Affaire C-539/09
Commission européenne
contre
République fédérale d'Allemagne
«Manquement d’État — Intention manifestée par la Cour des comptes de procéder à des contrôles dans un État membre — Refus opposé par ledit État membre — Pouvoirs de la Cour des comptes — Article 248 CE — Contrôle de la coopération des autorités administratives nationales dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée — Règlement (CE) nº 1798/2003 — Recettes de la Communauté — Ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée»
Sommaire de l'arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Système commun d'échange d'informations — Coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée — Compétence de contrôle de la Cour des comptes — Portée
(Art. 248, § 1 à 3, CE; règlement du Conseil nº 1798/2003)
Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 248, paragraphes 1 à 3, CE, un État membre qui s'oppose à ce que la Cour des comptes de l’Union européenne effectue des contrôles sur son territoire, portant sur la coopération administrative au titre du règlement nº 1798/2003, concernant la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée et des modalités d’application de celui-ci.
L'article 248 CE, qui précise la manière dont la Cour des comptes est appelée à s'acquitter de sa mission de contrôle des comptes, prévoit qu'elle examine les comptes de la totalité des recettes et dépenses de la Communauté, la légalité et la régularité de ces recettes et dépenses ainsi que la bonne gestion financière. Le paragraphe 3 de cet article habilite la Cour des comptes à effectuer des contrôles sur pièces et, au besoin, sur place, notamment dans les États membres.
Or, le système de ressources propres institué en exécution du traité vise bien, s'agissant des ressources provenant de la taxe sur la valeur ajoutée, à créer, à charge des États membres, une obligation de mettre à la disposition de la Communauté, en tant que ressources propres, une part des montants qu'ils perçoivent au titre de ladite taxe. Dès lors qu'ils visent à lutter contre la fraude et l'évasion en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les mécanismes de coopération s'imposant aux États membres en vertu dudit règlement nº 1798/2003 sont eux-mêmes de nature à exercer une influence directe et essentielle sur la perception effective des recettes de ladite taxe et, partant, sur la mise à disposition du budget communautaire des ressources provenant de la taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, l’application effective, par un État membre, des règles de coopération qu’instaure le règlement nº 1798/2003 est susceptible de conditionner non seulement l’aptitude dudit État membre à lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales sur son propre territoire, mais également celle des autres États membres à assurer une telle lutte sur leurs territoires respectifs, singulièrement lorsque la correcte application de la taxe sur la valeur ajoutée dans ces autres États membres dépend des informations détenues par ledit État.
Le contrôle, par la Cour des comptes, portant sur la coopération administrative au titre du règlement nº 1798/2003, a donc bien trait aux recettes de la Communauté envisagées sous l'angle de leur légalité et de la bonne gestion financière y afférente et présente ainsi un lien direct avec les attributions conférées à cette institution par l'article 248 CE.
(cf. points 59-61, 71, 77, 79, 81, disp. 1)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
15 novembre 2011 (*)
«Manquement d’État – Intention manifestée par la Cour des comptes de procéder à des contrôles dans un État membre – Refus opposé par ledit État membre – Pouvoirs de la Cour des comptes – Article 248 CE – Contrôle de la coopération des autorités administratives nationales dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée – Règlement (CE) n° 1798/2003 – Recettes de la Communauté – Ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée»
Dans l’affaire C-539/09,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 21 décembre 2009,
Commission européenne, représentée par M. A. Caeiros et Mme B. Conte, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
soutenue par:
Parlement européen, représenté par M. R. Passos et Mme E. Waldherr, en qualité d’agents,
Cour des comptes de l’Union européenne, représentée initialement par M. R. Crowe, puis par M. T. Kennedy et Mme B. Schäfer, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
contre
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. C. Blaschke et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, J. Malenovský et M. Safjan, présidents de chambre, MM. K. Schiemann (rapporteur), G. Arestis, A. Borg Barthet, M. Ilešič, Mme C. Toader et M. J.-J. Kasel, juges,
avocat général: Mme V. Trstenjak,
greffier: M. B. Fülöp, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mars 2011,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 mai 2011,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en s’étant opposée à ce que la Cour des comptes de l’Union européenne effectue des contrôles, en Allemagne, portant sur la coopération administrative au titre du règlement (CE) n° 1798/2003 du Conseil, du 7 octobre 2003, concernant la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée (JO L 264, p. 1) et des modalités d’application de celui-ci, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 248, paragraphes 1 à 3, CE, des articles 140, paragraphe 2, et 142, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1) ainsi que de l’article 10 CE.
Le cadre juridique
2 Le règlement n° 1605/2002 a été adopté sur le fondement des articles 279 CE et 183 EA. L’article 140, paragraphes 1 et 2, de ce règlement dispose:
«1. L’examen par la Cour des comptes de la légalité et la régularité des recettes et des dépenses a lieu au regard des dispositions des traités, du budget, du présent règlement, des modalités d’exécution ainsi que de tous actes pris en exécution des traités.
2. Dans l’accomplissement de sa mission, la Cour des comptes peut prendre connaissance, dans les conditions déterminées à l’article 142, de tous documents et informations relatifs à la gestion financière des services ou organismes concernant les opérations financées ou cofinancées par les Communautés. Elle a le pouvoir d’entendre tout agent dont la responsabilité est engagée dans une opération de dépense ou de recette et d’utiliser toutes les possibilités de contrôle reconnues auxdits services ou organismes. Le contrôle dans les États membres s’effectue en liaison avec les institutions de contrôle nationales ou, si celles-ci ne disposent pas des compétences nécessaires, avec les services nationaux compétents. La Cour des comptes et les institutions de contrôle nationales des États membres pratiquent une coopération empreinte de confiance et respectueuse de leur indépendance.
[...]»
