ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
17 janvier 2013 ( *1 )
«TVA — Prestation de crédit-bail accompagnée d’une prestation d’assurance du bien faisant l’objet du crédit-bail, souscrite par le bailleur et facturée par ce dernier au preneur — Qualification — Prestation unique composée ou deux prestations distinctes — Exonération — Opération d’assurance»
Dans l’affaire C-224/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Pologne), par décision du 7 avril 2011, parvenue à la Cour le 13 mai 2011, dans la procédure
BGŻ Leasing sp. z o.o.
contre
Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. A. Rosas (rapporteur), faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. U. Lõhmus et A. Arabadjiev, juges,
avocat général: Mme V. Trstenjak,
greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 septembre 2012,
considérant les observations présentées:
— |
pour BGŻ Leasing sp. z o.o., par MM. T. Rolewicz et M. Chomiuk, doradcy podatkowi, |
— |
pour le Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie, par Mes O. Dąbrowski, T. Tratkiewicz et J. Kaute, en qualité d’agents, |
— |
pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar ainsi que par Mmes A. Kraińska et A. Kramarczyk, en qualité d’agents, |
— |
pour la Commission européenne, par Mmes K. Herrmann et C. Soulay, en qualité d’agents, |
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, sous c), 28 et 135, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant BGŻ Leasing sp. z o.o. (ci-après «BGŻ Leasing») au Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie (directeur de la chambre fiscale à Varsovie), au sujet du refus de ce dernier d’exonérer de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») l’opération consistant à fournir une couverture d’assurance du bien faisant l’objet d’un crédit-bail, lorsque celle-ci accompagne le service de crédit-bail, lui-même soumis à la TVA. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 |
L’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA dispose: «À chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.» |
4 |
Aux termes de l’article 2 de cette directive: «1. Sont soumises à la TVA les opérations suivantes: [...]
[...]» |
5 |
L’article 24 de ladite directive énonce: «1. Est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens. [...]» |
6 |
L’article 28 de la même directive dispose: «Lorsqu’un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question.» |
7 |
Conformément à l’article 73 de la directive TVA, pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77 de cette directive, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. |
8 |
Aux termes de l’article 78 de ladite directive: «Sont à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants: [...]
Aux fins du premier alinéa, point b), les États membres peuvent considérer comme frais accessoires ceux faisant l’objet d’une convention séparée.» |
9 |
L’article 135 de la même directive dispose: «1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes:
[...]» |
10 |
Aux termes de l’article 401 de la directive TVA: «Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l’introduction par un État membre de taxes sur les contrats d’assurance et sur les jeux et paris, d’accises, de droits d’enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n’ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires, à condition que la perception de ces impôts, droits et taxes ne donne pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.» |
La réglementation polonaise
11 |
L’article 5, paragraphe 1, de la loi relative à la taxe sur les biens et les services (ustawa o podatku od towarów i usług), du 11 mars 2004 (Dz. U. no 54, position 535, ci-après la «loi relative à la TVA»), dispose: «La base d’imposition à la taxe sur les biens et les services, ci-après la ‘taxe’, est constituée par:
[...]» |
12 |
L’article 29, paragraphe 1, de cette loi énonce: «La base d’imposition est constituée par le chiffre d’affaires, sous réserve des paragraphes 2 à 21, des articles 30 à 32, de l’article 119 ainsi que de l’article 120, paragraphes 4 et 5. Le chiffre d’affaires correspond au montant dû au titre de la vente, diminué du montant de la taxe due. Le montant dû comprend l’intégralité de la prestation due par l’acquéreur. Il est majoré des dotations, des subventions et des autres versements supplémentaires de même nature reçus, ayant une incidence directe sur le prix (montant dû) des biens livrés ou des services fournis par l’assujetti, diminués du montant de la taxe due.» |
13 |
Aux termes de l’article 30, paragraphe 3, de la loi relative à la TVA: «Lorsqu’un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, la base d’imposition est constituée du montant dû au titre de la prestation de services, diminué du montant de la taxe.» |
