ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
20 mai 2010 (*)
«Manquement d’État – TVA – Directive 2006/112/CE – Articles 78, 79, 83 et 86 – Base d’imposition – Vente d’une voiture – Inclusion dans la base d’imposition d’une taxe applicable à des voitures non immatriculées»
Dans l’affaire C-228/09,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 24 juin 2009,
Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République de Pologne, représentée par MM. M. Dowgielewicz et M. Jarosz ainsi que par Mme A. Rutkowska, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, T. von Danwitz et D. Šváby, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. K. Malacek, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mars 2010,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en incluant la taxe instituée par l’article 80 de la loi du 23 janvier 2004 relative aux droits d’accise (Dz. U de 2004, n° 29, position 257) dans la base d’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») due pour les livraisons, les acquisitions intracommunautaires ou les importations de voitures particulières en Pologne, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 78, 79, 83 et 86 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1).
Le cadre juridique
La réglementation de l’Union
2 L’article 73 de la directive 2006/112 dispose:
«Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.»
3 L’article 78, premier alinéa, sous a), de ladite directive prévoit:
«Sont à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants:
a) les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l’exception de la TVA elle-même».
4 L’article 79 de la même directive précise:
«Ne sont pas à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants:
[…]
c) les montants reçus par un assujetti de la part de son acquéreur ou de son preneur, en remboursement des frais exposés au nom et pour le compte de ces derniers et qui sont portés dans sa comptabilité dans des comptes de passage.
L’assujetti doit justifier le montant effectif des frais visés au premier alinéa, point c), et ne peut pas procéder à la déduction de la TVA qui les a éventuellement grevés.»
5 En vertu de l’article 83, première phrase, de la directive 2006/112, la base d’imposition «[p]our les acquisitions intracommunautaires de biens […] est constituée par les mêmes éléments que ceux retenus pour déterminer […] la base d’imposition de la livraison de ces mêmes biens sur le territoire de l’État membre».
6 Aux termes de l’article 85 de la directive 2006/112, «[p]our les importations de biens, la base d’imposition est constituée par la valeur définie comme la valeur en douane par les dispositions communautaires en vigueur».
7 L’article 86, paragraphe 1, sous a), de ladite directive est libellé comme suit:
«Sont à comprendre dans la base d’imposition, dans la mesure où ils n’y sont pas déjà compris, les éléments suivants:
a) les impôts, droits, prélèvements et autres taxes qui sont dus en dehors de l’État membre d’importation, ainsi que ceux qui sont dus en raison de l’importation, à l’exception de la TVA à percevoir».
La réglementation nationale
La loi relative à la TVA
8 L’article 29 de la loi du 11 mars 2004 relative à la taxe sur la valeur ajoutée, dans sa version applicable au présent litige (Dz. U de 2004, n° 54, position 257, ci-après la «loi relative à la TVA»), dispose:
«1. La base d’imposition est constituée par le chiffre d’affaires, sous réserve des paragraphes 2 à 22 [et] des articles 30 à 32 […]. Le chiffre d’affaires correspond au montant dû au titre de la vente, diminué du montant de la taxe due. Le montant dû comprend l’intégralité de la prestation due par l’acquéreur. Il est majoré des dotations, des subventions et des autres versements supplémentaires de même nature reçus ayant une incidence directe sur le prix (montant dû) des biens livrés ou des services fournis par l’assujetti, diminués du montant de la taxe due.
[…]
10. Dans le cas de la livraison de biens, […] la base d’imposition est constituée du prix d’acquisition des biens (sans la taxe) et, en l’absence de prix d’acquisition, du prix de revient, déterminé au moment de la livraison des biens.
[…]
13. La base d’imposition pour l’importation de biens est la valeur du prix majorée des droits de douane dus. Lorsque l’importation concerne des produits soumis à accise, la base d’imposition est la valeur du prix majorée des droits de douane et du droit d’accise.
