Affaire C-267/09
Commission européenne
contre
République portugaise
«Manquement d’État — Libre circulation des capitaux — Articles 56 CE et 40 de l’accord EEE — Restrictions — Fiscalité directe — Contribuables non-résidents — Obligation de désigner un représentant fiscal»
Sommaire de l'arrêt
1. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôt sur le revenu — Réglementation nationale imposant aux contribuables non-résidents la désignation d'un représentant fiscal
(Art. 56 CE; directive du Conseil 77/799)
2. Accords internationaux — Accord créant l'Espace économique européen — Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôt sur le revenu — Réglementation nationale imposant aux contribuables non-résidents la désignation d'un représentant fiscal
(Accord EEE, art. 40; directives du Conseil 77/799 et 2008/55)
1. Si la garantie d'efficacité des contrôles fiscaux et la lutte contre l’évasion fiscale peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité, une telle justification ne saurait être admise que si elle vise des montages purement artificiels dont le but est de contourner la loi fiscale, ce qui exclut toute présomption générale de fraude. Une présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale ne saurait suffire à justifier une mesure fiscale qui porte atteinte aux objectifs du traité. Or, une obligation de désigner un représentant fiscal visant tous les contribuables non-résidents qui perçoivent des revenus pour lesquels est exigé la présentation d’une déclaration fiscale fait peser sur toute une catégorie de contribuables, en raison du seul fait qu’ils ne sont pas résidents, une présomption d’évasion ou de fraude fiscale qui ne peut à elle seule justifier l’atteinte portée aux objectifs du traité.
Une telle obligation constitue une restriction à la libre circulation des capitaux consacrée à l’article 56 CE qui ne peut être regardée comme justifiée dès lors qu'elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un tel objectif et qu'il n'est pas établi que les mécanismes d'assistance mutuelle, dont dispose chaque État membre en vertu de la directive 77/799 concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects, seraient insuffisants pour atteindre ce même objectif.
Par conséquent, manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 56 CE un État membre qui maintient en vigueur une réglementation fiscale qui impose aux contribuables non-résidents de désigner un représentant fiscal dans cet État membre lorsqu'ils perçoivent des revenus pour lesquels est exigée la présentation d'une déclaration fiscale.
(cf. points 38, 42-43, 53, 61, disp. 1)
2. Si des restrictions à la libre circulation des capitaux entre ressortissants d’États parties à l’accord sur l'espace économique européen (EEE) doivent être appréciées au regard de l’article 40 et de l’annexe XII dudit accord, ces stipulations revêtent la même portée juridique que celle des dispositions, identiques en substance, de l’article 56 CE. Néanmoins, la jurisprudence relative aux restrictions à l’exercice des libertés de circulation au sein de l’Union ne saurait être intégralement transposée aux mouvements de capitaux entre les États membres et les États tiers, de tels mouvements s’inscrivant dans un contexte juridique différent.
Ainsi, si l'obligation de désignation d’un représentant fiscal à laquelle la législation d'un État membre soumet les non-résidents constitue une restriction non justifiée au regard de l'article 56 CE, cela ne signifie pas qu'une telle restriction ne puisse pas être justifiée au regard de l’article 40 de l’accord EEE.
En effet, dès lors que, d'une part, le cadre de coopération entre les autorités compétentes des États membres, établi par la directive 77/799, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects, ainsi que par la directive 2008/55, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures, n'existe pas entre lesdites autorités des États membres et les autorités compétentes d'un État tiers, lorsque ce dernier n'a pris aucun engagement d'assistance mutuelle, et que, d'autre part, des conventions liant l'État membre en cause aux États appartenant à l'EEE et non membres de l'Union ne comportent effectivement pas des mécanismes d'échange d'informations suffisants pour vérifier et contrôler les déclarations présentées par les assujettis résidant dans ces derniers États, l'obligation de désignation d’un représentant fiscal, en ce qu’elle vise les contribuables résidant dans les États parties à l’accord EEE et non membres de l’Union, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visant à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux et de la lutte contre l’évasion fiscale.
(cf. points 51-52, 54-57)
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
5 mai 2011 (*)
«Manquement d’État – Libre circulation des capitaux – Articles 56 CE et 40 de l’accord EEE – Restrictions – Fiscalité directe – Contribuables non-résidents – Obligation de désigner un représentant fiscal»
Dans l’affaire C-267/09,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 15 juillet 2009,
Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et G. Braga da Cruz, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
soutenue par:
Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,
partie intervenante,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, MM. K. Schiemann, L. Bay Larsen, Mmes C. Toader et A. Prechal, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ayant adopté et maintenu en vigueur l’article 130 du code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Código do Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Singulares, ci-après le «CIRS») qui impose aux contribuables non-résidents de désigner un représentant fiscal au Portugal, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE et 56 CE, ainsi que des articles correspondants de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).