14 |
Conformément à l’article 43, paragraphe 1, de cette loi: «Sont exonérés de taxe:
[...]» |
15 |
Le paragraphe 3 de l’annexe 4 de la loi relative à la TVA prévoit: «rubrique 4 – les services d’intermédiaires financiers, sous réserve: [...] les services de conseil en assurance ainsi que d’évaluation pour des compagnies d’assurance (PKWiU ex. 67.20.10- 00.20, -00.30), à l’exception des services effectués par des compagnies d’assurance au sens des dispositions légales relatives à l’activité d’assurance ainsi que des services effectués en la matière par des opérateurs agissant au nom et pour le compte des compagnies d’assurance». |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
16 |
BGŻ Leasing est une société qui a pour activité économique le crédit-bail. |
17 |
Selon les conditions générales applicables aux contrats conclus entre BGŻ Leasing et ses clients, les objets donnés en crédit-bail par le crédit-bailleur (ci-après le «bailleur») restent sa propriété pendant toute la durée du crédit-bail. Le crédit-preneur (ci-après le «preneur») verse un loyer au bailleur et supporte également d’autres frais et charges en rapport avec l’objet du crédit-bail. En outre, et toujours selon lesdites conditions générales, pendant la durée du crédit-bail, le preneur est seul responsable, notamment, en cas d’endommagement, de perte ainsi que de diminution de la valeur du bien faisant l’objet du crédit-bail, à l’exclusion de celle due à l’usage normal de ce bien. |
18 |
BGŻ Leasing exige que les objets qu’elle donne en crédit-bail soient assurés. |
19 |
À cette fin, BGŻ Leasing offre à ses clients la possibilité de leur fournir une assurance. Si ceux-ci souhaitent bénéficier de cette possibilité, BGŻ Leasing souscrit l’assurance correspondante auprès d’un assureur et leur refacture le coût de celle-ci. |
20 |
Dans sa déclaration de TVA du mois de février 2008, BGŻ Leasing a considéré que de telles opérations de refacturation du coût de l’assurance afférente au bien faisant l’objet du crédit-bail étaient exonérées de TVA. |
21 |
Le Naczelnik Drugiego Mazowieckiego Urzędu Skarbowego w Warszawie (directeur de l’administration fiscale II du district de Mazovie à Varsovie) a toutefois estimé que l’opération consistant à fournir cette couverture d’assurance constituait une prestation de services accessoire au service de crédit-bail et que cette opération devait, à ce titre, être soumise à la TVA au taux de 22 %, à l’instar de la prestation principale, à savoir l’opération de crédit-bail. |
22 |
Cette position a été maintenue par le Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie. Ce dernier a également remis en question la possibilité, pour BGŻ Leasing, de refacturer aux preneurs les services d’assurance liés aux contrats de crédit-bail aux mêmes conditions que celles appliquées par l’assureur. |
23 |
BGŻ Leasing a introduit un recours contre la décision du Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie). Ce tribunal a considéré que, conformément à l’article 78 de la directive TVA, la base d’imposition d’une prestation de services comprenait également les frais accessoires, tels que les frais d’assurance demandés par le fournisseur à l’acquéreur ou au preneur. Ledit tribunal a souligné qu’une prestation constituée d’un seul service sur le plan économique ne devait pas être artificiellement décomposée, de manière à ne pas altérer la fonctionnalité du système de TVA. À cet égard, le même tribunal a considéré que, lorsqu’une prestation de services de crédit-bail s’accompagnait d’une prestation de services d’assurance du bien faisant l’objet du crédit-bail, il s’agissait d’une seule prestation de services, constituée du service de crédit-bail et du service d’assurance. Selon cette juridiction, la base d’imposition d’une telle prestation de services comprend également, outre les loyers de crédit-bail, les coûts de l’assurance et, par conséquent, un seul taux de TVA doit être appliqué sur la totalité des éléments composant un tel service, à savoir le taux applicable à la prestation de services principale que constitue le crédit-bail. |
24 |
BGŻ Leasing a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) en faisant valoir que le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie avait fait une interprétation erronée, notamment, des articles 2, paragraphe 1, sous c), 24, paragraphe 1, 28, 73 ainsi que 78, sous b), de la directive TVA. |
25 |
Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
|
Sur les questions préjudicielles
Observations liminaires
26 |
Il y a lieu de relever, tout d’abord, que les deux questions posées à la Cour concernent des aspects différents des circonstances en cause au principal. |
27 |
