Affaire C-118/11
Eon Aset Menidjmunt OOD
contre
Direktor na Direktsia «Obzhalvane I upravlenie na izpalnenieto» — Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite
(demande de décision préjudicielle,
introduite par l’Administrativen sad Varna)
«TVA — Directive 2006/112/CE — Articles 168 et 176 — Droit à déduction — Condition tenant à l’utilisation des biens et des services pour les besoins d’opérations taxées — Naissance du droit à déduction — Contrat de location de véhicule automobile — Contrat de crédit-bail — Véhicule utilisé par l’employeur pour le transport à titre gratuit d’un salarié entre son domicile et son lieu de travail»
Sommaire de l’arrêt
1. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Opérations imposables — Acquisition d’un bien d’investissement — Notion
[Directive du Conseil 2006/112, art. 14, § 1 et 2, b)]
2. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont
[Directive du Conseil 2006/112, art. 168, a)]
3. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont
(Directive du Conseil 2006/112, art. 168 et 176)
1. Dans l’hypothèse où un contrat de crédit-bail relatif à un véhicule automobile prévoit soit le transfert de propriété dudit véhicule au preneur à l’échéance de ce contrat, soit que le preneur dispose des attributs essentiels de la propriété dudit véhicule, notamment qu’il se voit transférer la majorité des avantages et des risques inhérents à la propriété légale de celui-ci et que la somme actualisée des échéances est pratiquement identique à la valeur vénale du bien, l’opération doit être assimilée à l’acquisition d’un bien d’investissement.
(cf. point 40)
2. L’article 168, sous a), de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu’un véhicule automobile loué est considéré comme utilisé pour les besoins des opérations taxées de l’assujetti s’il existe un lien direct et immédiat entre l’usage de ce véhicule et l’activité économique de l’assujetti. C’est à l’expiration de la période à laquelle se rapporte chacun des paiements que naît le droit à déduction et qu’il convient de tenir compte de l’existence d’un tel lien.
En outre, un véhicule automobile loué en vertu d’un contrat de crédit-bail et qualifié de bien d’investissement est considéré comme utilisé pour les besoins des opérations taxées si l’assujetti agissant en tant que tel acquiert ce bien et l’affecte en totalité au patrimoine de son entreprise, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée due en amont étant entière et immédiate et toute utilisation dudit bien pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel ou à des fins étrangères à son entreprise étant assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux. C’est l’acquisition du bien par l’assujetti agissant en tant que tel qui détermine l’application du système de taxe sur la valeur ajoutée et, partant, du mécanisme de déduction. L’utilisation qui est faite du bien ou qui est envisagée pour celui-ci ne détermine que l’étendue de la déduction initiale à laquelle l’assujetti a droit. La question de savoir si l’assujetti a acquis le bien en agissant en tant que tel, c’est-à-dire pour les besoins de son activité économique au sens de l’article 9 de la directive, est une question de fait qui doit être appréciée compte tenu de l’ensemble des données de l’espèce, parmi lesquelles figurent la nature du bien visé et la période écoulée entre son acquisition et son utilisation aux fins des activités économiques de l’assujetti.
(cf. points 57, 58, 64, disp. 1)
3. Les articles 168 et 176 de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, ne s’opposent pas à une législation nationale qui prévoit l’exclusion du droit à déduction de biens et de services destinés à des livraisons à titre gratuit ou à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti, pourvu que les biens qualifiés de biens d’investissement ne soient pas affectés au patrimoine de l’entreprise.
(cf. point 74, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
16 février 2012 (*)
«TVA — Directive 2006/112/CE — Articles 168 et 176 — Droit à déduction — Condition tenant à l’utilisation des biens et des services pour les besoins d’opérations taxées — Naissance du droit à déduction — Contrat de location de véhicule automobile — Contrat de crédit-bail — Véhicule utilisé par l’employeur pour le transport à titre gratuit d’un salarié entre son domicile et son lieu de travail»
Dans l’affaire C-118/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Varna (Bulgarie), par décision du 24 février 2011, parvenue à la Cour le 7 mars 2011, dans la procédure
Eon Aset Menidjmunt OOD
contre
Direktor na Direktsia „ẶObzhalvane i upravlenie na izpalnenieto” — Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), président de chambre, MM. U. Lõhmus, A. Ó Caoimh, A. Arabadjiev et C. G. Fernlund, juges,
avocat général: Mme V. Trstenjak,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour le gouvernement bulgare, par M. T. Ivanov et Mme D. Drambozova, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. D. Roussanov, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 168, 173 et 176 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Eon Aset Menidjmunt OOD (ci-après «Eon Aset») au Direktor na Direktsia „Obzhalvane i upravlenie na izpalnenieto” — Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite (directeur de la direction «Recours et gestion de l’exécution», pour la ville de Varna, de l’administration centrale de l’agence des recettes publiques), concernant l’avis d’imposition rectificatif assujettissant Eon Aset à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), en conséquence d’un refus de bénéficier du droit au crédit d’impôt.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA:
«Est considérée comme ‘activité économique’ toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence.»