[…]
16. Il convient d’ajouter à la base d’imposition visée aux paragraphes 13 et 14 les prélèvements et autres taxes prévus par des dispositions particulières, lorsque les autorités douanières ont l’obligation de prélever de telles taxes au titre de l’importation de biens.
[…]
20. En cas de livraison par l’assujetti d’un bien soumis à accise, la base d’imposition inclut également le montant de cette accise.
[…]»
9 Aux termes de l’article 31 de la loi relative à la TVA:
«1. La base d’imposition d’une acquisition intracommunautaire de biens est constituée par le montant que l’acquéreur est tenu d’acquitter. […]
2. La base d’imposition au sens du paragraphe 1 inclut:
1) les impôts, droits, prélèvements et autres taxes de même nature liés à l’acquisition des biens, à l’exception de la taxe,
[…]»
La loi relative aux droits d’accise
10 La loi du 23 janvier 2004 relative aux droits d’accise, dans sa version applicable au présent litige (ci-après la «loi de 2004»), institue un droit d’accise sur les voitures particulières. L’article 80 de cette loi dispose:
«1. Sont soumises à l’accise les voitures particulières non immatriculées sur le territoire national conformément au code de la circulation routière.
2. Sont redevables d’un droit d’accise:
1) les personnes effectuant toute vente de voitures particulières avant leur première immatriculation sur le territoire national;
2) les importateurs et les personnes effectuant des acquisitions dans la Communauté.
3. Un droit d’accise sur les voitures naît:
1) en cas de vente, à compter de la délivrance de la facture et, au plus tard, dans un délai de sept jours à compter du jour de la livraison de la marchandise;
2) en cas d’importation, à compter du jour de la naissance de la dette douanière au sens des dispositions de la législation douanière;
3) en cas d’acquisition dans la Communauté, à compter de l’acquisition du droit de disposer de la voiture particulière en tant que propriétaire et, au plus tard, à compter de son immatriculation sur le territoire national, conformément au code de la circulation routière.»
11 L’article 81, paragraphe 1, de la loi de 2004 est libellé comme suit:
«Les personnes faisant l’acquisition dans la Communauté de voitures particulières non immatriculées sur le territoire national conformément au code de la circulation routière, sont obligées:
[…]
2) d’acquitter l’accise au plus tard lors de son immatriculation sur le territoire national.»
12 L’article 82 de la loi de 2004 prévoit:
«1. Le vendeur est tenu d’indiquer sur la facture le montant de l’accise due sur la revente de la voiture particulière.
[…]
4. La personne effectuant une acquisition intracommunautaire est tenue, aux fins de l’immatriculation du véhicule conformément aux dispositions du code de la circulation routière, de présenter le document, délivré par le bureau des douanes compétent, attestant du paiement de l’accise sur le territoire du pays.
5. En cas de vente d’une voiture particulière avant sa première immatriculation par l’assujetti visé au paragraphe 4, celui-ci est tenu de présenter à l’acquéreur un document certifiant le paiement de l’accise sur le territoire national […]»
La procédure précontentieuse
13 Le 18 octobre 2006, la Commission, estimant que l’inclusion du droit d’accise sur les voitures particulières institué par la loi de 2004 (ci-après la «taxe litigieuse») dans la base d’imposition de la TVA est contraire aux obligations des États membres découlant des articles 78, 79, 83 et 86 de la directive 2006/112, a adressé une lettre de mise en demeure à la République de Pologne. Dans cette mise en demeure, la Commission soutenait que la taxe litigieuse est pratiquement identique à celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 1er juin 2006, De Danske Bilimportører (C-98/05, Rec. p. I-4945) (ci-après la «taxe danoise sur l’immatriculation»), et présentait les caractéristiques d’une taxe d’immatriculation.
14 Dans sa réponse du 14 décembre 2006 à ladite lettre de mise en demeure, la République de Pologne a fait valoir, en substance, que la taxe litigieuse ne peut pas être considérée comme une taxe d’immatriculation, car elle est étroitement liée aux livraisons, aux acquisitions intracommunautaires et aux importations de voitures. L’immatriculation n’aurait qu’une importance secondaire à cet égard, en tant qu’elle constitue l’événement déterminant la date limite du paiement de cette taxe et non pas le fait générateur de celle-ci. Ladite taxe différerait ainsi significativement de la taxe danoise sur l’immatriculation.