Ainsi, la première question porte sur le point de savoir si l’ensemble des opérations en cause, consistant en des services de crédit-bail et d’assurance, constitue, aux fins de la TVA, une seule prestation de services. En revanche, la seconde question, fondée sur l’hypothèse qu’il s’agit de deux prestations distinctes, concerne essentiellement l’opération de refacturation du coût de l’assurance et, en particulier, la question de savoir s’il convient d’exonérer de TVA une telle opération, en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA. |
Sur la première question
28 |
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, la fourniture d’un service de crédit-bail et la fourniture d’une prestation d’assurance afférente au bien faisant l’objet du crédit-bail forment, au regard de la TVA, une prestation unique, à laquelle il convient d’appliquer un seul taux de TVA, ou s’il s’agit d’opérations indépendantes, qui doivent, dès lors, être appréciées séparément en ce qui concerne leur soumission à la TVA. |
29 |
Il convient de rappeler que, aux fins de la TVA, chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, ainsi qu’il découle de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA (voir arrêt du 27 septembre 2012, Field Fisher Waterhouse, C-392/11, point 14 et jurisprudence citée). |
30 |
Néanmoins, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et ainsi donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (arrêts du 21 février 2008, Part Service, C-425/06, Rec. p. I-897, point 51, et du 2 décembre 2010, Everything Everywhere, C-276/09, Rec. p. I-12359, point 23). Il s’agit d’une opération unique, notamment, lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (arrêts du 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen et OV Bank, C-41/04, Rec. p. I-9433, point 22, ainsi que du 29 mars 2007, Aktiebolaget NN, C-111/05, Rec. p. I-2697, point 23). Tel est également le cas dans l’occurrence où un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, un ou des éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale (arrêts du 25 février 1999, CPP, C-349/96, Rec. p. I-973, point 30, ainsi que Part Service, précité, point 52). |
31 |
Ainsi, la Cour a jugé que non seulement chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, mais également que l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de TVA (voir, en ce sens, arrêts CPP, précité, point 29, ainsi que du 22 octobre 2009, Swiss Re Germany Holding, C-242/08, Rec. p. I-10099, point 51). |
32 |
Afin de déterminer si les prestations fournies constituent plusieurs prestations indépendantes ou une prestation unique, il importe de rechercher les éléments caractéristiques de l’opération concernée (voir, en ce sens, arrêts précités CPP, point 29; Levob Verzekeringen et OV Bank, point 20, ainsi que Field Fisher Waterhouse, point 18). Cependant, il convient de rappeler qu’il n’existe pas de règle absolue quant à la détermination de l’étendue d’une prestation du point de vue de la TVA et il convient dès lors, pour déterminer l’étendue d’une prestation, de prendre en considération l’ensemble des circonstances dans lesquelles se déroule l’opération en question (voir, en ce sens, arrêt CPP, précité, points 27 et 28). |
33 |
Dans le cadre de la coopération instituée en vertu de l’article 267 TFUE, il appartient aux juridictions nationales de déterminer si l’assujetti fournit une prestation unique dans une espèce particulière et de porter toutes appréciations de fait définitives à cet égard (voir, en ce sens, arrêts CPP, précité, point 32; Part Service, précité, point 54; du 10 mars 2011, Bog e.a., C-497/09, C-499/09, C-501/09 et C-502/09, Rec. p. I-1457, point 55, ainsi que ordonnance du 19 janvier 2012, Purple Parking et Airparks Services, C-117/11, point 32). Toutefois, il incombe à la Cour de fournir auxdites juridictions tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elles sont saisies (arrêt Levob Verzekeringen et OV Bank, précité, point 23). |
34 |
À cet égard, il convient de relever que l’opération en cause au principal, telle qu’elle ressort du dossier soumis à la Cour, se caractérise notamment par la présence de deux éléments, à savoir:
|
35 |
En vue de constater si de tels éléments constituent, aux fins de la TVA, une opération unique, il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il est vrai que ces deux éléments sont susceptibles d’être fournis ensemble. En effet, il existe un lien entre la fourniture du service de crédit-bail et la fourniture de l’assurance afférente au bien faisant l’objet du crédit-bail, étant donné qu’une telle assurance, couvrant ledit bien, ne présente une utilité qu’au regard de ce dernier. |
36 |
