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Affaire C-276/09

Everything Everywhere Ltd, anciennement T-Mobile (UK) Ltd

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division)

«Sixième directive TVA — Exonération — Article 13, B, sous d), points 1 et 3 — Négociation de crédits — Opérations concernant des paiements et des virements — Existence de deux prestations de services distinctes ou d’une prestation unique — Frais supplémentaires facturés lors de l’emploi de certains modes de paiement pour des services de téléphonie mobile»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Prestations de services — Opérations se composant de plusieurs éléments

(Directive du Conseil 77/388, art. 2, point 1, et 13, B, d), points 1 et 3)

Aux fins de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée, les frais supplémentaires facturés par un prestataire de services de télécommunications à ses clients, lorsque ceux-ci paient ces services non pas par le système de débit direct ou par virement par l’intermédiaire du Bankers' Automated Clearing System (BACS), mais par carte de crédit, par carte de débit, par chèque ou en espèces au guichet d’une banque ou au comptoir d’un agent habilité à recevoir le paiement pour le compte de ce prestataire de services, ne constituent pas la contrepartie d’une prestation de services distincte et indépendante de la prestation de services principale consistant à fournir des services de télécommunications.

En effet, une telle activité, à laquelle les clients ne sauraient recourir indépendamment de l'utilisation des services de télécommunications, ne présente, du point de vue des clients, aucun intérêt autonome par rapport au service de télécommunications concerné.

Or, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire.

(cf. points 25, 27, 32 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

2 décembre 2010 (*)

«Sixième directive TVA – Exonération – Article 13, B, sous d), points 1 et 3 – Négociation de crédits – Opérations concernant des paiements et des virements – Existence de deux prestations de services distinctes ou d’une prestation unique – Frais supplémentaires facturés lors de l’emploi de certains modes de paiement pour des services de téléphonie mobile»

Dans l’affaire C-276/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), par décision du 8 avril 2009, parvenue à la Cour le 20 juillet 2009, dans la procédure

Everything Everywhere Ltd, anciennement T-Mobile (UK) Ltd,

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 septembre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Everything Everywhere Ltd, anciennement T-Mobile (UK) Ltd, par M. J. Peacock, QC, et M. M. Angiolini, barrister,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme H. Walker, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,

–        pour le gouvernement hellénique, par MM. S. Spyropoulos et M. Germani ainsi que par Mme V. Karra, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. B. Doherty, barrister,

–        pour la Commission européenne, par M. R. Lyal et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, B, sous d), points 1 et 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), qui prévoit que sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), notamment, la négociation de crédits ainsi que les opérations concernant les paiements et les virements.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Everything Everywhere Ltd, anciennement T-Mobile (UK) Ltd (ci-après «Everything Everywhere»), aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (ci-après les «Commissioners») au sujet du sort, au regard de la TVA, des frais facturés par Everything Everywhere à ses clients lorsqu’ils optent pour certains modes de règlement de leurs factures mensuelles.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        En vertu de l’article 2, point 1, de la sixième directive, sont soumises à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4        L’article 13, B, de la sixième directive, intitulé «Autres exonérations», prévoit:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[…]

d)      les opérations suivantes:

1.      l’octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés;

[…]

3.      les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances;

[…]»

 La réglementation nationale

5        L’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), points 1 et 3, de la sixième directive a été transposée au Royaume-Uni par le groupe 5, points 1 et 5, de l’annexe 9 de la loi de 1994 relative à la TVA (Value Added Tax Act 1994), qui exonère de la TVA:

«1.      [l]e versement, le virement ou la perception d’argent, de tout titre représentant de l’argent ou de tout billet ou ordre visant le paiement d’argent ainsi que toute opération portant sur de l’argent ou de pareils effets;

[…]

5.      [l]a fourniture de services d’intermédiaires en rapport avec toute opération visée aux points 1, 2, 3, 4 ou 6 (que ces opérations aient ou non été finalement conclues) par une personne agissant en qualité d’intermédiaire habilité».

6        Les notes 5 à 5B du groupe 5 de l’annexe 9 de la loi de 1994 relative à la TVA disposent:

«(5)      Aux fins du point 5, les ‘services d’intermédiaire’ consistent à mettre en rapport, aux fins de la fourniture de services financiers

a)      des personnes qui cherchent ou sont susceptibles de chercher à recevoir des services financiers

b)      des personnes qui fournissent des services financiers

conjointement avec (dans le cas de services financiers relevant des cas prévus aux points 1, 2, 3 ou 4) l’exécution d’un travail préparatoire à la conclusion de contrats pour la fourniture de ces services financiers, mais n’incluent pas la fourniture de quelque étude de marché, conception de produit, publicité, services promotionnels ou analogues ou la récolte, la collation et la fourniture d’informations ayant trait à de telles activités.