3 L’article 142, paragraphe 1, du règlement n° 1605/2002 prévoit:
«La Commission, les autres institutions, les organismes gérant des recettes ou des dépenses au nom des Communautés, ainsi que les bénéficiaires finaux de paiements effectués sur le budget, apportent à la Cour des comptes toutes les facilités et lui donnent tous les renseignements dont celle-ci estime avoir besoin dans l’accomplissement de sa mission. Ils tiennent à la disposition de la Cour des comptes toutes pièces concernant la passation et l’exécution des marchés financés par le budget communautaire et tous comptes en deniers et matières, toutes pièces comptables ou justificatives, ainsi que les documents administratifs qui s’y rapportent, toute documentation relative aux recettes et aux dépenses des Communautés, tous inventaires, tous organigrammes que la Cour des comptes estime nécessaires à la vérification sur pièces ou sur place du rapport sur le résultat de l’exécution budgétaire et financière et, pour les mêmes fins, tous documents et données établis ou conservés sur un support magnétique.
Les divers services et corps de contrôle internes des administrations nationales concernées apportent à la Cour des comptes toutes les facilités dont celle-ci estime avoir besoin dans l’accomplissement de sa mission.
Le premier alinéa s’applique également aux personnes physiques ou morales bénéficiaires de versements provenant du budget communautaire.»
4 Adoptée sur le fondement des articles 269 CE et 173 EA, la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 253, p. 42) dispose, à son article 2, paragraphe 1, sous c) et d):
«Constituent des ressources propres inscrites au budget de l’Union européenne, les recettes provenant:
[...]
c) de l’application d’un taux uniforme valable pour tous les États membres à l’assiette harmonisée de la [taxe sur la valeur ajoutée, ci-après la ‘TVA’], déterminée selon les règles de la Communauté. L’assiette à prendre en compte à cet effet n’excède pas 50 % du [produit national brut, ci-après le ‘PNB’] de chaque État membre, tel qu’il est défini au paragraphe 7;
d) de l’application d’un taux – à fixer dans le cadre de la procédure budgétaire compte tenu de toutes les autres recettes – à la somme des PNB de tous les États membres.»
5 L’article 8, paragraphe 2, de la décision 2000/597 prévoit:
«Sans préjudice de la vérification des comptes et des contrôles de conformité et de régularité prévus à l’article 248 du traité CE et à l’article 160 C du traité Euratom, cette vérification et ces contrôles portant essentiellement sur la fiabilité et l’efficacité des procédures et systèmes nationaux de détermination de la base pour les ressources propres provenant de la TVA et du PNB, et sans préjudice des contrôles organisés en vertu de l’article 279, point c), du traité CE et de l’article 183, point c), du traité Euratom, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la présente décision ainsi que celles relatives au contrôle du recouvrement, à la mise à disposition de la Commission et au versement des recettes visées aux articles 2 et 5.»
6 La décision 2000/597 a été remplacée par la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 163, p. 17), qui a pris effet le 1er janvier 2007. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous b) et c), de cette dernière décision, les ressources propres inscrites au budget général de l’Union continuent d’inclure, notamment, les recettes provenant de l’application d’un taux uniforme valable pour tous les États membres à l’assiette harmonisée de la TVA, déterminée selon les règles de la Communauté ainsi que celles provenant de l’application d’un taux uniforme – à fixer dans le cadre de la procédure budgétaire compte tenu de toutes les autres recettes – à la somme des revenus nationaux bruts (ci-après les «RNB») de tous les États membres.
7 L’article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE, Euratom) n° 1553/89 du Conseil, du 29 mai 1989, concernant le régime uniforme définitif de perception des ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (JO L 155, p. 9) prévoit:
«La base des ressources TVA est déterminée à partir des opérations imposables visées à l’article 2 de la [sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la ‘sixième directive TVA’)] [...]»
8 Aux termes de l’article 3 du règlement n° 1553/89:
«Pour une année civile déterminée, et sans préjudice des articles 5 et 6, on calcule la base des ressources TVA en divisant le total des recettes nettes de TVA encaissées par l’État membre au cours de cette année par le taux auquel cette taxe est perçue pendant cette même année.
Si plusieurs taux de TVA sont appliqués dans un État membre, on calcule la base des ressources TVA en divisant le total des recettes nettes encaissées par le taux moyen pondéré de la TVA. [...]»
9 Les deux premiers considérants du règlement n° 1798/2003 énoncent:
«(1) La pratique de la fraude et de l’évasion fiscales par-delà les frontières des États membres conduit à des pertes budgétaires et à des atteintes au principe de la justice fiscale, et est susceptible de provoquer des distorsions dans les mouvements de capitaux et dans les conditions de concurrence. Elle affecte donc le fonctionnement du marché intérieur.
(2) La lutte contre la fraude à la [TVA] exige une collaboration étroite entre les autorités administratives chargées dans chacun des États membres de l’exécution des dispositions arrêtées dans ce domaine.»
10 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1798/2003 prévoit:
«Le présent règlement détermine les conditions dans lesquelles les autorités administratives chargées, dans les États membres, de l’application de la législation relative à la [TVA] sur les livraisons de biens et les prestations de services, l’acquisition intracommunautaire de biens et l’importation de biens coopèrent entre elles ainsi qu’avec la Commission en vue d’assurer le respect de cette législation.
À cette fin, il définit des règles et des procédures permettant aux autorités compétentes des États membres de coopérer et d’échanger entre elles toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct de la TVA.
Le présent règlement définit, en outre, des règles et procédures pour l’échange de certaines informations par voie électronique, notamment en ce qui concerne la TVA sur les transactions intracommunautaires.
[...]»
11 L’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1798/2003 dispose:
«Chaque État membre désigne un unique bureau central de liaison comme responsable privilégié, par délégation, des contacts avec les autres États membres dans le domaine de la coopération administrative. [...]»
12 Figurant dans le chapitre II, intitulé «Échange d’informations sur demande», du règlement n° 1798/2003, l’article 5 de celui-ci prévoit:
«1. Sur demande de l’autorité requérante, l’autorité requise communique les informations visées à l’article 1er, y compris celles qui concernent un ou plusieurs cas précis.
2. En vue de la communication visée au paragraphe 1, l’autorité requise fait effectuer s’il y a lieu les enquêtes administratives nécessaires pour obtenir ces informations.
3. La demande visée au paragraphe 1 peut comprendre une demande motivée portant sur une enquête administrative précise. [...]
[...]»
13 Intitulé «Échange d’informations sans demande préalable», le chapitre IV du règlement n° 1798/2003 prévoit l’échange automatique de certaines informations.