4 L’article 14, paragraphe 1, de cette directive dispose:
«Est considéré comme ‘livraison de biens’, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.»
5 Conformément à l’article 14, paragraphe 2, sous b), de ladite directive, est considérée comme une livraison de biens «la remise matérielle d’un bien en vertu d’un contrat qui prévoit la location d’un bien pendant une certaine période ou la vente à tempérament d’un bien, assorties de la clause que la propriété est normalement acquise au plus tard lors du paiement de la dernière échéance».
6 L’article 24, paragraphe 1, de la même directive prévoit:
«Est considérée comme une ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens.»
7 Selon l’article 26 de la directive TVA:
«1. Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux les opérations suivantes:
a) l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA;
b) la prestation de services à titre gratuit effectuée par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.
2. Les États membres peuvent déroger aux dispositions du paragraphe 1 à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence.»
8 L’article 63 de cette directive énonce que «le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée».
9 L’article 64, paragraphe 1, de ladite directive précise:
«Lorsqu’elles donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs, les livraisons de biens, autres que celles ayant pour objet la location d’un bien pendant une certaine période ou la vente à tempérament d’un bien visées à l’article 14, paragraphe 2, point b), et les prestations de services sont considérées comme effectuées au moment de l’expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou paiements se rapportent.»
10 Aux termes de l’article 167 de la directive TVA, «le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible».
11 Selon l’article 168 de cette directive:
«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants:
a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti;
[...]»
12 L’article 173, paragraphe 1, de ladite directive énonce:
«En ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux articles 168, 169 et 170 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.
Le prorata de déduction est déterminé, conformément aux articles 174 et 175, pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti.»
13 L’article 176 de la directive TVA dispose:
«Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, détermine les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.
Jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions visées au premier alinéa, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale soit au 1er janvier 1979 soit, pour les États membres ayant adhéré à la Communauté après cette date, à la date de leur adhésion.»
Le droit national
14 Selon l’article 6, paragraphe 3, point 1, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Zakon za danak varhu dobavenata stoynost, DV no 63, du 4 août 2006, ci-après le «ZDDS»), est considérée comme une livraison de biens effectuée à titre onéreux «la séparation ou la mise à disposition d’une marchandise pour l’usage personnel à l’assujetti, au propriétaire, à ses employés ou à ses salariés, ou encore à des tiers, à condition que lors de sa fabrication, de son importation ou de son acquisition, le crédit d’impôt ait été intégralement ou partiellement déduit».
15 L’article 9, paragraphe 3, point 1, du ZDDS assimile à une prestation de services effectuée à titre onéreux «le service fourni à un assujetti personne physique pour ses besoins personnels, à un propriétaire, à ses salariés ou employés, ou encore à des tiers, à condition que, à l’occasion de la fourniture du service, ait été utilisée une marchandise de laquelle le crédit d’impôt a été entièrement ou partiellement déduit lors de sa fabrication, de son importation ou de son acquisition».
16 Par dérogation audit article 9, paragraphe 3, l’article 9, paragraphe 4, point 1, du ZDDS dispose que ne constitue pas une prestation de services effectuée à titre onéreux «la mise à disposition à titre gratuit par l’employeur d’un service de transport aller-retour entre le domicile et le lieu de travail de ses employés ou salariés, y compris de ceux disposant d’un contrat de gestion, lorsque cela est fait pour les besoins de l’activité économique de l’assujetti».