(5A)      Aux fins du point 5, une personne ‘agit en qualité d’intermédiaire habilité’ chaque fois qu’elle agit comme intermédiaire ou comme l’un des intermédiaires entre

a)      une personne qui fournit des services financiers et

b)      une personne qui cherche ou est susceptible de chercher à recevoir des services financiers,

[…]

(5B)      Aux fins des notes 5 et 5A, on entend par ‘services financiers’ la réalisation de toute opération relevant des points 1, 2, 3, 4 ou 6.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

7        Everything Everywhere est une entreprise du secteur des télécommunications qui fournit des services de téléphonie mobile. Pour bénéficier de ces services, les clients peuvent payer d’avance, en créditant leur compte client, ou en fin de période de facturation. Dans ce dernier cas, Everything Everywhere envoie à ses clients une facture mensuelle que ceux-ci peuvent régler de différentes manières. Ces derniers ont ainsi le choix entre le paiement:

–        par prélèvement effectué selon le système de «débit direct»;

–        par virement par l’intermédiaire du Bankers’ Automated Clearing System [système automatique de règlement interbancaire (BACS)] (ci-après le «virement BACS»),

–        par carte de débit ou par carte de crédit, par téléphone ou par Internet;

–        par l’intermédiaire d’un tiers agissant en tant qu’agent habilité à recevoir le paiement, par exemple au guichet d’un bureau de poste («Post Office»);

–        par chèque envoyé par courrier, ou

–        au guichet d’une succursale de la banque d’Everything Everywhere, à savoir HSBC Bank plc, ou d’une autre banque, au crédit du compte bancaire d’Everything Everywhere.

8        Lorsqu’un client acquitte sa facture par le système de «débit direct» ou par virement BACS, Everything Everywhere ne met pas de frais supplémentaires à sa charge.

9        Un prélèvement par le système de «débit direct» présuppose un «mandat de débit direct», à savoir un ordre permanent donné par le client à sa banque aux fins de procéder à des paiements à la demande d’Everything Everywhere. Sur cette base, cette dernière s’efforce, pour chaque paiement exigible, d’obtenir de ladite banque, par la voie du BACS, le transfert de la somme due par le client. Le virement BACS est, à chaque fois, effectué à l’initiative du client qui donne à sa banque l’ordre de transférer une somme déterminée de son compte à celui d’Everything Everywhere.

10      En revanche, tout paiement effectué par l’un des autres modes de paiement mentionnés au point 7 du présent arrêt donne lieu à la facturation, le mois suivant, d’un montant supplémentaire de 3 GBP, qualifié par Everything Everywhere de «separate payment handling charge» (frais distincts de traitement du paiement, ci-après les «SPHC»).

11      Ainsi, les SPHC sont facturés au client qui paie par carte de débit ou par carte de crédit en déclenchant, par téléphone ou par Internet, un processus informatique aboutissant au transfert de la somme due de la banque émettrice de la carte au compte bancaire d’Everything Everywhere. Il en va de même lors d’un paiement en espèces, soit au guichet d’une banque, soit au comptoir d’un agent habilité à recevoir le paiement, notamment d’un bureau de poste, avec lequel Everything Everywhere a conclu un accord prévoyant la réception de tels paiements pour son compte. Everything Everywhere facture également les SPHC aux clients payant les services de téléphonie mobile par chèque, que ce soit en remettant le chèque au guichet d’une banque de leur choix ou en envoyant celui-ci à la banque d’Everything Everywhere au moyen d’une enveloppe comportant l’adresse préimprimée de cette dernière banque.

12      Les SPHC sont prévus par les conditions générales appliquées par Everything Everywhere. Ils sont mentionnés dans les brochures d’Everything Everywhere indiquant ses tarifs ainsi que sur le site Internet de cette dernière. Environ 28 % des clients d’Everything Everywhere choisissent de payer autrement que par le système de «débit direct» ou par virement BACS et sont, par conséquent, redevables des SPHC.

13      Les SPHC ne s’appliquent ni aux clients qui paient d’avance pour tous les services de téléphonie mobile, en créditant leur compte client, ni à la clientèle d’affaires.