Le cadre juridique
L’accord EEE
2 L’article 40 de l’accord EEE dispose:
«Dans le cadre du présent accord, les restrictions entre les parties contractantes aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres de [l’Union européenne] ou dans les États de l’[Association européenne de libre-échange (AELE)], ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement, sont interdites. Les dispositions nécessaires à l’application du présent article figurent à l’annexe XII.»
3 L’annexe XII de l’accord EEE, intitulée «Libre circulation des capitaux», fait référence à la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5). En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, les mouvements de capitaux sont classés selon la nomenclature établie à l’annexe I de ladite directive.
La réglementation nationale
4 L’article 130 du CIRS est ainsi rédigé:
«Représentants
1. Les non-résidents percevant des revenus soumis à l’[impôt sur le revenu], de même que les résidents quittant le territoire national pour plus de six mois, sont tenus de désigner à des fins fiscales une personne physique ou morale, domiciliée ou établie au Portugal, chargée de les représenter auprès de la direction générale des impôts et de veiller à l’accomplissement de leurs obligations fiscales.
2. La désignation visée au paragraphe 1, qui s’effectue dans le cadre de la déclaration de début d’activité, de modifications ou d’immatriculation fiscale, doit mentionner expressément l’acceptation du représentant.
3. En cas de non-respect des dispositions du paragraphe 1, et indépendamment des sanctions applicables à l’espèce, il n’y a pas lieu de procéder aux notifications prévues par le présent code, sans préjudice de la possibilité pour les assujettis de prendre connaissance des éléments qui les concerneraient en s’adressant au service compétent.»
5 Le décret-loi n° 463/79, du 30 novembre 1979, dans sa rédaction applicable en l’espèce, dispose à ses articles 2 et 3:
«Article 2
1. Aux fins d’attribution du numéro d’identification fiscale, toutes les personnes physiques percevant des revenus soumis à l’impôt, même exonérées du paiement de cet impôt, sont tenues de s’inscrire auprès d’un centre des impôts ou d’un service d’assistance aux contribuables. À cette fin, elles lui remettent un formulaire dûment rempli conforme au modèle n° 1, accompagné du modèle n° 3 en cas de désignation d’un représentant fiscal par un contribuable non-résident […]
[…]
Article 3
[…]
5. En ce qui concerne les assujettis non-résidents ne percevant sur le territoire portugais que des revenus soumis à un prélèvement libératoire, l’inscription visée à l’article 2, paragraphe 1, est effectuée par les mandataires fiscaux moyennant présentation du formulaire type qui doit être adopté par arrêté du ministre des finances.»
6 Ce formulaire type a été adopté par l’arrêté n° 21.305/2003 (Diário da República série II, n° 256, du 5 novembre 2003, p. 16629), qui précise que ce document est destiné exclusivement à l’inscription aux fins de l’attribution d’un numéro d’identification fiscale aux entités non-résidentes dont les revenus perçus sur le territoire portugais sont uniquement soumis à un prélèvement libératoire et ne concerne pas les entités qui, bien que non-résidentes, ont l’obligation légale d’obtenir un numéro d’identification fiscale. Le même arrêté précise, par ailleurs, que l’inscription est obligatoirement exigée par les entités qui sont tenues de procéder à la retenue à la source de l’impôt.
7 La circulaire n° 14/93 du 31 mai 1993 de la direction générale des impôts dispose, à son point 4:
«La nomination d’un représentant fiscal n’est pas obligatoire lorsqu’un non-résident ne perçoit sur le territoire portugais que des revenus soumis à un prélèvement libératoire, dans la mesure où la perception de tels revenus ne crée pas pour lui de devoirs accessoires dont il devrait s’acquitter.»
La procédure précontentieuse
8 La Commission, a adressé à la République portugaise, le 18 juillet 2007, une lettre de mise en demeure dans laquelle elle soutenait que l’obligation faite aux non-résidents de désigner un représentant fiscal résidant au Portugal était susceptible d’être incompatible avec le droit communautaire et l’accord EEE. La Commission considérait, en effet, que les dispositions en cause pouvaient s’avérer discriminatoires et constituer une infraction aux articles 18 CE et 56 CE, ainsi qu’aux articles correspondants de l’accord EEE.
