Affaire C-212/10
Logstor ROR Polska sp. z o.o.
contre
Dyrektor Izby Skarbowej w Katowicach
(demande de décision préjudicielle, introduite par
le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Gliwicach)
«Fiscalité — Droit d’apport — Directive 69/335/CEE — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Imposition d’un emprunt contracté par une société de capitaux auprès d’une personne ayant droit à un pourcentage des bénéfices de la même société — Droit d’un État membre de réintroduire une imposition qui n’était plus en vigueur à la date de son adhésion à l’Union européenne»
Sommaire de l'arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Droit d'apport perçu sur les sociétés de capitaux
(Directive du Conseil 69/335, art. 4, § 2, et 7, § 2)
L’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre réintroduise un droit d’apport sur l’emprunt que contracte une société de capitaux, si le créancier a droit à une quote-part des bénéfices de la société, lorsque cet État membre a préalablement renoncé à la perception de cet impôt.
En effet, les termes «[p]euvent continuer à être soumises au droit d’apport», qui figurent audit article 4, paragraphe 2, doivent être interprétés en ce sens qu’ils impliquent que, pour pouvoir être soumises au droit d’apport par les États membres, les opérations visées audit paragraphe doivent non seulement avoir été taxables, au sens de cette disposition, en vertu du droit national en vigueur au 1er juillet 1984, mais encore avoir été par la suite continuellement soumises à une telle taxation.
(cf. points 37, 40 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
16 juin 2011 (*)
«Fiscalité – Droit d’apport – Directive 69/335/CEE – Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux – Imposition d’un emprunt contracté par une société de capitaux auprès d’une personne ayant droit à un pourcentage des bénéfices de la même société – Droit d’un État membre de réintroduire une imposition qui n’était plus en vigueur à la date de son adhésion à l’Union européenne»
Dans l’affaire C-212/10,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Gliwicach (Pologne), par décision du 15 mars 2010, parvenue à la Cour le 3 mai 2010, dans la procédure
Logstor ROR Polska sp. z o.o.
contre
Dyrektor Izby Skarbowej w Katowicach,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, M. K. Schiemann, Mmes C. Toader, A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. K. Malacek, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 avril 2011,
considérant les observations présentées:
– pour Logstor ROR Polska sp. z o.o., par MM. T. Konik et K. Gil, doradcy podatkowi,
– pour le Dyrektor Izby Skarbowej w Katowicach, par M. G. Pasterczyk, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar ainsi que par Mmes A. Kramarczyk et A. Kraińska, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes M. Afonso et K. Herrmann, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23, ci-après la «directive 69/335»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Logstor ROR Polska sp. z o.o. (ci-après «Logstor ROR Polska»), établie à Zabrze (Pologne), au Dyrektor Izby Skarbowej w Katowicach (directeur de la chambre fiscale de Katowice) au sujet du paiement d’une imposition, dénommée «impôt sur les actes de droit civil», réclamée en raison d’une modification du contrat de société de Logstor ROR Polska par des prêts qui ont été consentis à cette dernière par son associé.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Conformément à son premier considérant, la directive 69/335 tendait à promouvoir la libre circulation des capitaux, considérée comme une liberté fondamentale essentielle à la création d’un marché intérieur. Dans ce but, ainsi qu’il ressort de ses sixième à huitième considérants, elle visait à harmoniser la fiscalité à laquelle sont soumis les apports à des sociétés dans l’Union européenne par l’instauration d’un droit unique sur les rassemblements de capitaux, ne pouvant être appliqué qu’une seule fois au sein du marché commun, et par la suppression de tous les autres impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que ce droit unique.
4 À cet effet, les articles 1 à 9 de ladite directive prévoyaient la perception d’un droit harmonisé sur les apports à des sociétés de capitaux, dénommé «droit d’apport».
5 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 69/335:
«Sont soumises au droit d’apport les opérations suivantes:
[…]
c) l’augmentation du capital social d’une société de capitaux au moyen de l’apport de biens de toute nature;
d) l’augmentation de l’avoir social d’une société de capitaux au moyen de l’apport de biens de toute nature rémunéré, non par des parts représentatives du capital ou de l’avoir social, mais par des droits de même nature que ceux d’associés, tels que droit de vote, participation aux bénéfices ou au boni de liquidation;
[…]»
6 Aux termes de l’article 4, paragraphe 2 de cette même directive:
«Peuvent continuer à être soumises au droit d’apport les opérations suivantes, dans la mesure où elles étaient taxées au taux de 1 % à la date du 1er juillet 1984:
[…]
c) l’emprunt que contracte une société de capitaux, si le créancier a droit à une quote-part des bénéfices de la société;
d) l’emprunt que contracte une société de capitaux auprès d’un associé, du conjoint ou d’un enfant d’un associé, ainsi que celui contracté auprès d’un tiers, lorsqu’il est garanti par un associé, à la condition que ces emprunts aient la même fonction qu’une augmentation du capital social.
