Affaire C-262/09
Wienand Meilicke e.a.
contre
Finanzamt Bonn-Innenstadt
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Finanzgericht Köln)
«Libre circulation des capitaux — Impôt sur le revenu — Attestation relative à l’impôt des sociétés effectivement acquitté afférente aux dividendes d’origine étrangère — Prévention de la double imposition des dividendes — Avoir fiscal pour les dividendes versés par des sociétés résidentes — Preuves exigées quant à l’impôt étranger imputable»
Sommaire de l'arrêt
1. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôt sur le revenu — Imposition des dividendes — Calcul de l'avoir fiscal octroyé à un assujetti à titre principal dans un État membre pour les dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre
(Art. 56 CE et 58 CE)
2. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôt sur le revenu — Imposition des dividendes — Éléments de preuve à apporter par un assujetti à titre principal dans un État membre afin d'obtenir un avoir fiscal pour les dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre
(Art. 56 CE et 58 CE)
3. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôt sur le revenu — Imposition dans un État membre des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre
1. Pour le calcul du montant de l’avoir fiscal auquel a droit un actionnaire assujetti à titre principal dans un État membre relativement à des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre, les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à l’application, à défaut de production des éléments de preuve requis selon la législation du premier État membre, d’une disposition nationale en vertu de laquelle l’impôt des sociétés grevant les dividendes d’origine étrangère est imputé sur l’impôt sur le revenu de l’actionnaire à hauteur de la fraction de l’impôt des sociétés frappant les dividendes bruts distribués par les sociétés du premier État membre.
Le calcul de l’avoir fiscal doit être effectué en fonction du taux d’imposition des bénéfices distribués au titre de l’impôt des sociétés applicable à la société distributrice selon le droit de son État membre d’établissement, sans toutefois que le montant à imputer puisse dépasser le montant de l’impôt sur le revenu à acquitter sur les dividendes perçus par l’actionnaire bénéficiaire dans l’État membre où celui-ci est assujetti à titre principal.
En effet, lorsqu’un État membre connaît un système de prévention ou d’atténuation de l’imposition en chaîne ou de la double imposition économique dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, il doit accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes. Cela implique que, dans une telle situation, il y a lieu de transposer un tel système national, dans toute la mesure du possible, aux cas de figure transfrontaliers.
(cf. points 29, 31, 34, disp. 1)
2. S’agissant du degré de précision auquel doivent satisfaire les éléments de preuve requis afin d’obtenir un avoir fiscal relatif à des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un État membre autre que celui où le bénéficiaire est assujetti à titre principal, les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à l’application d’une disposition nationale en vertu de laquelle le degré de détail ainsi que la forme de présentation des éléments de preuve à apporter par un tel bénéficiaire doivent être les mêmes que ceux requis lorsque la société distributrice est établie dans l’État membre d’imposition de ce bénéficiaire.
Les autorités fiscales de ce dernier État membre sont en droit d’exiger dudit bénéficiaire qu’il fournisse des pièces justificatives leur permettant de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avoir fiscal prévu par la législation nationale sont réunies sans pouvoir procéder à une estimation dudit avoir fiscal.
Une réglementation d’un État membre qui empêcherait de manière absolue les personnes assujetties à l’impôt sur le revenu à titre principal dans cet État membre ayant investi dans des sociétés de capitaux établies dans un autre État membre de fournir des éléments de preuve répondant à d’autres critères, notamment de présentation, que ceux prévus pour les investissements nationaux par la législation du premier État membre irait non seulement à l’encontre du principe de bonne administration, mais surtout au-delà de ce qui est nécessaire afin de réaliser l’objectif d’efficacité des contrôles fiscaux.
(cf. points 43, 53, disp. 2)
3. Le principe d’effectivité s’oppose à une réglementation nationale modifiée qui, de manière rétroactive et sans aménager un délai transitoire, ne permet pas d’obtenir l’imputation de l’impôt des sociétés étranger ayant grevé des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre par la production soit d’une attestation relative à cet impôt conforme à la législation de l’État membre dans lequel le bénéficiaire de ces dividendes est assujetti à titre principal, soit de pièces justificatives permettant aux autorités fiscales de cet État membre de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avantage fiscal sont réunies. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer quel est le délai raisonnable pour la production de ladite attestation ou desdites pièces justificatives.
En effet, s'agissant de la restitution de taxes nationales indûment perçues, dès lors que les modalités de restitution sont modifiées par le droit national de manière rétroactive, le principe d’effectivité requiert que la nouvelle législation comporte un régime transitoire permettant aux justiciables de disposer d’un délai suffisant, après l’adoption de celle-ci, pour pouvoir introduire les demandes de remboursement qu’ils étaient en droit de présenter sous l’empire de l’ancienne législation.