14      Everything Everywhere estime que les SPHC doivent être considérés comme la contrepartie d’un service de traitement des paiements effectué à titre onéreux et qu’ils sont donc exonérés de TVA au titre de l’article 13, B, sous d), de la sixième directive. Au mois d’août 2005, Everything Everywhere a introduit une demande portant sur la somme de 4 063 228,08 GBP, représentant l’excédent de taxe payée en aval pour la période allant du mois d’août 2003 au mois de juillet 2005 au titre des SPHC. Les Commissioners ont rejeté cette demande. Everything Everywhere a formé un recours contre ce rejet devant le VAT and Duties Tribunal, qui a confirmé la décision des Commissioners en considérant que les SPHC étaient soumis à la TVA.

15      Everything Everywhere a interjeté appel de la décision du VAT and Duties Tribunal devant la juridiction de renvoi. Selon cette dernière, le litige porte en substance sur la question de savoir si les SPHC constituent la contrepartie d’une prestation de services distincte de la fourniture de services de télécommunications et relevant de l’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), points 1 ou 3, de la sixième directive.

16      La juridiction de renvoi relève notamment que les parties au principal ont reconnu que l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive avait déjà été interprété par la Cour dans l’arrêt du 5 juin 1997, SDC (C-2/95, Rec. p. I-3017), en particulier aux points 53 et 66 de cet arrêt, dans lequel la Cour a jugé que, pour ce qui est d’«une opération concernant les virements», les services fournis doivent avoir pour effet de transférer des fonds et d’entraîner des modifications juridiques et financières. Toutefois, les parties divergeraient sur le point de savoir ce qu’il y a lieu d’entendre par ces termes.

17      Estimant que la solution du litige au principal dépend de l’interprétation du droit de l’Union, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Quelles sont les caractéristiques d’un service exonéré qui a ‘pour effet de transférer des fonds et d’entraîner des modifications juridiques et financières’? En particulier:

a)      l’exonération s’applique-t-elle à des services qui ne doivent pas être assurés, à défaut, par une des institutions financières, consistant à (i) débiter un compte et (ii) à créditer un autre compte du montant correspondant ou (iii) à exécuter une tâche intermédiaire entre (i) ou (ii)?

b)      l’exonération s’applique-t-elle à des services qui n’incluent pas l’exécution de tâches consistant à débiter un compte et à créditer un autre compte du montant correspondant, mais qui, lorsqu’un transfert de fonds se produit, peuvent être considérés comme ayant été la cause de ce transfert?

2)      L’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive pour les ‘opérations […] concernant les […] paiements [ou] virements’ s’applique-t-elle à un service de perception et de traitement de paiements par cartes de crédit et de débit tel que ceux fournis en l’espèce par le redevable? En particulier, lorsque la transmission de fichiers de règlements à la fin de chaque journée par le redevable a pour effet de faire automatiquement débiter le compte du client et créditer le compte du contribuable, ces services relèvent-ils du champ d’application de l’article 13, B, sous d), point 3, [de la sixième directive]?

3)      La réponse à la deuxième question dépend-elle de la question de savoir si c’est le redevable lui-même qui obtient les codes d’autorisation pour une transmission subséquente ou s’il obtient ces codes par l’intermédiaire de sa banque acquéreuse?

4)      L’exonération prévue à l’article 13 B, sous d), point 1, de la sixième directive pour la ‘négociation de crédits’ s’applique-t-elle aux services tels que ceux offerts en l’espèce par le redevable, inhérents à des paiements par carte de crédit, ces services ayant pour effet de permettre de débiter le compte du client grâce à un supplément de crédit?

5)      L’exonération pour les ‘opérations […] concernant les […] paiements [ou] virements’ s’applique-t-elle à des services d’acceptation et de traitement de paiements recourant à des agents tiers tels que ceux offerts en l’espèce par le redevable (par l’entremise de la Poste et du Point de paiement)?

6)      L’exonération pour les ‘opérations […] concernant les […] paiements [ou] virements’ s’applique-t-elle à des services d’obtention et de traitement de paiements effectués par chèque envoyé au redevable ou à son agent, paiements qui doivent être traités par le redevable et par sa banque?

7)      L’exonération pour les ‘opérations […] concernant les […] paiements [ou] virements’ s’applique-t-elle à des services tels que ceux offerts en l’espèce par le redevable, consistant à recevoir et à traiter des paiements effectués au guichet d’une banque pour créditer, par la voie du système bancaire, le compte en banque du redevable?