[…]»
7 Aux termes de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 69/335:
«1. Les États membres exonèrent du droit d’apport les opérations, autres que celles visées à l’article 9, qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984.
L’exonération est soumise aux conditions qui étaient applicables à cette date, pour l’octroi de l’exonération ou, le cas échéant, pour l’imposition à un taux égal ou inférieur à 0,50 %.
[…]
2. Les États membres peuvent, soit exonérer du droit d’apport toutes les opérations autres que celles visées au paragraphe 1, soit les soumettre à un taux unique ne dépassant pas 1 %.»
8 Les deuxième et troisième considérants de la directive 85/303, qui a fixé le texte de la directive 69/335 en vigueur à la date des faits au principal, énonçaient:
«considérant que les effets économiques du droit d’apport sont défavorables au regroupement et au développement des entreprises; que ces effets sont particulièrement négatifs dans la conjoncture actuelle, qui commande impérativement que la priorité soit donnée à la relance des investissements;
considérant que la meilleure solution pour atteindre ces objectifs consisterait à supprimer le droit d’apport; que les pertes de recettes qui résulteraient d’une telle mesure apparaissent toutefois inacceptables pour certains États membres; qu’il s’impose dès lors de laisser aux États membres la possibilité d’exonérer ou de soumettre au droit d’apport tout ou partie des opérations entrant dans le champ d’application de ce droit, étant entendu que le taux de taxation appliqué doit être unique à l’intérieur d’un même État membre».
9 La directive 69/335 a été abrogée à compter du 1er janvier 2009 par l’article 16 de la directive 2008/7/CE du Conseil, du 12 février 2008, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 46, p. 11).
Le droit national
10 La République de Pologne a adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004.
La législation relative au droit d’apport en vigueur au 1er juillet 1984
11 La loi du 19 décembre 1975 relative aux droits de timbre (Dz. U n° 45, position 226) prévoyait que les actes de constitution d’une société par des personnes physiques et morales étaient frappés d’un droit de timbre. Un décret en Conseil des ministres du 16 mai 1983 (Dz. U n° 34, position 161), entré en vigueur le 1er juillet 1983, définissait l’objet et le taux de ce droit de timbre. Son article 54, paragraphe 5, disposait:
«Sont aussi considérés comme faisant partie du capital social les prêts accordés par l’un des associés ou actionnaires, si le montant total des emprunts non remboursés dépasse 50 % du capital social à la date d’octroi du prêt.»
12 Dans ce cas, le taux d’imposition s’élevait à 5 % de la valeur de l’emprunt.
La législation relative au droit d’apport en vigueur entre le 1er janvier 2001 et le 30 avril 2004
13 Entre le 1er janvier 2001 et le 30 avril 2004, les mêmes opérations ont été imposées au titre de l’impôt sur les actes de droit civil, suivant un taux dégressif.
14 L’article 1er, paragraphe 1, de la loi du 9 septembre 2000 relative à l’impôt sur les actes de droit civil (Dz. U n° 86, position 959, ci-après la «loi PCC de 2000») soumettait à l’impôt sur les actes de droit civil les contrats de société ainsi que leurs modifications, pour autant que celles-ci entraînaient une modification de l’assiette de cet impôt.
15 L’article 1er, paragraphe 3, de la loi PCC de 2000 disposait:
«Dans le cas d’un contrat de société, on entend par modification du contrat:
[…]
4) les versements complémentaires, les prêts consentis à la société par les associés (actionnaires), ainsi que la concession, à titre gratuit, de biens ou de droits patrimoniaux par un associé (actionnaire) à la société.»
16 L’article 7, paragraphe 1, point 9, de la loi PCC de 2000 définissait, en fonction du montant des emprunts, un taux d’imposition dégressif, variant de 1 % à 0,5 % du montant des opérations. L’emprunt en cause dans le litige au principal était alors soumis au taux de 0,5 %.
