ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)
7 novembre 2014 (*)
« Aides d’État – Dispositions concernant l’impôt sur les sociétés permettant aux entreprises fiscalement domiciliées en Espagne d’amortir la survaleur résultant de prises de participations dans des entreprises fiscalement domiciliées à l’étranger – Décision qualifiant ce régime d’aide d’État, déclarant cette aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Caractère sélectif – Identification d’une catégorie d’entreprises favorisées par la mesure – Absence – Méconnaissance de l’article 87, paragraphe 1, CE »
Dans l’affaire T-219/10,
Autogrill España, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée initialement par Mes J. Buendía Sierra, E. Abad Valdenebro, M. Muñoz de Juan et R. Calvo Salinero, puis par Mes Buendía Sierra, Abad Valdenebro et Calvo Salinero, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 4 de la décision 2011/5/CE de la Commission, du 28 octobre 2009, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 7, p. 48),
LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),
composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. J. Forwood, E. Bieliūnas, S. Gervasoni (rapporteur) et L. Madise, juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 avril 2014,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
Procédure administrative
1 Par plusieurs questions écrites posées en 2005 et en 2006 (E-4431/05, E-4772/05, E-5800/06 et P-5509/06), des membres du Parlement européen ont interrogé la Commission des Communautés européennes sur la qualification d’aide d’État du dispositif prévu par l’article 12, paragraphe 5, introduit dans la loi espagnole relative à l’impôt sur les sociétés par la Ley 24/2001, de Medidas Fiscales, Administrativas y del Orden Social (loi 24/2001, portant adoption de mesures fiscales, administratives et d’ordre social), du 27 décembre 2001 (BOE n° 313, du 31 décembre 2001, p. 50493), et repris par le Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret législatif royal 4/2004, portant approbation du texte remanié de la loi relative à l’impôt sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE n° 61, du 11 mars 2004, p. 10951) (ci-après le « régime litigieux » ou la « mesure litigieuse »). La Commission a répondu en substance que, selon les informations dont elle disposait, le régime litigieux ne constituait pas une aide d’État.
2 Par lettres du 15 janvier et du 26 mars 2007, la Commission a invité les autorités espagnoles à lui fournir des informations afin d’évaluer la portée et les effets du régime litigieux. Par lettres du 16 février et du 4 juin 2007, le Royaume d’Espagne a communiqué à la Commission les informations demandées.
3 Par télécopie du 28 août 2007, la Commission a reçu une plainte d’un opérateur privé affirmant que le régime litigieux constituait une aide d’État incompatible avec le marché commun.
4 Par décision du 10 octobre 2007, la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen concernant le régime litigieux.
5 Par lettre du 5 décembre 2007, la Commission a reçu les observations du Royaume d’Espagne sur sa décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen du régime litigieux. Entre le 18 janvier et le 16 juin 2008, la Commission a également reçu les observations de 32 tiers intéressés. Par lettres du 30 juin 2008 et du 22 avril 2009, le Royaume d’Espagne a présenté ses commentaires sur les observations des tiers intéressés.
6 Le 18 février 2008 ainsi que les 12 mai et 8 juin 2009, des réunions techniques ont été organisées avec les autorités espagnoles. D’autres réunions techniques ont également été organisées avec certains des 32 tiers intéressés.
7 Par lettre du 14 juillet 2008 et par courrier électronique du 16 juin 2009, le Royaume d’Espagne a soumis des informations additionnelles à la Commission.
Décision attaquée
8 La Commission a clôturé la procédure, en ce qui concerne les prises de participations réalisées au sein de l’Union européenne, par sa décision 2011/5/CE, du 28 octobre 2009, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 7, p. 48, ci-après la « décision attaquée »).
9 La mesure litigieuse prévoit que, dans le cas d’une prise de participation d’une entreprise imposable en Espagne dans une « société étrangère », si cette prise de participation est d’au moins 5 % et que la participation en cause est détenue de manière ininterrompue pendant au moins un an, la survaleur résultant de cette prise de participation, enregistrée dans la comptabilité de l’entreprise comme actif incorporel distinct, peut être déduite, sous forme d’amortissement, de l’assiette imposable de l’impôt sur les sociétés dont l’entreprise est redevable. La mesure litigieuse précise que, pour être qualifiée de « société étrangère », une société doit être assujettie à un impôt similaire à l’impôt applicable en Espagne et ses revenus doivent provenir essentiellement de la réalisation d’activités à l’étranger (considérant 21 de la décision attaquée).