15 Le 29 juin 2007, la Commission a émis un avis motivé, invitant la République de Pologne à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci. Ledit État membre a, par lettre du 17 août 2007, répondu à cet avis en maintenant la position exprimée dans sa lettre du 14 décembre 2006.
16 N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
17 La Commission fait grief à la République de Pologne d’avoir enfreint les articles 78, 79, 83 et 86 de la directive 2006/112 en incluant la taxe litigieuse dans la base d’imposition de la TVA pour les livraisons, les acquisitions intracommunautaires et les importations de voitures particulières qui ont lieu dans cet État membre.
18 La Commission soutient, premièrement, que la présente affaire concerne la base d’imposition de la TVA, c’est-à-dire l’élément de l’impôt qui exige une application uniforme dans toute l’Union européenne, conformément à l’objectif de la directive 2006/112. Selon elle, la taxe litigieuse présenterait les caractéristiques essentielles d’une taxe d’immatriculation et serait pratiquement identique à la taxe danoise sur l’immatriculation. À l’instar de cette dernière taxe, la taxe litigieuse serait liée non pas à la livraison de la voiture, mais à sa première immatriculation sur le territoire national et ne pourrait donc pas être incluse dans la base d’imposition de la TVA. Des différences peu importantes dans la structure des taxes danoise et polonaise, qui n’affecteraient pas leur qualification en tant que taxes d’immatriculation, ne pourraient, en effet, conduire à des conséquences différentes concernant la base d’imposition de la TVA.
19 La Commission précise, deuxièmement, que l’immatriculation d’une voiture est une caractéristique décisive dans la définition et le fonctionnement de la taxe litigieuse. Il ressortirait sans équivoque de l’article 80, paragraphe 1, de la loi de 2004 que cette taxe est exigible pour toute voiture destinée à être immatriculée en Pologne.
20 S’agissant des circonstances évoquées par les autorités polonaises selon lesquelles la taxe litigieuse serait due alors même qu’une voiture particulière ne fait pas l’objet d’une immatriculation en Pologne, notamment en cas d’achat d’une voiture en vue de l’utiliser sur un terrain privé ou de faire une donation à un musée ou encore en vue de se procurer des pièces de rechange, la Commission soutient qu’il s’agit de situations très peu typiques, dans lesquelles des personnes décident d’acquérir une voiture dans un but autre qu’une utilisation normale de celle-ci. De telles situations exceptionnelles pourraient être négligées aux fins de déterminer la nature de ladite taxe.
21 Par ailleurs, la définition du redevable de la taxe litigieuse contenue dans la loi relative à la TVA ne priverait pas cette taxe de son caractère de taxe d’immatriculation. La Commission considère à cet effet qu’un distributeur polonais qui acquitte ladite taxe le fait dans l’intérêt de l’acheteur, de sorte que les montants reçus par le distributeur de la part de l’acheteur en remboursement de tels frais devraient être exclus, conformément à l’article 79 de la directive 2006/112, de la base d’imposition de la TVA.
22 Troisièmement, la Commission fait valoir que l’affirmation selon laquelle la vente, l’importation ou l’acquisition intracommunautaire constituent le fait générateur de la taxe litigieuse est contredite par le fait que cette taxe n’est due qu’une seule fois, à savoir à l’occasion de la première immatriculation d’une voiture particulière en Pologne. Le fait que ladite taxe soit exigible une seule fois serait caractéristique d’une taxe d’immatriculation.