(cf. points 57, 59, disp. 3)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
30 juin 2011 (*)
«Libre circulation des capitaux – Impôt sur le revenu – Attestation relative à l’impôt des sociétés effectivement acquitté afférente aux dividendes d’origine étrangère – Prévention de la double imposition des dividendes – Avoir fiscal pour les dividendes versés par des sociétés résidentes – Preuves exigées quant à l’impôt étranger imputable»
Dans l’affaire C-262/09,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Finanzgericht Köln (Allemagne), par décision du 14 mai 2009, parvenue à la Cour le 13 juillet 2009, rectifiée par décision du 10 août 2009, parvenue à la Cour le 7 septembre 2009, dans la procédure
Wienand Meilicke,
Heidi Christa Weyde,
Marina Stöffler
contre
Finanzamt Bonn-Innenstadt,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Levits (rapporteur), M. Safjan et Mme M. Berger, juges,
avocat général: Mme V. Trstenjak,
greffier: M. K. Malacek, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 octobre 2010,
considérant les observations présentées:
– pour M. Meilicke ainsi que Mmes Weyde et Stöffler, par Mes W. Meilicke et D. Rabback, Rechtsanwälte,
– pour le Finanzamt Bonn-Innenstadt, par Mme G. Sasonow et M. F. Mlosch, Prozessbevollmächtigte,
– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et W. Mölls, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 janvier 2011,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 CE et 58 CE, qui ont été remplacés, depuis le 1er décembre 2009, par les articles 63 TFUE et 65 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. W. Meilicke ainsi que Mmes Weyde et Stöffler, en leur qualité d’héritiers de M. H. Meilicke, décédé le 3 mai 1997, au Finanzamt Bonn-Innenstadt (administration des finances de Bonn-centre, ci-après le «Finanzamt») au sujet de l’imposition des dividendes versés au défunt au cours des années 1995 à 1997 par des sociétés établies au Danemark et aux Pays-Bas.
Le cadre juridique
Le droit communautaire
3 Inscrit sous le chapitre 4, intitulé «Les capitaux et les paiements», du titre III, lui-même intitulé «La libre circulation des personnes, des services et des capitaux», de la troisième partie du traité CE, consacrée aux politiques de la Communauté européenne, l’article 56, paragraphe 1, CE énonçait:
«Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.»
4 L’article 58, paragraphe 1, CE prévoyait:
«L’article 56 CE ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:
a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;
[…]»
5 L’article 58, paragraphe 3, CE disposait:
«Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56 CE.»
6 L’article 2, paragraphe 1, de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects (JO L 336, p. 15), dispose:
«1. L’autorité compétente d’un État membre peut demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de lui communiquer les informations visées à l’article 1er paragraphe 1 en ce qui concerne un cas précis. […]»
Le droit allemand applicable pour les années 1995 à 1997
7 Conformément aux articles 1er, 2 et 20 de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz) du 7 septembre 1990 (BGBl. 1990 I, p. 1898), telle que modifiée par la loi du 13 septembre 1993 (BGBl. 1993 I, p. 1569, ci-après l’«EStG»), les dividendes dont bénéficie une personne domiciliée et donc assujettie à l’impôt sur le revenu à titre principal en Allemagne y sont imposables en tant que revenus de capitaux.
8 Conformément à l’article 27, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz) du 11 mars 1991 (BGBl. 1991 I, p. 638), telle que modifiée par la loi du 13 septembre 1993 (ci-après le «KStG»), les dividendes distribués par des sociétés de capitaux assujetties à l’impôt des sociétés à titre principal en Allemagne sont taxés au titre de cet impôt à hauteur de 30 %. Ce fait se traduit par une distribution de 70 % des bénéfices avant impôt et un avoir fiscal de 30/70, soit 3/7 des dividendes perçus.
9 En vertu de l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, de l’EStG, tel qu’interprété à la lumière de l’arrêt de la Cour du 6 mars 2007, Meilicke e.a. (C-292/04, Rec. p. I-1835), cet avoir fiscal s’applique aux dividendes perçus de sociétés de capitaux assujetties à l’impôt à titre principal en Allemagne ou dans un autre État membre. Par conséquent, les assujettis à l’impôt sur le revenu à titre principal en Allemagne bénéficient dudit avoir fiscal lorsqu’ils perçoivent des dividendes de sociétés allemandes ou de sociétés étrangères.
10 Aux termes de l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, quatrième phrase, sous b), de l’EStG, l’imputation de l’impôt des sociétés n’a pas lieu, notamment, lorsque l’attestation fiscale visée aux articles 44 et suivants du KStG n’est pas présentée.
11 L’article 44 du KStG prévoit:
«1. La société intégralement assujettie à l’impôt qui fait, pour son propre compte, des paiements qui sont, pour les associés, des revenus au sens de l’article 20, paragraphe 1, points 1 ou 2, de l’EStG est, sous réserve du paragraphe 2, tenue d’établir, à la demande de ses associés, une attestation relative à l’impôt des sociétés répondant au modèle prescrit par l’administration, contenant les indications suivantes:
1. les nom et adresse de l’associé;
2. le montant des paiements;
3. la date du règlement;
4. le montant de l’impôt des sociétés imputable au titre de l’article 36, paragraphe 2, point 3, première phrase, de l’EStG;
5. le montant de l’impôt des sociétés à rembourser au sens de l’article 52; il suffit que l’indication se rapporte à une action, à une part ou à un droit de jouissance unique;
6. la proportion dans laquelle le paiement est réputé avoir utilisé le poste du capital visé à l’article 30, paragraphe 2, point 1;
7. la proportion dans laquelle le paiement est réputé avoir utilisé le poste du capital visé à l’article 30, paragraphe 2, point 4.
[…]»
12 L’article 175 du code des impôts (Abgabenordnung), introduit par la loi du 16 mars 1976 (BGBl. 1976 I, p. 613, et rectificatif, BGBl. 1977 I, p. 269), dans la version publiée le 1er octobre 2002 (BGBl. 2002 I, p. 3866, et rectificatif, BGBl. 2003 I, p. 61, ci-après l’«AO»), prévoit:
«(1) L’avis d’imposition doit être établi, annulé ou modifié,
[…]
2. si un événement survient qui a un effet fiscal pour le passé (événement ayant un effet rétroactif).