9 Par une lettre du 18 octobre 2007, la République portugaise a contesté ces griefs.
10 Le 26 juin 2008, la Commission a adressé à la République portugaise un avis motivé et l’a invitée à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception.
11 Par une lettre du 11 février 2009, la République portugaise a répondu à cet avis motivé en faisant valoir que les dispositions de l’article 130 du CIRS n’étaient pas incompatibles avec les libertés reconnues par le traité CE et l’accord EEE ou qu’elles étaient justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, au nombre desquelles figurait l’objectif visant à assurer l’efficacité des contrôles fiscaux et à lutter contre l’évasion fiscale.
12 N’étant pas satisfaite de ces explications, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
13 La Commission soutient que l’article 130 du CIRS instaure une obligation générale de désignation d’un représentant fiscal, qui s’impose à la fois aux non-résidents percevant des revenus soumis à l’impôt sur le revenu et aux résidents qui quittent le territoire national pour une période supérieure à six mois. D’une part, cette règle générale et dépourvue d’ambiguïté ne dispenserait pas de cette obligation les non-résidents percevant uniquement des revenus soumis à un prélèvement libératoire. L’exception qui viserait, selon la République portugaise, cette catégorie de non-résidents ne saurait être déduite des dispositions réglementaires qu’invoque cet État membre, à savoir le décret-loi n° 463/79 et l’arrêté n° 21.305/2003. Une telle exception ne serait prévue que par une simple circulaire qui, eu égard à sa place dans la hiérarchie des normes, ne pourrait prévaloir sur les dispositions claires de l’article 130 du CIRS.
14 D’autre part, pour les non-résidents qui perçoivent au Portugal des revenus imposant la présentation d’une déclaration fiscale, l’obligation de désigner un représentant fiscal est, selon la Commission, contraire à la libre circulation des personnes et des capitaux dans la mesure où elle s’avère à la fois discriminatoire et disproportionnée au regard de l’objectif tendant à assurer l’efficacité du contrôle fiscal et à lutter contre l’évasion fiscale. En effet, outre que cette entrave au libre choix exercé par le contribuable conduirait en pratique et dans la plupart des cas à imposer une charge financière aux non-résidents, le procédé retenu serait excessif au regard de l’objectif recherché, puisque celui-ci pourrait être tout autant atteint par le recours à la directive 2008/55/CE du Conseil, du 26 mai 2008, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures (JO L 150, p. 28), que par le recours à la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects (JO L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992 (JO L 76, p. 1, ci-après la «directive 77/799»).
15 En ce qui concerne la situation des assujettis résidant dans des États tiers ou dans des États appartenant à l’Espace économique européen (EEE), mais non membres de l’Union, la Commission souligne, d’une part, que les conventions conclues par la République portugaise avec le Royaume de Norvège et la République d’Islande permettent déjà un échange d’informations dans le domaine fiscal et, d’autre part, que les dispositions législatives en cause ne pourraient valablement trouver à s’appliquer, au regard du droit de l’Union, que dans les cas où ces assujettis résident dans un pays n’ayant pas conclu avec la République portugaise une convention en matière de double imposition prévoyant un tel échange d’informations.
16 La Commission fait également valoir que l’article 18 CE peut être utilement invoqué en l’espèce et que cet article ne fait pas de distinction entre les citoyens économiquement actifs ou ceux qui ne le sont pas. L’obligation fixée à l’article 130 du CIRS ne concernant pas seulement les personnes économiquement actives est dès lors discriminatoire à l’égard de toutes les personnes qui exercent, ne serait-ce qu’à titre temporaire, leur droit à la libre circulation dans l’espace communautaire, consacré à l’article 18 CE.
17 La République e portugaise conteste la recevabilité d’une partie de l’argumentation de la Commission. Cette dernière aurait en effet, dans son mémoire en réplique, présenté de manière incertaine et incohérente son grief concernant les non-résidents soumis à un prélèvement libératoire. Par ailleurs, en soutenant dans ce même mémoire que l’article 130 du CIRS serait discriminatoire à l’égard non plus seulement des non-résidents, mais de toutes les personnes qui ont exercé leur droit à la libre circulation, la Commission aurait soulevé en cours d’instance un moyen nouveau, en méconnaissance des prescriptions de l’article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Elle n’aurait pas, en outre, formulé de manière cohérente et compréhensible ses griefs au regard de l’accord EEE, en ne précisant pas à quels articles de cet accord elle faisait référence et alors que celui-ci ne comporte pas de dispositions correspondant à l’article 18 CE.