10 Il résulte de la décision attaquée que, selon la loi espagnole, un regroupement d’entreprises est une opération par laquelle une ou plusieurs entreprises transmettent, au moment de leur dissolution sans liquidation, à une autre entreprise préexistante ou à une entreprise qu’elles créent, leurs patrimoines sociaux respectifs, au moyen de l’attribution à leurs actionnaires de valeurs représentatives du capital de l’autre entreprise (considérant 23 de la décision attaquée).
11 Une prise de participation est définie dans la décision attaquée comme étant une opération par laquelle une entreprise acquiert des actions dans le capital d’une autre entreprise sans obtenir une majorité ou le contrôle des droits de vote de l’entreprise acquise (considérant 23 de la décision attaquée).
12 Par ailleurs, il est indiqué, dans la décision attaquée, que, conformément à la mesure litigieuse, la survaleur financière est déterminée en déduisant la valeur de marché des actifs corporels et incorporels de l’entreprise acquise du prix payé pour la prise de participation. Il est également précisé que le concept de survaleur financière, tel que visé par la mesure litigieuse, introduit, dans le domaine des prises de participations, une notion généralement utilisée dans la transmission d’actifs ou dans des transactions de regroupement d’entreprises (considérant 20 de la décision attaquée).
13 Enfin, il convient de relever que, selon le droit fiscal espagnol, une prise de participation d’une entreprise imposable en Espagne dans une société établie en Espagne ne permet pas de comptabiliser séparément, à des fins fiscales, la survaleur résultant de cette acquisition. En revanche, toujours selon le droit fiscal espagnol, la survaleur peut être amortie en cas de regroupement d’entreprises (considérant 19 de la décision attaquée).
14 La décision attaquée déclare incompatible avec le marché commun le régime litigieux (article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée). L’article 4 de cette décision prévoit, notamment, la récupération par le Royaume d’Espagne des aides accordées.
15 La Commission a maintenu ouverte la procédure en ce qui concerne les prises de participations réalisées en dehors de l’Union, le Royaume d’Espagne s’étant engagé à fournir des éléments nouveaux relatifs aux obstacles aux fusions transfrontalières existant, selon lui, en dehors de l’Union.
Procédure et conclusions des parties
16 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2010, la requérante, Autogrill España, SA, a introduit le présent recours.
17 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée dans la mesure où il déclare que le régime litigieux comporte des éléments d’aide d’État ;
– à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée dans la mesure où il déclare que le régime litigieux comporte des éléments d’aide d’État lorsqu’il est appliqué à des acquisitions de participations qui impliquent une prise de contrôle ;
– à titre subsidiaire, annuler l’article 4 de la décision attaquée dans la mesure où il prévoit la récupération des aides pour les opérations réalisées antérieurement à la publication de la décision attaquée au Journal officiel de l’Union européenne ;
– condamner la Commission aux dépens.
18 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée
19 Dans le cadre des conclusions aux fins d’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, la requérante conteste la qualification d’aide d’État retenue dans la décision attaquée par la Commission à l’égard du régime litigieux. Elle soulève, en substance, quatre moyens au soutien de ces conclusions, le premier, tiré d’une erreur de droit dans l’application faite par la Commission de la condition relative à la sélectivité, le deuxième, tiré d’une absence de sélectivité de la mesure du fait que la différenciation qu’elle introduit résulterait de la nature ou de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit, le troisième, tiré de ce que la mesure ne procurerait aucun avantage aux sociétés auxquelles s’applique le régime litigieux et, le quatrième, tiré, s’agissant tant du critère relatif à la sélectivité que de celui relatif à l’existence d’un avantage, d’un défaut de motivation de la décision attaquée.
20 Il convient d’examiner tout d’abord le premier moyen.
21 La requérante soutient que le régime litigieux ne présente pas de caractère sélectif au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et qu’il s’agit en réalité d’une mesure générale susceptible de s’appliquer à toute entreprise imposable en Espagne. La Commission aurait donc fait une application erronée des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE en concluant à la sélectivité de la mesure litigieuse.