23 Quatrièmement, les autorités polonaises ne se seraient jamais prononcées contre l’inscription de la taxe litigieuse sur la liste des taxes d’immatriculation figurant à l’annexe II de la proposition de directive concernant les taxes sur les voitures particulières [COM(2005) 261 final]. Par ailleurs, contrairement à la position défendue dans la présente affaire par la République de Pologne, cette dernière aurait, dans le cadre d’une précédente procédure d’infraction, affirmé l’existence d’un lien direct entre ladite taxe et l’immatriculation d’une voiture. La position des autorités polonaises selon laquelle la taxe litigieuse serait une taxe d’immatriculation constituerait également l’élément sur la base duquel a été rendu l’arrêt du 18 janvier 2007, Brzeziński (C-313/05, Rec. p. I-513).
24 La République de Pologne fait valoir que, à l’instar de la TVA, le fait générateur de la taxe litigieuse est constitué par la vente, l’acquisition intracommunautaire et l’importation d’une voiture particulière. Cette taxe présenterait donc un lien direct avec la livraison de sorte que, conformément à l’article 78, premier alinéa, sous a), de la directive 2006/112, elle doit être incluse dans la base d’imposition de la TVA.
25 La République de Pologne soutient, d’une part, que la taxe litigieuse doit être qualifiée de taxe intérieure à la consommation présentant les caractéristiques d’un droit d’accise.
26 Le fait que la taxe litigieuse est toujours exigible avant la première immatriculation d’une voiture particulière en Pologne n’impliquerait pas que le paiement de cette taxe est lié, sur un plan fonctionnel, à la première immatriculation de la voiture. Au contraire, la dette fiscale naîtrait indépendamment de la question de l’immatriculation de la voiture. Ladite taxe serait en effet exigible, en cas de vente sur le territoire polonais d’une voiture non immatriculée, au moment de l’émission de la facture et, au plus tard, dans les sept jours qui suivent la remise de la voiture. En revanche, lorsqu’une voiture non immatriculée ayant donné lieu au paiement de cette taxe fait l’objet d’une nouvelle vente, l’acquéreur n’aurait pas, en pratique, à acquitter la taxe une nouvelle fois, car le redevable aurait l’obligation de transmettre à l’acquéreur la preuve du paiement de celle-ci. S’agissant d’une voiture importée, ladite taxe litigieuse serait exigible, indépendamment de l’immatriculation de celle-ci, à la date de l’acceptation de la déclaration en douane ou de la mise en libre pratique de la voiture, même si cette dernière est importée aux fins d’une remise à neuf ou en vue d’être démontée en pièces détachées. Dans le cas d’une voiture ayant fait l’objet d’une acquisition intracommunautaire, l’article 80, paragraphe 3, point 3, de la loi de 2004 devrait être interprété en ce sens que la taxe litigieuse est exigible à la date de l’obtention du droit de disposer de la voiture particulière en tant que propriétaire, c’est-à-dire, en fait, au moment de son acquisition dans un autre État membre. Compte tenu de l’absence de contrôle douanier sur le marché intérieur de l’Union, le contrôle du paiement de cette taxe au moment de l’immatriculation de la voiture constituerait en pratique, dans le cas d’une acquisition intracommunautaire, non seulement le moyen de contrôle le plus simple, mais aussi le seul approprié.
27 D’autre part, la République de Pologne fait valoir que la taxe danoise sur l’immatriculation était exigible lors de la présentation de la voiture à l’immatriculation au Danemark, le fait générateur de cette taxe résidant dans la première immatriculation de la voiture sur le territoire danois. La taxe litigieuse étant liée non pas à l’immatriculation de la voiture, mais à sa livraison, elle ne saurait être traitée, aux fins de la détermination de la base d’imposition de la TVA, de manière identique à la taxe danoise sur l’immatriculation.
Appréciation de la Cour
28 Il doit être relevé d’emblée que le présent recours ne concerne que l’inclusion de la taxe litigieuse dans la base d’imposition de la TVA.