18 Au fond, et s’agissant, en premier lieu, des contribuables non-résidents qui ne perçoivent au Portugal que des revenus soumis à prélèvement libératoire, la République portugaise soutient que la Commission ne saurait s’en tenir à la lettre du seul article 130 du CIRS pour établir le manquement allégué, alors que cette disposition, telle qu’elle est effectivement interprétée et appliquée, ne prévoirait pas, pour ces contribuables, d’obligation de désignation d’un représentant fiscal.
19 En effet, il résulterait de la procédure d’immatriculation simplifiée prévue par le décret-loi n° 463/79 et par l’arrêté n° 21.305/2003 qui est applicable auxdits contribuables que, dès lors que les entreprises, qui ont la qualité de «mandataires fiscaux», procèdent elles-mêmes au prélèvement libératoire et en sont responsables, et à défaut de toute autre obligation accessoire, ces contribuables n’auraient aucune obligation de désigner un représentant fiscal.
20 S’agissant, en second lieu, des non-résidents qui perçoivent au Portugal des revenus imposant la présentation d’une déclaration fiscale, la République portugaise fait valoir que, dès lors que l’article 130 du CIRS a pour objectif de garantir l’accomplissement effectif des formalités qui s’imposent aux contribuables éloignés du territoire portugais, cette mesure ne serait pas discriminatoire puisqu’elle s’appliquerait dans les mêmes conditions aux résidents et aux non-résidents. En outre, dès lors que les règles nationales ne prévoiraient pas que le mandat de représentation aurait un caractère onéreux, un tel caractère serait étranger à la législation fiscale en cause. La Commission ne saurait donc présumer l’existence d’une charge financière et ne justifierait pas, dès lors, le manquement allégué.
21 La République portugaise soutient également que, dans les conditions prévues à l’article 58, paragraphe 1, CE, l’article 130 du CIRS vise à assurer l’efficacité des contrôles fiscaux et à lutter contre l’évasion fiscale, raisons impérieuses d’intérêt général justifiant une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité. L’obligation de représentation n’irait donc pas au-delà de ce qui est nécessaire à cet égard et la directive 77/799, invoquée par la Commission, ne jouerait aucun rôle quant au respect par le contribuable de cette obligation. Par ailleurs, eu égard au rôle du représentant fiscal, tenu seulement d’accomplir des obligations accessoires à caractère formel, telles que la présentation des déclarations et la réception des notifications, la Commission ne saurait utilement invoquer la directive 2008/55, qui concerne le recouvrement de l’impôt, nullement en cause dans les fonctions exercées par ce représentant.
22 La République portugaise ajoute que la Commission ne peut davantage utilement invoquer l’article 18 CE, lequel ne viserait que les personnes économiquement inactives, qui ne sont pas concernées par l’article 130 du CIRS. Enfin, à l’égard des États qui sont parties à l’accord EEE, la jurisprudence relative aux restrictions à l’exercice des libertés de circulation ne saurait être intégralement transposée, le cadre de coopération établi par la directive 77/799 n’existant pas en tout état de cause dans ce contexte.
23 Dans son mémoire en intervention, le Royaume d’Espagne conclut au rejet du recours pour les mêmes motifs que ceux qu’invoque la République portugaise, tout en insistant sur le fait que la Commission n’aurait pas apporté la preuve du manquement allégué en ce qui concerne les non-résidents dont les revenus sont soumis à un prélèvement libératoire, lequel manquement, fondé sur sa propre interprétation de la loi nationale en cause, serait purement théorique.
24 Pour les autres non-résidents, la Commission, selon le Royaume d’Espagne, ne saurait invoquer l’article 18 CE, puisqu’elle n’établirait pas que la mesure nationale en cause s’appliquerait à des personnes économiquement inactives. Par ailleurs, cette mesure ne serait ni discriminatoire, puisque la situation des non-résidents n’est pas comparable à celle des résidents, ni disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, lequel ne pourrait être atteint par les directives invoquées par la Commission, qui, d’ailleurs, sont en cours de modification en raison de leur inefficacité. Par ailleurs, la Commission n’aurait apporté aucun élément de preuve de la contrariété avec les traités de l’application de la loi portugaise aux mouvements de capitaux avec les États tiers. Enfin, les directives sur l’assistance et la coopération ne seraient pas applicables dans les relations avec les États parties à l’accord EEE.
Appréciation de la Cour
Sur la recevabilité
25 Il résulte de l’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et de la jurisprudence y relative que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens, et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou n’omette de statuer sur un grief (voir, notamment, arrêt du 14 janvier 2010, Commission/République tchèque, C-343/08, non encore publié au Recueil, point 26 et jurisprudence citée).