Or, il convient de souligner, à cet égard, que toute opération d’assurance présente, par sa nature, un lien avec le bien qu’elle a pour objet de couvrir. Il s’ensuit que le bien donné en crédit-bail et l’assurance de celui-ci présentent, nécessairement, un certain lien de connexité entre elles. Néanmoins, un tel lien ne saurait suffire, en lui-même, pour déterminer s’il existe ou non une prestation unique complexe aux fins de la TVA. En effet, si toute opération d’assurance était soumise à la TVA en fonction de la soumission à cette taxe de prestations portant sur le bien qu’elle couvre, l’objectif même de l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA, à savoir l’exonération des opérations d’assurance, se trouverait remis en cause. |
37 |
Ensuite, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, des prestations de crédit-bail ne prévoyant pas un transfert, au preneur, de la propriété du bien sur lequel elles portent, doivent être qualifiées, en principe, de prestations de services (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Eon Aset Menidjmunt, C-118/11, point 33). Or, il ressort également de cette jurisprudence que de telles prestations peuvent néanmoins être assimilées à l’acquisition d’un bien d’investissement dans certaines conditions. Tel est le cas en particulier lorsque le preneur dispose des attributs essentiels de la propriété du bien faisant l’objet du crédit-bail, notamment s’il se voit transférer la majorité des avantages et des risques inhérents à la propriété légale de celui-ci et que la somme actualisée des échéances est pratiquement identique à la valeur vénale du bien (voir arrêt Eon Aset Menidjmunt, précité, point 40). Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, au vu des circonstances de l’espèce, si ces critères sont remplis. |
38 |
En tant que prestations de services, de telles opérations de crédit-bail sont en règle générale soumises à la TVA en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, et leur base d’imposition est déterminée conformément à l’article 73 de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Part Service, précité, point 61). En revanche, pour ce qui est des prestations d’assurance, celles-ci doivent normalement être exonérées de TVA en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA. |
39 |
En application de la règle mentionnée au point 29 du présent arrêt, selon laquelle chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, il convient de relever que, en principe, un service de crédit-bail et la fourniture d’une assurance afférente au bien faisant l’objet de ce dernier ne peuvent être considérés comme étant si étroitement liés qu’ils forment une opération unique. En effet, le fait d’apprécier séparément de telles prestations ne saurait constituer, en soi, une décomposition artificielle d’une opération économique unique, susceptible d’altérer la fonctionnalité du système de TVA. |
40 |
Cela étant, il convient d’examiner s’il existe des raisons propres aux circonstances en cause au principal qui conduiraient à considérer que les éléments concernés constituent une opération unique. |
41 |
Dans cette optique, il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon la jurisprudence de la Cour relative à la notion d’opération unique, telle que rappelée au point 30 du présent arrêt, une prestation est considérée comme accessoire à une prestation principale notamment lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (arrêts précités CPP, point 30, et Part Service, point 52). |
42 |
À cet égard, s’il est vrai que, grâce à la prestation d’assurance afférente au bien faisant l’objet du crédit-bail, les risques auxquels est confronté le preneur sont normalement réduits par rapport à ceux encourus dans une situation où une telle assurance fait défaut, il n’en demeure pas moins que cette circonstance découle de la nature même de la prestation d’assurance. Or, ladite circonstance, à elle seule, n’implique pas qu’il convienne de considérer qu’une telle prestation d’assurance présente un caractère accessoire par rapport à la prestation de crédit-bail dans le cadre de laquelle elle s’inscrit. En effet, bien qu’une telle prestation d’assurance fournie au preneur par le biais du bailleur facilite, dans le sens décrit ci-dessus, la jouissance du service de crédit-bail, il y a lieu de considérer qu’elle constitue essentiellement une fin en soi pour le preneur, et non, seulement, le moyen de bénéficier de ce service dans les meilleures conditions. |
43 |
Le fait qu’une assurance couvrant le bien faisant l’objet du crédit-bail soit exigée par le bailleur, comme cela paraît être le cas dans le cadre de l’opération en cause au principal, ne saurait infirmer cette conclusion. En particulier, il y a lieu de relever que, dans les circonstances en cause au principal, si le preneur est tenu de veiller à ce que le bien faisant l’objet du crédit-bail soit assuré, il dispose cependant de la faculté d’assurer ce bien auprès de la compagnie d’assurance de son choix. Ainsi, l’exigence d’une couverture d’assurance ne saurait, en elle-même, impliquer qu’une prestation d’assurance fournie par l’intermédiaire du bailleur, telle que celle en cause au principal, ait un caractère indissociable ou accessoire par rapport à la prestation de services de crédit-bail. |