14 Les dispositions du chapitre V de ce règlement prévoient la mise en place, par chaque État membre, d’une base de données électronique dans laquelle doivent être stockées et traitées diverses informations afférentes aux transactions intracommunautaires, ainsi que d’une base de données électronique contenant un registre des personnes auxquelles un numéro de TVA a été attribué dans cet État membre. Ces dispositions définissent également les conditions auxquelles l’autorité compétente de chaque État membre peut obtenir l’accès auxdites informations.
15 Le règlement (CE) n° 1925/2004 de la Commission, du 29 octobre 2004, fixant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement n° 1798/2003 (JO L 331, p. 13) a notamment pour objet de spécifier les catégories d’informations à échanger sans demande préalable, la fréquence avec laquelle ces échanges doivent avoir lieu ainsi que d’arrêter les modalités régissant l’échange, par voie électronique, des informations communiquées au titre du règlement n° 1798/2003.
Les faits à l’origine du litige et la procédure précontentieuse
16 Par lettre du 26 juin 2006, la Cour des comptes a informé la Cour des comptes fédérale allemande de son intention de se rendre, entre le 10 et le 13 octobre 2006, en Allemagne aux fins d’y procéder, en vertu de l’article 248 CE, à des vérifications afférentes aux ressources propres provenant de la TVA (ci-après les «ressources TVA») et portant sur la coopération entre les autorités administratives des États membres dans le domaine de la TVA au titre du règlement n° 1798/2003. L’objectif annoncé était, d’une part, de vérifier si la République fédérale d’Allemagne avait mis en place les structures administratives et organisationnelles nécessaires à ladite coopération administrative et, d’autre part, d’examiner comment cette coopération fonctionnait en cas de demandes d’informations visées à l’article 5 dudit règlement.
17 Ce contrôle devait être effectué principalement auprès du bureau central de liaison et, le cas échéant, auprès des autres services nationaux impliqués dans la coopération administrative. Dans ce même courrier, la Cour des comptes demandait à la Cour des comptes fédérale allemande de lui indiquer si elle entendait participer audit contrôle en vertu de l’article 248, paragraphe 3, CE.
18 Par courrier du 7 septembre 2006, la Cour des comptes a adressé à la Cour des comptes fédérale allemande un document détaillant davantage le programme de la mission de contrôle envisagée en demandant la transmission préalable de certaines informations. La Cour des comptes fédérale allemande était priée de transmettre lesdits programme et demande d’informations préalables au bureau central de liaison.
19 Aux termes dudit programme, la mission de contrôle devait porter sur l’organisation, l’équipement et le fonctionnement du bureau central de liaison, l’envoi ou la réception de demandes d’informations et leur traitement, l’échange d’informations sans demande préalable ainsi que la saisie et l’échange d’informations sur les opérations intracommunautaires au moyen de la base de données électronique du système d’échange d’informations en matière de TVA (VIES) («VAT Information Exchange System», ci-après le «VIES»), visée au chapitre V du règlement n° 1798/2003. Ce programme prévoyait également d’examiner les obstacles de nature juridique entravant la coopération administrative et les mesures légales adoptées pour les surmonter, ainsi que toutes les autres mesures ayant été adoptées en vue d’améliorer ladite coopération et de prévenir la fraude, telles que la coordination avec les autorités de lutte anti-fraude, les accords bilatéraux sur l’échange d’informations, l’annulation de numéros de TVA, la présence d’agents de l’autorité requérante lors des contrôles effectués par l’autorité requise et les contrôles simultanés opérés dans différents États membres que prévoient les articles 11 et 12 du règlement n° 1798/2003, ou encore le recours aux possibilités offertes par le programme Fiscalis [voir décision 2235/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 3 décembre 2002, portant adoption d’un programme communautaire visant à améliorer le fonctionnement des systèmes fiscaux dans le marché intérieur (programme Fiscalis 2003-2007) (JO L 341, p. 1)].
20 Par lettre du 18 septembre 2006, la Cour des comptes fédérale allemande a indiqué qu’elle participerait à ce contrôle.
21 En l’absence de transmission à la Cour des comptes des documents demandés en vue dudit contrôle et de confirmation de la date prévue pour celui-ci par le bureau central de liaison, la Cour des comptes a informé la Cour des comptes fédérale allemande, par lettre du 5 octobre 2006, d’un report de la mission à la période du 14 au 17 novembre 2006.
22 Le bureau central de liaison n’ayant pas davantage confirmé ces nouvelles dates, la Cour des comptes a proposé, par lettre du 9 novembre 2006 adressée au ministère fédéral des finances, que les contrôles envisagés se déroulent du 4 au 7 décembre 2006. La Cour des comptes y indiquait que de tels contrôles avaient déjà eu lieu dans sept autres États membres et soulignait que l’objectif n’était pas de vérifier les opérations imposables et la bonne application de la TVA, mais de s’assurer du traitement efficace et correct des demandes d’informations envoyées et/ou reçues dans le cadre du VIES.
23 Par lettre du 4 décembre 2006, le ministère fédéral des finances s’est opposé à la réalisation en Allemagne dudit contrôle, en faisant valoir que celui-ci ne reposait sur aucune base juridique valable.
24 Informée de ce refus par la Cour des comptes et considérant que cette dernière était en droit de procéder au contrôle envisagé et que la République fédérale d’Allemagne avait méconnu ses obligations en s’opposant à la tenue de celui-ci sur son territoire, la Commission a, le 23 septembre 2008, adressé une lettre de mise en demeure à cet État membre en l’invitant, conformément à l’article 226 CE, à présenter ses observations. La République fédérale d’Allemagne a répondu à cette demande par courrier du 23 décembre 2008.
25 Le 23 mars 2009, la Commission a émis un avis motivé invitant la République fédérale d’Allemagne à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations, dans un délai de deux mois à compter de la réception dudit avis.
26 N’étant pas satisfaite de la réponse que cet État membre lui a adressée le 22 mai 2009, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
Argumentation afférente à la compétence de la Cour des comptes en matière de contrôle des recettes
27 Selon la Commission, il ressort de l’article 248 CE que la Cour des comptes a pour mission, en qualité d’auditeur externe indépendant, de vérifier si les opérations financières afférentes à la perception et à l’utilisation des fonds de la Communauté ont été enregistrées et présentées correctement, exécutées de manière légale et régulière et gérées dans un souci d’économie, d’efficience et d’efficacité, ainsi que de formuler des recommandations afin d’améliorer la gestion financière de la Communauté.