26 Par le présent recours, la Commission vise, selon les termes des conclusions de sa requête à faire constater que la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE et 56 CE, ainsi que des articles correspondants de l’accord EEE.
27 En l’occurrence, il y a lieu de relever, en premier lieu, qu’il résulte clairement des moyens et des arguments exposés dans la requête de la Commission que cette dernière reproche à la République portugaise de maintenir des dispositions législatives qui seraient contraires aux principes de libre circulation consacrés par les articles invoqués du traité CE et de l’accord EEE.
28 En deuxième lieu, pour ce qui concerne l’argumentation relative à l’accord EEE, il convient de constater que, certes, la requête comportait une certaine imprécision à cet égard en se bornant, après avoir évoqué une violation des articles 18 CE et 56 CE, à faire état d’une violation des «articles correspondants» de cet accord. Toutefois, il est constant, d’une part, que la Commission a précisé dans sa réplique qu’elle entendait invoquer la méconnaissance du seul article 40 dudit accord. D’autre part, et en tout état de cause, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort du point 59 du mémoire en défense de la République portugaise, il est manifeste que cette dernière ne pouvait raisonnablement se méprendre sur le fait que le grief de la Commission se rapportant à l’accord EEE visait effectivement l’article 40 de cet accord. Dans ces conditions, la République portugaise a été en mesure de faire valoir utilement à cet égard ses moyens de défense.
29 En troisième lieu, si la République portugaise soutient que les arguments présentés par la Commission dans sa réplique rendent l’argumentation de cette dernière incohérente et incertaine, cette appréciation se rapporte au bien-fondé de cette argumentation et ne remet pas en cause la recevabilité du recours dès lors que les griefs avancés sont précis.
30 Enfin, en invoquant, dans sa réplique, le caractère discriminatoire de la mesure contestée également à l’encontre des résidents qui exercent temporairement leur droit à la libre circulation, la Commission s’est bornée à répondre à l’argumentation présentée en défense par la République portugaise et tirée de ce que la désignation d’un représentant fiscal s’imposait aux résidents comme aux non-résidents. Cette réponse ne saurait donc être analysée comme un moyen nouveau de la Commission.
31 Il ressort des considérations qui précèdent que le présent recours est recevable.
Sur le manquement allégué
32 Il y a lieu d’examiner si, ainsi que le soutient la Commission, l’article 130 du CIRS constitue une restriction à la libre circulation des capitaux, consacrée aux articles 56 CE et 40 de l’accord EEE, ainsi qu’à la libre circulation des personnes, consacrée à l’article 18 CE.
– Sur la méconnaissance de l’article 56, paragraphe 1, CE
33 Il est constant que l’article 130 du CIRS prévoit une obligation de désigner un représentant fiscal tant pour les non-résidents percevant des revenus soumis à l’impôt sur le revenu que pour les résidents qui quittent le territoire portugais pour une période supérieure à six mois. S’agissant de la question de savoir si un tel dispositif est susceptible de régir des situations entrant dans le champ d’application de l’article 56 CE, il y a lieu de relever que la République portugaise ne conteste pas que l’obligation prévue à l’article 130 du CIRS s’applique dans le cas, invoqué par la Commission, de mouvements de capitaux liés à des investissements immobiliers.
34 Selon une jurisprudence constante, les mouvements de capitaux comprennent les opérations par lesquelles des non-résidents effectuent des investissements immobiliers sur le territoire d’un État membre, ainsi qu’il ressort de la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de la directive 88/361, cette nomenclature conservant la valeur indicative qui était la sienne pour définir la notion de mouvements de capitaux (voir arrêts du 25 janvier 2007, Festersen, C-370/05, Rec. p. I-1129, point 23, et du 11 octobre 2007, ELISA, C-451/05, Rec. p. I-8251, point 59).
35 Dès lors, l’article 130 du CIRS entre dans le champ d’application tant de l’article 56, paragraphe 1, CE, qui interdit de manière générale les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres, que de l’article 40 de l’accord EEE, qui comporte une interdiction identique s’agissant des relations entre les États parties audit accord, qu’ils soient membres de l’Union ou de l’AELE (voir, en ce qui concerne ce dernier article, arrêt du 28 octobre 2010, Établissements Rimbaud, C-72/09, non encore publié au Recueil, point 21).
36 Il importe, en conséquence, d’examiner si l’obligation prévue à l’article 130 du CIRS constitue une restriction aux mouvements de capitaux.
