Affaire C-368/09
Pannon Gép Centrum kft
contre
APEH Központi Hivatal Hatósági Főosztály Dél-dunántúli Kihelyezett Hatósági Osztály
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Baranya Megyei Bíróság)
«Sixième directive TVA — Directive 2006/112/CE — Droit à déduction de la taxe versée en amont — Réglementation nationale sanctionnant une mention erronée sur la facture par la perte du droit à déduction»
Sommaire de l'arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Obligations de l'assujetti — Détention d'une facture contenant certaines mentions
(Directive du Conseil 2006/112, art. 167, 178, a), 220, point 1, et 226)
Les articles 167, 178, sous a), 220, point 1, et 226 de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation ou à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités nationales refusent à un assujetti le droit de déduire du montant de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable le montant de la taxe due ou acquittée pour les services qui lui ont été fournis, aux motifs que la facture initiale, en sa possession au moment de la déduction, comportait une date d’achèvement de la prestation de services erronée et qu’il n’existait pas une numérotation continue de la facture rectifiée ultérieurement et de la note de crédit annulant la facture initiale, si les conditions matérielles de la déduction sont remplies et si, avant l’adoption de la décision par l’autorité concernée, l’assujetti a fourni à cette dernière une facture rectifiée, indiquant la date exacte à laquelle ladite prestation de services a été achevée, même s’il n’existe pas une numérotation continue de cette facture et de la note de crédit annulant la facture initiale.
En effet, seules les mentions citées à l'article 226 de la directive 2006/112 doivent figurer obligatoirement, aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée, sur les factures émises en application de l'article 220 de cette directive. Il s'ensuit qu'il n’est pas loisible aux États membres de lier l’exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au respect de conditions relatives au contenu des factures, qui ne sont pas expressément prévues par les dispositions de ladite directive.
(cf. points 40-41, 45 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
15 juillet 2010 (*)
«Sixième directive TVA – Directive 2006/112/CE – Droit à déduction de la taxe versée en amont – Réglementation nationale sanctionnant une mention erronée sur la facture par la perte du droit à déduction»
Dans l’affaire C-368/09,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Baranya Megyei Bíróság (Hongrie), par décision du 31 août 2009, parvenue à la Cour le 14 septembre 2009, dans la procédure
Pannon Gép Centrum kft
contre
APEH Központi Hivatal Hatósági Főosztály Dél-dunántúli Kihelyezett Hatósági Osztály,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,
avocat général: M. N. Jääskinen,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour le gouvernement hongrois, par Mme J. Fazekas, M. M. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. D. Triantafyllou et M. B. D. Simon, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 17, paragraphe 1, 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, sous a) et b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), telle que modifiée par la directive 2001/115/CE du Conseil, du 20 décembre 2001 (JO 2002, L 15, p. 24).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Pannon Gép Centrum kft à l’APEH Központi Hivatal Hatósági Főosztály Dél-dunántúli Kihelyezett Hatósági Osztály (ci-après l’«APEH») au sujet du refus opposé par ce dernier à la requérante au principal de déduire, du montant de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») dont elle était redevable, la TVA afférente à des services qui lui avaient été fournis.
Le cadre juridique
La réglementation de l’Union
3 La directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), a, conformément à ses articles 411 et 413, abrogé et remplacé, à compter du 1er janvier 2007, la législation de l’Union en matière de TVA, notamment la sixième directive. Selon les premier et troisième considérants de la directive 2006/112, la refonte de la sixième directive était nécessaire afin de présenter toutes les dispositions applicables de façon claire et rationnelle dans une structure et une rédaction remaniées sans apporter, en principe, de changements de fond. Les dispositions de la directive 2006/112 sont ainsi, en substance, identiques aux dispositions correspondantes de la sixième directive.
4 Aux termes de l’article 167 de la directive 2006/112, qui reprend les termes de l’article 17, paragraphe 1, de la sixième directive, «[l]e droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible».