22 La requérante ajoute qu’il appartenait à la Commission de démontrer l’existence d’une catégorie d’entreprises auxquelles la mesure litigieuse était réservée, ce qu’elle n’aurait pas fait.
23 La Commission soutient que l’analyse du caractère sélectif de la mesure litigieuse, telle que réalisée dans la décision attaquée, est conforme à la jurisprudence, puisqu’elle part de la définition du cadre de référence pertinent et qu’elle poursuit en constatant l’existence d’une exception créée par la mesure litigieuse.
24 La Commission se fonde également sur l’existence d’une analogie entre un avantage accordé en cas d’exportation de capital, comme cela serait le cas s’agissant de la mesure litigieuse, et un avantage accordé en cas d’exportation de biens, hypothèse dans laquelle il a déjà été jugé qu’un tel avantage constituait une mesure sélective.
25 Avant d’examiner, au regard des circonstances de l’espèce, le bien-fondé du présent moyen, il convient, après avoir rappelé que la sélectivité est un des critères cumulatifs permettant de qualifier une mesure d’aide d’État, de préciser quelles conditions doivent être remplies pour permettre à la Commission de conclure à bon droit à la sélectivité d’une mesure.
Critères de reconnaissance de l’existence d’une aide d’État
26 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, CE :
« Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »
27 Selon la jurisprudence, la qualification d’aide d’État requiert que toutes les conditions visées à l’article 87, paragraphe 1, CE soient remplies (voir arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C-280/00, Rec. p. I-7747, point 74, et la jurisprudence citée).
28 L’article 87, paragraphe 1, CE subordonne la qualification d’aide d’État d’une mesure nationale aux conditions suivantes : le financement d’une telle mesure par l’État ou au moyen de ressources d’État, l’existence d’un avantage pour une société, la sélectivité de ladite mesure ainsi que l’incidence de cette dernière sur les échanges entre États membres et la distorsion de concurrence résultant de celle-ci (arrêt de la Cour du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C-393/04 et C-41/05, Rec. p. I-5293, point 28).
Méthode d’analyse applicable à la sélectivité en matière fiscale
29 Il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 87, paragraphe 1, CE impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir arrêts de la Cour du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C-88/03, Rec. p. I-7115, point 54, et la jurisprudence citée, et du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C-106/09 P et C-107/09 P, Rec. p. I-11113, point 75, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 22 janvier 2013, Salzgitter/Commission, T-308/00 RENV, non encore publié au Recueil, point 116).
30 La détermination du régime juridique pertinent, qualifié de « cadre de référence », revêt une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale » (arrêt Portugal/Commission, point 29 supra, point 56).
31 Aux fins d’apprécier si une mesure fiscale a un caractère sélectif, il y a donc lieu d’examiner si, au regard du cadre de référence, ladite mesure constitue un avantage pour certaines sociétés par rapport à d’autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt Portugal/Commission, point 29 supra, point 56).
32 Toutefois, même lorsque, au sein du cadre de référence, une telle différence de traitement apparaît entre des situations factuelles et juridiques comparables, il est de jurisprudence constante que la notion d’aide d’État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et, partant, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système de charges dans lequel elles s’inscrivent (arrêt Portugal/Commission, point 29 supra, point 52).
33 Il résulte de ce qui précède que la qualification d’une mesure fiscale nationale de « sélective » suppose, dans un premier temps, l’identification et l’examen préalables du régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné. C’est par rapport à ce régime fiscal commun ou « normal » qu’il convient, dans un deuxième temps, d’apprécier l’éventuel caractère sélectif de l’avantage octroyé par la mesure fiscale en cause en s’assurant que celle-ci déroge audit système commun dans la mesure où elle introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal de cet État membre, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt du Tribunal du 7 mars 2012, British Aggregates /Commission, T-210/02 RENV, non encore publié au Recueil, point 49). Le cas échéant, dans un troisième temps, il y a lieu d’examiner si l’État membre en cause est parvenu à établir que la mesure est justifiée par la nature ou l’économie du système dans lequel elle s’inscrit (arrêt Portugal/Commission, point 29 supra, point 53).
Nécessaire identification d’une catégorie d’entreprises favorisées par la mesure en cause
34 Le critère relatif à la sélectivité d’une mesure permet de distinguer les aides d’État des mesures générales de politique fiscale ou économique appliquées par les États membres (voir, en ce sens, arrêt Air Liquide Industries Belgium, point 28 supra, point 32).
