entrepreneur’,

a satisfait à la condition lui imposant de désigner une catégorie de biens et de services suffisamment définis?

2)      Si la première question appelle une réponse affirmative pour l’une des catégories citées, l’article 6, paragraphe 2, ainsi que l’article 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive autorisent-ils une disposition légale nationale telle que la disposition litigieuse, qui a été adoptée avant l’entrée en vigueur de cette directive, qui prévoit qu’un assujetti ne peut pas déduire intégralement la TVA payée au moment de l’acquisition de certains biens et services parce qu’une rétribution soumise à la TVA a été facturée pour ceux-ci, mais ne peut la déduire qu’à concurrence du montant de la taxe due au titre de cette prestation?

3)      Si la condition imposant de désigner une catégorie de biens et de services suffisamment définis est remplie en ce qui concerne la ‘fourniture de repas et de boissons’, l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive interdit-il d’apporter à une exclusion de la déduction une modification destinée, en principe, à en restreindre la portée, mais dont il ne peut pas être exclu que, dans un cas individuel et pour un exercice fiscal donné, elle élargisse la portée de cette exclusion en raison du caractère forfaitaire du régime modifié?»

35      Par ordonnance du président de la Cour du 17 juin 2009, les affaires C-538/08 et C-33/09 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question posée dans chacune des deux affaires

36      Par ces questions, les juridictions de renvoi cherchent, en substance, à savoir si l’article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive et l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive autorisent un État membre à exclure du droit à déduction de la TVA payée en amont un certain nombre de biens et de services énumérés dans une réglementation nationale, cette dernière étant applicable à l’entrée en vigueur de la sixième directive.

37      Afin de répondre auxdites questions, il y a lieu de rappeler à titre liminaire que le droit à déduction, énoncé à l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, constitue, en tant que partie intégrante du mécanisme de TVA, un principe fondamental inhérent au système commun de TVA et ne peut en principe être limité (voir arrêts du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 43; du 8 janvier 2002, Metropol et Stadler, C-409/99, Rec. p. I-81, point 42, ainsi que du 26 mai 2005, Kretztechnik, C-465/03, Rec. p. I-4357, point 33).

38      Le principe du droit à déduction est néanmoins tempéré par la disposition dérogatoire figurant à l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive, et en particulier au second alinéa de ce paragraphe. Les États membres sont en effet autorisés à maintenir leur législation existante en matière d’exclusion du droit à déduction, à la date d’entrée en vigueur de la sixième directive, jusqu’à ce que le Conseil arrête les dispositions prévues à cet article (voir arrêts du 14 juin 2001, Commission/France, C-345/99, Rec. p. I-4493, point 19, ainsi que du 11 décembre 2008, Danfoss et AstraZeneca, C-371/07, Rec. p. I-9549, point 28).

39      Toutefois, aucune des propositions présentées par la Commission au Conseil en vertu de l’article 17, paragraphe 6, premier alinéa, de la sixième directive n’ayant été adoptée par ce dernier, les États membres peuvent maintenir leur législation existant en matière d’exclusion du droit à déduction de la TVA jusqu’à ce que le législateur de l’Union établisse un régime commun des exclusions et réalise ainsi l’harmonisation progressive des législations nationales en matière de TVA. Le droit de l’Union ne comporte donc à ce jour aucune disposition énumérant les dépenses exclues du droit à déduction de la TVA (voir arrêts du 8 décembre 2005, Jyske Finans, C-280/04, Rec. p. I-10683, point 23, ainsi que Danfoss et AstraZeneca, précité, point 29).

40      La Cour a cependant jugé que l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive présuppose que les exclusions que les États membres peuvent maintenir conformément à cette disposition étaient légales en vertu de la deuxième directive, qui était antérieure à la sixième directive (voir arrêt du 5 octobre 1999, Royscot e.a., C-305/97, Rec. p. I-6671, point 21).

41      À cet égard, l’article 11 de la deuxième directive, tout en établissant à son paragraphe 1 le droit à déduction, prévoyait, à son paragraphe 4, que les États membres pouvaient exclure du régime de déduction certains biens et certains services, notamment ceux susceptibles d’être exclusivement ou partiellement utilisés pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel.