5 L’article 168, sous a), de la directive 2006/112, qui est libellé en des termes en substance identiques à ceux de l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, paragraphe 1, de cette dernière directive, dispose:
«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants:
a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti».
6 L’article 178 de la directive 2006/112, qui reprend, en substance, les termes de l’article 18, paragraphe 1, de la sixième directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 2, de cette dernière directive, contient les dispositions suivantes:
«Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes:
a) pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240;
[…]»
7 L’article 220, point 1, de la directive 2006/112, qui reprend, en substance, les termes de l’article 22, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 nonies, de cette dernière directive, telle que modifiée par l’article 2, point 2, de la directive 2001/115, dispose:
«Tout assujetti doit s’assurer qu’une facture est émise, par lui-même, par l’acquéreur ou le preneur ou, en son nom et pour son compte, par un tiers, dans les cas suivants:
1) pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu’il effectue pour un autre assujetti ou pour une personne morale non assujettie».
8 L’article 226 de la directive 2006/112 reprend, en substance, les termes de l’article 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 nonies, de cette dernière directive, telle que modifiée par l’article 2, point 2, de la directive 2001/115, et est libellé comme suit:
«Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221:
1) la date d’émission de la facture;
2) un numéro séquentiel, basé sur une ou plusieurs séries, qui identifie la facture de façon unique;
3) le numéro d’identification TVA […] sous lequel l’assujetti a effectué la livraison de biens ou la prestation de services;
4) le numéro d’identification TVA de l’acquéreur ou du preneur […];
5) le nom complet et l’adresse de l’assujetti et de l’acquéreur ou du preneur;
6) la quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services rendus;
7) la date à laquelle est effectuée, ou achevée, la livraison de biens ou la prestation de services […];
8) la base d’imposition pour chaque taux ou exonération, le prix unitaire hors TVA, ainsi que les escomptes, rabais ou ristournes éventuels s’ils ne sont pas compris dans le prix unitaire;
9) le taux de TVA appliqué;
10) le montant de TVA à payer, sauf lorsqu’est appliqué un régime particulier pour lequel la présente directive exclut une telle mention;
[…]»
9 L’article 273 de la directive 2006/112, reprenant, en substance, les termes de l’article 22, paragraphe 8, premier et deuxième alinéas, de la sixième directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 nonies, de cette dernière directive, telle que modifiée par l’article 2, point 2, de la directive 2001/115, dispose:
«Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude […]
La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées[, notamment, à l’article 226].»
La réglementation nationale
10 Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, point 16, de la loi n° LXXIV de 1992, relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Általános forgalmi adóról szóló 1992. évi LXXIV. Törvény, ci-après la «loi relative à la TVA»), qui a été abrogée avec effet au 31 décembre 2007 mais qui est applicable au litige au principal, une facture s’entend de «tout document sur papier ou, avec l’approbation du preneur et en vertu de dispositions particulières, produit par voie électronique, qui peut servir à des fins d’identification fiscale et qui contient au moins les informations suivantes:
a) un numéro séquentiel,
b) une date d’émission,
c) le nom, l’adresse et le numéro fiscal de l’assujetti effectuant la livraison de biens ou la prestation de services,
d) si le client est redevable de la taxe, son nom, son adresse et son numéro fiscal communautaire ou, s’il n’en a pas, son numéro fiscal,
e) en cas d’exonération de la livraison de biens intracommunautaire, le numéro fiscal communautaire du client,
f) la date de la livraison ou de la prestation, si elle diffère de la date d’émission,
[…]
i) le prix unitaire hors taxe du bien ou du service,
j) la contrepartie totale hors taxe des biens ou des services,
k) le taux de la taxe portée en compte,
l) le montant total de la taxe répercutée,
m) le montant final de la facture».
11 L’article 35, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA dispose:
«Le droit à déduction ne peut être exercé qu’à condition de disposer de documents dignes de foi prouvant le montant de la taxe comptabilisée en amont. Sont considérés comme tels:
a) les factures, les factures simplifiées, […]
[…]
adressé[e]s à l’assujetti.»