17 L’article 69, paragraphe 1, du ZDDS prévoit:
«Lorsque les biens et les services sont utilisés pour les besoins des livraisons imposables effectuées par l’assujetti immatriculé, celui-ci est autorisé à déduire:
1. la taxe sur les biens ou les services que le fournisseur, lorsque celui-ci est aussi un assujetti immatriculé conformément à la présente loi, lui a fournis ou doit lui fournir;
[...]»
18 Aux termes de l’article 70, paragraphe 1, du ZDDS:
«Même si les conditions énoncées à l’article 69 ou à l’article 74 sont remplies, le droit de déduire un crédit d’impôt n’existe pas lorsque:
[...]
2. les biens ou les services sont destinés à des livraisons à titre gratuit ou à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti;
[...]»
19 Aux termes de l’article 70, paragraphe 3, du ZDDS:
«Le paragraphe 1, point 2, ne s’applique pas au:
[...]
2. service de transport aller-retour entre le domicile et le lieu de travail des employés ou salariés, y compris de ceux disposant d’un contrat de gestion, fourni à titre gratuit par l’employeur pour les besoins de son activité économique;
[...]»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
20 Eon Aset est une société établie en Bulgarie, qui exerce ses activités économiques dans des domaines variés.
21 À l’occasion d’un contrôle fiscal portant sur la période allant du 1er juillet 2008 au 31 octobre 2009, les autorités compétentes ont constaté que Eon Aset avait conclu, d’une part, un contrat de location d’un véhicule automobile avec une société pour une période comprise entre le 1er octobre 2008 et le 1er mars 2009 et, d’autre part, un contrat de crédit-bail, d’une durée de 48 mois, portant sur un autre véhicule automobile, avec une autre société.
22 Eon Aset avait déduit la TVA figurant sur l’ensemble des factures émises au cours de la période fiscale correspondant à la réception de celles-ci.
23 Lesdites autorités ont considéré que, faute de preuves en ce sens, les véhicules devaient être considérés comme n’ayant pas été utilisés pour les besoins de l’activité économique d’Eon Aset.
24 Eon Aset s’est vu refuser le droit à déduction de la TVA correspondante, en vertu de l’article 70, paragraphe 1, point 2, du ZDDS.
25 Eon Aset a, par un recours administratif, contesté l’avis d’imposition rectificatif émis à son encontre devant le Direktor na Direktsia „Obzhalvane i upravlenie na izpalnenieto” — Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite.
26 Ce dernier ayant partiellement confirmé ledit avis d’imposition, Eon Aset a introduit un recours devant l’Administrativen sad Varna (tribunal administratif de Varna).
27 À l’appui de son recours, Eon Aset soutient que les véhicules automobiles en cause au principal ont été utilisés pour assurer le transport de son gérant entre le domicile et le lieu de travail de celui-ci. Se prévalant de l’article 70, paragraphe 3, point 2, du ZDDS, Eon Aset considère que l’exclusion du droit à déduction prévue à l’article 70, paragraphe 1, point 2, du ZDDS ne vise pas le transport de membres du personnel assuré à titre gratuit par l’employeur entre le domicile et le lieu de travail de ces derniers.
28 Eon Aset conteste également la compatibilité de l’article 70, paragraphe 1, point 2, du ZDDS avec le droit de l’Union.
29 C’est dans ces conditions que l’Administrativen sad Varna a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Dans quel sens faut-il interpréter la condition visée par l’expression ‘sont utilisés’, énoncée à l’article 168 de la directive [TVA], et, s’agissant de la naissance du droit de déduire la taxe répercutée, quand doit-elle être remplie: dès la période fiscale d’acquisition du bien ou du service, ou bien suffit-il qu’elle puisse être remplie au cours d’une période fiscale ultérieure?
2) Une disposition telle que l’article 70, paragraphe 1, point 2, [du ZDDS], qui permet l’exclusion initiale de biens et de services définis comme étant ‘destinés à des livraisons à titre gratuit ou à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti’ du système de déduction de la TVA, est-elle admissible au regard des articles 168 et 176 de la directive [TVA]?
3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, faut-il interpréter l’article 176 de la directive [TVA] en ce sens qu’un État membre qui, pour se prévaloir de la possibilité qui lui est accordée d’exclure le droit à déduction de la TVA pour certains biens et services, se fonde sur les catégories de dépenses définies comme suit: des biens ou des services destinés à des livraisons à titre gratuit ou à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti, à l’exclusion des cas prévus à l’article 70, paragraphe 3, [du ZDDS], a satisfait à la condition requérant de désigner une catégorie de biens et de services suffisamment définis, c’est-à-dire de les définir par référence à leur nature?