35 À cet égard, la Cour a jugé que le caractère sélectif d’une mesure pouvait être retenu même lorsque l’application de celle-ci n’était pas limitée à un secteur d’activité précisément circonscrit.
36 En effet, la Cour a reconnu l’existence d’une aide d’État dans l’hypothèse où un secteur d’activité était « essentiellement visé » par une mesure, voire quand plusieurs secteurs étaient visés (arrêts de la Cour du 12 juillet 1990, COFAZ/Commission, C-169/84, Rec. p. I-3083, points 22 et 23, et du 20 novembre 2003, GEMO, C-126/01, Rec. p. I-13769, points 37 à 39).
37 La Cour a également admis qu’une mesure s’appliquant aux entreprises productrices de biens corporels était sélective (arrêt de la Cour du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C-143/99, Rec. p. I-8365, point 40).
38 Par ailleurs, la Cour a jugé qu’une mesure ne bénéficiant qu’à des entreprises situées dans un secteur géographique délimité perdait son caractère de mesure générale de politique fiscale ou économique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C-156/98, Rec. p. I-6857, point 23).
39 Le Tribunal a même qualifié de sélective une mesure applicable pendant une période limitée. Il a ainsi jugé qu’une mesure qui, eu égard à la brève période laissée aux entreprises pour exécuter les démarches permettant de remplir les conditions pour en bénéficier, n’était de fait accessible qu’aux seules entreprises qui avaient déjà engagé les démarches en cause, à celles qui avaient à tout le moins envisagé de le faire ou à celles qui étaient prêtes à entreprendre une telle initiative à très brève échéance, était sélective (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 4 septembre 2009, Italie/Commission, T-211/05, Rec. p. II-2777, points 120 et 121).
40 Lorsque la catégorie des bénéficiaires de l’aide est particulièrement large ou diverse, c’est parfois moins la délimitation de cette catégorie qui est déterminante pour apprécier si la mesure en cause présente un caractère sélectif que celle des entreprises exclues (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T-55/99, Rec. p. II-3207, points 39, 40 et 47).
41 Il ressort de la jurisprudence citée aux points 27 à 40 ci-dessus que la détermination d’une catégorie d’entreprises qui sont les seules favorisées par la mesure en cause est une condition nécessaire à la reconnaissance de l’existence d’une aide d’État.
42 Une telle interprétation de la notion de sélectivité est conforme au libellé même de l’article 87, paragraphe 1, CE, lequel prévoit que l’avantage doit favoriser « certaines entreprises ou certaines productions ».
43 De plus, ainsi qu’il a été relevé aux points 29 et 33 ci-dessus, lorsqu’elle fait référence à la méthode d’analyse décrite auxdits points, la Cour rappelle que l’article 87, paragraphe 1, CE impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt Portugal/Commission, point 29 supra, point 54).
44 Or, lorsque la mesure en cause, alors même qu’elle constituerait une dérogation au régime fiscal commun ou « normal », est potentiellement accessible à toutes les entreprises, il ne saurait être procédé à l’opération consistant à comparer, au regard de l’objectif poursuivi par le régime commun ou « normal », la situation juridique et factuelle d’entreprises pouvant bénéficier de la mesure avec celle d’entreprises ne pouvant en bénéficier.
45 Il résulte de ce qui précède que, pour que la condition de sélectivité soit remplie, une catégorie d’entreprises, qui sont les seules favorisées par la mesure en cause, doit dans tous les cas être identifiée et que, dans l’hypothèse visée au point 44 ci-dessus, la sélectivité ne peut résulter de la seule constatation qu’une dérogation à un régime commun ou « normal » d’imposition a été instituée.
46 Par ailleurs, c’est à la Commission qu’il incombe de démontrer qu’une mesure introduit des différenciations entre des entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt de la Cour du 8 septembre 2011, Commission/ Pays-Bas, C-279/08 P, Rec. p. I-7671, point 62).