Dans les cas visés à la première phrase, point 2, le délai pour la détermination de l’impôt commence à l’expiration de l’année civile au cours de laquelle l’événement est survenu.
[…]»
13 Le 9 décembre 2004, l’AO a été modifiée, en ce qui concerne le caractère définitif des avis d’imposition et leur modification en cas d’événements ayant un effet rétroactif, par la loi portant transposition de directives de l’Union européenne dans le droit fiscal interne et modification d’autres dispositions (Gesetz zur Umsetzung von EU-Richtlinien in nationales Steuerrecht und zur Änderung weiterer Vorschriften, BGBl. 2004 I, p. 3310, ci-après l’«AO modifiée»). Tel qu’il résulte de l’article 8 de cette loi modificative, l’article 175, paragraphe 2, seconde phrase, de l’AO modifiée se lit comme suit:
«La délivrance ou production ultérieure d’une attestation ou d’un certificat n’ont pas valeur d’événement ayant un effet rétroactif.»
14 Afin de délimiter le champ d’application temporel de l’article 175, paragraphe 2, seconde phrase, de l’AO modifiée, l’article 97, paragraphe 9, troisième alinéa, de la loi d’introduction du code des impôts (Einführungsgesetz zur Abgabenordnung) du 14 décembre 1976 (BGBl. 1976 I, p. 3341, et rectificatif BGBl. 1977 I, p. 667, ci-après l’«EGAO») a lui-même été modifié, se lisant désormais comme suit:
«L’article 175, paragraphe 2, seconde phrase, de l’AO [modifiée] s’applique lorsque l’attestation ou le certificat est produit ou délivré après le 28 octobre 2004. […]»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
15 M. H. Meilicke, qui était domicilié en Allemagne, possédait des actions de sociétés établies aux Pays-Bas et au Danemark. Au cours des années 1995 à 1997, il avait perçu, à ce titre, des dividendes pour un montant total de 39 631,32 DEM, soit 20 263,17 euros.
16 Par lettre du 30 octobre 2000, les requérants au principal ont demandé au Finanzamt un avoir fiscal égal à 3/7 de ces dividendes, à déduire de l’impôt sur le revenu établi au nom de M. H. Meilicke.
17 Le Finanzamt a rejeté cette demande, au motif que seul l’impôt sur les sociétés frappant une société assujettie à titre principal à l’impôt des sociétés en Allemagne peut être imputé sur l’impôt sur le revenu.
18 Les requérants au principal ont introduit un recours contre cette décision devant le Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne), lequel, par décision du 24 juin 2004, a posé à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 36, paragraphe 2, point 3, de [l’EStG], en vertu duquel seul l’impôt sur les sociétés d’une société ou d’une association assujettie à titre principal à l’impôt sur les sociétés est imputé sur l’impôt sur le revenu, à hauteur de 3/7 des revenus au sens de l’article 20, paragraphe 1, points 1 ou 2, de l’EStG, est-il compatible avec les articles 56, paragraphe 1, CE et 58, paragraphes 1, sous a), et 3, CE?»
19 Par suite de l’arrêt du 7 septembre 2004, Manninen, (C-319/02, Rec. p. I-7477), les requérants au principal ont modifié leur demande par mémoires des 7 janvier 2005, 16 mai 2007 et 23 novembre 2007, en réclamant un avoir fiscal au titre de l’impôt des sociétés non plus à concurrence de 3/7 des dividendes litigieux, mais à concurrence de 34/66 des dividendes bruts d’origine danoise et de 35/65 des dividendes bruts d’origine néerlandaise.
20 Par l’arrêt Meilicke e.a., précité, la Cour a dit pour droit:
«Les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation fiscale en vertu de laquelle, lors d’une distribution de dividendes par une société de capitaux, un actionnaire assujetti à titre principal dans un État membre bénéficie d’un avoir fiscal, calculé en fonction du taux d’imposition des bénéfices distribués au titre de l’impôt sur les sociétés, lorsque la société distributrice est établie dans le même État membre mais non lorsque ladite société est établie dans un autre État membre.»
21 Par suite de cet arrêt, la juridiction de renvoi considère qu’il y a lieu de reconnaître aux requérants au principal le droit à deux avoirs fiscaux, calculés en fonction du taux d’imposition des bénéfices distribués au titre de l’impôt des sociétés des États membres où sont établies les sociétés distributrices.
22 Le Finanzgericht Köln constate cependant que les montants effectivement payés au titre de cet impôt aux Pays-Bas et au Danemark ne peuvent, en pratique, pas être déterminés. En conséquence, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la démarche à suivre, en particulier concernant le calcul concret devant permettre de déterminer le montant des avoirs fiscaux auquel peuvent prétendre les requérants au principal. À cet égard, ladite juridiction envisage trois solutions possibles, à savoir, premièrement, appliquer une règle nationale disposant que l’impôt des sociétés grevant les dividendes d’origine étrangère est imputé sur l’impôt sur le revenu à hauteur de la fraction applicable en ce qui concerne les dividendes bruts distribués par les sociétés nationales, deuxièmement, procéder à une estimation du taux de l’impôt des sociétés étranger grevant les dividendes d’origine étrangère ou, troisièmement, déterminer aussi exactement que possible les montants prélevés au titre de l’impôt des sociétés étranger. Dans cette dernière hypothèse, elle se demande quels sont les éléments de preuve nécessaires pour pouvoir procéder au calcul de l’avoir fiscal.