4) En fonction de la réponse apportée à la troisième question, dans quel sens convient-il de comprendre, au regard des articles 168 et 173 de la directive [TVA], l’affectation (l’utilisation actuelle ou future) de biens ou de services acquis par un assujetti: comme un préalable à la naissance du droit à déduction de la TVA ou bien comme une base justifiant la rectification du montant de la taxe à déduire?
5) Si l’affectation (l’utilisation) devait être considérée comme une base permettant de rectifier le montant de la taxe à déduire, comment conviendrait-il d’interpréter la disposition de l’article 173 de la directive [TVA]: celle-ci prévoit-elle la possibilité d’effectuer des rectifications dans des hypothèses où des biens ou des services servent initialement pour une activité non imposable ou ne sont pas du tout utilisés postérieurement à leur acquisition, tout en étant mis à la disposition de l’entreprise et en étant inclus dans l’activité imposable de l’assujetti au cours d’une période postérieure à l’acquisition?
6) Dans le cas où il conviendrait d’interpréter l’article 173 de la directive [TVA] en ce sens que la rectification qui a été prévue s’applique également aux cas où les biens ou les services, après leur acquisition, sont d’abord utilisés pour une activité non imposable, ou aux cas où ils ne sont pas du tout utilisés, mais sont par la suite inclus dans l’activité imposable de l’assujetti, y a-t-il lieu de considérer que, eu égard à la limitation introduite en vertu de l’article 70, paragraphe 1, point 2, [du ZDDS], et au fait que, aux termes de l’article 79, paragraphes 1 et 2, de ladite loi, la possibilité d’effectuer des rectifications se limite aux hypothèses où des biens, dont l’utilisation initiale satisfait aux exigences de déduction de la taxe, sont ensuite utilisés d’une façon qui ne satisfait plus à ces exigences de déduction de la taxe, l’État membre a respecté son obligation de définir le droit de l’ensemble des assujettis de déduire la taxe répercutée de la façon la plus fiable et équitable?
7) En fonction des réponses apportées aux questions précédentes, y a-t-il lieu de considérer que, conformément au régime de limitation du droit à déduction de la TVA et de rectification du montant de la TVA à déduire, introduit par [le ZDDS], dans des conditions analogues à celles de la procédure au principal, et eu égard à l’article 168 de la directive [TVA], un assujetti immatriculé à la TVA est habilité à déduire la TVA répercutée pour des biens ou des services qui lui auraient été fournis par un autre assujetti, au cours de la période où ils ont été fournis et où la taxe est devenue exigible?»
Sur les questions préjudicielles
Sur les première, quatrième et septième questions
30 Par ses première, quatrième et septième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir dans quelles conditions l’article 168, sous a), de la directive TVA permet à un assujetti de déduire la TVA acquittée, d’une part, au titre d’un contrat de location d’un véhicule automobile et, d’autre part, pour la location d’un véhicule automobile en vertu d’un contrat de crédit-bail, et à quel moment ces conditions doivent être remplies au regard de la naissance du droit à déduction.
Considérations liminaires
31 En vertu de l’article 168 de la directive TVA, l’assujetti bénéficie du droit à déduction de la TVA dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées. Il est, par conséquent, nécessaire de qualifier au préalable les activités en cause dans le litige au principal au regard de la notion d’opération imposable.
32 Conformément à l’article 24, paragraphe 1, de la directive TVA, «est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens», la notion de livraison de biens exigeant, aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de cette directive, le «transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire».
33 La location d’un véhicule automobile ne consistant pas en une livraison de biens doit être, en principe, qualifiée de prestation de services, au sens de l’article 24, paragraphe 1, de ladite directive (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2003, Cookies World, C-155/01, Rec. p. I-8785, point 45, et du 21 février 2008, Part Service, C-425/06, Rec. p. I-897, point 61).
34 La location d’un véhicule automobile en vertu d’un contrat de crédit-bail peut, néanmoins, présenter des caractéristiques assimilables à l’acquisition d’un bien d’investissement.