37 À cet égard, il n’est pas contestable que, en obligeant les contribuables en cause à désigner un représentant fiscal, l’article 130 du CIRS leur impose d’effectuer des démarches ainsi que de supporter, en pratique, le coût de la rémunération de ce représentant. De telles contraintes créent, pour ces contribuables, une gêne de nature à les dissuader d’investir des capitaux au Portugal et, notamment, d’y faire des investissements immobiliers. Il en résulte que ladite obligation doit être regardée comme une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée en principe par les articles 56, paragraphe 1, CE et 40 de l’accord EEE.
38 Toutefois, en faisant valoir que l’objectif poursuivi par l’obligation de désigner un représentant fiscal vise à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux et la lutte contre l’évasion fiscale dans le cadre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, la République portugaise invoque ainsi, ce que ne conteste pas la Commission, une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (voir, notamment, arrêts ELISA, précité, point 81; du 18 décembre 2007, A, C-101/05, Rec. p. I-11531, point 55, ainsi que du 11 juin 2009, X et Passenheim-van Schoot, C-155/08 et C-157/08, Rec. p. I-5093, point 45).
39 Selon la Commission, l’exigence prévue par la législation nationale en cause est cependant disproportionnée au regard des objectifs poursuivis, dès lors que les mécanismes offerts tant par la directive 2008/55 que par la directive 77/799 suffisent pour que soit atteint un tel objectif.
40 En ce qui concerne la directive 77/799, il y a lieu de rappeler que, en vertu des dispositions combinées des paragraphes 1, 3 et 4 de son article 1er, les autorités compétentes des États membres échangent toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct notamment des impôts sur le revenu. Selon l’article 2 de cette directive, cet échange d’informations a lieu sur demande de l’autorité compétente de l’État membre concerné. Ainsi qu’il ressort de l’article 3 de ladite directive, les autorités compétentes des États membres échangent également des informations sans demande préalable, de manière automatique, pour certaines catégories de cas visés par la même directive ou encore, selon l’article 4 de celle-ci, de manière spontanée. Enfin, en vertu de l’article 11 de la directive 77/799, les dispositions de celle-ci ne portent pas atteinte à l’exécution d’obligations plus larges quant à l’échange d’informations qui résulteraient d’autres actes juridiques (arrêt ELISA, précité, points 39, 40 et 42).
41 La République portugaise soutient toutefois qu’elle ne peut présenter de demande d’informations au titre de l’article 2 de la directive 77/799 que si elle dispose préalablement d’éléments d’information suffisants, ce qui imposerait justement de disposer d’un représentant fiscal résidant sur le territoire portugais et dont l’administration fiscale pourrait exiger directement et personnellement l’accomplissement de toutes les obligations de déclaration pertinentes pour le compte du contribuable non-résident.
42 Il convient de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante, une justification tirée de la lutte contre la fraude fiscale ne saurait être admise que si elle vise des montages purement artificiels dont le but est de contourner la loi fiscale, ce qui exclut toute présomption générale de fraude. Partant, une présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale ne saurait suffire à justifier une mesure fiscale qui porte atteinte aux objectifs du traité (voir arrêt ELISA, précité, point 91 et jurisprudence citée).
43 Or, en visant notamment tous les contribuables non-résidents qui perçoivent des revenus exigeant la présentation d’une déclaration fiscale, l’obligation de désigner un représentant fiscal fait peser sur toute une catégorie de contribuables, en raison du seul fait qu’ils ne sont pas résidents, une présomption d’évasion ou de fraude fiscale qui ne peut à elle seule justifier l’atteinte portée aux objectifs du traité par une telle obligation.
44 En outre, lorsque des éléments imposables ont été dissimulés aux autorités fiscales d’un État membre et que celles-ci ne disposent d’aucun indice permettant de déclencher une enquête, il n’apparaît pas que l’obligation de désignation d’un représentant fiscal impliquerait pour autant, par elle-même, la révélation de tels indices et suppléerait les prétendues insuffisances des mécanismes d’échanges d’informations résultant de la directive 77/799.
45 Ainsi, il n’est pas établi que, dans le cas où un contribuable non-résident au Portugal manquerait à ses obligations déclaratives et où il s’avérerait que l’impôt dû n’a pas été acquitté, les mécanismes d’assistance mutuelle des autorités fiscales compétentes des États membres, invoqués par la Commission et tels que prévus dans le domaine des impôts directs par la directive 77/799, ne seraient pas suffisants pour que ces derniers soient effectivement recouvrés. Il n’y a pas lieu dès lors de vérifier s’il en est de même au regard des mécanismes prévus en matière de recouvrement de ces impôts par la directive 2008/55, à supposer même que celle-ci fût applicable ratione temporis en l’espèce.