La législation relative au droit d’apport en vigueur entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2006
17 La loi portant modification de la loi relative à l’impôt sur les actes de droit civil, du 19 décembre 2003 (Dz. U n° 6, position 42), a modifié la loi PCC de 2000 en exonérant de cet impôt les prêts accordés à une société de capitaux par un associé ou un actionnaire. Aux termes de l’article 9, point 10, sous h), de la loi PCC de 2000, dans sa version issue du texte uniforme de celle-ci en vigueur à compter du 1er mai 2004 (DZ. U n° 41, position 399):
«Sont exonérés de l’impôt les actes de droit civil suivants:
[…]
10) les prêts accordés […]
h) par un associé (ou un actionnaire) à une société de capitaux;
[…]»
La législation relative au droit d’apport en vigueur entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008
18 L’article 9, point 10, sous h), de la loi PCC de 2000, dans sa version en vigueur à compter du 1er mai 2004, qui exonérait les prêts accordés à une société de capitaux par un associé ou un actionnaire, a été abrogé à compter du 1er janvier 2007 par l’article 2, point 9, sous c), troisième tiret, de la loi du 15 novembre 2006 modifiant, d’une part, la loi sur les droits de succession et de donation ainsi que, d’autre part, la loi relative à l’impôt sur les actes de droit civil (Dz. U n° 222, position 1629, ci-après la «loi PCC de 2007»).
19 Ces opérations de prêt ont alors été considérées comme une modification du contrat de société en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, point 2, de la loi PCC de 2007 et imposées au taux uniforme de 0,5 % en vertu de l’article 7, paragraphe 1, point 9, de cette loi.
La législation relative au droit d’apport en vigueur à partir du 1er janvier 2009
20 La loi du 7 novembre 2008 (DZ. U n° 209, position 1319) a transposé en droit polonais la directive 2008/7 et exonéré de l’impôt sur les actes de droit civil les prêts accordés à une société de capitaux par l’un de ses associés ou de ses actionnaires, en vertu de l’article 9, point 10, sous i), de cette même loi.
Le litige au principal et la question préjudicielle
21 Le 9 juillet 2007, Logstor ROR Polska a conclu avec son associé, à savoir Logstor Holding A/S, un avenant à un contrat de prêt, daté du 15 septembre 2004, au titre duquel le montant du prêt initialement accordé a été augmenté de 2 600 000 euros, pour être porté à 5 233 000 euros. Le 14 août 2007, Logstor ROR Polska a conclu, avec le même associé, un autre contrat de prêt d’un montant de 8 000 000 PLN.
22 Conformément à la législation polonaise en vigueur à la date desdites opérations de prêt, celles-ci ont été soumises à l’impôt sur les actes de droit civil.
23 Considérant que, en application de la directive 69/335, elle était en droit de prétendre à l’exonération de l’impôt sur les actes de droit civil au titre des opérations en cause, Logstor ROR Polska a demandé à l’administration fiscale de constater l’existence d’un trop-perçu correspondant au montant de la totalité de l’impôt acquitté par elle.
24 À la suite du rejet de cette demande et du recours administratif formé contre ce rejet, Logstor ROR Polska a saisi le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Gliwicach (tribunal administratif de la voïvodie de Gliwice).
25 C’est dans ce contexte que le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Gliwicach a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 4, paragraphe 2, de la [directive 69/335] permet-il à un État membre de réintroduire, au 1er janvier 2007, un droit d’apport au titre de l’emprunt que contracte une société de capitaux, si le créancier a droit à une quote-part des bénéfices de la société, lorsque l’État membre a préalablement renoncé à la perception de cet impôt le jour de son adhésion [à l’Union] (le 1er mai 2004)?»
Sur la question préjudicielle
26 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335, dans sa version applicable au litige au principal, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre réintroduise un droit d’apport sur l’emprunt que contracte une société de capitaux, si le créancier a droit à une quote-part des bénéfices de la société, lorsque cet État membre a préalablement renoncé à la perception de cet impôt.
27 À titre liminaire, il y a lieu de relever que le gouvernement polonais a contesté, devant la Cour, la présentation du droit national faite par la juridiction de renvoi.
28 Il soutient en effet qu’il serait inexact d’affirmer, comme le fait la juridiction de renvoi, que la République de Pologne avait renoncé à percevoir le droit d’apport sur les opérations de prêt telles que celles en cause au principal à la date de son adhésion à l’Union. Selon ce gouvernement, l’exonération des prêts accordés aux sociétés de capitaux par leurs actionnaires, entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2006, avait pour objet d’éviter une double taxation du même capital, la première fois lorsque l’actionnaire octroyait le prêt à la société et la seconde au moment où était convertie en parts sociales la partie du prêt non remboursée.
29 Il fait en effet valoir, d’une part, que, si les prêts accordés aux sociétés de capitaux par un associé ou un actionnaire ont été exonérés de l’impôt sur les actes de droit civil entre l’année 2004 et l’année 2006, ce n’était pas le cas des augmentations de capital social résultant de la conversion de tels prêts et, d’autre part, que, inversement, la loi PCC de 2007 a supprimé l’imposition des augmentations du capital social résultant du prêt d’un actionnaire ou d’un associé déjà soumis à l’impôt sur les actes de droit civil, en même temps qu’elle soumettait de nouveau à cet impôt les prêts accordés aux sociétés de capitaux par leurs associés ou actionnaires.