28 Eu égard à la nature essentielle de cette mission et afin d’assurer l’effet utile de ladite disposition, les compétences de contrôle de la Cour des comptes devraient être interprétées de manière large et s’étendre à tous les domaines ainsi qu’à tous les acteurs présentant un lien direct avec les recettes ou dépenses de la Communauté.
29 Or, la perception des recettes de TVA présenterait un tel lien avec les ressources TVA revenant à la Communauté. En effet, encaissées conformément aux dispositions de la sixième directive TVA, les recettes de cette taxe fourniraient une valeur de départ pour calculer le montant desdites ressources.
30 Bien que ne régissant pas directement la perception des recettes de la Communauté, le règlement n° 1798/2003 conditionnerait la légalité et la régularité des ressources TVA, dès lors que la coopération qu’institue ce règlement vise à assurer l’établissement correct de la TVA en permettant ainsi à la Communauté de disposer effectivement desdites ressources.
31 Il ressortirait, par ailleurs, de l’article 248, paragraphe 3, premier alinéa, CE ainsi que des articles 140, paragraphe 2, premier alinéa, troisième et quatrième phrases, et 142, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 1605/2002 et, plus généralement, du devoir de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE que, en cas de contrôles devant intervenir dans les États membres, ces derniers doivent offrir leur plein soutien à la Cour des comptes dans l’accomplissement de sa mission. En s’opposant à ce que la Cour des comptes effectue le contrôle litigieux en Allemagne, la République fédérale d’Allemagne aurait méconnu ses obligations à cet égard.
32 Le Parlement soutient que l’indépendance de la Cour des comptes consacrée à l’article 247, paragraphes 2 et 4, CE ainsi que le pouvoir général conféré à ladite institution par l’article 248, paragraphe 4, CE de présenter des observations et des rapports spéciaux de sa propre initiative, impliquent que celle-ci est libre de déterminer l’objet de ses audits dans le cadre du contrôle des finances de la Communauté, sans qu’une législation dérivée puisse conditionner cette liberté.
33 Une interprétation restrictive des pouvoirs de la Cour des comptes serait d’autant moins justifiée que les travaux de celle-ci offrent une aide précieuse tant à l’autorité budgétaire qu’au législateur communautaire, ainsi qu’en témoignerait, s’agissant de l’audit litigieux, le contenu du rapport spécial n° 8/2007 de la Cour des comptes en ayant résulté (JO 2008, C 20, p. 1). La Cour des comptes disposant uniquement de pouvoirs de contrôle et d’avis, la question de la base juridique de ses activités ne se poserait d’ailleurs pas de la même manière que celle concernant l’action normative de la Communauté.
34 La fraude et l’évasion en matière de TVA, ainsi que les distorsions qu’elles engendrent entre les États membres, affecteraient l’équilibre général du système de ressources propres, toute réduction des ressources TVA devant être compensée par une augmentation des ressources propres fondées sur le RNB. La qualité de la coopération qu’instaure à cet égard le règlement n° 1798/2003 devant permettre la détection de fraudes et la perception de recettes de TVA supplémentaires augmentant de la sorte la base sur laquelle sont calculées les ressources TVA, le respect de ce règlement conditionnerait bien la légalité et la régularité des recettes de la Communauté.
35 La Cour des comptes fait valoir que, dès lors que sa mission et ses compétences lui sont attribuées par les articles 246 CE et 248 CE, elle est libre de définir sa politique de contrôle, dans le respect du droit primaire et sous réserve de l’interprétation de la Cour, sans, notamment, que des dispositions de droit dérivé puissent circonscrire lesdites compétences ou y déroger.
36 Son pouvoir de contrôle s’étendrait au respect de toute disposition relevant du droit communautaire ayant une incidence sur les dépenses ou les recettes de la Communauté, aux fins d’offrir, au moyen des rapports annuels et spéciaux qu’elle adresse au Parlement et au Conseil, une base permettant la tenue de débats dans le cadre de la procédure de décharge et la recherche d’améliorations. La Cour des comptes serait, en particulier, habilitée, dans le cadre des rapports spéciaux, à choisir un thème ou un domaine relevant de ses compétences, à propos desquels elle s’attend à pouvoir formuler des propositions d’amélioration concernant l’économie, l’efficience et l’efficacité des mesures communautaires concernées.
37 L’interprétation proposée par le gouvernement allemand restreignant la compétence de la Cour des comptes à des audits financiers de type limité, sans permettre à celle-ci de mener des audits de performance sur la base de critères fondés sur la réglementation et sur les principes de bonne gestion financière, priverait d’effet utile l’article 248, paragraphe 2, CE, en ce que cette disposition se réfère à la bonne gestion des recettes et des dépenses.
38 Il découlerait de ce qui précède que la Cour des comptes est notamment fondée, aux fins, d’une part, de s’assurer de la perception effective des recettes de TVA et de la bonne gestion financière en matière de ressources TVA en découlant et, d’autre part, de lui permettre de formuler d’éventuelles recommandations, à examiner si le système de coopération prévu par le règlement n° 1798/2003 fonctionne correctement et efficacement.
39 La crainte, exprimée par le gouvernement allemand, de voir ladite institution prétendre contrôler la politique économique des États membres, dès lors que celle-ci contribue à la formation du RNB figurant lui-même à la base du calcul d’une ressource propre de l’Union, serait non fondée dans la mesure où, à la différence du domaine de la TVA, dans lequel des obligations issues du droit communautaire s’appliquent aux États membres en matière de perception des recettes, de telles obligations n’existeraient pas en ce qui concerne la manière dont les États membres doivent concevoir et mener leur politique économique.
