ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
5 juillet 2012 (*)
«Sixième directive TVA — Articles 5, paragraphe 3, sous c), et 13, B, sous d), point 5 — Négociation d’une opération de transfert d’actions de sociétés — Opération impliquant également le transfert de la propriété de biens immeubles de ces sociétés — Exonération»
Dans l’affaire C-259/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 22 avril 2011, parvenue à la Cour le 26 mai 2011, dans la procédure
DTZ Zadelhoff vof
contre
Staatssecretaris van Financiën,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. U. Lõhmus, président de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,
avocat général: M. N. Jääskinen,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour DTZ Zadelhoff vof, par M. B. van Zadelhoff, belastingadviseur,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et C. Schillemans, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme C. Soulay et M. W. Roels, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 5, paragraphe 3, sous c), et 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DTZ Zadelhoff vof (ci-après «DTZ Zadelhoff») au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) au sujet de la qualification, aux fins de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), d’un transfert d’actions de sociétés impliquant également le transfert de la propriété de biens immeubles appartenant à ces dernières.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes de l’article 2, point 1, de la sixième directive:
«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:
1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».
4 L’article 5, paragraphes 1 et 3, de la sixième directive prévoit:
«1. Est considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.
[…]
3. Les États membres peuvent considérer comme biens corporels:
[…]
c) les parts d’intérêts et actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble.»
5 L’article 13, B, de la sixième directive, intitulé «Autres exonérations», dispose:
«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
[…]
d) les opérations suivantes:
[…]
5. les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion:
[…]
– des droits ou titres visés à l’article 5 paragraphe 3;
[…]»
6 Selon la juridiction de renvoi, le Royaume des Pays-Bas n’a pas fait usage de la possibilité accordée aux États membres par l’article 5, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive.
Le droit néerlandais
7 L’article 11 de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting), du 28 juin 1968 (Staatsblad 1968, no 329), dispose:
«1. Sont exonérées de la taxe dans des conditions fixées par un règlement d’administration publique:
[…]
i) les livraisons de biens et les prestations de services suivantes:
[…]
2o les opérations, y compris la négociation, mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les valeurs mobilières et les autres titres, à l’exclusion des titres représentatifs de marchandises;
[…]»
Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles
8 Au cours de la période en cause au principal, Fabege AB (ci-après «Fabege»), société établie en Suède, détenait indirectement la totalité des actions de World Fashion Centre Amsterdam BV, qui était la société propriétaire et l’exploitant des tours I et II du complexe immobilier World Fashion Centre (ci-après le «WFC»), situées à Amsterdam (Pays-Bas). Fabege détenait, également de manière indirecte, 100 % des actions de Fabege WF BV, qui était la société propriétaire et l’exploitant de la tour IV du WFC.
9 Stienstra BV Bedrijfshuisvesting (ci-après «Stienstra»), société établie à ’s-Hertogenbosch (Pays-Bas), détenait indirectement la totalité des actions de De Herven III BV (ci-après «De Herven»), qui était le propriétaire et l’exploitant du complexe de bureaux Soetelieve, situé dans la même ville.
10 DTZ Zadelhoff exerce des activités de courtage et de conseil en matière immobilière.
11 En 1999, DTZ Zadelhoff a été chargée par Fabege, contre le paiement d’une rémunération, de rechercher des acquéreurs pour le WFC. Fabege avait l’intention de céder ce complexe immobilier par une cession des actions des sociétés qui étaient indirectement propriétaires de celui-ci. Le prix de vente demandé pour les actions dépendait quasi exclusivement de la valeur marchande du WFC en tant que bien immobilier. Dans le cadre de sa mission, DTZ Zadelhoff a trouvé un acquéreur auquel les actions ont été vendues et cédées entre le 5 octobre 1999 et le 24 janvier 2000.
12 Au cours de l’année 2000, DTZ Zadelhoff a été chargée par Stienstra, contre le paiement d’une rémunération, de rechercher des acquéreurs pour le complexe de bureaux Soetelieve. Il n’était provisoirement pas indiqué si c’était la propriété dudit complexe qui serait transférée ou celle des actions de De Herven. Finalement, l’intervention de DTZ Zadelhoff a permis de trouver un acquéreur à qui les actions de De Herven ont été vendues et cédées.
13 DTZ Zadelhoff n’a ni facturé ni acquitté la TVA pour les prestations de services, consistant en la recherche des acquéreurs pour lesdits biens immobiliers, qu’elle a effectuées pour Fabege et Stienstra. Elle a considéré que soit ces prestations étaient exonérées de la taxe en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous i), 2o, de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires du 28 juin 1968, soit ces prestations n’étaient pas imposables aux Pays-Bas, étant donné qu’une prestation est considérée comme n’ayant pas eu lieu sur le territoire du Royaume des Pays-Bas si le commettant n’est pas établi dans cet État membre.