35 Ainsi que la Cour l’a relevé, dans le contexte d’une disposition permettant aux États membres d’exclure les biens d’investissement du régime des déductions de la TVA pour une période transitoire, la notion de bien d’investissement recouvre les biens qui, utilisés aux fins d’une activité économique, se distinguent par leur caractère durable et leur valeur, lesquels impliquent que les coûts d’acquisition ne sont pas normalement comptabilisés comme dépenses courantes, mais sont amortis au cours de plusieurs exercices (voir, en ce sens, arrêts du 1er février 1977, Verbond van Nederlandse Ondernemingen, 51/76, Rec. p. 113, point 12, ainsi que du 6 mars 2008, Nordania Finans et BG Factoring, C-98/07, Rec. p. I-1281, points 27 et 28).
36 En outre, l’article 14, paragraphe 2, sous b), de la directive TVA considère comme une livraison de biens la remise matérielle d’un bien en vertu d’un contrat qui prévoit la location de ce bien pendant une certaine période, assortie de la clause que la propriété est normalement acquise au plus tard lors du paiement de la dernière échéance.
37 Dans l’hypothèse d’un contrat de crédit-bail, il n’y a pas nécessairement acquisition du bien puisqu’un tel contrat peut prévoir que le preneur a le choix de ne pas acquérir ledit bien à l’issue de la période de location.
38 Cependant, ainsi qu’il ressort de la norme comptable internationale IAS 17 relative aux contrats de location, reprise par le règlement (CE) no 1126/2008 de la Commission, du 3 novembre 2008, portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) no 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil (JO L 320, p. 1), le contrat de location simple doit être distingué du contrat de location-financement, ce dernier étant caractérisé par le transfert au preneur de la majorité des avantages et des risques inhérents à la propriété légale. Le fait qu’un transfert de propriété soit prévu au terme du contrat ou que la somme actualisée des échéances soit pratiquement identique à la valeur vénale du bien constituent, individuellement ou conjointement, des critères permettant de déterminer si un contrat peut être qualifié de contrat de location-financement.
39 Comme la Cour l’a déjà précisé, la notion de livraison de biens ne se réfère pas au transfert de propriété dans les formes prévues par le droit national applicable, mais elle inclut toute opération de transfert d’un bien corporel par une partie qui habilite l’autre partie à en disposer en fait comme si elle était le propriétaire de ce bien (voir arrêts du 8 février 1990, Shipping and Forwarding Enterprise Safe, C-320/88, Rec. p. I-285, point 7, et du 6 février 2003, Auto Lease Holland, C-185/01, Rec. p. I-1317, point 32).
40 Dès lors, dans l’hypothèse où le contrat de crédit-bail relatif à un véhicule automobile prévoit soit le transfert de propriété dudit véhicule au preneur à l’échéance de ce contrat, soit que le preneur dispose des attributs essentiels de la propriété dudit véhicule, notamment qu’il se voit transférer la majorité des avantages et des risques inhérents à la propriété légale de celui-ci et que la somme actualisée des échéances est pratiquement identique à la valeur vénale du bien, l’opération doit être assimilée à l’acquisition d’un bien d’investissement.
41 Il appartient à la juridiction nationale de déterminer, au vu des circonstances de l’espèce, si les critères énoncés au point précédent du présent arrêt sont remplis.
Sur les conditions du droit à déduction
42 Il résulte de l’article 168, sous a), de la directive TVA qu’un assujetti peut déduire la TVA due en amont pour des biens ou des services dans la mesure où ces derniers sont utilisés pour les besoins de son activité économique.
43 Il convient de souligner, à cet égard, que le régime de déductions établi par ladite directive vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA cherche à garantir la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient leurs buts ou leurs résultats, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir, notamment, arrêt du 12 février 2009, Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie, C-515/07, Rec. p. I-839, point 27).
44 Lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti sont utilisés pour les besoins d’opérations exonérées ou ne relèvent pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de celle-ci en amont (voir arrêts du 30 mars 2006, Uudenkaupungin kaupunki, C-184/04, Rec. p. I-3039, point 24, et Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie, précité, point 28).
45 Le critère tiré de l’utilisation du bien ou du service pour les besoins d’opérations relevant de l’activité économique de l’entreprise diffère selon qu’il s’agit de l’acquisition d’un service ou d’un bien d’investissement.