12 L’article 1/E, paragraphe 1, de l’arrêté du ministre des Finances n° 24 de 1995 (XI. 22), concernant l’identification fiscale des factures, factures simplifiées et quittances, et concernant l’emploi des caisses enregistreuses et taximètres pour assurer la délivrance de quittances [24/1995. (XI. 22) PM rendelet a számla, egyszerűsített számla és nyugta adóigazgatási azonosításáról, valamint a nyugta adását biztosító pénztárgép és taxaméter alkalmazásáról], dispose:
«Une facture imprimée sur papier à l’aide d’un outil informatique peut servir à l’identification fiscale uniquement dans le cas où elle s’inscrit dans une comptabilisation rigoureuse effectuée de manière telle que
a) le programme informatique servant à émettre la facture garantit la numérotation continue sans omission ou répétition […]»
13 L’article 165, paragraphe 2, de la loi n° C de 2000, relative à la comptabilité (Számvitelről szóló 2000. évi C. törvény), prévoit que des données ne peuvent être inscrites dans les livres comptables que si elles sont étayées par des pièces délivrées régulièrement. En vertu de l’article 166, paragraphe 2, de cette loi, les informations figurant dans les pièces comptables doivent être, quant à la forme et au fond, dignes de foi, fiables et correctes.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
14 La requérante au principal a conclu un contrat, le 2 mai 2007, avec Betonút Szolgáltató és Építő Zrt (ci-après «Betonút»), par lequel elle s’est engagée à l’égard de Betonút à effectuer des travaux de réfection d’un pont. La requérante au principal a confié l’exécution de ces travaux à un sous-traitant, J és B Pannon-Bau kft (ci-après le «sous-traitant»).
15 Le 20 novembre 2007, Betonút a délivré à la requérante au principal le document attestant de l’exécution desdits travaux et, sur la base de celui-ci, ladite requérante a délivré à cette société les factures relatives à la réalisation de ces mêmes travaux en indiquant comme date d’achèvement de ceux-ci le 20 novembre 2007. Pour sa part, le sous-traitant a établi, à l’intention de la requérante au principal, deux factures relatives aux travaux réalisés par lui, lesquelles indiquaient comme date d’achèvement de ces derniers le 14 décembre 2007.
16 Le 3 octobre 2007, la requérante au principal a conclu un contrat avec Gebrüder Haider Építőipari kft (ci-après «Haider»), par lequel elle s’est engagée à l’égard de Haider à effectuer des travaux de construction d’égouts pluviaux. Pour l’exécution de ce contrat, la requérante au principal a également confié ces travaux au sous-traitant.
17 Haider a délivré le document attestant de l’exécution desdits travaux en mentionnant comme date d’achèvement de ceux-ci le 11 décembre 2007 et la facture finale qui a été délivrée par la requérante au principal à cette société indiquait cette même date comme étant celle de l’achèvement des travaux. Le sous-traitant, de son côté, a délivré une facture à la requérante au principal indiquant le 18 décembre 2007 comme date d’achèvement de ces mêmes travaux.
18 Dans sa déclaration relative au quatrième trimestre de l’année 2007, la requérante au principal a mentionné les trois factures du sous-traitant évoquées ci-dessus et a mis en œuvre son droit à déduction de la TVA.
19 L’administration fiscale a soumis cette déclaration fiscale à un contrôle et a constaté que les dates d’achèvement portées sur les attestations d’exécution des travaux émises par Betonút et par Haider ainsi que sur les factures délivrées par la requérante au principal auxdites sociétés étaient antérieures aux dates apparaissant sur les factures délivrées par le sous-traitant et utilisées par ladite requérante pour procéder à la déduction de la TVA.
20 La requérante au principal et le sous-traitant ont indiqué à l’administration fiscale que les factures émises par ce dernier comportaient des dates d’achèvement erronées.