47 Dans l’arrêt Commission/Pays-Bas, point 46 supra (point 63), la Cour a ainsi constaté que la Commission avait suffisamment établi, dans la décision contestée, que seul un groupe spécifique de grandes entreprises industrielles qui étaient actives dans le commerce entre États membres bénéficiait d’un avantage non disponible pour les autres entreprises. La Commission était donc parvenue, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, à démontrer que la mesure en cause s’appliquait de manière sélective à certaines entreprises ou à certaines productions.
48 De même, dans l’arrêt Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, point 29 supra (point 96), la Cour a constaté que la Commission avait suffisamment établi, dans la décision contestée, que certaines entreprises, les sociétés « offshore », profitaient d’avantages sélectifs.
49 Il convient donc d’apprécier en l’espèce si les différents motifs sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée pour conclure à la sélectivité de la mesure litigieuse, repris par elle au cours de la procédure juridictionnelle, permettent d’établir le caractère sélectif de cette mesure.
50 En premier lieu, dans la décision attaquée, la Commission, pour conclure à la sélectivité de la mesure litigieuse, s’est fondée à titre principal sur l’existence d’une dérogation par rapport à un cadre de référence. En effet, elle a indiqué que le cadre de référence qu’elle retenait pour l’évaluation du caractère sélectif de la mesure litigieuse était « le régime général espagnol de l’impôt sur les sociétés et, plus précisément, les règles relatives au traitement fiscal de la survaleur financière contenues dans ledit régime d’imposition » (considérant 96 de la décision attaquée). Elle a estimé, à titre « préliminaire et subsidiaire », que la mesure litigieuse constituait une exception au régime comptable espagnol (considérant 97 de la décision attaquée). Elle a par ailleurs relevé que la mesure litigieuse avait pour conséquence d’appliquer aux entreprises imposables en Espagne prenant des participations dans des sociétés établies à l’étranger un traitement fiscal distinct de celui appliqué aux entreprises imposables en Espagne prenant des participations dans des sociétés établies en Espagne, alors même que ces deux catégories d’entreprises se trouvaient dans des situations comparables (considérants 98 et 111 de la décision attaquée). Se fondant sur une telle différence de traitement, la Commission a conclu que la mesure litigieuse « constitu[ait] une exception au système de référence » (considérant 100 de la décision attaquée).
51 La Commission a donc fait application, dans la décision attaquée, de la méthode d’analyse décrite aux points 29 à 33 ci-dessus.
52 Or, ainsi que la requérante le soutient à juste titre, l’application de la méthode d’analyse décrite aux points 29 à 33 ci-dessus ne saurait, en l’espèce, conduire au constat de la sélectivité de la mesure litigieuse. En effet, l’existence, même à la supposer établie, d’une dérogation ou exception au cadre de référence identifié par la Commission ne permet pas, à elle seule, d’établir que la mesure litigieuse favorise « certaines entreprises ou certaines productions » au sens de l’article 87 CE, dès lors que cette mesure est accessible, a priori, à toute entreprise.
53 En effet, il y a lieu, tout d’abord, de relever que la mesure litigieuse s’applique à toutes les prises de participations d’au moins 5 % dans des sociétés étrangères qui sont détenues de manière ininterrompue pendant au moins un an. Elle ne vise donc aucune catégorie particulière d’entreprises ou de productions, mais une catégorie d’opérations économiques.
54 Il est vrai que, dans certains cas, des entreprises peuvent être exclues, de fait, du champ d’application d’une mesure qui se présente pourtant comme étant une mesure générale (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 décembre 1969, Commission/France, 6/69 et 11/69, Rec. p. 523, points 20 et 21, et Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, point 29 supra, points 101 et 107).
55 En l’espèce, pour bénéficier de la mesure litigieuse, une entreprise doit procéder à l’achat d’actions dans une société étrangère (considérants 17 et 23 de la décision attaquée).
56 Il convient de relever qu’une telle opération, purement financière, n’impose pas, a priori, à l’entreprise acquéreuse de modifier son activité et, au demeurant, n’implique, en principe, pour cette entreprise, qu’une responsabilité limitée à la hauteur de l’investissement réalisé.
57 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une mesure dont l’application est indépendante de la nature de l’activité des entreprises n’est, a priori, pas sélective (voir, en ce sens, arrêt Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, point 37 supra, point 36).