23 Dans ce contexte, le Finanzgericht Köln a de nouveau décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) La libre circulation des capitaux, consacrée par l’article 56, paragraphe 1, CE et par l’article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, CE ainsi que le principe d’effectivité et le principe de l’effet utile s’opposent-ils à une règle telle que l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, de l’EStG (dans la version en vigueur au cours des exercices en cause [au principal]), prévoyant que l’impôt des sociétés est imputé sur l’impôt sur le revenu à hauteur de 3/7 des dividendes bruts pour autant que ceux-ci ne proviennent pas de versements pour lesquels le capital propre visé à l’article 30, paragraphe 2, point 1, du KStG (dans la version en vigueur au cours des exercices en cause [au principal]) est réputé utilisé, bien que l’impôt des sociétés effectivement acquitté qui grève les dividendes versés par une société établie dans un autre État membre ne puisse pratiquement pas être déterminé et puisse être supérieur?
2) La libre circulation des capitaux […] ainsi que le principe d’effectivité et le principe de l’effet utile s’opposent-ils à une règle telle que l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, quatrième phrase, sous b), de l’EStG (dans la version en vigueur au cours des exercices en cause [au principal]), en vertu duquel l’imputation de l’impôt des sociétés [sur l’impôt sur le revenu] requiert de produire l’attestation relative à l’impôt des sociétés visée aux articles 44 et suivants du KStG (dans la version en vigueur au cours des exercices en cause [au principal]), qui doit indiquer notamment le montant imputable de l’impôt des sociétés ainsi que la consistance du paiement en précisant les différents postes du capital propre utilisable, selon la ventilation spéciale du capital propre visée à l’article 30 du KStG (dans la version en vigueur au cours des exercices en cause [au principal]), bien que l’impôt des sociétés étranger effectivement acquitté, appelé à être imputé, soit pratiquement impossible à déterminer et que [ladite] attestation afférente aux dividendes d’origine étrangère soit pratiquement impossible à produire?
3) Si l’attestation relative à l’impôt des sociétés visée à l’article 44 du KStG (dans la version en vigueur au cours des exercices en cause [au principal]) est effectivement impossible à produire et que l’impôt des sociétés effectivement acquitté qui grève les dividendes d’origine étrangère ne peut pas être déterminé, la libre circulation des capitaux […] commande-t-elle d’estimer le taux [de l’imposition] au titre de l’impôt des sociétés et, le cas échéant, de prendre en compte à cet égard les impositions intervenues indirectement en amont au titre de l’impôt des sociétés?
4) a) Si la deuxième question appelle une réponse négative, et [donc] qu’une attestation relative à l’impôt des sociétés est […] nécessaire, faut-il comprendre les principes d’effectivité et de l’effet utile en ce sens qu’ils s’opposent à une règle telle que celle découlant des dispositions combinées de l’article 175, paragraphe 2, deuxième phrase, de l’AO [modifiée] et de l’article 97, paragraphe 9, troisième alinéa, de l’EGAO, qui, depuis le 29 octobre 2004, n’assimilent plus à un événement ayant un effet rétroactif notamment la production d’une attestation relative à l’impôt des sociétés, rendant de ce fait techniquement impossible l’imputation de l’impôt des sociétés étranger lorsque les avis d’imposition [relatifs à l’impôt sur le revenu dû en Allemagne] sont définitifs, sans avoir aménagé un délai transitoire permettant de faire jouer l’imputation de l’impôt des sociétés étranger?
b) Si la deuxième question appelle une réponse affirmative, et [donc] qu’aucune attestation relative à l’impôt des sociétés n’est nécessaire, faut-il comprendre l’article 56 CE [ainsi que] les principes d’effectivité et de l’effet utile en ce sens qu’ils s’opposent à une règle telle que l’article 175, paragraphe 1, point 2, de l’AO, disposant qu’un avis d’imposition est modifié lorsque survient un événement ayant un effet rétroactif, notamment la production d’une attestation relative à l’impôt des sociétés, permettant ainsi d’imputer l’impôt des sociétés pour des dividendes d’origine allemande même si les avis d’imposition sont définitifs alors que cela ne serait pas possible pour des dividendes d’origine étrangère, faute d’attestation relative à l’impôt des sociétés [étranger]?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
24 Par cette question, lue en liaison avec les deux suivantes, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens que, à défaut de production des éléments de preuve requis selon la législation d’un État membre pour pouvoir bénéficier d’un avoir fiscal relatif à l’impôt des sociétés ayant grevé des dividendes, ils s’opposent à l’application d’une disposition telle que l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, de l’EStG, en vertu duquel l’impôt des sociétés grevant les dividendes d’origine étrangère est imputé sur l’impôt sur le revenu à hauteur de la fraction de l’impôt des sociétés grevant les dividendes bruts distribués par les sociétés nationales.
25 Dans la motivation de l’arrêt Meilicke e.a., précité, la Cour a tout d’abord relevé que le Finanzgericht Köln avait introduit sa demande de décision préjudicielle avant que ne soit rendu l’arrêt Manninen, précité.