46 S’agissant d’une opération consistant en l’acquisition d’un service, telle que la location d’un véhicule automobile, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit (arrêt du 29 octobre 2009, SKF, C-29/08, Rec. p. I-10413, point 57 et jurisprudence citée).
47 Un droit à déduction est également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services concernés font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (arrêt SKF, précité, point 58 et jurisprudence citée).
48 Dans l’un et l’autre cas mentionnés aux points 46 et 47 du présent arrêt, l’existence d’un lien direct et immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques (arrêt SKF, précité, point 60).
49 S’il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier s’il existe un lien direct et immédiat entre la location du véhicule automobile en cause au principal et l’activité économique d’Eon Aset, il appartient à la Cour de fournir à cette juridiction des indications utiles au regard du droit de l’Union.
50 En l’espèce, Eon Aset a soutenu, devant la juridiction de renvoi, que les véhicules automobiles loués en vertu du contrat de location ou du contrat de crédit-bail en cause au principal ont été utilisés afin d’assurer le transport de son gérant entre le domicile et le lieu de travail de celui-ci.
51 La Cour a déjà jugé que la circonstance que le déplacement du domicile au lieu de travail constitue une condition nécessaire de la présence au travail et, partant, de son accomplissement ne constitue pas un élément déterminant pour considérer que le transport du salarié entre son domicile et son lieu de travail ne servirait pas des besoins privés du salarié au sens de l’article 26, paragraphe 1, de la directive TVA. En effet, il serait contraire à l’objectif de cette disposition qu’un tel lien indirect suffise, à lui seul, pour exclure l’assimilation du déplacement à une prestation à titre onéreux (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 1997, Fillibeck, C-258/95, Rec. p. I-5577, point 27).
52 En revanche, dans des circonstances particulières, les exigences de l’entreprise peuvent commander que l’employeur assure lui-même le transport des salariés entre leur domicile et le lieu de travail, de sorte que l’organisation du transport par l’employeur est effectuée à des fins qui ne sont pas étrangères à l’entreprise (voir, en ce sens, arrêt Fillibeck, précité, points 29 et 30).
53 S’agissant de la location d’un véhicule automobile en vertu d’un contrat de crédit-bail pouvant être assimilée à une opération qui consiste en l’acquisition d’un bien d’investissement destiné, en partie, à un usage privé et, en partie, à un usage professionnel, l’assujetti dispose d’un choix. Il peut, pour les besoins de la TVA, soit affecter ce bien en totalité au patrimoine de son entreprise, soit le conserver en totalité dans son patrimoine privé en l’excluant ainsi complètement du système de TVA, soit encore ne l’intégrer dans son entreprise qu’à concurrence de l’utilisation professionnelle effective (voir, en ce sens, arrêts 4 octobre 1995, Armbrecht, C-291/92, Rec. p. I-2775, point 20, ainsi que du 14 juillet 2005, Charles et Charles-Tijmens, C-434/03, Rec. p. I-7037, point 23 et jurisprudence citée).
54 Si l’assujetti choisit de traiter un bien d’investissement utilisé à la fois à des fins professionnelles et à des fins privées comme un bien d’entreprise, la TVA due en amont sur l’acquisition de ce bien est, en principe, intégralement et immédiatement déductible. Dans ces conditions, lorsqu’un bien affecté à l’entreprise a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA acquittée en amont, son utilisation pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel ou à des fins étrangères à son entreprise est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux, en vertu de l’article 26, paragraphe 1, de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêts précités Charles et Charles-Tijmens, points 24 et 25 ainsi que jurisprudence citée, et Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie, point 37).
55 Si l’assujetti décide de conserver un bien d’investissement entièrement dans son patrimoine privé, quoiqu’il l’utilise à la fois à des fins professionnelles et à des fins privées, aucune partie de la TVA due ou acquittée en amont sur l’acquisition du bien n’est déductible (arrêt du 8 mars 2001, Bakcsi, C-415/98, Rec. p. I-1831, point 27). Dans ce cas, l’utilisation de ce bien pour les besoins de l’entreprise ne saurait être soumise à la TVA (voir, en ce sens, arrêt Bakcsi, précité, point 31).