46 Il en résulte que l’obligation de désignation d’un représentant fiscal va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à lutter contre la fraude fiscale et que, par suite, la Commission est fondée à soutenir que ladite obligation constitue, pour les contribuables non-résidents qui perçoivent des revenus exigeant la présentation d’une déclaration fiscale, une restriction non justifiée à la libre circulation des capitaux consacrée à l’article 56 CE.
47 Par ailleurs, l’obligation de désigner un représentant fiscal ne constitue pas une réponse appropriée ou nécessaire au «problème pratique» tenant à l’impossibilité, selon la République portugaise d’entretenir des rapports directs avec les contribuables non-résidents en raison de la distance physique séparant ces derniers des entités administratives concernées, cette distance constituant une entrave au bon fonctionnement desdites entités. En effet, en considération des moyens de communication modernes, il serait envisageable d’obliger les contribuables non-résidents à communiquer aux autorités fiscales portugaises une adresse dans un État membre autre que la République portugaise pour toutes les notifications effectuées par ces autorités fiscales. Ainsi que le relève la Commission, dans les cas où une présence physique du contribuable est essentielle, il suffirait de permettre à celui-ci d’opter pour la désignation d’un représentant fiscal, plutôt que d’imposer une obligation générale de désignation d’un tel représentant.
48 Il doit être en revanche constaté que, comme le soutient la République portugaise, l’obligation de désignation d’un représentant fiscal prévue à l’article 130 du CIRS en vue, ainsi que le précise ledit article, de représenter les non-résidents auprès de la direction générale des impôts et de veiller à l’accomplissement de leurs obligations fiscales ne s’impose pas aux contribuables percevant uniquement des revenus soumis à prélèvement libératoire, pour lesquels il n’y a pas lieu de présenter une déclaration fiscale.
49 En effet, il est constant que, en vertu des dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 5, du décret-loi n° 463/79 et de l’arrêté n° 21.305/2003, les mandataires fiscaux, qui sont les entités qui procèdent au prélèvement de l’impôt dû sur les revenus soumis à un tel prélèvement, acquittent celui-ci au nom et pour le compte de ces contribuables. À ce titre, ils ont l’obligation de procéder eux-mêmes à une inscription auprès de l’administration fiscale et, ainsi, représentent déjà ces contribuables auprès de cette dernière et accomplissent, dès lors, pour ceux-ci toutes les formalités déclaratives se rapportant à ces revenus. La Commission ne saurait, par suite, utilement soutenir qu’un tel dispositif ne résulterait en réalité que de la circulaire n° 14/93 qui, eu égard à sa valeur juridique, ne permettrait pas aux contribuables en cause de déterminer clairement leur situation quant à l’obligation prévue à l’article 130 du CIRS. Dans ces conditions, le manquement constaté au point 46 du présent arrêt au regard des dispositions de l’article 56 CE ne peut être considéré comme établi à l’égard de ces non-résidents percevant uniquement des revenus soumis à prélèvement libératoire.
– Sur la méconnaissance de l’article 40 de l’accord EEE
50 L’un des principaux objectifs de l’accord EEE est de réaliser de la manière la plus complète possible la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux dans l’ensemble de l’EEE, de sorte que le marché intérieur réalisé sur le territoire de l’Union soit étendu aux États de l’AELE. Dans cette perspective, plusieurs stipulations dudit accord visent à garantir une interprétation aussi uniforme que possible de celui-ci sur l’ensemble de l’EEE (voir avis 1/92, du 10 avril 1992, Rec. p. I-2821). Il appartient à la Cour, dans ce cadre, de veiller à ce que les règles de l’accord EEE identiques en substance à celles du traité soient interprétées de manière uniforme à l’intérieur des États membres (arrêts du 23 septembre 2003, Ospelt et Schlössle Weissenberg, C-452/01, Rec. p. I-9743, point 29, et du 19 novembre 2009, Commission/Italie, C-540/07, Rec. p. I-10983, point 65).
51 Il en résulte que, si des restrictions à la libre circulation des capitaux entre ressortissants d’États parties à l’accord EEE doivent être appréciées au regard de l’article 40 et de l’annexe XII dudit accord, ces stipulations revêtent la même portée juridique que celle des dispositions, identiques en substance, de l’article 56 CE (voir arrêts du 11 juin 2009, Commission/Pays-Bas, C-521/07, Rec. p. I-4873, point 33, et Commission/Italie, précité, point 66).