26 La Cour a ensuite rappelé que, conformément au point 54 dudit arrêt Manninen, le calcul d’un avoir fiscal octroyé à un actionnaire assujetti à l’impôt à titre principal en Finlande qui a reçu des dividendes d’une société établie dans un autre État membre doit tenir compte de l’impôt effectivement payé par la société établie dans cet autre État membre, tel que découlant des règles générales applicables au calcul de la base d’imposition ainsi que du taux de l’impôt des sociétés dans ce dernier État membre (arrêt Meilicke e.a., précité, point 15).
27 Tenant compte, d’une part, de la revendication des requérants au principal d’un avoir fiscal correspondant à 34/66 des dividendes d’origine danoise et à 35/65 des dividendes d’origine néerlandaise, et, d’autre part, de la position du gouvernement allemand selon laquelle, dans le cas de dividendes d’origine étrangère, un avoir fiscal ne pourrait être accordé forfaitairement à hauteur de 3/7 des dividendes perçus, l’avoir fiscal devant être lié au taux d’imposition applicable aux bénéfices distribués conformément à la législation relative à l’impôt des sociétés de l’État membre sur le territoire duquel est établie la société ayant versé ces dividendes (arrêt Meilicke e.a., précité, points 16 et 17), la Cour a confirmé la jurisprudence résultant de l’arrêt Manninen, précité.
28 Il découle de ce qui précède que, par sa réponse à la question préjudicielle dans l’arrêt Meilicke e.a., précité, rappelée au point 20 du présent arrêt, la Cour a exclu que le calcul de l’avoir fiscal auquel a droit un actionnaire assujetti à titre principal dans un État membre en rapport avec les dividendes distribués par une société de capitaux établie dans un autre État membre puisse se faire sur une base autre que celle du taux d’imposition des bénéfices distribués au titre de l’impôt des sociétés applicable à la société distributrice selon le droit de son État membre d’établissement.
29 En outre, la Cour a déjà jugé que, lorsqu’un État membre connaît un système de prévention ou d’atténuation de l’imposition en chaîne ou de la double imposition économique dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, il doit accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2004, Lenz, C-315/02, Rec. p. I-7063, points 27 à 49; Manninen, précité, points 29 à 55, et du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C-374/04, Rec. p. I-11673, point 55).
30 En effet, dans le cadre de tels systèmes, la situation d’actionnaires résidents d’un État membre percevant des dividendes d’une société établie dans ce même État membre est comparable à celle d’actionnaires résidents de celui-ci percevant des dividendes d’une société établie dans un autre État membre, dans la mesure où tant les dividendes d’origine nationale que ceux d’origine étrangère sont susceptibles de faire l’objet, d’une part, dans le cas d’actionnaires sociétés, d’une imposition en chaîne et, d’autre part, dans le cas d’actionnaires finals, d’une double imposition économique (voir, en ce sens, arrêts précités Lenz, points 31 et 32; Manninen, points 35 et 36, ainsi que Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, point 56).
31 À la lumière de cette jurisprudence, un État membre tel que la République fédérale d’Allemagne est, eu égard à son système de prévention de la double imposition économique, tenu d’accorder, dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes, un traitement équivalent à celui prévu pour les dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes. Cela implique qu’il y a lieu de transposer ce système national, dans toute la mesure du possible, aux cas de figure transfrontaliers. Ainsi, dans les situations pour lesquelles une prise en compte des impositions intervenues indirectement en amont au titre de l’impôt des sociétés n’est pas possible au niveau national, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier, une telle prise en compte n’est pas à opérer concernant des dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes.
32 Dans un contexte comme celui de l’affaire au principal, l’obligation d’un État membre de neutraliser une double imposition économique au niveau d’une personne physique bénéficiaire ultime de dividendes d’origine étrangère est limitée à la déduction de l’impôt des sociétés payé par la société distributrice pour ces dividendes, selon le droit de son État membre d’établissement, de l’impôt sur le revenu à acquitter par l’actionnaire au titre desdits dividendes.
33 En effet, ainsi que le font valoir le Finanzamt et le gouvernement allemand, la libre circulation des capitaux, consacrée à l’article 56, paragraphe 1, CE, ne saurait avoir pour effet d’imposer aux États membres d’aller au-delà d’une annulation de l’impôt national sur le revenu à acquitter par l’actionnaire au titre des dividendes d’origine étrangère perçus et de procéder à un remboursement d’un montant trouvant son origine dans le système fiscal d’un autre État membre (voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, Rec. p. I-11753, point 52), sous peine, pour le premier État membre, de voir son autonomie fiscale restreinte par l’exercice du pouvoir fiscal de l’autre État membre (voir, notamment, arrêts Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 47; du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, C-194/06, Rec. p. I-3747, point 30, ainsi que du 16 juillet 2009, Damseaux, C-128/08, Rec. p. I-6823, point 25).
34 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question posée, lue en liaison avec les deux suivantes, que, pour le calcul du montant de l’avoir fiscal auquel a droit un actionnaire assujetti à titre principal dans un État membre relativement à des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre, les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à l’application, à défaut de production des éléments de preuve requis selon la législation du premier État membre, d’une disposition telle que l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, de l’EStG, en vertu de laquelle l’impôt des sociétés grevant les dividendes d’origine étrangère est imputé sur l’impôt sur le revenu de l’actionnaire à hauteur de la fraction de l’impôt des sociétés frappant les dividendes bruts distribués par les sociétés du premier État membre. Le calcul de l’avoir fiscal doit être effectué en fonction du taux d’imposition des bénéfices distribués au titre de l’impôt des sociétés applicable à la société distributrice selon le droit de son État membre d’établissement, sans toutefois que le montant à imputer puisse dépasser le montant de l’impôt sur le revenu à acquitter sur les dividendes perçus par l’actionnaire bénéficiaire dans l’État membre où celui-ci est assujetti à titre principal.