8)      Quels sont les facteurs particuliers à prendre en compte pour décider si des frais (tels que, en l’espèce, les frais de traitement du paiement) appliqués à son client par un redevable et qui sont inhérents au choix du client d’effectuer un paiement au redevable en recourant à un mode de paiement particulier, et qui sont identifiés comme tels dans le document contractuel et détaillés séparément dans des factures émises à l’intention des clients, relèvent d’une prestation de services distincte aux fins de la TVA?»

 Sur les questions préjudicielles

18      Par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, d’une part, les SPHC constituent la contrepartie d’une prestation de services, fournie par Everything Everywhere à ses clients, qui relève des exonérations de la TVA prévues à l’article 13, B, sous d), point 1, de la sixième directive (quatrième question) ou audit article 13, B, sous d), point 3 (première à troisième et cinquième à septième questions), et si, d’autre part, ladite prestation est distincte de la fourniture de services de téléphonie mobile (huitième question).

19      Étant donné que, en l’absence d’une telle prestation de services distincte de la fourniture de services de téléphonie mobile, les SPHC partageraient le sort fiscal des montants dus pour ces derniers services (voir, en ce sens, arrêts du 25 février 1999, CPP, C-349/96, Rec. p. I-973, point 32, et du 21 juin 2007, Ludwig, C-453/05, Rec. p. I-5083, point 20), il convient d’examiner, en premier lieu, la huitième question.

 Sur la huitième question

20      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, aux fins de la perception de la TVA et, notamment, de l’application des dispositions relatives aux exonérations prévues par la sixième directive, des frais supplémentaires facturés par un prestataire de services de télécommunications à ses clients lorsque ceux-ci utilisent certains modes de paiement constituent la contrepartie d’une prestation de services de traitement des paiements fournie par ledit prestataire à ses clients, qui doit être considérée comme une prestation distincte de la fourniture des services de télécommunications.

21      Il découle de l’article 2 de la sixième directive que chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante (voir, notamment, arrêts CPP, précité, point 29; du 29 mars 2007, Aktiebolaget NN, C-111/05, Rec. p. I-2697, point 22, et du 19 novembre 2009, Don Bosco Onroerend Goed, C-461/08, Rec. p. I-11079, point 35).

22      Toutefois, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA (voir, notamment, arrêts CPP, précité, point 29; Aktiebolaget NN, précité, point 22, et du 22 octobre 2009, Swiss Re Germany Holding, C-242/08, Rec. p. I-10099, point 51).

23      En outre, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies isolément et ainsi donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (voir arrêts du 21 février 2008, Part Service, C-425/06, Rec. p. I-897, point 51; du 11 juin 2009, RLRE Tellmer Property, C-572/07, Rec. p. I-4983, point 18, et Don Bosco Onroerend Goed, précité, point 36).

24      Tel est, notamment, le cas lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, d’autres éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale (voir, notamment, arrêts CPP, précité, point 30; du 15 mai 2001, Primback, C-34/99, Rec. p. I-3833, point 45, et RLRE Tellmer Property, précité, point 18, ainsi que ordonnance du 14 mai 2008, Tiercé Ladbroke et Derby, C-231/07 et C-232/07, point 21).

25      En particulier, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (voir, notamment, arrêts précités CPP, point 30; Primback, point 45, et RLRE Tellmer Property, point 18, ainsi que ordonnance Tiercé Ladbroke et Derby, précitée, point 21).

26      Aux fins de déterminer si l’assujetti livre au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, plusieurs prestations principales distinctes ou une prestation unique, il convient de rechercher les éléments caractéristiques de l’opération en cause et de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule celle-ci (voir, en ce sens, arrêts précités CPP, points 28 et 29; Aktiebolaget NN, points 21 et 22, et Ludwig, point 17, ainsi que ordonnance Tiercé Ladbroke et Derby, précitée, points 19 et 20).

27      S’agissant du litige au principal, il convient de constater que le service essentiel fourni par un prestataire tel qu’Everything Everywhere à ses clients est le service de téléphonie mobile. L’activité exercée par cette entreprise lors de la facturation de ce service, notamment la mise à la disposition des clients d’une infrastructure leur permettant de payer les factures non seulement par le système de «débit direct» ou par virement BACS, mais également par carte de crédit, par chèque ou en espèces, ne constitue pas, pour ces clients, une fin en soi. La prétendue prestation de services, à laquelle lesdits clients ne sauraient recourir indépendamment de l’utilisation du service de téléphonie mobile, ne présente, du point de vue de ces derniers, aucun intérêt autonome par rapport à ce service. Elle leur offre uniquement la possibilité de payer les factures de téléphonie mobile selon le mode de paiement qui leur paraît le plus commode et permet, par ailleurs, au prestataire de services d’augmenter le volume du service qu’il fournit à titre principal (voir, en ce sens, arrêt Primback, précité, point 47).