44 |
Par ailleurs, il convient de rappeler que les modalités de facturation et de tarification peuvent fournir des indices en ce qui concerne le caractère unique d’une prestation (voir, en ce sens, arrêt CPP, précité, point 31). Ainsi, une facturation séparée et une tarification distincte de prestations milite en faveur de l’existence de prestations indépendantes, sans pour autant revêtir une importance décisive (voir, en ce sens, ordonnance Purple Parking et Airparks Services, précitée, point 34 et jurisprudence citée). |
45 |
À cet égard, il apparaît que les modalités employées dans l’affaire au principal, à savoir une tarification distincte ainsi qu’une facturation séparée, reflètent les intérêts des parties contractantes. En effet, le preneur cherche avant tout à obtenir un service de crédit-bail et ne recherche que subsidiairement l’assurance qui est exigée de lui par le bailleur. Si le preneur décide de se procurer la prestation d’assurance également par le biais du bailleur, une telle décision intervient indépendamment de sa décision de conclure un contrat de crédit-bail. |
46 |
Enfin, selon les conditions générales des contrats de crédit-bail conclus entre BGŻ Leasing et ses clients, telles qu’elles ressortent du dossier soumis à la Cour, il apparaît que le bailleur dispose, dans certaines circonstances, de la faculté de résilier le contrat de crédit-bail dans le cas où le preneur ne s’acquitte pas d’une redevance autre que le loyer stipulé dans ledit contrat. |
47 |
Dans l’hypothèse où une telle redevance, dont le non-paiement permet au bailleur de résilier le contrat de crédit-bail, viserait également les primes d’assurance afférentes au bien faisant l’objet du crédit-bail, il conviendrait de relever que, bien qu’une stipulation contractuelle de cette nature puisse constituer un indice militant en faveur de l’existence d’une prestation unique dans d’autres circonstances, celle-ci n’est pas pertinente dans le cas où les opérations distinctes en cause ne peuvent être considérées, objectivement, comme constituant une prestation unique (voir, en ce sens, arrêt Field Fisher Waterhouse, précité, points 23 et 25). Ainsi, malgré l’existence d’une telle stipulation contractuelle, des prestations de crédit-bail et d’assurance, telles que celles en cause au principal, peuvent constituer des prestations indépendantes. |
48 |
En second lieu, il ressort, a fortiori, des considérations qui précèdent, ainsi que de celles figurant au point 36 du présent arrêt, que la prestation d’assurance et la prestation de crédit-bail en cause dans l’affaire au principal ne sauraient être considérées comme étant si étroitement liées qu’elles forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel, au sens de la jurisprudence rappelée au point 30 du présent arrêt. |
49 |
En vue de fournir une réponse complète à la juridiction de renvoi, il convient de relever, aux fins de l’interprétation de l’article 78 de la directive TVA, que, lorsque les prestations de crédit-bail et d’assurance afférentes au bien faisant l’objet du crédit-bail constituent des prestations indépendantes, elles ne relèvent pas de la même base d’imposition. Ainsi, une telle prestation d’assurance, qui constitue une prestation indépendante et une fin en soi pour le preneur, ne saurait constituer, au sens de cet article 78, des frais accessoires à une opération de crédit-bail, devant être pris en compte aux fins du calcul de la base d’imposition de cette dernière opération. En effet, dans de telles circonstances, les frais d’assurance constituent la contrepartie de la prestation d’assurance afférente au bien faisant l’objet du crédit-bail, et non la contrepartie de la prestation de crédit-bail elle-même. |
50 |
Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la prestation de services portant sur l’assurance afférente au bien faisant l’objet d’un crédit-bail et la prestation de services portant sur le crédit-bail lui-même doivent, en principe, être considérées comme des prestations de services distinctes et indépendantes aux fins de la TVA. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard aux circonstances particulières de l’affaire au principal, les opérations concernées sont à ce point liées entre elles qu’elles doivent être regardées comme constituant une prestation unique ou si, au contraire, elles constituent des prestations indépendantes. |
Sur la seconde question
51 |