40 S’agissant de l’argument du gouvernement allemand relatif à une violation du principe de subsidiarité, la Commission, le Parlement et la Cour des comptes sont d’avis que ledit principe s’applique à l’exercice de compétences de nature normative, mais non à l’égard de compétences de contrôle ou d’avis telles que celles de la Cour des comptes. La Commission et la Cour des comptes soulignent, en outre, que les compétences de cette dernière, en ce qu’elles portent sur l’intégralité des recettes et des dépenses de la Communauté, relèvent d’une compétence exclusive qui lui a été attribuée par le traité, notamment dans la perspective d’éclairer l’autorité budgétaire de la Communauté dans le cadre du contrôle de l’exécution du budget, si bien que ces compétences ne ressortissent pas à la notion de compétence partagée et ne peuvent être affectées par la circonstance que les autorités nationales sont également habilitées à exercer certains contrôles.
41 D’après la Commission, la nature transfrontière de la coopération instituée par le règlement n° 1798/2003 justifie en tout état de cause l’intervention de la Cour des comptes dont la compétence s’étend, à la différence de celle des instances nationales, à tous les États membres. Par ailleurs, le système commun des ressources propres exigerait de s’assurer de manière centralisée que chaque État membre contribue dûment au financement du budget de la Communauté.
42 Selon le gouvernement allemand, la compétence de la Cour des comptes est, alors même qu’il s’agit d’une compétence de contrôle et non de décision, entièrement circonscrite par le traité, en ce compris lorsqu’il s’agit de rédiger un rapport spécial. Or, l’article 248, paragraphes 1 à 3, CE indiquerait que cette compétence porte uniquement sur les comptes, sur la légalité ainsi que sur la régularité des recettes et des dépenses de la Communauté.
43 À cet égard, la coopération en matière de perception de recettes de TVA organisée par le règlement n° 1798/2003 ne présenterait pas de lien direct ou suffisant avec des recettes de la Communauté. Les recettes de TVA relèveraient en effet du budget national et seraient à distinguer des ressources TVA qui, seules, constituent des recettes de la Communauté.
44 Ainsi qu’il résulterait de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la décision 2000/597 et des articles 2 et suivants du règlement n° 1553/89, le montant des recettes de TVA effectivement encaissées constituerait simplement une forme d’unité de compte fixe à partir de laquelle le montant des ressources TVA serait établi, au terme d’un calcul distinct comprenant diverses extrapolations, corrections ou compensations.
45 La circonstance qu’une diminution des recettes de TVA implique d’avoir davantage recours aux ressources propres fondées sur le RNB des États membres ne pourrait pas non plus suffire à fonder une extension des pouvoirs de contrôle de la Cour des comptes auxdites recettes.
46 Comme le confirmerait l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2000/597, seules la détermination correcte par les États membres des recettes de TVA encaissées et l’exactitude des calculs opérés au départ de celles-ci pour déterminer le montant des ressources TVA pourraient relever de la compétence de la Cour des comptes. Tel ne serait pas le cas, en revanche, des structures des administrations fiscales nationales et des procédures de perception de la TVA qu’appliquent ces administrations, qui relèveraient de la compétence des seuls États membres. La compétence de contrôle à l’égard de ces structures et de ces procédures ne pourrait, partant, revenir qu’aux organes nationaux compétents.
47 En décider autrement reviendrait d’ailleurs à admettre, s’agissant des ressources propres calculées sur la base du PNB, que la compétence de contrôle de la Cour des comptes s’étend également aux politiques économiques des États membres.
48 À titre subsidiaire, le gouvernement allemand fait encore valoir que le principe de subsidiarité doit, lui aussi, conduire à considérer que la vérification des opérations de perception de la TVA et, partant, de la coopération administrative en ce domaine relève, non pas de la compétence de la Cour des comptes, mais bien de celle des cours des comptes nationales. Un contrôle des situations transfrontières visées par le règlement n° 1798/2003 pourrait en effet aisément intervenir au moyen d’une action commune de ces dernières.
Argumentation afférente à la compétence de la Cour des comptes en matière de contrôle des dépenses
49 Dans sa réplique, la Commission fait valoir que la mise en œuvre du règlement n° 1798/2003 a engendré des dépenses à charge du budget de l’Union, de telle manière que le contrôle litigieux se justifie également au regard de la compétence que détient la Cour des comptes en matière de contrôle des dépenses. Cette thèse est également défendue par la Cour des comptes qui relève, en particulier, qu’il ressort du programme de mission envoyé aux autorités allemandes, décrit au point 19 du présent arrêt, que le contrôle envisagé portait sur le stockage et sur les échanges d’informations intervenant tantôt au moyen du réseau CCN/CSI, tantôt via le réseau VIES qui bénéficient tous deux d’un financement communautaire, en vertu du programme Fiscalis.
50 Le gouvernement allemand conclut à l’irrecevabilité de cette argumentation qui, n’ayant pas été formulée dans la requête, ne peut plus être présentée par la Commission au stade de la réplique. En effet, l’État défendeur ayant été privé de la possibilité de répondre à ladite argumentation dans son mémoire en défense, l’article 42, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour exclurait semblable extension de l’objet du recours. Il découlerait, par ailleurs, de l’article 93, paragraphe 4, dudit règlement que, en tant que partie intervenante, la Cour des comptes ne saurait remédier à l’irrecevabilité partielle du recours liée à une omission de la partie requérante.
51 Sur le fond, le gouvernement allemand soutient que le contrôle annoncé par la Cour des comptes et, en conséquence, le refus opposé à cette dernière par la République fédérale d’Allemagne, étaient totalement étrangers à un contrôle des dépenses de la Communauté. En outre, une volonté de contrôler les dépenses ne pourrait justifier le contrôle litigieux dans son ensemble, dès lors que celui-ci porte également sur de nombreux éléments dont le financement incombe au budget des seuls États membres.
52 La Commission conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité soulevée par le gouvernement allemand. D’une part, l’argumentation litigieuse aurait été invoquée durant la procédure précontentieuse, si bien que les droits de la défense de la République fédérale d’Allemagne seraient saufs. D’autre part, ladite argumentation n’aurait pas eu pour effet d’élargir l’objet du recours. Tant la Commission que la Cour des comptes soutiennent, en outre, qu’une partie intervenante demeure libre d’invoquer des arguments qui n’ont pas été présentés par la partie qu’elle soutient.