42      Cette dernière disposition n’a donc pas accordé aux États membres un pouvoir discrétionnaire absolu d’exclure tous les biens et services ou la quasi-totalité de ceux-ci du droit à déduction et de vider ainsi de sa substance le régime instauré par l’article 11, paragraphe 1, de la deuxième directive (voir, en ce sens, arrêt Royscot e.a., précité, point 24).

43      En outre, et eu égard à l’interprétation stricte dont il doit faire l’objet en tant que disposition dérogatoire, l’article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la sixième directive ne saurait être considéré comme autorisant un État membre à maintenir une restriction du droit à déduction de la TVA susceptible de s’appliquer de façon générale à n’importe quelle dépense liée à l’acquisition de biens, indépendamment de sa nature ou de son objet (voir arrêt du 23 avril 2009, PARAT Automotive Cabrio, C-74/08, non encore publié au Recueil, point 28).

44      Il découle de ce qui précède que la faculté octroyée aux États membres par l’article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la sixième directive présuppose que ces derniers précisent à suffisance la nature ou l’objet des biens et des services pour lesquels le droit à déduction est exclu, afin de garantir que cette faculté ne serve pas à prévoir des exclusions générales de ce régime (voir, en ce sens, arrêt PARAT Automotive Cabrio, précité, point 29).

45      Il y a, dès lors, lieu d’examiner si des catégories de dépenses exclues du droit à déduction telles que celles visées par les dispositions nationales litigieuses dans les affaires au principal sont définies de manière suffisamment précise.

46      En premier lieu, s’agissant de dépenses telles que celles faisant l’objet de la première question dans l’affaire C-538/08, à savoir celles relevant d’une des opérations visées à l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de l’arrêté TVA, en l’occurrence les biens ou services utilisés par l’entrepreneur dans le but de fournir à son personnel «un moyen de transport individuel», il convient d’observer que cette catégorie particulière d’opérations porte sur des biens et services utilisés pour offrir un moyen de transport individuel ainsi que sur la mise à disposition d’un véhicule pour les déplacements de membres du personnel de l’assujetti de leur domicile à leur lieu de travail.

47      Les caractéristiques spécifiques de telles opérations doivent être considérées comme une désignation suffisamment précise de la nature ou de l’objet des biens et des services sur lesquels elles portent au regard des exigences posées par la jurisprudence relative au régime dérogatoire établi par l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive.

48      En second lieu, il convient d’apprécier si des dépenses telles que celles faisant l’objet de la première question dans l’affaire C-33/09 peuvent également être considérées comme conformes auxdites exigences.

49      En l’occurrence, il s’agit de la fourniture de «repas» et de «boissons» au personnel de l’entrepreneur, de la mise à disposition d’un «logement» au bénéfice de membres de ce personnel, de l’octroi, dans certaines conditions, de «cadeaux d’affaires» ou «d’autres gratifications» ainsi que de la possibilité, pour ledit personnel, de prendre part à des «activités sportives et de loisir».

50      En ce qui concerne des catégories de dépenses telles que celles relatives à la fourniture de repas et de boissons ainsi que d’un logement, elles doivent être considérées comme suffisamment circonscrites au regard des exigences posées par la jurisprudence susvisée.

51      En effet, comme le précise le Gerechtshof Amsterdam, la catégorie «repas et boissons» porte sur les biens alimentaires ainsi que les produits et services utilisés pour la confection et la préparation de ceux-ci. L’autre catégorie de dépenses, à savoir celle relative à la mise à disposition d’un logement, englobe, comme l’indique ladite juridiction, la mise à disposition d’un hébergement au profit de membres du personnel de l’entrepreneur ainsi que les frais occasionnés par le recours à des services d’agence ou de courtage en vue d’une telle mise à disposition.

52      En ce qui concerne les catégories telles que celle relative à la «possibilité de prendre part à des activités sportives et de loisir» ainsi que celle portant sur les «cadeaux d’affaires» ou «d’autres gratifications», elles doivent également être considérées comme suffisamment circonscrites au regard des exigences susvisées.