29 À cet égard, l’article 78, premier alinéa, sous a), de la directive 2006/112 prévoit que, pour les livraisons de biens, «les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l’exception de la TVA elle-même» sont à comprendre dans la base d’imposition. L’inclusion de ces éléments dans la base d’imposition de la TVA est également prévue pour les acquisitions intracommunautaires et les importations de biens, respectivement par les articles 83 et 86, paragraphe 1, sous a), de la même directive.
30 La Cour a toutefois précisé que, pour que des impôts, droits, prélèvements et taxes puissent relever de l’assiette de la TVA alors même qu’ils ne représentent pas de valeur ajoutée et qu’ils ne constituent pas la contrepartie économique de la livraison du bien, ils doivent présenter un lien direct avec cette livraison (arrêt De Danske Bilimportører, précité, point 17 et jurisprudence citée).
31 Il s’ensuit que, si, comme le soutient la Commission, le fait générateur de la taxe litigieuse réside dans la première immatriculation de la voiture sur le territoire national, le lien direct entre la livraison et cette taxe – ou encore entre celle-ci et l’acquisition intracommunautaire ou l’importation – ferait défaut, de sorte que l’inclusion de ladite taxe dans l’assiette de la TVA ne serait pas conforme aux dispositions de la directive 2006/112 telles que rappelées au point 29 du présent arrêt.
32 Il y a donc lieu de déterminer le fait générateur de la taxe litigieuse.
33 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que, conformément à l’article 80, paragraphe 3, points 1 à 3, de la loi de 2004, la taxe litigieuse naît, en cas de vente, à compter de la délivrance de la facture et, au plus tard, dans un délai de sept jours à compter du jour de la livraison de la marchandise. Cette taxe est due, en cas d’importation, à compter du jour de la naissance de la dette douanière au sens des dispositions de la législation douanière et, en cas d’acquisition intracommunautaire, à compter de l’acquisition du droit de disposer de la voiture particulière en tant que propriétaire et, au plus tard, à compter de son immatriculation sur le territoire national.
34 Il s’ensuit que les dispositions de la loi de 2004 consacrées à la naissance de la dette fiscale en cause ne contiennent, pour ce qui concerne la vente d’une voiture en Pologne ou son importation, aucune référence à l’immatriculation de celle-ci. Ces dispositions établissent, au contraire, un lien direct entre la taxe litigieuse et l’opération de livraison ou d’importation.
35 Par ailleurs, même si, en ce qui concerne l’acquisition intracommunautaire d’une voiture, l’article 80, paragraphe 3, point 3, de la loi de 2004 contient une référence à l’opération d’immatriculation, il doit être considéré que, y compris dans cette situation, le fait générateur de la taxe litigieuse coïncide également avec celui de la TVA.
36 À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission considère que l’affirmation de la République de Pologne selon laquelle la taxe litigieuse est due même s’il n’est pas procédé à l’immatriculation de la voiture, par exemple lorsque celle-ci est achetée en vue de l’utiliser exclusivement sur des voies privées ou aux fins de sa destruction dans un but de se procurer des pièces détachées, se rapporte à des situations très peu typiques et que celles-ci pourraient être négligées. La livraison, l’acquisition intracommunautaire ou l’importation d’une voiture en Pologne donne donc lieu, dans tous les cas, au paiement de cette taxe, et cela indépendamment de son éventuelle immatriculation sur le territoire polonais.
37 Dans ces conditions, il convient d’admettre que la référence à l’immatriculation en cas d’acquisition intracommunautaire, qui est prévue à l’article 80, paragraphe 3, point 3, de la loi de 2004, permet d’assurer, comme le soutient la République de Pologne, un contrôle efficace de la perception de la taxe litigieuse, lequel serait difficile à effectuer en l’absence d’une telle disposition, en raison de la disparition des frontières internes au sein de l’Union. Même si cette taxe devient exigible à partir de l’acquisition de la voiture dans un autre État membre, ce n’est qu’au moment de son immatriculation en Pologne que le paiement de ladite taxe peut être vérifié.