Sur les deuxième et troisième questions
35 Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande si les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’application d’une disposition telle que l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, quatrième phrase, sous b), de l’EStG, en vertu de laquelle le degré de détail ainsi que la forme de présentation des éléments de preuve à apporter par un actionnaire assujetti à titre principal dans un État membre pour pouvoir y bénéficier d’un avoir fiscal en rapport avec la perception de dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre doivent être les mêmes que ceux requis lorsque la société distributrice est établie dans le premier État membre. Dans l’affirmative, elle se demande à quel degré de précision doivent satisfaire les éléments de preuve produits afin d’établir le taux de l’impôt des sociétés étranger ayant grevé des dividendes en vue de déterminer le montant de l’avoir fiscal auquel leur bénéficiaire a droit et, le cas échéant, si les articles 56 CE et 58 CE permettent au juge national d’estimer ledit taux d’imposition.
36 Afin de répondre à ces questions, il y a lieu de souligner, tout d’abord, que, le taux d’imposition des bénéfices distribués au titre de l’impôt des sociétés applicable à la société distributrice de dividendes étant déterminant pour le calcul de l’avoir fiscal auquel l’actionnaire a droit dans l’État membre de sa résidence, ce taux doit être déterminé de la manière la plus précise possible. Ainsi, il est d’emblée exclu de baser le calcul de cet avoir fiscal sur une simple estimation du taux pertinent.
37 Il y a lieu de constater, ensuite, qu’il est inhérent au principe de l’autonomie fiscale des États membres que ces derniers déterminent quels sont, selon le système national qui leur est propre, les éléments de preuve requis afin de bénéficier d’un tel avoir fiscal.
38 Néanmoins, l’exercice de cette autonomie fiscale des États membres doit se faire dans le respect des exigences découlant du droit de l’Union, notamment celles imposées par les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux.
39 À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que d’éventuelles difficultés quant à la détermination de l’impôt effectivement payé dans un autre État membre ne sauraient justifier un obstacle à la libre circulation des capitaux (voir arrêts précités Manninen, point 54, et Test Claimants in the FII Group Litigation, point 70).
40 En l’occurrence, force est de constater qu’une législation nationale telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le crédit d’impôt n’est accordé que moyennant la production d’une attestation conforme au système interne de l’État membre concerné, sans possibilité aucune pour l’actionnaire de prouver par d’autres éléments et informations pertinents le montant de l’impôt effectivement versé par la société distributrice de dividendes, constitue une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux interdite par le paragraphe 3, de l’article 65 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 27 janvier 2009, Persche, C-318/07, Rec. p. I-359, point 72).
41 Certes, il ressort de la jurisprudence que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité et qu’un État membre est autorisé à appliquer des mesures qui permettent la vérification, de façon claire et précise, du montant des frais, déductibles dans cet État membre, qui ont été engagés dans un autre État membre (voir, notamment, arrêts du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer, C-250/95, Rec. p. I-2471, point 31, ainsi que du 10 mars 2005, Laboratoires Fournier, C-39/04, Rec. p. I-2057, point 24).
42 Toutefois, une mesure restrictive, pour pouvoir être justifiée, doit respecter le principe de proportionnalité, en ce sens qu’elle doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir, notamment, arrêts du 18 décembre 2007, A, C-101/05, Rec. p. I-11531, points 55 et 56, ainsi que Persche, précité, point 52).
43 Or, une réglementation d’un État membre qui empêcherait de manière absolue les personnes assujetties à l’impôt sur le revenu à titre principal dans cet État membre ayant investi dans des sociétés de capitaux établies dans un autre État membre de fournir des éléments de preuve répondant à d’autres critères, notamment de présentation, que ceux prévus pour les investissements nationaux par la législation du premier État membre irait non seulement à l’encontre du principe de bonne administration, mais surtout au-delà de ce qui est nécessaire afin de réaliser l’objectif d’efficacité des contrôles fiscaux.
44 En effet, il ne saurait être exclu, a priori, que lesdits actionnaires soient en mesure de fournir des pièces justificatives pertinentes permettant aux autorités fiscales de l’État membre d’imposition de vérifier, de façon claire et précise, la réalité et la nature des retenues d’impôt opérées dans d’autres États membres (voir, par analogie, arrêts précités Laboratoires Fournier, point 25, et Persche, point 53).
45 Quant à la charge de la preuve et au degré de précision auquel doivent satisfaire les éléments de preuve requis afin de bénéficier d’un avoir fiscal en rapport avec des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que les autorités fiscales d’un État membre sont en droit d’exiger du contribuable les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier si les conditions d’un avantage fiscal prévu par la législation en cause sont réunies et, en conséquence, s’il y a lieu ou non d’accorder ledit avantage (voir arrêt du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C-436/08 et C-437/08, non encore publié au Recueil, point 95 et jurisprudence citée).