53      En effet, la catégorie «cadeaux d’affaires» est précisée par l’article 1er, paragraphe 2, de l’arrêté TVA, selon lequel il faut entendre par «cadeaux d’affaires» ou «autres gratifications» les prestations fournies par l’entrepreneur «dans le cadre de ses relations d’affaires ou par libéralité envers les autres».

54      De même, la catégorie «offre d’activité de détente au personnel de l’entrepreneur» est limitée à certains biens et services. En effet, ceux-ci peuvent être identifiés compte tenu des pratiques usuelles des entreprises quant aux actions de motivation du personnel.

55      Cette interprétation est d’ailleurs corroborée par la seconde phrase du premier alinéa de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive, aux termes de laquelle, dans le cadre d’une action législative du Conseil en la matière, seront en tout état de cause exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

56      Par conséquent, l’ensemble des catégories de dépenses examinées ci-dessus doivent être considérées comme conformes au régime dérogatoire établi par l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive.

57      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question posée dans chacune des deux affaires que l’article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive et l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la réglementation fiscale d’un État membre qui exclut la déduction de la TVA afférente aux catégories de dépenses concernant, d’une part, la fourniture d’un «moyen de transport individuel», de «repas», de «boissons», d’un «logement» ainsi que «l’offre d’activité de détente» aux membres du personnel de l’assujetti et, d’autre part, la fourniture de «cadeaux d’affaires» ou «d’autres gratifications».

 Sur la deuxième question posée dans chacune des deux affaires

58      La première question posée dans chacune des deux affaires ayant reçu une réponse affirmative, il convient d’examiner, de façon identique dans les deux affaires, si les articles 6, paragraphe 2, et 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive s’opposent à une réglementation nationale, adoptée avant l’entrée en vigueur de cette directive, qui prévoit qu’un assujetti puisse déduire la TVA payée lors de l’acquisition de biens ou de services relevant d’une des catégories en cause dans les affaires au principal qui sont utilisés en partie à des fins privées et en partie à des fins professionnelles non pas intégralement, mais seulement proportionnellement à l’utilisation à des fins professionnelles.

59      Afin de répondre à cette question, il convient d’observer que, si, compte tenu de l’étendue de la faculté octroyée aux États membres par l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive, ceux-ci sont habilités à maintenir, dans leur totalité, des exclusions du droit à déduction concernant des catégories de dépenses suffisamment précises, il est également loisible aux États membres de prévoir une limitation de la portée d’une exclusion du droit à déduction en ce qui concerne de telles catégories de dépenses.

60      En effet, une telle réglementation est conforme à l’objectif poursuivi par la sixième directive, qui se reflète notamment dans son article 17, paragraphe 2.

61      Il y a dès lors lieu de répondre à la deuxième question posée dans chacune des deux affaires que l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, adoptée avant l’entrée en vigueur de cette directive, qui prévoit qu’un assujetti puisse déduire la TVA payée lors de l’acquisition de certains biens et services utilisés en partie à des fins privées et en partie à des fins professionnelles non pas intégralement, mais seulement proportionnellement à l’utilisation à des fins professionnelles.

 Sur la troisième question posée dans l’affaire C-33/09

62      La première question soulevée dans l’affaire C-33/09 ayant reçu une réponse affirmative en ce qui concerne la catégorie de biens et de services relatifs à la «fourniture de repas et de boissons», il y a lieu d’examiner la troisième question préjudicielle posée dans cette affaire.

63      Par cette dernière question, le Gerechtshof Amsterdam s’interroge sur le point de savoir si l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive s’oppose à ce qu’un État membre, après l’entrée en vigueur de ladite directive, apporte à une exclusion du droit à déduction une modification destinée, en principe, à en restreindre la portée, mais dont il ne saurait être exclu que, dans un cas individuel et pour un exercice fiscal déterminé, elle élargisse la portée de cette exclusion, en raison du caractère forfaitaire du régime modifié.

64      Afin de répondre à cette question, il convient de relever à titre liminaire qu’elle ne concerne que la situation particulière de l’exclusion partielle du droit à déduction de la catégorie de dépenses relative à la «fourniture de repas et de boissons [au personnel de l’entrepreneur]», visée à l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de l’arrêté TVA.

65      Il importe de rappeler à cet égard que l’arrêté TVA a fait l’objet d’une modification en ce qui concerne cette catégorie de dépenses après l’entrée en vigueur de la sixième directive.