21 Le 29 septembre 2008, le sous-traitant a annulé les trois factures erronées par des notes de crédit portant les numéros 2007/0000000124, 2007/0000000125 et 2007/0000000126 et les a remplacées par de nouvelles factures portant les numéros JESB20080000016, JESB20080000017 et JESB20080000018. Ces nouvelles factures indiquaient une date d’achèvement des travaux conforme à celle figurant sur les factures délivrées par la requérante au principal.
22 Par une décision du 21 janvier 2009, l’autorité fiscale de premier ressort a ordonné à la requérante au principal de payer, d’une part, la TVA afférente aux services fournis par le sous-traitant, qu’elle avait déduite du montant de la taxe dont elle était redevable au titre du quatrième trimestre de l’année 2007, et, d’autre part, une amende ainsi qu’une pénalité de retard. Selon ladite autorité fiscale, la requérante au principal ne pouvait utiliser les factures initialement délivrées par le sous-traitant à des fins de déduction de la TVA, étant donné que ces factures ne comportaient pas la date correcte d’achèvement des travaux par celui-ci. Les nouvelles factures rectifiées ne pouvaient pas non plus fonder la déduction de la TVA, dans la mesure où la numérotation continue n’avait pas été assurée. Elle a constaté à cet égard que les notes de crédit et les factures rectifiées émises le même jour utilisaient deux numérotations distinctes puisque les numéros des notes de crédit commençaient par les chiffres «2007» tandis que les numéros des factures rectifiées commençaient par la mention «JESB2008».
23 L’APEH a, par une décision du 29 avril 2009, confirmé la décision de l’autorité fiscale de premier ressort du 21 janvier 2009.
24 La requérante au principal a introduit un recours devant le Baranya Megyei Bíróság (cour départementale de Baranya).
25 Dans sa décision de renvoi, le Baranya Megyei Bíróság considère que, selon la législation nationale en cause, telle qu’interprétée par le Legfelsőbb Bíróság (Cour suprême) et appliquée par l’administration fiscale, l’assujetti ne peut faire valoir son droit à déduction que sur le fondement d’une facture digne de foi quant à la forme et au fond. Ainsi, l’exercice du droit à déduction est contesté si la facture comporte un vice de forme quel qu’il soit. Dans le cas d’espèce, en raison d’erreurs dans les dates d’achèvement des travaux mentionnées sur les factures du sous-traitant, l’administration fiscale a contesté le droit à déduction exercé sur la base de ces factures, qui étaient toutefois dignes de foi quant au fond. L’administration fiscale n’a, en effet, jamais contesté que les opérations commerciales mentionnées sur lesdites factures ont été effectuées pour les contreparties figurant sur ces dernières.
26 Dans ces conditions, le Baranya Megyei Bíróság a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
1) Les dispositions de l’article 13, paragraphe 1, point 16, de la loi relative à la TVA qui s’appliquait à l’époque de la facturation litigieuse et de l’article 1/E, paragraphe 1, de l’arrêté du ministre des Finances n° 24 de 1995 sont-elles, compte tenu particulièrement de celle de l’article 13, paragraphe 1, point 16, sous f), de la loi relative à la TVA, compatibles avec les éléments de la facture et avec la notion de facture déterminés à l’article 2, [point 2], de la directive 2001/115?
Si cette question appelle une réponse affirmative:
2) La pratique d’un État membre qui sanctionne les vices formels d’une facture sur laquelle repose une demande de déduction par le refus de reconnaître le droit à déduction est-elle contraire aux articles 17, paragraphe 1, 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, sous a) et b), de la sixième directive?
3) Suffit-il, pour exercer le droit à une déduction, de satisfaire aux exigences de l’article 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, ou bien le droit à déduction ne peut-il être exercé et une facture acceptée comme document digne de foi que si toutes les exigences et les mentions prévues par la directive 2001/115 sont respectées?
Sur les questions préjudicielles
Observations liminaires
27 Il convient de constater que la juridiction de renvoi invite la Cour à se prononcer sur la conformité d’une réglementation ou d’une pratique nationale avec le droit de l’Union.