46 Une telle appréciation ne doit pas être effectuée de manière trop formaliste, de sorte que la production de pièces justificatives qui n’ont pas le degré de détail et ne se présentent pas sous la forme de l’attestation relative à l’impôt des sociétés prévus par la législation de l’État membre d’imposition d’un actionnaire ayant perçu des dividendes d’une société de capitaux établie dans un autre État membre, mais qui permettent néanmoins aux autorités fiscales de l’État membre d’imposition de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avantage fiscal sont réunies, doit être considérée par ces autorités comme équivalente à la production de ladite attestation.
47 Ce n’est qu’à défaut, pour l’actionnaire intéressé, de fournir des informations telles que mentionnées au point précédent du présent arrêt que les autorités fiscales concernées peuvent refuser l’avantage fiscal demandé.
48 En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la défaillance du flux d’informations à laquelle l’investisseur se trouve confronté n’est pas un problème dont l’État membre concerné doit répondre (voir arrêt Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, précité, point 98).
49 Dans le cadre de cet arrêt, qui concerne une société bénéficiaire de dividendes, mais qui vaut également pour une personne physique dans la même situation, la Cour rappelle par ailleurs la portée de la directive 77/799, dont l’objectif est de prévenir la fraude fiscale.
50 À cet égard, le fait que, pour les dividendes distribués par des sociétés établies dans des États membres autres que celui accordant un avoir fiscal, l’administration fiscale de ce dernier État membre puisse avoir recours au mécanisme d’assistance mutuelle prévu par la directive 77/799 n’implique pas qu’elle serait tenue de dispenser la société bénéficiaire de dividendes de lui apporter la preuve de l’impôt acquitté par la société distributrice dans un autre État membre (voir arrêt Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, précité, point 100).
51 En effet, la directive 77/799 prévoyant la faculté pour les autorités fiscales nationales de demander des informations qu’elles ne peuvent obtenir elles-mêmes, l’emploi, à son article 2, paragraphe 1, du terme «peut» est de nature à indiquer que, si ces autorités ont la possibilité de demander des informations à l’autorité compétente d’un autre État membre, une telle demande ne constitue nullement une obligation. Il appartient à chaque État membre d’apprécier les cas spécifiques dans lesquels des informations concernant les transactions effectuées par les assujettis établis sur son territoire font défaut et de décider si ces cas justifient la présentation d’une demande d’information à un autre État membre (arrêt Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, précité, point 101 et jurisprudence citée).
52 Par conséquent, la directive 77/799 n’impose pas auxdites autorités fiscales de recourir au mécanisme d’assistance mutuelle qu’elle prévoit dès que les informations fournies par un assujetti ne suffisent pas pour vérifier si celui-ci remplit les conditions fixées par la législation nationale pour avoir droit à un avoir fiscal (voir, en ce sens, arrêt Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, précité, point 102 et jurisprudence citée).
53 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions posées que, s’agissant du degré de précision auquel doivent satisfaire les éléments de preuve requis afin d’obtenir un avoir fiscal relatif à des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un État membre autre que celui où le bénéficiaire est assujetti à titre principal, les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à l’application d’une disposition telle que l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, quatrième phrase, sous b), de l’EStG, en vertu de laquelle le degré de détail ainsi que la forme de présentation des éléments de preuve à apporter par un tel bénéficiaire doivent être les mêmes que ceux requis lorsque la société distributrice est établie dans l’État membre d’imposition de ce bénéficiaire. Les autorités fiscales de ce dernier État membre sont en droit d’exiger dudit bénéficiaire qu’il fournisse des pièces justificatives leur permettant de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avoir fiscal prévu par la législation nationale sont réunies sans pouvoir procéder à une estimation dudit avoir fiscal.
Sur la quatrième question
54 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le principe d’effectivité doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation telle que celle découlant des dispositions combinées de l’article 175, paragraphe 2, deuxième phrase, de l’AO modifiée et de l’article 97, paragraphe 9, troisième alinéa, de l’EGAO, qui, de manière rétroactive et sans aménager une période transitoire, ne permet pas à une personne assujettie à titre principal dans l’État membre concerné d’obtenir l’imputation de l’impôt des sociétés étranger ayant grevé les dividendes versés à cette personne par une société de capitaux établie dans un autre État membre par la production soit d’une attestation relative à cet impôt conforme aux exigences de la législation du premier État membre, soit de pièces justificatives permettant aux autorités fiscales de celui-ci de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention de cet avantage fiscal sont réunies.
55 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, les modalités procédurales visant à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir arrêts du 7 janvier 2004, Wells, C-201/02, Rec. p. I-723, point 67, ainsi que du 19 septembre 2006, i-21 Germany et Arcor, C-392/04 et C-422/04, Rec. p. I-8559, point 57).
56 En ce qui concerne ce dernier principe, la Cour a reconnu la compatibilité avec le droit de l’Union de la fixation de délais raisonnables de recours, à peine de forclusion, dans l’intérêt de la sécurité juridique, qui protège à la fois le contribuable et l’administration concernés. En effet, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 17 novembre 1998, Aprile, C-228/96, Rec. p. I-7141, point 19).
57 Par ailleurs, s’agissant de la restitution de taxes nationales indûment perçues, la Cour a précisé que, dès lors que les modalités de restitution sont modifiées par le droit national de manière rétroactive, le principe d’effectivité requiert que la nouvelle législation comporte un régime transitoire permettant aux justiciables de disposer d’un délai suffisant, après l’adoption de celle-ci, pour pouvoir introduire les demandes de remboursement qu’ils étaient en droit de présenter sous l’empire de l’ancienne législation (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2002, Marks & Spencer, C-62/00, Rec. p. I-6325, point 38, ainsi que du 24 septembre 2002, Grundig Italiana, C-255/00, Rec. p. I-8003, point 37).