38 Le fait que la référence à l’immatriculation dans le cadre d’une acquisition intracommunautaire permet d’assurer le contrôle efficace de la perception de la taxe litigieuse est également corroboré, a contrario, par l’article 80, paragraphe 3, point 2, de la loi de 2004 concernant l’importation de voitures en Pologne, cette disposition ne comportant aucune référence à l’opération d’immatriculation. En effet, en cas d’importation, le paiement de ladite taxe peut être exigé à l’occasion du contrôle douanier. Il n’est dès lors pas nécessaire de prévoir le paiement au plus tard lors de l’immatriculation de la voiture.
39 En deuxième lieu, il ressort de l’article 80, paragraphe 2, de la loi de 2004 que, en cas de livraison, les redevables de la taxe litigieuse sont les distributeurs de voitures en Pologne. Dans ces conditions, la facturation par le distributeur d’une voiture de cette taxe à l’acquéreur ne saurait être considérée comme le «remboursement des frais exposés au nom et pour le compte de [ce dernier]» au sens de l’article 79, premier alinéa, sous c), de la directive 2006/112. Au contraire, l’énumération des personnes redevables de cette taxe, figurant à l’article 80, paragraphe 2, de la loi de 2004, confirme le lien direct entre la livraison, l’acquisition intracommunautaire ou l’importation, d’une part, et l’exigibilité de ladite taxe, d’autre part.
40 En effet, c’est la question de savoir si l’opérateur a acquitté la taxe en son nom et pour son propre compte qui constitue l’aspect déterminant pour l’inclusion d’une taxe dans la valeur du bien livré. Si tel est le cas, la contrepartie qui est prise en compte pour le calcul de la base imposable inclut le montant de la taxe en question. Or, dès lors que, en cas de livraison, les redevables de la taxe litigieuse sont les distributeurs de voitures en Pologne, cette taxe doit, en principe, être incluse dans la base d’imposition de la TVA, conformément à l’article 78, premier alinéa, sous a), de la directive 2006/112.
41 En troisième lieu, la Commission prétend à tort que la taxe litigieuse est pratiquement identique à la taxe danoise sur l’immatriculation.
42 En effet, d’une part, contrairement à la taxe litigieuse, le fait générateur de la taxe danoise sur l’immatriculation résidait dans la première immatriculation de la voiture achetée sur le territoire national.
43 Cette analyse de la taxe danoise sur l’immatriculation était confirmée notamment par le fait qu’une voiture neuve achetée dans un but autre qu’une mise en circulation dans les zones où s’applique le code de la route danois, par exemple dans le cas d’une voiture de collection, d’une voiture destinée à être utilisée exclusivement sur un terrain privé ou d’une voiture vouée à être transférée en dehors du territoire national, ne donnait pas lieu, nonobstant l’existence d’une livraison à l’intérieur de celui-ci, à la perception de la taxe d’immatriculation (arrêt De Danske Bilimportører, précité, point 19). En revanche, la taxe litigieuse est due même lorsque l’achat de la voiture n’est pas suivi de l’immatriculation de celle-ci sur le territoire polonais.
44 Le fait que la taxe danoise sur l’immatriculation pouvait être exigible même en l’absence de livraison à l’intérieur du territoire national, notamment lorsqu’une voiture était transférée par son propriétaire au Danemark dans le cadre d’un déménagement, confirmait en outre que le fait générateur de cette taxe résidait dans la première immatriculation de la voiture sur le territoire danois et non pas dans la livraison de celle-ci (arrêt De Danske Bilimportører, précité, point 20). Sur ce point également, la taxe litigieuse diffère de la taxe danoise sur l’immatriculation.
45 D’autre part, la taxe litigieuse se distingue également de la taxe danoise sur l’immatriculation dès lors que, en cas de livraison, le redevable de cette dernière taxe était l’acheteur de la voiture (arrêt De Danske Bilimportører, précité, point 27), alors que, s’agissant de la taxe litigieuse, le redevable est, en cas de livraison, la personne effectuant la vente de la voiture.