28 Il y a lieu de rappeler à cet égard que, s’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre de la procédure préjudicielle, sur la compatibilité de dispositions du droit national ou d’une pratique nationale avec les règles de droit de l’Union, elle a itérativement jugé qu’elle est compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant de ce droit qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle conformité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir arrêt du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales, C-118/08, non encore publié au Recueil, point 23 et jurisprudence citée).
29 Il appartient donc à la Cour, dans la présente affaire, de limiter son examen aux dispositions du droit de l’Union en donnant une interprétation de celui-ci qui soit utile pour la juridiction de renvoi, à laquelle il revient d’apprécier la conformité de la réglementation ou de la pratique nationale en cause avec le droit de l’Union, aux fins de trancher le litige pendant devant elle (voir, par analogie, arrêt du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C-380/05, Rec. p. I-349, point 51).
30 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la demande de la juridiction de renvoi, qui se réfère aux articles 17, paragraphe 1, 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, sous a) et b), de la sixième directive, porte sur l’interprétation desdites dispositions.
31 Toutefois, conformément aux articles 411 et 413 de la directive 2006/112, cette dernière a abrogé et remplacé la sixième directive à partir du 1er janvier 2007.
32 Dès lors que tous les faits du litige au principal sont postérieurs au 1er janvier 2007, seule l’interprétation des dispositions de la directive 2006/112 est pertinente pour le litige au principal.
33 La circonstance que la juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé les questions préjudicielles en se référant uniquement aux dispositions de la sixième directive ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 2009, ČEZ, C-115/08, non encore publié au Recueil, point 81, et du 12 janvier 2010, Petersen, C-341/08, non encore publié au Recueil, point 48).
34 À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de son troisième considérant, la directive 2006/112 est une refonte de la législation existante, notamment de la sixième directive, qui n’entraîne, en principe, pas de changements de fond.
35 Dans ces conditions, il doit être considéré que les questions préjudicielles portent sur l’interprétation des articles 167, 178, sous a), 220, point 1, et 226 de la directive 2006/112 qui correspondent aux dispositions de la sixième directive visées par la décision de renvoi.
Sur le fond
36 Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 167, 178, sous a), 220, point 1, et 226 de la directive 2006/112 s’opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, ou à une pratique fondée sur une telle réglementation, qui refuse le droit à déduction de la TVA lorsque la facture relative aux biens livrés à l’assujetti ou aux services qui lui ont été fournis comportait initialement une mention erronée dont la rectification ultérieure ne respecte pas toutes les conditions fixées par les règles nationales applicables.
37 À cet égard, il convient de rappeler que le droit à déduction prévu aux articles 167 et suivants de la directive 2006/112 fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, notamment, arrêts du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, point 18; du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 43, ainsi que du 6 juillet 2006, Kittel et Recolta Recycling, C-439/04 et C-440/04, Rec. p. I-6161, point 47).
38 Il ressort de la décision de renvoi que, en l’espèce, les conditions matérielles prévues à l’article 168, sous a), de la directive 2006/112 sont réunies pour que la requérante au principal puisse bénéficier du droit à déduction de la TVA afférente aux services qui lui ont été rendus par le sous-traitant. Ces derniers services ont en effet été utilisés pour les besoins d’opérations taxées, effectuées par l’assujetti dans l’État membre concerné.
39 Toutefois, en vertu de l’article 178, sous a), de la directive 2006/112, l’exercice du droit à la déduction visée à l’article 168, sous a), de cette directive est lié à la détention d’une facture. Conformément à l’article 220, point 1, de la directive 2006/112, une facture doit ainsi être émise pour toute livraison de biens ou prestation de services qu’un assujetti effectue pour un autre assujetti.
40 L’article 226 de la directive 2006/112 précise que, sans préjudice des dispositions particulières de cette directive, seules les mentions citées à cet article doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application de l’article 220 de ladite directive.