30 À cet égard, il suffit de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre du système de coopération judiciaire établi par l’article 267 TFUE, de remettre en cause ou de vérifier l’exactitude de l’interprétation du droit national faite par le juge de renvoi (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 2008, Gysen, C-449/06, Rec. p. I-553, point 17, ainsi que du 11 septembre 2008, Eckelkamp e.a., C-11/07, Rec. p. I-6845, point 32).
31 Il y a donc lieu, pour la Cour, de répondre à la question qui lui est posée sur la base du constat fait par la juridiction de renvoi selon lequel la République de Pologne avait renoncé, à la date de son adhésion à l’Union, soit le 1er mai 2004, à la perception de l’imposition en cause au principal.
32 Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335, certaines opérations pouvaient «continuer à être soumises au droit d’apport […] dans la mesure où elles étaient taxées au taux de l % à la date du 1er juillet 1984».
33 Cette date, qui est celle de référence en vertu dudit article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335, est également valable pour la République de Pologne. En effet, en cas d’adhésion, un renvoi à une date prévue dans le droit de l’Union, en l’absence de disposition contraire dans l’acte d’adhésion ou dans un autre acte de l’Union, vaut également pour l’État adhérent, même si cette date est antérieure à celle de cette adhésion (arrêt du 21 juin 2007, Optimus – Telecomunicações, C-366/05, Rec. p. I-4985, point 32). Or, en ce qui concerne la République de Pologne, il n’y a à cet égard aucune disposition différente ni dans l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de cet État ni dans un autre acte dudit droit.
34 Dans la mesure où des opérations de prêt telles que celles en cause au principal étaient, à la date du 1er juillet 1984, soumises à une taxation au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335, la République de Pologne pouvait donc, lors de son adhésion à l’Union, décider de continuer à soumettre ce type d’opérations au droit d’apport.
35 Elle ne pouvait toutefois, après avoir, comme cela ressort de l’analyse du droit national faite par la juridiction de renvoi, renoncé à cette imposition à la date de son adhésion à l’Union ou à compter de celle-ci, décider de la réintroduire postérieurement à cette date.
36 En effet, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335, dont le libellé renvoie à la notion de continuité, doit être interprété à la lumière de l’objectif tendant à limiter, voire à supprimer, le droit d’apport énoncé aux deuxième et troisième considérants de la directive 85/303. Au regard de cet objectif, il ressort dudit troisième considérant que ce n’est qu’en raison des difficultés budgétaires auxquelles ils auraient été confrontés, en cas de suppression du droit d’apport, que les États membres n’ayant pas renoncé à sa perception pouvaient maintenir une telle imposition.
37 Les termes «[p]euvent continuer à être soumises au droit d’apport», qui figurent à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335, doivent ainsi être interprétés en ce sens qu’ils impliquent que, pour pouvoir être soumises au droit d’apport par les États membres, les opérations visées audit paragraphe doivent non seulement avoir été taxables, au sens de cette disposition, en vertu du droit national en vigueur au 1er juillet 1984, mais encore avoir été par la suite continuellement soumises à une telle taxation. Dans le cas contraire, l’État membre ne justifierait pas d’une perte de recettes nécessitant le maintien du droit d’apport.
38 La référence à la date du 1er juillet 1984 faite à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335 ne saurait dès lors constituer pour les États membres qui, à cette date, soumettaient les opérations en cause au droit d’apport une autorisation de réintroduire un tel droit après y avoir renoncé, ce qui irait à l’encontre du libellé de cette disposition et de l’objectif de limitation, voire de suppression, du droit d’apport poursuivi par ladite directive.
39 Il en résulte qu’un État membre qui a renoncé, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 69/335, postérieurement au 1er juillet 1984, à soumettre certaines opérations à un droit d’apport ne peut rétablir une telle imposition sur ces mêmes opérations.
40 En conséquence, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre réintroduise un droit d’apport sur l’emprunt que contracte une société de capitaux, si le créancier a droit à une quote-part des bénéfices de la société, lorsque cet État membre a préalablement renoncé à la perception de cet impôt.
Sur les dépens
41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
L’article 4, paragraphe 2, de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juin 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre réintroduise un droit d’apport sur l’emprunt que contracte une société de capitaux, si le créancier a droit à une quote-part des bénéfices de la société, lorsque cet État membre a préalablement renoncé à la perception de cet impôt.
Signatures
* Langue de procédure: le polonais.