58 De plus, la mesure litigieuse ne fixe aucun montant minimal correspondant au seuil minimal de 5 % de participation mentionné au point 53 ci-dessus et ne réserve donc pas de fait son bénéfice à des entreprises disposant des ressources financières suffisantes à cette fin contrairement à la mesure en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission (T-227/01 à T-229/01, T-265/01, T-266/01 et T-270/01, Rec. p. II-3029, points 161 et 162).
59 Enfin, la mesure litigieuse prévoit qu’un avantage fiscal est accordé sur la base d’une condition liée à l’achat de biens économiques particuliers, c’est-à-dire des participations dans des sociétés étrangères.
60 Or, dans l’arrêt Allemagne/Commission, point 38 supra (point 22), la Cour a jugé qu’un allégement fiscal dont bénéficient les contribuables qui vendaient certains biens économiques et pouvaient déduire le bénéfice en résultant en cas de prises de participations dans des sociétés de capitaux ayant leur siège dans certaines régions conférait à ces contribuables un avantage qui, en tant que mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques, ne constituait pas une aide au sens des dispositions pertinentes du traité.
61 La mesure litigieuse n’exclut donc, a priori, aucune catégorie d’entreprises de son bénéfice.
62 Dès lors, même à supposer que la mesure litigieuse constitue une dérogation au cadre de référence retenu par la Commission, cette circonstance ne serait, en tout état de cause, pas un motif permettant d’établir que ladite mesure favorise « certaines entreprises ou certaines productions » au sens de l’article 87 CE.
63 En deuxième lieu, la Commission a indiqué que « la mesure litigieuse [était] sélective dans la mesure où elle ne bénéfici[ait] qu’à certains groupes d’entreprises qui réalis[aient] certains investissements à l’étranger » (considérant 89 de la décision attaquée). Elle a fait valoir qu’une mesure qui ne bénéficiait qu’aux entreprises satisfaisant aux conditions auxquelles son octroi était subordonné était sélective « de droit », sans qu’il soit nécessaire de s’assurer que, par ses effets, elle n’était susceptible de procurer un avantage qu’à certaines entreprises ou à certaines productions.
64 Cependant, cet autre motif de la décision attaquée ne permet pas davantage d’établir le caractère sélectif de la mesure litigieuse.
65 En effet, selon une jurisprudence constante, l’article 87, paragraphe 1, CE distingue les interventions étatiques en fonction de leurs effets (arrêts de la Cour du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, point 27, et du 29 avril 2004, Pays-Bas/Commission, C-159/01, Rec. p. I-4461, point 51). C’est donc sur la base des effets de la mesure en cause qu’il doit être apprécié si cette mesure constitue une aide d’État, notamment, parce qu’elle est sélective (voir, en ce sens, arrêt Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, point 29 supra, points 87 et 88).
66 De plus, dans l’arrêt du 29 mars 2012, 3M Italia (C-417/10, non encore publié au Recueil, point 42), la Cour a jugé que le fait que seuls les contribuables remplissant les conditions d’application de la mesure en cause dans cette affaire puissent bénéficier de cette mesure ne pouvait, en soi, conférer à celle-ci un caractère sélectif.
67 Enfin, dans l’arrêt Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, point 29 supra (points 103, 104 et 107), la Cour a jugé que toute différenciation fiscale n’impliquait pas l’existence d’une aide et qu’il était nécessaire, pour qu’une différenciation fiscale puisse être qualifiée d’aide, d’être en mesure d’identifier une catégorie particulière d’entreprises pouvant être distinguées du fait de propriétés spécifiques.
68 Or, l’approche proposée par la Commission pourrait, contrairement à la jurisprudence mentionnée au point 67 ci-dessus, conduire à constater l’existence d’une sélectivité pour toute mesure fiscale dont le bénéfice est subordonné à certaines conditions, alors même que les entreprises bénéficiaires ne partageraient aucune caractéristique propre qui permette de les distinguer des autres entreprises, en dehors du fait qu’elles pourraient satisfaire aux conditions auxquelles l’octroi de la mesure est subordonné.
69 En troisième lieu, la Commission a énoncé, au considérant 129 de la décision attaquée, qu’elle « [considérait] qu’en l’espèce la mesure litigieuse prétend[ait] favoriser l’exportation de capital depuis l’Espagne, de façon à renforcer la position des entreprises espagnoles à l’étranger et [à] améliorer ainsi la compétitivité des bénéficiaires du régime. »
70 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une mesure étatique qui profite indistinctement à l’ensemble des entreprises situées sur le territoire national n’est pas susceptible de constituer une aide d’État au regard du critère de la sélectivité (arrêt Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, point 37 supra, point 35).