41 Il s’ensuit qu’il n’est pas loisible aux États membres de lier l’exercice du droit à déduction de la TVA au respect de conditions relatives au contenu des factures, qui ne sont pas expressément prévues par les dispositions de la directive 2006/112. Cette interprétation est également corroborée par l’article 273 de cette directive qui prévoit que les États membres peuvent imposer des obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, mais que cette faculté ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées, notamment, à l’article 226 de ladite directive.
42 Dans le cadre du litige au principal, le droit à déduction de la TVA afférente aux prestations fournies par le sous-traitant a été refusé à la requérante au principal pour deux motifs. D’une part, les factures initiales émises par le sous-traitant mentionnaient des dates d’achèvement de la prestation de services erronées. D’autre part, les factures rectifiées, dont il n’est pas contesté qu’elles mentionnaient les dates d’achèvement exactes, ont été considérées comme n’assurant pas une numérotation continue en ce que les notes de crédit et les factures rectifiées émises le même jour utilisaient deux numérotations distinctes.
43 Certes, comme le relève le gouvernement hongrois, la facture doit, conformément à l’article 226, point 7, de la directive 2006/112, obligatoirement mentionner la date exacte à laquelle la prestation de services est achevée. Toutefois, il ressort du dossier soumis à la Cour que, au moment où l’autorité fiscale de premier ressort a refusé à la requérante au principal la déduction de la TVA afférente aux services qui lui ont été rendus par le sous-traitant, cette autorité disposait déjà de factures rectifiées par ce dernier, mentionnant les dates d’achèvement exactes. Or, la directive 2006/112 n’interdit pas de procéder à la rectification de factures erronées.
44 Eu égard à ce qui a été constaté aux points 38 et 41 du présent arrêt, si les factures rectifiées comportaient toutes les mentions imposées par la directive 2006/112, notamment à l’article 226 de celle-ci, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il devrait être considéré que, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, toutes les conditions matérielles et formelles étaient réunies pour que la requérante au principal puisse bénéficier de la déduction de la TVA afférente à la prestation de services fournie par le sous-traitant. À cet égard, il importe de souligner que l’article 226 de la directive 2006/112 n’impose aucune obligation selon laquelle des factures rectifiées doivent relever de la même série que celle dont relèvent les notes de crédit annulant des factures erronées.
45 Dans ces conditions, il convient de répondre aux questions posées que les articles 167, 178, sous a), 220, point 1, et 226 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation ou à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités nationales refusent à un assujetti le droit de déduire du montant de la TVA dont il est redevable le montant de la taxe due ou acquittée pour les services qui lui ont été fournis, aux motifs que la facture initiale, en sa possession au moment de la déduction, comportait une date d’achèvement de la prestation de services erronée et qu’il n’existait pas une numérotation continue de la facture rectifiée ultérieurement et de la note de crédit annulant la facture initiale, si les conditions matérielles de la déduction sont remplies et que, avant l’adoption de la décision par l’autorité concernée, l’assujetti a fourni à cette dernière une facture rectifiée, indiquant la date exacte à laquelle ladite prestation de services a été achevée, même s’il n’existe pas une numérotation continue de cette facture et de la note de crédit annulant la facture initiale.
Sur les dépens
46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
Les articles 167, 178, sous a), 220, point 1, et 226 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation ou à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités nationales refusent à un assujetti le droit de déduire du montant de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable le montant de la taxe due ou acquittée pour les services qui lui ont été fournis, aux motifs que la facture initiale, en sa possession au moment de la déduction, comportait une date d’achèvement de la prestation de services erronée et qu’il n’existait pas une numérotation continue de la facture rectifiée ultérieurement et de la note de crédit annulant la facture initiale, si les conditions matérielles de la déduction sont remplies et que, avant l’adoption de la décision par l’autorité concernée, l’assujetti a fourni à cette dernière une facture rectifiée, indiquant la date exacte à laquelle ladite prestation de services a été achevée, même s’il n’existe pas une numérotation continue de cette facture et de la note de crédit annulant la facture initiale.
Signatures
* Langue de procédure: le hongrois.