Appréciation de la Cour
53 À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’opposition manifestée par la République fédérale d’Allemagne à l’endroit de la mission de contrôle envisagée par la Cour des comptes date de la fin de l’année 2006. Par ailleurs, et ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, l’existence éventuelle d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation telle qu’elle se présente au terme du délai imparti dans l’avis motivé de la Commission. Or, ledit délai a, s’agissant de la présente procédure, expiré au cours du mois de mai 2009.
54 Il découle de ce qui précède que les dispositions des traités au regard desquelles le manquement allégué par la Commission doit être apprécié sont celles qui précèdent l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
55 Sous le bénéfice de cette précision, il y a lieu d’examiner, en premier lieu, le manquement allégué de la République fédérale d’Allemagne aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 248, paragraphes 1 à 3, CE.
56 Il convient de rappeler, à cet égard, que les traités ont mis en place un système de répartition des compétences entre les différentes institutions de la Communauté, qui attribue à chacune de celles-ci sa propre mission dans la structure institutionnelle de la Communauté et dans la réalisation des tâches confiées à celle-ci (arrêt du 22 mai 1990, Parlement/Conseil, C-70/88, Rec. p. I-2041, point 21).
57 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, CE, la Cour des comptes, qui fut érigée au rang d’institution par le traité de Maastricht, agit, à l’instar des autres institutions, dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité CE.
58 La mission de la Cour des comptes se trouve d’abord formulée en termes très généraux à l’article 246 CE qui prévoit que ladite institution assure le contrôle des comptes.
59 L’article 248 CE, qui détaille ladite mission et précise la manière dont la Cour des comptes est appelée à s’en acquitter, prévoit notamment, à son paragraphe 1, que cette dernière examine les comptes de la totalité des recettes et des dépenses de la Communauté et qu’elle fournit au Parlement et au Conseil une déclaration d’assurance concernant la fiabilité des comptes ainsi que la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes, déclaration pouvant être complétée par des appréciations spécifiques pour chaque domaine majeur de l’activité communautaire.
60 L’article 248, paragraphe 2, CE précise, notamment, que la Cour des comptes examine la légalité et la régularité des recettes et des dépenses et s’assure de la bonne gestion financière, en signalant, ce faisant, en particulier toute irrégularité.
61 L’article 248, paragraphe 3, CE habilite la Cour des comptes à effectuer des contrôles sur pièces et, au besoin, sur place, notamment dans les États membres en liaison avec les institutions de contrôle nationales ou, si celles-ci ne disposent pas des compétences nécessaires, avec les services nationaux compétents.
62 L’article 248, paragraphe 4, CE prévoit, notamment, que la Cour des comptes établit un rapport annuel qu’elle transmet aux autres institutions et qui fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne, accompagné des réponses desdites institutions aux observations de la Cour des comptes. Cette dernière peut, de même, présenter à tout moment ses observations, notamment sous la forme de rapports spéciaux, sur des questions particulières et rendre des avis à la demande d’une des autres institutions de la Communauté. Ainsi que la Cour l’a déjà précisé, ladite disposition a pour objet de contribuer à l’amélioration de la gestion financière de la Communauté par la transmission des rapports aux institutions et par l’élaboration de leurs réponses (arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C-315/99 P, Rec. p. I-5281, point 27). De tels rapports sont destinés à éclairer l’autorité budgétaire appelée à donner décharge sur les comptes ainsi que, plus généralement, l’ensemble des acteurs publics susceptibles de contribuer à remédier aux éventuelles lacunes ou dysfonctionnements relevés par la Cour des comptes en ces domaines.
63 En l’occurrence, le contrôle envisagé par la Cour des comptes tendait, en substance, à s’assurer de la mise en place et du bon fonctionnement des structures et des mécanismes de coopération administrative prévus par le règlement n° 1798/2003 dans le domaine de la TVA, les constats à opérer devant, par la suite, permettre la formulation éventuelle, dans un rapport spécial, de recommandations visant à assurer une meilleure efficacité desdits structures et mécanismes.
64 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 269 CE, le budget est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres.
65 À l’époque à laquelle les autorités allemandes se sont opposées à la tenue du contrôle litigieux, le système des ressources propres des Communautés européennes était établi par la décision 2000/597. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de cette décision, lesdites ressources propres comprennent notamment les recettes provenant de l’application d’un taux uniforme à l’assiette harmonisée de la TVA, déterminée selon les règles de la Communauté. Tel demeure le cas sous l’empire de l’article 2 de la décision 2007/436, en vigueur à l’époque à laquelle a expiré le délai imparti dans l’avis motivé émis par la Commission.
66 En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1553/89, la base des ressources TVA est déterminée à partir des opérations imposables visées à l’article 2 de la sixième directive TVA. Cette directive a été remplacée, depuis le 1er janvier 2007, par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»).
67 Sans préjudice de divers ajustements prévus par les dispositions dudit règlement, l’article 3 de celui-ci prévoit que la base des ressources TVA est obtenue en divisant le total des recettes nettes de TVA encaissées par l’État membre au cours de l’année par le taux auquel cette taxe est perçue pendant cette même année, un taux moyen pondéré de TVA étant retenu aux fins de ladite division lorsque plusieurs taux de TVA sont appliqués dans un État membre.
68 Au rang desdits ajustements figure notamment celui résultant de la précision contenue à l’article 2, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1553/89, selon laquelle, pour l’application du paragraphe 1 du même article, doivent être prises en compte, pour la détermination des ressources TVA, les opérations que les États membres continuent à exonérer en vertu de l’article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive TVA. À cet égard, l’article 6, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1553/89 prévoit notamment que, pour l’application de l’article 2, paragraphe 2, troisième tiret, de ce même règlement, les États membres calculent la base des ressources TVA comme si ces opérations étaient taxées, cela, afin de mettre ces États sur un pied d’égalité avec les autres États membres qui n’ont pas opté pour l’exonération d’un secteur déterminé (voir arrêt du 23 mai 1990, Commission/Allemagne, C-251/88, Rec. p. I-2107, point 14).
69 À ces divers égards, il est certes vrai que les recettes provenant du versement de la TVA demeurent, pour leur plus grande part, des recettes fiscales nationales inscrites au budget des États membres, de sorte que seul un faible pourcentage desdites recettes bénéficie au budget communautaire en tant que ressources propres (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 1999, Commission/Espagne, C-414/97, Rec. p. I-5585, point 23).