56 Enfin, si l’assujetti choisit de n’affecter le bien au patrimoine professionnel de son entreprise qu’à concurrence de son utilisation professionnelle effective, la partie du bien soustraite à ce patrimoine professionnel ne fait pas partie des biens de l’entreprise et, par conséquent, ne relève pas du champ d’application du système de TVA (voir, en ce sens, arrêt Armbrecht, précité, point 28).
57 Il y a lieu également de préciser que c’est l’acquisition du bien par l’assujetti agissant en tant que tel qui détermine l’application du système de TVA et, partant, du mécanisme de déduction. L’utilisation qui est faite du bien ou qui est envisagée pour celui-ci ne détermine que l’étendue de la déduction initiale à laquelle l’assujetti a droit (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1991, Lennartz, C-97/90, Rec. p. I-3795, point 15).
58 La question de savoir si l’assujetti a acquis le bien en agissant en tant que tel, c’est-à-dire pour les besoins de son activité économique au sens de l’article 9 de la directive TVA, est une question de fait qui doit être appréciée compte tenu de l’ensemble des données de l’espèce, parmi lesquelles figurent la nature du bien visé et la période écoulée entre son acquisition et son utilisation aux fins des activités économiques de l’assujetti (voir, en ce sens, arrêt Bakcsi, précité, point 29).
59 C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient, le cas échéant, d’apprécier si le véhicule automobile loué en vertu d’un contrat de crédit-bail a été affecté au patrimoine de l’entreprise et de déterminer l’étendue du droit à déduction dont celle-ci peut bénéficier dans l’hypothèse où ce bien n’a été que partiellement affecté à son patrimoine professionnel.
Sur la naissance du droit à déduction
60 En vertu de l’article 167 de la directive TVA, le droit à déduction de la TVA prend naissance au moment où la taxe devient exigible.
61 Cette disposition doit être lue à la lumière de l’article 63 de cette directive, selon lequel la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée.
62 En vertu de l’article 64 de ladite directive, lorsque la location d’un véhicule automobile se caractérise par une prestation de services donnant lieu à des paiements successifs, c’est à l’expiration de la période à laquelle se rapporte chacun de ces paiements que naît le droit à déduction et qu’il convient de tenir compte de l’existence d’un lien direct et immédiat entre le véhicule loué et l’activité économique de l’assujetti.
63 S’il s’agit d’un bien d’investissement, l’assujetti qui affecte la totalité de celui-ci au patrimoine de son entreprise dispose d’un droit à déduction immédiat de la TVA (voir, en ce sens, arrêt Charles et Charles-Tijmens, précité, point 24 ainsi que jurisprudence citée).
64 Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 168, sous a), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que:
– un véhicule automobile loué est considéré comme utilisé pour les besoins des opérations taxées de l’assujetti s’il existe un lien direct et immédiat entre l’usage de ce véhicule et l’activité économique de l’assujetti et que c’est à l’expiration de la période à laquelle se rapporte chacun des paiements que naît le droit à déduction et qu’il convient de tenir compte de l’existence d’un tel lien;
– un véhicule automobile loué en vertu d’un contrat de crédit-bail et qualifié de bien d’investissement est considéré comme utilisé pour les besoins des opérations taxées si l’assujetti agissant en tant que tel acquiert ce bien et l’affecte en totalité au patrimoine de son entreprise, la déduction de la TVA due en amont étant entière et immédiate et toute utilisation dudit bien pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel ou à des fins étrangères à son entreprise étant assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux.
Sur les deuxième et troisième questions
65 Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 70, paragraphe 1, point 2, du ZDDS, en ce qu’il permet l’exclusion du droit à déduction de biens et de services destinés à des livraisons à titre gratuit ou à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti, est compatible avec les articles 168 et 176 de la directive TVA.
66 Il importe de rappeler, à titre liminaire, que, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 267 TFUE, la Cour n’est compétente pour se prononcer ni sur l’interprétation de dispositions législatives ou réglementaires nationales ni sur la compatibilité de telles dispositions avec le droit de l’Union. Elle peut cependant fournir à la juridiction nationale les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui permettront à celle-ci de résoudre le problème juridique dont elle se trouve saisie (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 2000, Borawitz, C-124/99, Rec. p. I-7293, point 17, et du 21 octobre 2010, Nidera Handelscompagnie, C-385/09, Rec. p. I-10385, point 32).