71 Ainsi, alors que l’appréciation de la condition, énoncée à l’article 87, paragraphe 1, CE et relative à l’affectation des échanges entre États membres consiste à examiner si les entreprises ou productions d’un État membre sont avantagées par rapport aux entreprises ou productions des autres États membres, la condition relative à la sélectivité, énoncée au même paragraphe de cet article, ne peut être appréciée qu’au niveau d’un seul État membre et ne résulte que d’une analyse de la différence de traitement entre les seules entreprises ou productions de cet État (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C-73/03, non publié au Recueil, point 28).
72 Par suite, la circonstance qu’une mesure favorise les entreprises imposables dans un État membre par rapport aux entreprises imposables dans les autres États membres, notamment parce qu’elle facilite les prises de participations des entreprises établies dans un État membre dans le capital d’entreprises établies à l’étranger, est sans incidence sur l’analyse du critère de sélectivité.
73 Certes, dans l’arrêt Commission/France, point 54 supra (point 20), la Cour a jugé qu’un avantage octroyé « en faveur des seuls produits nationaux exportés en vue de les aider à concurrencer dans les autres États membres les produits originaires de ces derniers » constituait une aide d’État. Cependant, cette référence aux produits originaires des autres États membres concernait la condition relative à l’affectation de la concurrence et des échanges.
74 Cette interprétation de l’arrêt Commission/France, point 54 supra, est confortée par l’arrêt de la Cour du 7 juin 1988, Grèce/Commission (57/86, Rec. p. 2855, point 8), dans lequel la distinction entre produits nationaux et produits des autres États membres n’apparaît pas dans l’examen du critère relatif à la sélectivité. De même, dans l’arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Espagne/Commission (C-501/00, Rec. p. I-6717, point 120), la distinction entre produits nationaux et produits des autres États membres n’est pas prise en compte dans le cadre de l’examen de la sélectivité de la mesure.
75 Il ressort de cette jurisprudence que la constatation de la sélectivité d’une mesure est fondée sur une différence de traitement entre des catégories d’entreprises relevant de la législation d’un même État membre et non d’une différence de traitement entre les entreprises d’un État membre et celles d’autres États membres.
76 Il résulte de ce qui précède que le lien, qui apparaît au considérant 129 de la décision attaquée cité au point 69 ci-dessus, entre exportation du capital et exportation des biens permettrait seulement, à supposer qu’il soit établi, de conduire au constat d’une affectation de la concurrence et des échanges et non à celui d’une sélectivité de la mesure litigieuse, laquelle doit être appréciée dans un cadre national.
77 En quatrième lieu, il ne peut être déduit des précédents jurisprudentiels dont se prévaut la Commission que les juridictions de l’Union ont déjà admis qu’une mesure fiscale soit qualifiée de sélective sans qu’il soit établi que la mesure en cause favorisait une catégorie particulière d’entreprises ou de productions, à l’exclusion d’autres entreprises ou d’autres productions.
78 Ainsi, la Cour a jugé qu’un taux de réescompte préférentiel à l’exportation, octroyé par un État en faveur des seuls produits nationaux exportés en vue de les aider à concurrencer dans les autres États membres les produits originaires de ces derniers, était constitutif d’une aide (arrêt Commission/France, point 54 supra, point 20) et que le remboursement d’intérêts sur les crédits à l’exportation (arrêt Grèce/Commission, point 74 supra, point 8) ainsi qu’une déduction fiscale ne profitant qu’aux entreprises ayant des activités d’exportation et réalisant certains investissements visés par les mesures en cause (arrêt du 15 juillet 2004, Espagne/Commission, point 74 supra, point 120) remplissaient la condition de sélectivité.
79 Dans les trois arrêts cités au point 78 ci-dessus, la catégorie des entreprises bénéficiaires permettant de conclure à la sélectivité de la mesure en cause était constituée par la catégorie des entreprises exportatrices.