70 Il est, de même, exact, ainsi que l’a fait valoir le gouvernement allemand, que le calcul du montant des ressources TVA ne consiste pas simplement en un pourcentage des recettes de TVA effectivement perçues, mais que divers correctifs poursuivant, notamment, les finalités rappelées au point 68 du présent arrêt interviennent dans un tel calcul.
71 De tels constats n’affectent toutefois pas le fait que le système de ressources propres institué en exécution du traité vise bien, s’agissant des ressources TVA, à créer, à charge des États membres, une obligation de mettre à la disposition de la Communauté, en tant que ressources propres, une part des montants qu’ils perçoivent au titre de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 1990, Commission/France, C-30/89, Rec. p. I-691, point 23). Ces constats n’affectent pas davantage la circonstance que les États membres sont tenus, aux fins d’assurer un prélèvement effectif desdites recettes de TVA et de pouvoir procéder, dans la mesure requise par les décisions 2000/597 ou 2007/436 et le règlement n° 1553/89, à la mise à disposition du budget communautaire des ressources TVA correspondantes, de respecter les diverses règles du droit communautaire afférentes audit prélèvement, telles que celles que comportent la sixième directive TVA et la directive TVA, ou encore le règlement n° 1798/2003. La situation est, à cet égard, sensiblement différente de celle qui prévaut pour les ressources propres fondées sur le RNB des États membres.
72 Un lien direct existe ainsi entre, d’une part, la perception des recettes de TVA dans le respect du droit communautaire applicable et, d’autre part, la mise à disposition du budget communautaire des ressources TVA correspondantes, dès lors que toute lacune dans la perception des premières se trouve potentiellement à l’origine d’une réduction des secondes.
73 À cet égard, la Cour a notamment jugé que lorsqu’un État membre s’est abstenu de soumettre à la TVA un type d’opération en méconnaissance des exigences découlant de la sixième directive TVA, une telle violation est également susceptible d’engendrer un manquement dudit État membre à son obligation de mettre à la disposition de la Commission, au titre des ressources TVA, les montants correspondant à la taxe qui aurait dû être prélevée sur lesdites opérations (voir, notamment, arrêts du 12 septembre 2000, Commission/France, C-276/97, Rec. p. I-6251, points 49, 56, 61 et 70; Commission/Irlande, C-358/97, Rec. p. I-6301, points 58, 65, 69 et 78, ainsi que Commission/Royaume-Uni, C-359/97, Rec. p. I-6355, points 70, 77 et 87).
74 De même, ayant rappelé qu’il découlait des articles 2 et 22 de la sixième directive TVA, ainsi que de l’article 10 CE, que chaque État membre a l’obligation de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur son territoire et précisé que, dans le cadre du système commun de TVA, les États membres sont tenus de garantir le respect des obligations auxquelles les assujettis sont soumis et qu’ils bénéficient, à cet égard, d’une certaine latitude en ce qui concerne, notamment, la manière d’utiliser les moyens dont ils disposent, la Cour a cependant ajouté que cette latitude est toutefois limitée, notamment, par l’obligation de garantir un prélèvement efficace des ressources propres de la Communauté (arrêt du 17 juillet 2008, Commission/Italie, C-132/06, Rec. p. I-5457, points 37 à 39).
75 Au rang des objectifs visés par le Conseil lors de l’adoption de la sixième directive TVA, figurait d’ailleurs, ainsi qu’il ressort en particulier du onzième considérant de celle-ci, depuis reproduit au trente-cinquième considérant de la directive TVA, celui de parvenir à une perception comparable des ressources propres dans tous les États membres (voir arrêt du 4 octobre 2001, «Goed Wonen», C-326/99, Rec. p. I-6831, point 47 et jurisprudence citée).
76 Par ailleurs, il convient également de rappeler que toute réduction des ressources TVA doit être compensée au moyen d’une réduction des dépenses ou d’une augmentation des ressources propres fondées sur le RNB, ce qui est de nature à affecter l’équilibre général du système des ressources propres destiné à couvrir les dépenses de la Communauté.
77 S’agissant, plus précisément, du règlement n° 1798/2003, il y a lieu de relever que, dès lors qu’ils visent à lutter contre la fraude et l’évasion en matière de TVA dans l’ensemble des États membres, les mécanismes de coopération s’imposant aux États membres en vertu dudit règlement sont eux-mêmes de nature à exercer une influence directe et essentielle sur la perception effective des recettes de TVA et, partant, sur la mise à disposition du budget communautaire des ressources TVA.
78 À cet égard, il convient, d’une part, de souligner qu’une partie importante des fraudes en matière de TVA survient à l’occasion d’échanges intracommunautaires réels ou prétendus et, d’autre part, de rappeler que la Cour a précédemment jugé que l’assistance mutuelle et la coopération administrative entre les autorités fiscales des États membres concernés revêt une importance essentielle aux fins, notamment, d’éviter que les acquisitions intracommunautaires échappent au paiement de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2010, R., C-285/09, non encore publié au Recueil, point 52).
79 En outre, il y a lieu de souligner que l’application effective, par un État membre, des règles de coopération qu’instaure le règlement n° 1798/2003 est susceptible de conditionner non seulement l’aptitude dudit État membre à lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales sur son propre territoire, mais également celle des autres États membres à assurer une telle lutte sur leurs territoires respectifs, singulièrement lorsque la correcte application de la TVA dans ces autres États membres dépend des informations détenues par ledit État membre ou pouvant être obtenues beaucoup plus facilement par ce dernier.
80 Il découle de ce qui précède qu’une coopération entre les administrations nationales telle que celle qu’a instituée le règlement n° 1798/2003 est de nature, lorsqu’elle est menée efficacement et de manière conforme aux dispositions de ce règlement, à contribuer à une réduction des fraudes et à la perception effective des recettes de TVA ainsi que, dans une mesure correspondante, au maintien des ressources TVA au niveau qui doit être le sien en vertu des divers actes législatifs communautaires applicables et, dès lors, à la préservation de l’équilibre général des ressources propres.