La seconde question est posée dans l’hypothèse où la prestation de services portant sur l’assurance afférente au bien faisant l’objet du crédit-bail et la prestation de services portant sur le crédit-bail lui-même devraient être qualifiées de prestations distinctes. Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que constitue une opération d’assurance exonérée au sens de ladite disposition une opération dans le cadre de laquelle le bailleur assure, auprès d’un tiers, le bien donné en crédit-bail et refacture le coût de cette assurance au preneur. |
52 |
À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans l’affaire au principal, n’est pas remise en cause, en tant qu’opération d’assurance, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA, la qualification de la prestation d’assurance fournie au bailleur aux fins de couvrir le bien faisant l’objet du crédit-bail. En revanche, la juridiction de renvoi demande notamment si une opération qui comprend, outre la prestation d’assurance susmentionnée, la refacturation, au preneur, du coût de ladite assurance par le bailleur doit également être exonérée de TVA. |
53 |
Sur le fondement des éléments qui ressortent du dossier soumis à la Cour, il apparaît que la prestation d’assurance en cause est, en premier lieu, vendue par l’assureur à BGŻ Leasing, laquelle en répercute, en second lieu, le coût sur son client, à savoir le preneur. Toutefois, la Cour ne dispose pas d’éléments concernant le contenu précis de ce contrat d’assurance ou les modalités de l’arrangement contractuel conclu entre le bailleur et le preneur aux fins de la refacturation du coût de cette prestation d’assurance. |
54 |
Afin de déterminer si cette opération, consistant non seulement en une prestation d’assurance, mais également en la refacturation du coût de celle-ci au preneur, constitue une opération exonérée de TVA, il convient d’apprécier la portée de l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA. |
55 |
Selon cette disposition, les États membres exonèrent les «opérations d’assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance». |
56 |
Il convient de rappeler que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA sont d’interprétation stricte étant donné que ces dernières constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (arrêt du 19 juillet 2012, Deutsche Bank, C-44/11, point 42 et jurisprudence citée). En outre, selon une jurisprudence constante, les exonérations prévues à cet article constituent des notions autonomes du droit de l’Union qui ont pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de TVA d’un État membre à l’autre (voir, en ce sens, arrêts CPP, précité, point 15, ainsi que du 8 mars 2001, Skandia, C-240/99, Rec. p. I-1951, point 23). |
57 |
La directive TVA ne définit pas la notion d’opération d’assurance. |
58 |
Cependant, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une opération d’assurance se caractérise, de façon généralement admise, par le fait que l’assureur se charge, moyennant le paiement préalable d’une prime, de procurer à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat (voir, notamment, arrêt du 20 novembre 2003, Taksatorringen, C-8/01, Rec. p. I-13711, point 39 et jurisprudence citée). En outre, les opérations d’assurance impliquent par nature l’existence d’une relation contractuelle entre le prestataire du service d’assurance et la personne dont les risques sont couverts par l’assurance, à savoir l’assuré (arrêts précités Skandia, point 41, et Taksatorringen, point 41). |
59 |
Or, la Cour a précisé que l’expression «opérations d’assurance», telle qu’elle figure à l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA, est en principe suffisamment large pour inclure l’octroi d’une couverture d’assurance par un assujetti qui n’est pas lui-même assureur, mais qui, dans le cadre d’une assurance collective, procure à ses clients une telle couverture en utilisant les prestations d’un assureur qui se charge du risque assuré (voir, en ce sens, arrêt CPP, précité, point 22). |
60 |
Eu égard aux considérations précédentes, il convient de s’interroger sur le point de savoir si relève également de la notion d’«opérations d’assurance» l’octroi d’une couverture d’assurance souscrite par une partie assurée, telle qu’un bailleur, qui refacture, dans le cadre d’une opération de crédit-bail, le coût afférent à cette assurance à son client, à savoir le preneur, lequel bénéficie de cette couverture des risques à l’égard du bailleur. |
61 |
En principe, il y a lieu de répondre à une telle interrogation par l’affirmative. |
62 |