14 L’Inspecteur van de Belastingdienst (ci-après l’«Inspecteur») a estimé que l’exonération n’était pas applicable et que les prestations de services devaient être considérées comme ayant eu lieu aux Pays-Bas, imposant en conséquence à DTZ Zadelhoff un redressement de TVA pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2000. Après réclamation de cette société, le montant de ce redressement a été réduit par décision de l’Inspecteur.
15 DTZ Zadelhoff a introduit un recours contre cette dernière décision de l’Inspecteur devant le Rechtbank te Haarlem (tribunal d’arrondissement de Haarlem), qui l’a rejeté comme infondé. Cette société a interjeté appel de ce jugement devant le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), qui a confirmé le jugement de première instance. DTZ Zadelhoff a alors introduit un recours en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden.
16 Le Hoge Raad der Nederlanden considère que le Gerechtshof te Amsterdam a correctement déterminé le lieu où les prestations doivent être considérées comme ayant été effectuées. En revanche, la juridiction de renvoi a des doutes sur la qualification, aux fins de l’exonération de la TVA, de l’opération de transfert d’actions de sociétés impliquant également le transfert de la propriété de biens immeubles appartenant à ces sociétés.
17 Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article [13, B, sous d), point 5,] de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens que relèvent aussi de cette disposition des opérations, telles que celles effectuées par l’intéressée, qui, en dernière analyse, portent sur les biens immobiliers détenus par les sociétés concernées et leur transfert (indirect), au seul motif que ces opérations visaient à céder les actions de ces sociétés et qu’elles ont eu ce résultat?
2) L’exception à l’exonération qui est prévue à l’article [13, B, sous d), point 5, second tiret,] de la sixième directive s’applique-t-elle aussi si l’État membre n’a pas fait usage de la possibilité, offerte par l’article [5, paragraphe 3, sous c),] de la [même] directive, de considérer comme biens corporels les parts d’intérêts et les actions dont la possession assure en droit l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble?
3) S’il convient de répondre affirmativement à la question précédente, doit-on considérer que font partie des parts d’intérêts et des actions susmentionnées les actions de sociétés qui, directement ou indirectement [par l’intermédiaire de (sous)filiales], sont propriétaires de biens immobiliers, indépendamment du point de savoir si elles exploitent ces biens immobiliers en tant que tels ou si elles les utilisent dans le cadre d’une entreprise de nature différente?»
Sur les questions préjudicielles
Sur les première et deuxième questions
18 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que relèvent de cette exonération de la TVA des opérations, telles que celles effectuées par DTZ Zadelhoff dans l’affaire au principal, qui visent à céder des actions des sociétés concernées et qui ont eu ce résultat, mais qui, en dernière analyse, portent sur des biens immobiliers détenus par ces sociétés et leur transfert (indirect), au seul motif que ces opérations avaient pour objet de céder les actions de ces sociétés et qu’elles ont eu ce résultat et, d’autre part, si l’exception à cette exonération qui est prévue au même point 5, second tiret, est applicable même lorsque l’État membre n’a pas fait usage de la possibilité, prévue à l’article 5, paragraphe 3, sous c), de ladite directive, de considérer comme des biens corporels les parts d’intérêts et les actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble.
19 Il importe, en premier lieu, de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive constituent des notions autonomes du droit de l’Union ayant pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à l’autre (voir, notamment, arrêts du 25 février 1999, CPP, C-349/96, Rec. p. I-973, point 15, ainsi que du 10 mars 2011, Skandinaviska Enskilda Banken, C-540/09, Rec. p. I-1509, point 19 et jurisprudence citée).
20 Il est également de jurisprudence constante que les termes employés pour désigner lesdites exonérations sont d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (arrêts du 20 novembre 2003, Taksatorringen, C-8/01, Rec. p. I-13711, point 36; du 3 mars 2005, Arthur Andersen, C-472/03, Rec. p. I-1719, point 24, et du 21 juin 2007, Ludwig, C-453/05, Rec. p. I-5083, point 21).
21 Toutefois, l’interprétation desdits termes doit être conforme aux objectifs poursuivis par les exonérations prévues à l’article 13 de la sixième directive et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA. Ainsi, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées audit article 13 doivent être interprétés d’une manière qui priverait celles-ci de leurs effets (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2007, Haderer, C-445/05, Rec. p. I-4841, point 18, et du 19 novembre 2009, Don Bosco Onroerend Goed, C-461/08, Rec. p. I-11079, point 25).