67 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par lesdites questions, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 168 et 176 de la directive TVA s’opposent à une législation nationale qui prévoit l’exclusion du droit à déduction de biens et de services destinés à des livraisons à titre gratuit ou à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti.
68 À cet égard, il convient de relever que le droit à déduction fait partie intégrante du mécanisme régissant la TVA, qu’il ne peut, en principe, être limité et qu’il s’exerce pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations imposables effectuées en amont (voir arrêts du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, point 18, et du 13 mars 2008, Securenta, C-437/06, Rec. p. I-1597, point 24).
69 Il ressort de l’article 168, sous a), de la directive TVA et de la jurisprudence mentionnée aux points 43 et suivants du présent arrêt que l’existence d’un droit à déduction suppose que l’assujetti agissant en tant que tel acquiert un bien ou un service et l’utilise pour les besoins de son activité économique.
70 La législation nationale en cause au principal exclut tout droit à déduction lorsque les biens ou les services sont destinés à des livraisons à titre gratuit ou à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti.
71 Une telle législation revient à exclure le droit à déduction de la TVA lorsque les conditions nécessaires à l’existence de ce droit ne sont pas remplies.
72 L’article 70, paragraphe 1, du ZDDS ne limite donc pas le droit à déduction au sens de l’article 176 de la directive TVA.
73 Il doit toutefois être précisé qu’un État membre ne peut refuser aux assujettis, qui ont choisi de traiter des biens d’investissement utilisés à la fois à des fins professionnelles et à des fins privées comme des biens d’entreprise, la déduction intégrale et immédiate de la TVA due en amont sur l’acquisition de ces biens, à laquelle ils ont droit conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 63 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt Charles et Charles-Tijmens, précité, point 28).
74 Dès lors, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que les articles 168 et 176 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale qui prévoit l’exclusion du droit à déduction de biens et de services destinés à des livraisons à titre gratuit ou à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti, pourvu que les biens qualifiés de biens d’investissement ne soient pas affectés au patrimoine de l’entreprise.
Sur les cinquième et sixième questions
Sur la recevabilité
75 Le gouvernement bulgare et la Commission font valoir qu’il n’est pas nécessaire de répondre aux cinquième et sixième questions, dès lors que ces dernières visent une hypothèse sans rapport avec le litige au principal.
76 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national. Il appartient de même au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59, et du 14 février 2008, Varec, C-450/06, Rec. p. I-581, point 23 ainsi que jurisprudence citée).
77 Toutefois, la Cour a également jugé que, dans des circonstances exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts précités Bosman, point 61, et Varec, point 24 ainsi que jurisprudence citée).
78 Tel est le cas en l’espèce. En effet, il ne ressort pas de la décision de renvoi que les biens acquis ont servi à des activités dépourvues de caractère économique avant d’être affectés à une activité économique ou qu’ils n’ont jamais été utilisés. Dès lors, l’hypothèse visée par ces questions n’a aucun rapport avec l’objet du litige en cause au principal.
79 Les cinquième et sixième questions doivent donc être déclarées irrecevables.
Sur les dépens
80 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
1) L’article 168, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que:
– un véhicule automobile loué est considéré comme utilisé pour les besoins des opérations taxées de l’assujetti s’il existe un lien direct et immédiat entre l’usage de ce véhicule et l’activité économique de l’assujetti et que c’est à l’expiration de la période à laquelle se rapporte chacun des paiements que naît le droit à déduction et qu’il convient de tenir compte de l’existence d’un tel lien;
– un véhicule automobile loué en vertu d’un contrat de crédit-bail et qualifié de bien d’investissement est considéré comme utilisé pour les besoins des opérations taxées si l’assujetti agissant en tant que tel acquiert ce bien et l’affecte en totalité au patrimoine de son entreprise, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée due en amont étant entière et immédiate et toute utilisation dudit bien pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel ou à des fins étrangères à son entreprise étant assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux.
2) Les articles 168 et 176 de la directive 2006/112 ne s’opposent pas à une législation nationale qui prévoit l’exclusion du droit à déduction de biens et de services destinés à des livraisons à titre gratuit ou à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti, pourvu que les biens qualifiés de biens d’investissement ne soient pas affectés au patrimoine de l’entreprise.
Signatures
* Langue de procédure: le bulgare.