58 Or, il ressort de la décision de renvoi que les dispositions combinées de l’article 175, paragraphe 2, deuxième phrase, de l’AO et de l’article 97, paragraphe 9, troisième alinéa, de l’EGAO, dans leur version du 9 décembre 2004, ont modifié le droit national de manière rétroactive sans qu’un régime transitoire permette aux actionnaires concernés de faire valoir leur droit à un avoir fiscal. Par conséquent, le principe d’effectivité s’oppose à une telle modification législative, dès lors qu’elle n’accorde pas aux contribuables un délai raisonnable pour faire valoir leur droit à un avoir fiscal durant une période de transition. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer ce délai afin de permettre aux actionnaires de faire valoir lesdits droits, par la production soit d’une attestation de l’impôt des sociétés au sens de la législation nationale, soit de pièces justificatives visées au point 54 du présent arrêt.
59 Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la quatrième question posée que le principe d’effectivité s’oppose à une réglementation nationale telle que celle découlant des dispositions combinées de l’article 175, paragraphe 2, deuxième phrase, de l’AO modifiée et de l’article 97, paragraphe 9, troisième alinéa, de l’EGAO, tel que modifié, qui, de manière rétroactive et sans aménager un délai transitoire, ne permet pas d’obtenir l’imputation de l’impôt des sociétés étranger ayant grevé des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre par la production soit d’une attestation relative à cet impôt conforme à la législation de l’État membre dans lequel le bénéficiaire de ces dividendes est assujetti à titre principal, soit de pièces justificatives permettant aux autorités fiscales de cet État membre de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avantage fiscal sont réunies. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer quel est le délai raisonnable pour la production de ladite attestation ou desdites pièces justificatives.
Sur les dépens
60 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
1) Pour le calcul du montant de l’avoir fiscal auquel a droit un actionnaire assujetti à titre principal dans un État membre relativement à des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre, les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à l’application, à défaut de production des éléments de preuve requis selon la législation du premier État membre, d’une disposition telle que l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz) du 7 septembre 1990, telle que modifiée par la loi du 13 septembre 1993, en vertu de laquelle l’impôt des sociétés grevant les dividendes d’origine étrangère est imputé sur l’impôt sur le revenu de l’actionnaire à hauteur de la fraction de l’impôt des sociétés frappant les dividendes bruts distribués par les sociétés du premier État membre.
Le calcul de l’avoir fiscal doit être effectué en fonction du taux d’imposition des bénéfices distribués au titre de l’impôt des sociétés applicable à la société distributrice selon le droit de son État membre d’établissement, sans toutefois que le montant à imputer puisse dépasser le montant de l’impôt sur le revenu à acquitter sur les dividendes perçus par l’actionnaire bénéficiaire dans l’État membre où celui-ci est assujetti à titre principal.
2) S’agissant du degré de précision auquel doivent satisfaire les éléments de preuve requis afin d’obtenir un avoir fiscal relatif à des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un État membre autre que celui où le bénéficiaire est assujetti à titre principal, les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à l’application d’une disposition telle que l’article 36, paragraphe 2, deuxième phrase, point 3, quatrième phrase, sous b), de la loi relative à l’impôt sur le revenu du 7 septembre 1990, telle que modifiée par la loi du 13 septembre 1993, en vertu de laquelle le degré de détail ainsi que la forme de présentation des éléments de preuve à apporter par un tel bénéficiaire doivent être les mêmes que ceux requis lorsque la société distributrice est établie dans l’État membre d’imposition de ce bénéficiaire.
Les autorités fiscales de ce dernier État membre sont en droit d’exiger dudit bénéficiaire qu’il fournisse des pièces justificatives leur permettant de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avoir fiscal prévu par la législation nationale sont réunies sans pouvoir procéder à une estimation dudit avoir fiscal.
3) Le principe d’effectivité s’oppose à une règlementation nationale telle que celle découlant des dispositions combinées de l’article 175, paragraphe 2, deuxième phrase, du code des impôts (Abgabenordnung), tel que modifié par la loi portant transposition de directives de l’Union européenne dans le droit fiscal interne et modification d’autres dispositions (Gesetz zur Umsetzung von EU-Richtlinien in nationales Steuerrecht und zur Änderung weiterer Vorschriften), et de l’article 97, paragraphe 9, troisième alinéa, de la loi d’introduction du code des impôts (Einführungsgesetz zur Abgabenordnung) du 14 décembre 1976, telle que modifiée, qui, de manière rétroactive et sans aménager un délai transitoire, ne permet pas d’obtenir l’imputation de l’impôt des sociétés étranger ayant grevé des dividendes versés par une société de capitaux établie dans un autre État membre par la production soit d’une attestation relative à cet impôt conforme à la législation de l’État membre dans lequel le bénéficiaire de ces dividendes est assujetti à titre principal, soit de pièces justificatives permettant aux autorités fiscales de cet État membre de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avantage fiscal sont réunies. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer quel est le délai raisonnable pour la production de ladite attestation ou desdites pièces justificatives.
Signatures
* Langue de procédure: l’allemand.