22 S’agissant plus précisément de la portée de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, la Cour a constaté que les opérations sur les actions et sur les autres titres sont des opérations réalisées sur le marché des valeurs mobilières et que le commerce des titres comporte des actes qui changent la situation juridique et financière entre les parties (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 1997, SDC, C-2/95, Rec. p. I-3017, points 72 et 73, ainsi que du 29 octobre 2009, SKF, C-29/08, Rec. p. I-10413, point 48).
23 Les termes «opérations […] portant sur les titres» au sens de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive visent, dès lors, des opérations susceptibles de créer, de modifier ou d’éteindre les droits et les obligations des parties sur des titres (voir, notamment, arrêts du 13 décembre 2001, CSC Financial Services, C-235/00, Rec. p. I-10237, point 33, et SKF, précité, point 48).
24 En ce qui concerne les faits qui sont à l’origine du litige au principal, il n’est pas contesté par la demanderesse ni par le gouvernement néerlandais non plus que par la Commission européenne que Fabege et Stienstra, après avoir fait appel aux services de DTZ Zadelhoff, ont vendu et cédé des actions dont elles étaient indirectement propriétaires.
25 À cet égard, est dépourvu de pertinence le fait que Stienstra n’avait pas indiqué, lorsqu’elle a chargé DTZ Zadelhoff de rechercher des acquéreurs pour le complexe de bureaux Soetelieve, si c’était la propriété de celui-ci ou celle des actions de De Herven qui serait transférée aux acquéreurs. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’il convient, conformément aux objectifs du système de la TVA d’assurer la sécurité juridique et de faciliter les actes inhérents à l’application de la taxe, de prendre en considération, sauf dans des cas exceptionnels, la nature objective de l’opération en cause (voir, en ce sens, arrêts du 6 avril 1995, BLP Group, C-4/94, Rec. p. I-983, point 24, et SKF, précité, point 47). Ainsi, nonobstant les intentions initiales éventuelles de Stienstra, la nature objective de l’opération ayant finalement eu lieu a consisté en une opération portant sur des actions et, partant, elle doit, sauf exception, être prise en considération en tant que telle.
26 En deuxième lieu, en ce qui concerne plus particulièrement la question de savoir si les prestations effectuées par DTZ Zadelhoff et qui sont en cause dans le litige au principal sont visées par le terme «négociation» figurant à l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé qu’il découle de cette disposition que les termes «y compris la négociation» ne visent pas à définir le contenu principal de l’exonération prévue par cette disposition, mais qu’ils ont pour objet d’élargir le champ d’application de celle-ci aux activités de négociation (arrêt CSC Financial Services, précité, point 38).
27 Ainsi, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la portée exacte du terme «négociation», qui apparaît d’ailleurs dans d’autres dispositions de la sixième directive, notamment à son article 13, B, sous d), points 1 à 4, il convient de constater que, dans le contexte dudit point 5, ce terme vise une activité fournie par une personne intermédiaire qui n’occupe pas la place d’une partie à un contrat portant sur un produit financier et dont l’activité est différente des prestations contractuelles typiques fournies par les parties à de tels contrats. En effet, l’activité de négociation est un service rendu à une partie contractuelle et rémunéré par celle-ci en tant qu’activité distincte d’entremise. Elle peut consister, entre autres, à lui indiquer les occasions de conclure un tel contrat, à entrer en contact avec l’autre partie et à négocier au nom et pour le compte du client les détails des prestations réciproques. La finalité de cette activité est donc de faire le nécessaire pour que deux parties concluent un contrat, sans que le négociateur ait un intérêt propre quant au contenu de ce contrat (arrêt CSC Financial Services, précité, point 39).
28 Les activités de courtage et de conseil effectuées par DTZ Zadelhoff dans le litige au principal, ayant consisté en la recherche, contre le paiement d’une rémunération, des acquéreurs pour des biens immobiliers qui ont été, par la suite, vendus et cédés moyennant des transferts d’actions, avaient pour finalité de faire en sorte que, d’une part, Fabege et l’acheteur ainsi que, d’autre part, Stienstra et l’acheteur concluent respectivement un contrat, sans que DTZ Zadelhoff ait un intérêt propre quant au contenu de ces contrats. Lesdites activités correspondent par conséquent au terme «négociation» portant sur des actions au sens de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive.
29 En troisième lieu, il convient de vérifier si ces activités relèvent de l’exception à l’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, exception qui est énoncée à ce même point 5, second tiret.
30 Il découle de l’article 13, B, sous d), point 5, second tiret, de la sixième directive que, sans préjudice d’autres dispositions du droit de l’Union, les États membres exonèrent notamment des opérations, y compris la négociation, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion des droits ou titres visés à l’article 5, paragraphe 3, de cette même directive.
31 Conformément à l’article 5, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive, les États membres peuvent considérer comme biens corporels notamment les parts d’intérêts et les actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble.