66      Ainsi que l’a indiqué le Gerechtshof Amsterdam, cette modification réglementaire a eu pour conséquence de réduire la portée de l’exclusion du droit à déduction pour la catégorie de dépenses visées.

67      En ce qui concerne la conformité d’une telle modification réglementaire avec l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive, la Cour a jugé que, dans la mesure où un État membre modifie, en le réduisant, le champ des exclusions de déduction existantes, postérieurement à l’entrée en vigueur de cette directive, et rapproche, par là même, sa réglementation de l’objectif de celle-ci, il y a lieu de considérer que cette réglementation est couverte par la dérogation prévue à l’article 17, paragraphe 6, second alinéa, de ladite directive et n’enfreint pas l’article 17, paragraphe 2, de cette dernière (voir arrêts précités Commission/France, point 22; Metropol et Stadler, point 45, ainsi que Danfoss et AstraZeneca, point 32).

68      Quant à la possibilité, évoquée par le Gerechtshof Amsterdam, mais dont il est constant qu’elle n’est pas pertinente dans l’affaire au principal, que, dans un cas exceptionnel, le régime modifié d’une exclusion partielle du droit à déduction, de type forfaitaire, instauré après l’entrée en vigueur de la sixième directive puisse conduire à un résultat plus défavorable que celui existant sous le régime antérieur, en raison des modalités particulières d’application du nouveau régime, il y a lieu de considérer que cette circonstance ne constitue pas une mise en cause du principe d’interprétation énoncé dans la jurisprudence susvisée.

69      En effet, comme le Gerechtshof Amsterdam l’a précisé, une telle situation serait susceptible de se produire en l’occurrence uniquement dans le cas où l’assujetti proposerait des repas et des boissons aux membres de son personnel sans contribuer ni à leur préparation ni à permettre leur consommation, tout en excédant un certain plafond par membre du personnel au cours d’un même exercice comptable.

70      Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 86 de ses conclusions, la simple possibilité qu’un tel effet défavorable puisse se matérialiser ne saurait conduire à considérer une telle modification réglementaire, intervenue postérieurement à l’entrée en vigueur de la sixième directive, comme contraire à l’article 17, paragraphe 6, de celle-ci, dès lors que cette modification est, de manière générale, favorable aux assujettis par rapport au régime qui prévalait antérieurement. Dans ces conditions, l’existence, même avérée, d’un tel cas de figure isolé ou exceptionnel n’affecterait pas le principe selon lequel la modification de la réglementation nationale adoptée après l’entrée en vigueur de la sixième directive a réduit le champ des exclusions du droit à déduction existant auparavant.

71      Par conséquent, l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre, après l’entrée en vigueur de cette directive, apporte à une exclusion du droit à déduction une modification destinée, en principe, à en restreindre la portée, mais dont il ne saurait être exclu que, dans un cas individuel et pour un exercice fiscal déterminé, elle élargisse la portée de cette exclusion, en raison du caractère forfaitaire du régime modifié.

 Sur les dépens

72      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Structure et modalités d’application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée, et l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de la taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la réglementation fiscale d’un État membre qui exclut la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux catégories de dépenses concernant, d’une part, la fourniture d’un «moyen de transport individuel», de «repas», de «boissons», d’un «logement» ainsi que «l’offre d’activité de détente» aux membres du personnel de l’assujetti et, d’autre part, la fourniture de «cadeaux d’affaires» ou «d’autres gratifications».

2)      L’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, adoptée avant l’entrée en vigueur de cette directive, qui prévoit qu’un assujetti puisse déduire la taxe sur la valeur ajoutée payée lors de l’acquisition de certains biens et services utilisés en partie à des fins privées et en partie à des fins professionnelles non pas intégralement, mais seulement proportionnellement à l’utilisation à des fins professionnelles.

3)      L’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre, après l’entrée en vigueur de cette directive, apporte à une exclusion du droit à déduction une modification destinée, en principe, à en restreindre la portée, mais dont il ne saurait être exclu que, dans un cas individuel et pour un exercice fiscal déterminé, elle élargisse la portée de cette exclusion, en raison du caractère forfaitaire du régime modifié.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.