En effet, il convient de relever qu’une prestation d’assurance, telle que celle en cause au principal, ne saurait être soumise à la TVA en raison de la simple refacturation des coûts afférents à celle-ci, conformément à l’arrangement contractuel conclu entre les parties à un contrat de crédit-bail. Le fait que le bailleur souscrive l’assurance, à la demande de ses clients, auprès d’un tiers et ensuite répercute sur ceux-ci le coût exact facturé par ce tiers ne saurait infirmer cette conclusion. Dans de telles circonstances, pour autant que la prestation d’assurance en cause reste inchangée, la somme refacturée constitue, en fait, la contrepartie de ladite assurance et, dès lors, il n’y a pas lieu de soumettre une telle opération à la TVA, celle-ci étant exonérée en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA. |
63 |
En ce qui concerne la pertinence, au regard des circonstances en cause au principal, de l’article 28 de la directive TVA, aux termes duquel, «[l]orsqu’un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question», il convient de relever, d’une part, que, si BGŻ Leasing a conclu le contrat d’assurance en cause au principal en son nom propre et pour son propre compte, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, l’opération concernée ne relève pas du champ d’application de cet article 28 (voir, par analogie, arrêt du 3 mai 2012, Lebara, C-520/10, point 43). D’autre part, dans l’hypothèse où ledit contrat d’assurance aurait été conclu pour le compte d’autrui, la jurisprudence de la Cour relative à l’article 28 de la directive TVA est de nature à corroborer l’exonération de l’opération en cause au principal. |
64 |
Selon cette jurisprudence, étant donné que l’article 28 relève du titre IV de la directive TVA, intitulé «Opérations imposables», et qu’il est libellé en des termes généraux, sans contenir de restrictions quant à son champ d’application ou à sa portée, il concerne également l’application des exonérations de TVA prévues par cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2011, Henfling e.a., C-464/10, Rec. p. I-6219, point 36). |
65 |
En tout état de cause, selon une jurisprudence bien établie, le principe de neutralité fiscale s’oppose à ce que des marchandises ou des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA (arrêt du 10 novembre 2011, The Rank Group, C-259/10 et C-260/10, Rec. p. I-10947, point 32 et jurisprudence citée). |
66 |
Dès lors, les prestations d’assurance qui ont pour objet de couvrir le bien faisant l’objet du crédit-bail, dont le propriétaire demeure le bailleur, ne sauraient, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, être traitées différemment selon que de telles prestations sont fournies directement au preneur par une compagnie d’assurance ou que ce dernier obtient une pareille couverture d’assurance par le biais du bailleur qui se procure celle-ci auprès d’un assureur et en refacture le coût, au preneur, pour un montant inchangé. |
67 |
De surcroît, cette interprétation est corroborée par la finalité même de la directive TVA, qui exonère les opérations d’assurance tout en accordant aux États membres, à son article 401, la possibilité de maintenir ou d’introduire une taxe sur les contrats d’assurance. Par conséquent, si l’expression «opérations d’assurance» vise uniquement les opérations effectuées par les assureurs eux-mêmes, le consommateur final, tel qu’un preneur de crédit-bail, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, pourrait être frappé non seulement par cette dernière taxe, mais, dans le cas où une prestation d’assurance est fournie par le biais du bailleur, également par la TVA. Un tel résultat serait contraire à la finalité de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt CPP, précité, point 23). |
68 |
Enfin, il convient de souligner que ce raisonnement est fondé sur l’hypothèse selon laquelle le bailleur facture au preneur le coût exact de l’assurance et que ce raisonnement ne saurait s’appliquer dans l’hypothèse où le montant facturé au preneur au titre du coût de celle-ci serait plus important que celui facturé au bailleur par l’assureur. |
69 |
Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer que, dans le cadre d’une activité de crédit-bail, une opération consistant en la refacturation du coût exact de l’assurance afférente au bien faisant l’objet du crédit-bail, telle que celle en cause au principal, constitue une opération d’assurance au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA. |
70 |
Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que, lorsque le bailleur assure lui-même le bien faisant l’objet du crédit-bail et refacture le coût exact de l’assurance au preneur, une telle opération constitue, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une opération d’assurance, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA. |
Sur les dépens
71 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit: |
|
|
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: le polonais.