81 Dans ces conditions, il doit être admis que la Cour des comptes était compétente pour effectuer le contrôle litigieux envisagé dans la mesure où ce dernier, en ce qu’il devait porter sur la coopération administrative au titre du règlement n° 1798/2003, avait bien trait aux recettes de la Communauté envisagées sous l’angle de leur légalité et de la bonne gestion financière y afférente et présentait ainsi un lien direct avec les attributions conférées à ladite institution par l’article 248 CE.
82 Contrairement à ce que fait valoir le gouvernement allemand, une telle conclusion, dès lors qu’elle s’impose en vertu dudit article, ne saurait être remise en cause notamment par la précision figurant dans l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2000/597, selon laquelle ladite disposition est sans préjudice de la vérification des comptes et des contrôles de conformité et de régularité prévus à l’article 248 CE, vérification et contrôles qui porteraient essentiellement sur la fiabilité et l’efficacité des procédures et des systèmes nationaux de détermination de la base pour les ressources TVA. Il convient de relever, en outre, que ladite précision a, entre-temps, été omise dans l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2007/436.
83 Par ailleurs, le contrôle litigieux envisagé dans son ensemble relevant, ainsi qu’il résulte du point 81 du présent arrêt, de la compétence que la Cour des comptes détient en matière de contrôle des recettes, il n’est pas nécessaire pour la Cour d’examiner la question de savoir si, et dans quelle mesure éventuelle, ledit contrôle eût également été susceptible de se justifier au titre de la compétence de la Cour des comptes en matière de contrôle des dépenses, ni, partant, de trancher la question de la recevabilité de l’argumentation développée sur ce plan par la Commission et par la Cour des comptes.
84 En outre, il n’est pas davantage nécessaire de se prononcer, dans le cadre de la présente affaire, sur la question de savoir si, et dans quelle mesure éventuelle, le principe de subsidiarité invoqué, à titre subsidiaire, par la République fédérale d’Allemagne dans sa défense pourrait être appelé à jouer un rôle, en matière de contrôles, aux fins de départager les interventions respectives de la Cour des comptes et des institutions de contrôle nationales. Il suffit, à cet égard, de relever que, à supposer même que le principe de subsidiarité doive s’appliquer en l’espèce, la dimension transfrontière de la coopération administrative en matière de TVA instituée par le règlement n° 1798/2003 conduirait en tout état de cause à considérer que le contrôle litigieux est conforme audit principe. En effet, un tel contrôle étant destiné à s’assurer du bon fonctionnement de la coopération à laquelle participent des administrations de l’ensemble des États membres, bon fonctionnement dont dépend pour partie l’aptitude de chacune desdites administrations à lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales sur leur propre territoire, ledit contrôle sera nécessairement mieux réalisé de manière centralisée, au niveau de la Communauté, par la Cour des comptes, dès lors, en particulier, que le champ de compétence de cette dernière s’étend, à la différence de celui des cours des comptes nationales, à l’ensemble des États membres.
85 Dès lors qu’il découle de tout ce qui précède que la Cour des comptes était compétente, en vertu des dispositions de l’article 248 CE, pour procéder à un contrôle tel que le contrôle litigieux, force est de constater que, en s’opposant à la tenue de ce contrôle sur son territoire, la République fédérale d’Allemagne a méconnu les obligations découlant pour elle de cet article, en particulier du paragraphe 3 de celui-ci.
86 Il s’ensuit que le recours de la Commission doit être accueilli de ce chef.
87 S’agissant, en deuxième lieu, de la violation de l’article 10 CE, également invoquée par la Commission, il suffit, en revanche, de relever qu’il n’y a pas lieu de constater un manquement aux obligations générales contenues dans les dispositions de cet article, distinct du manquement constaté aux obligations plus spécifiques auxquelles était tenue la République fédérale d’Allemagne en vertu de l’article 248 CE (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C-334/08, non encore publié au Recueil, point 75 et jurisprudence citée). En effet, et ainsi qu’il vient d’être rappelé, l’article 248, paragraphe 3, CE prévoit expressément que les contrôles relevant de la compétence de la Cour des comptes aux termes des paragraphes 1 et 2 de cet article peuvent, au besoin, avoir lieu sur place dans les États membres, de tels contrôles s’effectuant en liaison avec les institutions de contrôle nationales ou les services nationaux compétents appelés, en pareil cas, à pratiquer avec la Cour des comptes une coopération empreinte de confiance.
88 La Commission demande, en troisième lieu, à la Cour de constater un manquement de la République fédérale d’Allemagne à des obligations découlant pour celle-ci des articles 140, paragraphe 2, et 142, paragraphe 1, du règlement n° 1605/2002.
89 À cet égard, il suffit de relever que, la Commission, à laquelle incombe la charge de la preuve des manquements qu’elle allègue, n’a entrepris d’exposer ni en quoi le manquement qu’elle reproche à la République fédérale d’Allemagne en ce qui concerne ces deux dispositions serait éventuellement à distinguer de celui dont elle demande par ailleurs la constatation au regard de l’article 248, paragraphes 1 à 3, CE, ni, du reste, dans quelle mesure l’attitude adoptée par cet État membre serait de nature, au regard des termes précis dans lesquels se trouvent libellés lesdits articles 140, paragraphe 2, et 142, paragraphe 1, à constituer une violation desdites dispositions.
90 Il s’ensuit que le recours de la Commission doit être rejeté de ce chef.
91 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de constater que, en s’étant opposée à ce que la Cour des comptes effectue des contrôles en Allemagne, portant sur la coopération administrative au titre du règlement n° 1798/2003 et des modalités d’application de celui-ci, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 248, paragraphes 1 à 3, CE.
Sur les dépens
92 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et cette dernière ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, le Parlement et la Cour des comptes, parties intervenantes, supportent leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:
1) En s’étant opposée à ce que la Cour des comptes de l’Union européenne effectue des contrôles en Allemagne, portant sur la coopération administrative au titre du règlement (CE) n° 1798/2003 du Conseil, du 7 octobre 2003, concernant la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée et des modalités d’application de celui-ci, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 248, paragraphes 1 à 3, CE.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.
4) Le Parlement européen et la Cour des comptes de l’Union européenne supportent leurs propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure: l’allemand.