46 En quatrième lieu, le fait que l’article 80, paragraphe 1, de la loi de 2004 soumet à la taxe litigieuse uniquement les «voitures particulières non immatriculées sur le territoire national» n’est pas de nature à établir, contrairement à ce que prétend la Commission, que l’immatriculation de la voiture constitue le véritable fait générateur de cette taxe. En effet, cette disposition définit le champ d’application matériel de ladite taxe, qui ne vise que des «voitures particulières non immatriculées». Toutefois, ainsi qu’il a été relevé au point 34 du présent arrêt, il n’existe pas de lien juridique direct entre l’exigibilité de la dette fiscale et l’immatriculation de la voiture, dès lors que ladite taxe est due en cas de livraison, d’acquisition intracommunautaire et d’importation d’une voiture non immatriculée, et ce même s’il n’est pas procédé ultérieurement à l’immatriculation de celle-ci.
47 En précisant que la taxe litigieuse ne frappe que les «voitures particulières non immatriculées» en Pologne, la loi de 2004 vise à garantir que la taxe, qui est due au moment de la livraison, de l’acquisition intracommunautaire ou de l’importation, n’est perçue qu’une seule fois, à l’instar d’un droit d’accise. Ainsi que l’a d’ailleurs souligné la Commission, en règle générale, l’acquéreur d’un véhicule est normalement susceptible de l’utiliser sur la voie publique et, dès lors, de procéder à son immatriculation. Toutefois, dans le cas exceptionnel où l’acquisition d’une voiture ne donne pas lieu à une immatriculation, le caractère unique de la taxe litigieuse est préservé dès lors que le vendeur d’une voiture non immatriculée, pour laquelle cette taxe a déjà été payée, est tenu, conformément à l’article 82, paragraphe 5, de la loi de 2004, de délivrer à l’acquéreur un document certifiant le paiement de ladite taxe.
48 En tout état de cause, le caractère unique de la taxe litigieuse n’empêche pas que celle-ci puisse trouver son fait générateur dans la livraison, l’acquisition intracommunautaire ou l’importation de la voiture.
49 Ainsi que le soutient d’ailleurs la République de Pologne, la taxe litigieuse présente des similarités avec l’impôt néerlandais sur les voitures en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 juillet 1989, Wisselink e.a. (93/88 et 94/88, Rec. p. 2671). En effet, cet impôt était perçu soit à la livraison, soit à l’importation d’une voiture. Il ressort du point 20 dudit arrêt que l’impôt dont il s’agit n’était exigé qu’une seule fois au stade de la livraison ou de l’importation. Or, dans ladite affaire, la Cour a expressément considéré que l’impôt en cause faisait toujours partie de la base d’imposition de la TVA (arrêt Wisselink e.a., précité, point 22).
50 Enfin, s’agissant de l’argumentation développée par la République de Pologne dans le cadre d’une précédente procédure d’infraction et de la prétendue non-opposition dudit État membre à l’égard de l’inscription de la taxe litigieuse sur la liste des taxes d’immatriculation figurant à l’annexe II de la proposition de directive mentionnée au point 23 du présent arrêt, il suffit de souligner que ce sont non pas de tels éléments, mais les caractéristiques propres d’une taxe qui déterminent le point de savoir si elle doit être considérée comme une taxe d’immatriculation ou, au contraire, comme une taxe présentant un lien direct avec la livraison, l’importation ou l’acquisition intracommunautaire. Or, en l’espèce, il ressort des caractéristiques propres de la taxe litigieuse que le fait générateur de celle-ci présente un lien direct avec la livraison, l’importation ou l’acquisition intracommunautaire d’une voiture.
51 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en incluant la taxe litigieuse dans la base d’imposition de la TVA due pour les livraisons, les acquisitions intracommunautaires ou les importations de voitures particulières en Pologne, la République de Pologne n’a pas manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 78, 79, 83 et 86 de la directive 2006/112.
52 Il résulte de tout ce qui précède que le recours en manquement introduit par la Commission doit être rejeté.
Sur les dépens
53 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Pologne ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: le polonais.