32 Ainsi, des actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble, telles que les actions dont il s’agit dans le litige au principal, sont susceptibles d’être considérées par les États membres, aux fins de la TVA, comme des biens corporels.
33 Il est constant que le Royaume des Pays-Bas n’a pas fait usage de cette possibilité.
34 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que les États membres sont libres d’exercer le choix que leur laisse l’article 5, paragraphe 3, de la sixième directive, y compris en fixant certaines conditions, pour autant que celles-ci n’altèrent pas fondamentalement la nature du choix offert, aucune disposition de la sixième directive ne limitant de quelque manière que ce soit le pouvoir discrétionnaire des États membres à cet égard (arrêt du 4 octobre 2001, «Goed Wonen», C-326/99, Rec. p. I-6831, point 34).
35 Dès lors, si l’article 5, paragraphe 3, de la sixième directive permet d’assimiler aux biens corporels tous les droits considérés, ou de n’assimiler à de tels biens que l’un ou certains seulement de ces droits, ladite disposition permet également de limiter une telle assimilation aux seuls droits qui respectent des critères précis arrêtés par l’État membre concerné (arrêt «Goed Wonen», précité, point 34).
36 En revanche, il serait difficilement conciliable avec l’économie de la sixième directive d’admettre que la référence, dans l’article 13, B, sous d), point 5, second tiret, de cette directive, à l’article 5, paragraphe 3, de celle-ci vise tous les droits ou titres indiqués dans cette dernière disposition, indépendamment du fait que l’État membre a exercé ou non le choix qui lui est offert par cette même disposition.
37 Une telle interprétation est corroborée par les travaux préparatoires de la sixième directive. Ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations écrites, sa proposition de sixième directive [COM(73) 950 final] prévoyait, à son article 5, paragraphe 1, que les parts d’intérêts et les actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble sont toujours traitées comme les biens immeubles auxquels elles se rapportent.
38 Il ressort de l’exposé des motifs de ladite proposition (p. 6) que la Commission considérait que «[l]es assimilations visées au paragraphe 1 ont pour but de soumettre à la [TVA], pour des raisons évidentes de neutralité, des opérations qui, économiquement, sont équivalentes à la livraison d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble».
39 Toutefois, après que la Commission eut présenté plusieurs autres propositions, le Conseil des Communautés européennes a finalement retenu une autre formulation qui permet aux États membres, sans les y obliger, de considérer comme biens corporels des «parts d’intérêts et actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble».
40 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, s’il est certes vrai que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte, étant donné que ces exonérations constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (voir, notamment, arrêts du 26 juin 2003, MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring, C-305/01, Rec. p. I-6729, point 63, ainsi que du 19 avril 2007, Velvet & Steel Immobilien, C-455/05, Rec. p. I-3225, point 14), il n’en demeure pas moins qu’une interprétation stricte ne peut pas limiter une exonération d’une façon qui ne trouve pas d’appui dans le libellé de la disposition en cause. Une telle approche serait, en effet, contraire aux objectifs du système de la TVA d’assurer, notamment, la sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêt SKF, précité, points 46 et 47).
41 Le principe de neutralité fiscale ne saurait non plus conduire à une interprétation allant à l’encontre du libellé de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, lu à la lumière de l’article 5, paragraphe 3, de celle-ci.
42 Dès lors, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que relèvent de cette exonération de la TVA des opérations, telles que celles en cause au principal, qui visent à céder des actions des sociétés concernées et qui ont eu ce résultat, mais qui, en dernière analyse, portent sur des biens immobiliers détenus par ces sociétés et leur transfert (indirect). L’exception à cette exonération qui est prévue au même point 5, second tiret, n’est pas applicable si l’État membre n’a pas fait usage de la possibilité, prévue à l’article 5, paragraphe 3, sous c), de ladite directive, de considérer comme biens corporels les parts d’intérêts et les actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble.
Sur la troisième question
43 Eu égard à la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’est pas nécessaire de répondre à la troisième question posée par la juridiction de renvoi.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:
L’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que relèvent de cette exonération de la taxe sur la valeur ajoutée des opérations, telles que celles en cause au principal, qui visent à céder des actions des sociétés concernées et qui ont eu ce résultat, mais qui, en dernière analyse, portent sur des biens immobiliers détenus par ces sociétés et leur transfert (indirect). L’exception à cette exonération qui est prévue au même point 5, second tiret, n’est pas applicable si l’État membre n’a pas fait usage de la possibilité, prévue à l’article 5, paragraphe 3, sous c), de ladite directive, de considérer comme biens corporels les parts d’intérêts et les actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble.
Signatures
* Langue de procédure: le néerlandais.