52 Par suite et pour les motifs exposés lors de l’examen du recours de la Commission au regard de l’article 56, paragraphe 1, CE, il y a lieu de considérer que l’obligation de désignation d’un représentant fiscal à laquelle la législation portugaise soumet les non-résidents constitue une restriction à la libre circulation des capitaux au sens de l’article 40 de l’accord EEE.
53 Il convient, toutefois, de constater que, comme il ressort des points 43 à 46 du présent arrêt, cette restriction n’a pu être regardée comme justifiée au regard de l’article 56 CE par la raison impérieuse d’intérêt général visant à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux et de la lutte contre l’évasion fiscale, dès lors qu’elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un tel objectif et alors qu’il n’est pas établi que les mécanismes d’assistance mutuelle des autorités fiscales compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs, dont dispose la République portugaise en vertu de la directive 77/799, seraient insuffisants pour atteindre ce même objectif.
54 Néanmoins, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la jurisprudence relative aux restrictions à l’exercice des libertés de circulation au sein de l’Union ne saurait être intégralement transposée aux mouvements de capitaux entre les États membres et les États tiers, de tels mouvements s’inscrivant dans un contexte juridique différent (voir arrêts précités A, point 60, et Commission/Italie, point 69).
55 En l’espèce, il y a lieu de relever que le cadre de coopération entre les autorités compétentes des États membres établi par la directive 77/799 ainsi que par la directive 2008/55, pour autant que cette dernière puisse être pertinente en l’espèce, n’existe pas entre celles-ci et les autorités compétentes d’un État tiers, lorsque ce dernier n’a pris aucun engagement d’assistance mutuelle.
56 À cet égard, en se bornant, dans sa réponse aux observations présentées par le gouvernement espagnol dans son mémoire en intervention produit au soutien des conclusions de la République portugaise, à faire état de manière très générale des conventions liant cette dernière aux États appartenant à l’EEE et non membres de l’Union, la Commission n’a pas établi que lesdites conventions comporteraient effectivement des mécanismes d’échanges d’informations suffisants pour vérifier et contrôler les déclarations présentées par les assujettis résidant dans ces États.
57 Dans ces conditions, il doit être considéré que l’obligation de désignation d’un représentant fiscal, en ce qu’elle vise les contribuables résidant dans les États parties à l’accord EEE et non membres de l’Union, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visant à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux et de la lutte contre l’évasion fiscale.
58 Le recours doit, par suite, être rejeté en tant qu’il porte sur la méconnaissance, par la République portugaise, des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 40 de l’accord EEE.
– Sur la méconnaissance de l’article 18 CE
59 La Commission demande en outre à la Cour de constater que la République portugaise a manqué à ses obligations découlant de l’article 18 CE.
60 Les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux s’opposant à la réglementation litigieuse, il n’est pas nécessaire d’examiner séparément ladite réglementation à la lumière de l’article 18 CE, concernant la libre circulation des personnes (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2006, Commission/Portugal, C-345/05, Rec. p. I-10633, point 45).
61 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de constater que, en ayant adopté et maintenu en vigueur l’article 130 du CIRS, qui impose aux contribuables non-résidents de désigner un représentant fiscal au Portugal lorsqu’ils perçoivent des revenus pour lesquels est exigée la présentation d’une déclaration fiscale, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 CE.
Sur les dépens
62 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 69, paragraphe 3, du même règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.
63 Dans le présent litige, il convient de tenir compte du fait que les griefs de la Commission tirés, d’une part, des exigences résultant de l’article 56 CE, en ce qui concerne les contribuables percevant uniquement des revenus soumis à prélèvement libératoire, et, d’autre part, de celles résultant de l’accord EEE n’ont pas été accueillis.
64 Il y a donc lieu de condamner la République portugaise à supporter les trois quarts de l’ensemble des dépens, la Commission étant condamnée à supporter le quart restant.
65 Aux termes de l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, de ce même règlement, l’État membre qui est intervenu au litige supporte ses propres dépens. Le Royaume d’Espagne supportera par conséquent ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:
1) En ayant adopté et maintenu en vigueur l’article 130 du code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Código do Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Singulares), qui impose aux contribuables non-résidents de désigner un représentant fiscal au Portugal lorsqu’ils perçoivent des revenus pour lesquels est exigée la présentation d’une déclaration fiscale, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 CE.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La République portugaise est condamnée à supporter les trois quarts de l’ensemble des dépens. La Commission européenne est condamnée à supporter le quart restant.
4) Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure: le portugais.