28      En outre, la réception d’un paiement ainsi que le traitement de ce dernier sont intrinsèquement liés à toute prestation de services fournie à titre onéreux. Il est inhérent à une telle prestation que le prestataire des services demande à être payé et déploie les efforts nécessaires afin que le client puisse procéder à un paiement effectif en contrepartie de la prestation fournie. En principe, tout mode de paiement d’une prestation de services implique que le prestataire procède à certaines démarches pour traiter le paiement, même si l’étendue de ces démarches peut varier d’un mode de paiement à l’autre. Selon la description des différents modes de paiement figurant dans la décision de renvoi, même le paiement par le système de «débit direct» nécessite, aux fins d’un paiement effectif, une démarche du créancier, consistant, pour ce dernier, à utiliser le mandat qui lui a été donné et à demander à la banque du client concerné de procéder au transfert de la somme qui lui est due (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2010, AXA UK, C-175/09, non encore publié au Recueil, points 9, 10 et 33).

29      La circonstance, mise en exergue dans la huitième question posée, selon laquelle un prix distinct pour le prétendu service financier est identifié comme tel dans le document contractuel et détaillé séparément dans les factures émises à l’intention des clients, n’est pas, quant à elle, déterminante. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, le fait qu’un prix unique est facturé ou que des prix distincts ont été contractuellement prévus n’a pas une importance décisive aux fins de déterminer s’il y a lieu de conclure à l’existence de deux ou de plusieurs opérations distinctes et indépendantes ou d’une opération économique unique (voir, en ce sens, arrêts CPP, précité, point 31, ainsi que du 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen et OV Bank, C-41/04, Rec. p. I-9433, point 25).

30      Il s’ensuit que les clients d’Everything Everywhere qui paient leur facture de téléphonie mobile par l’un des modes de paiement donnant lieu à la perception des SPHC n’entendent pas acheter deux prestations distinctes, à savoir une prestation de téléphonie mobile et une prestation dont l’objet serait d’assurer le traitement de leurs paiements. Du point de vue du client, la prestation de services de traitement des paiements prétendument fournie par le prestataire de services de télécommunications à ses clients lors du règlement de ces derniers services par certains modes de paiement doit, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, être considérée, aux fins de la TVA, comme accessoire à la prestation principale de services de télécommunications (voir, par analogie, arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin, C-308/96 et C-94/97, Rec. p. I-6229, points 24 et 25).

31      Cette conclusion ne saurait être infirmée par le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA, qui s’oppose à ce que des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA (voir, notamment, arrêts du 6 mai 2010, Commission/France, C-94/09, non encore publié au Recueil, point 40, et du 10 juin 2010, Leo-Libera, C-58/09, non encore publié au Recueil, point 34), étant donné que la situation d’Everything Everywhere est tout à fait différente de celle d’un opérateur économique qui fournit à ses clients des services financiers en tant que prestation principale.

32      Par conséquent, il y a lieu de répondre à la huitième question que, aux fins de la perception de la TVA, les frais supplémentaires facturés par un prestataire de services de télécommunications à ses clients, lorsque ceux-ci paient ces services non pas par le système de «débit direct» ou par virement BACS, mais par carte de crédit, par carte de débit, par chèque ou en espèces au guichet d’une banque ou au comptoir d’un agent habilité à recevoir le paiement pour le compte de ce prestataire de services, ne constituent pas la contrepartie d’une prestation de services distincte et indépendante de la prestation de services principale consistant à fournir des services de télécommunications.

 Sur les première à septième questions

33      Compte tenu de la réponse apportée à la huitième question, il n’y a pas lieu de répondre aux première à septième questions.

 Sur les dépens

34      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

Aux fins de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée, les frais supplémentaires facturés par un prestataire de services de télécommunications à ses clients, lorsque ceux-ci paient ces services non pas par le système de «débit direct» ou par virement par l’intermédiaire du Bankers’ Automated Clearing System, mais par carte de crédit, par carte de débit, par chèque ou en espèces au guichet d’une banque ou au comptoir d’un agent habilité à recevoir le paiement pour le compte de ce prestataire de services, ne constituent pas la contrepartie d’une prestation de services distincte et indépendante de la prestation de services principale consistant à fournir des services de télécommunications.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.