80 Or, il y a lieu de considérer que la catégorie des entreprises exportatrices, même si elle est, au même titre, par exemple, que la catégorie des entreprises produisant des biens corporels (voir point 37 ci-dessus), extrêmement large, regroupe des entreprises qui peuvent être distinguées du fait de caractéristiques communes liées à leur activité d’exportation.
81 La jurisprudence citée au point 78 ci-dessus, relative aux entreprises ayant des activités d’exportation, ne permet donc pas de conclure que les juridictions de l’Union auraient admis qu’une mesure fiscale soit qualifiée de sélective en l’absence d’identification d’une catégorie particulière d’entreprises ou de productions pouvant être distinguées du fait de caractéristiques spécifiques.
82 Cette analyse n’est pas remise en cause par l’argument de la Commission tiré de ce que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juillet 2004, Espagne/Commission, point 74 supra, l’avantage fiscal en cause portait, notamment, sur le rachat de participations de sociétés étrangères. En effet, pour pouvoir bénéficier de l’avantage en cause, les entreprises devaient acquérir des participations dans des sociétés directement liées à l’activité exportatrice de biens ou de services. De plus, le champ d’application de la mesure qualifiée de sélective par la Cour dans cette affaire ne se limitait pas à de telles prises de participations, mais il incluait également d’autres activités d’exportation : la création de succursales ou d’établissements permanents à l’étranger, la constitution de filiales directement liées à l’activité exportatrice de biens et de services, ainsi que les frais de publicité pour le lancement de produits, l’ouverture et la prospection de marchés étrangers et la participation à des foires, à des expositions et à d’autres manifestations similaires. En conséquence, l’avantage procuré par la mesure en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt était, contrairement à ce qu’il en est, a priori, en l’espèce, réservé à certaines entreprises, celles ayant des activités d’exportation.
83 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas établi, par les motifs sur lesquels elle s’est fondée, que la mesure litigieuse était sélective.
84 En considérant que la mesure litigieuse était sélective, la Commission a donc fait une application erronée des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE.
85 Le moyen examiné est, dès lors, fondé. En conséquence, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante au soutien de ses conclusions principales, d’annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée.
Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’article 4 de la décision attaquée
86 Les conclusions de la requérante visant spécifiquement l’article 4 de la décision attaquée se fondent sur une critique du régime transitoire prévu par la décision attaquée aux fins de la récupération de l’aide en cause. La requérante conteste en particulier la date qui sert de référence pour déterminer les aides pouvant faire l’objet d’une récupération. Par ses conclusions « subsidiaires » dirigées contre cet article, la requérante vise donc à limiter les possibilités de récupération des aides qui lui ont été octroyées pour le cas où toute possibilité de récupération de ces aides n’aurait pas été supprimée sur la base de ses conclusions principales. Ainsi, les conclusions principales de la requérante doivent-elles être nécessairement comprises comme tendant à obtenir la suppression de toute possibilité de récupération des aides et donc, en toute hypothèse, l’annulation de l’article 4 de la décision attaquée.
87 De plus, il serait particulièrement formaliste de considérer que la requérante ne vise pas, par ses conclusions principales, à obtenir l’annulation de l’article 4 de la décision attaquée, qui est la base légale de la récupération de l’aide, alors même que la requérante n’est recevable à attaquer cette décision que dans la mesure où elle risque de faire l’objet d’une mesure de récupération (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, Rec. p. I-4727, point 56).
88 En conséquence, il y a lieu de considérer que, si la requérante ne présente des conclusions tendant à l’annulation de l’article 4 de la décision attaquée, lequel porte sur la récupération de l’aide, qu’à « titre subsidiaire », elle entend nécessairement obtenir, y compris à titre principal, l’annulation de la disposition qui est la base légale de la récupération de l’aide dont elle a bénéficié.
89 Or, le bien-fondé du moyen examiné plus haut relatif à l’absence de sélectivité de la mesure litigieuse entraîne l’annulation non seulement de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, lequel constate l’existence de l’aide, mais également de l’article 4 de cette décision, lequel prévoit la récupération de cette aide.
Sur les dépens
90 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses demandes, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) L’article 1er, paragraphe 1, et l’article 4 de la décision 2011/5/CE de la Commission, du 28 octobre 2009, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne, sont annulés.
2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.
Martins Ribeiro |
Forwood |
Bieliūnas |
Gervasoni |
Madise |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 novembre 2014.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.