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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Niilo Jääskinen

présentées le 16 janvier 2014 (1)

Affaires jointes C-24/12 et C-27/12

X BV (C-24/12) et TBG Ltd (C-27/12)

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Article 63 TFUE – Champ d’application territorial de la libre circulation des capitaux – Mouvements de capitaux en provenance d’un État membre vers un de ses pays et territoires d’outre-mer (PTOM) – Notion de pays tiers au sens de l’article 63 TFUE – Article 64, paragraphe 1, TFUE – Clause de ‘standstill’ – Restriction existant le 31 décembre 1993»





I –    Introduction

1.        En vertu de l’article 56, paragraphe 1, CE, devenu article 63, paragraphe 1, TFUE, la libre circulation de capitaux produit ses effets en droit de l’Union non seulement entre les États membres, mais aussi à l’égard des pays tiers. Toutefois, aucune des libertés fondamentales des traités ne s’applique à des situations purement internes à un État membre particulier. Dès lors, se pose l’intéressante question de savoir si une imposition prétendument discriminatoire de dividendes versés par une société établie dans un État membre à un actionnaire résidant sur le territoire du même État membre, mais ne faisant pas partie de l’Union européenne, constitue une restriction des mouvements de capitaux vers un pays tiers au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE ou si une transaction de ce type est purement interne à l’État membre concerné. Dans cette dernière hypothèse, l’article 56, paragraphe 1, CE ne s’appliquera pas.

2.        Les affaires jointes C-24/12, X BV, et C-27/12, TBG Ltd, concernent des règles prétendument discriminatoires sur l’impôt à la source applicable au versement de dividendes d’actions aux Pays-Bas, les dividendes payés à des sociétés établies dans les Antilles néerlandaises étant traités différemment que ceux recueillis par des sociétés établies aux Pays-Bas.

3.        Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême, Pays-Bas) a déféré à la Cour de justice de l’Union européenne trois questions préjudicielles relatives au statut légal des Antilles néerlandaises par rapport aux Pays-Bas aux fins de la libre circulation de capitaux entre l’Union et les pays tiers.

4.        Plus particulièrement, le Hoge Raad der Nederlanden demande si les mouvements de capitaux en provenance des Pays-Bas vers les Antilles néerlandaises relèvent du champ d’application ratione materiae de l’article 56, paragraphe 1, CE ou si la situation est purement interne. En cas d’application de l’article 56, paragraphe 1, CE, le Hoge Raad der Nederlanden demande quelle est l’approche à suivre à propos de ladite clause de «standstill» prévue par l’article 57 CE (devenu article 64 TFUE).

5.        Le problème en l’espèce est d’identifier le cadre juridique pertinent. Pour déterminer s’il y a eu une majoration de la restriction existant le 31 décembre 1993, faut-il exclusivement prendre en compte la majoration de l’impôt néerlandais à la source ou bien la juridiction nationale doit-elle également prendre en considération l’exonération fiscale accordée au même moment par les Antilles néerlandaises? Si cette dernière hypothèse est retenue, doit-on également prendre en considération les précédents régimes néerlando-antillais propres à la phase d’application (la pratique du «ruling néerlando-antillais»), qui réduisaient à titre individuel l’impôt effectivement dû?

6.        Les cas d’espèce donnent dès lors à la Cour la possibilité de se fonder sur l’affaire Prunus et Polonium (2) en ce qui concerne l’applicabilité de l’article 63, paragraphe 1, TFUE aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays et territoires d’outre-mer (ci-après les «PTOM») au titre de la partie IV du traité FUE. Il implique également d’envisager la décision 2001/822/CE du Conseil, du 27 novembre 2001, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté européenne (ci-après la «décision PTOM») (3) et de déterminer si elle est pertinente pour résoudre ce type de litige. Cependant, les cas d’espèce diffèrent de celui en cause dans l’affaire Prunus et Polonium, précitée, en ce que les Antilles néerlandaises appartiennent aux Pays-Bas («son propre PTOM») alors que l’affaire Prunus et Polonium, précitée, portait sur des mouvements de capitaux entre la France et les îles Vierges britanniques.

II – Le cadre national constitutionnel et législatif, les faits, la procédure ainsi que les questions préjudicielles

A –    Le cadre constitutionnel

7.        En 2005 et en 2006, période pertinente pour la procédure au principal, le Royaume des Pays-Bas se composait de trois entités possédant chacune leur propre Constitution et organisant chacune leurs propres institutions. Il s’agissait des Pays-Bas (précédemment les Pays-Bas et la Nouvelle-Guinée), des Antilles néerlandaises et d’Aruba (4).

8.        Les relations constitutionnelles entre ces trois entités figuraient dans le statut du Royaume des Pays-Bas tel que modifié (Statuut voor het koninkrijk der Nederlanden) de 1954 (5). Les décisions sur les matières du Royaume étaient adoptées par le Conseil des ministres du Royaume (De raad van ministers van het Koninkrijk) qui était composé, jusqu’au 10 octobre 2010, des membres du Conseil des ministres des Pays-Bas et des ministres plénipotentiaires respectifs des Antilles néerlandaises et d’Aruba (6).

9.        À côté des matières réservées dans le statut du Royaume en tant que matières du Royaume, l’article 38 du statut permet d’adopter une législation de consensus relativement à d’autres matières.

B –    Le cadre législatif

10.      Les relations fiscales entre les trois entités étaient régulées dans la loi instituant le cadre fiscal du Royaume (Belastingregeling voor het Koninkrijk, ci-après le «BRK»), qui est une législation de consensus adoptée par le Conseil des ministres du Royaume et promulguée ensuite selon la procédure législative habituelle du Royaume des Pays-Bas. Chacune des trois entités étatiques du Royaume des Pays-Bas exerçait ses propres compétences fiscales dans les limites établies par le BRK.

11.      Jusqu’au 1er janvier 2002, en ce compris la période prenant cours à partir de l’année 1993, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du BRK, un taux d’imposition à la source de 7,5 ou 5 % était applicable aux dividendes qu’une société établie aux Pays-Bas était susceptible de payer à une société établie dans les Antilles néerlandaises. En revanche, dans les Antilles néerlandaises, au titre des articles 8A, 8B, 14 et 14A de l’ancien règlement du pays relatif à l’impôt sur les bénéfices (Landsverordening op de winstbelasting), un impôt sur les bénéfices d’un taux minimal de 2,4 à 3 % ou d’un taux maximal de 5,5 % était perçu. Si l’on ne tenait pas compte de la pratique du ruling néerlando-antillais relative à la perception de l’impôt des Antilles néerlandaises sur le bénéfice, la charge fiscale combinée qui en résultait s’élevait à environ 10 % sur les dividendes liés à une participation (7). Il convient d’ajouter que les dividendes versés aux sociétés établies aux Pays-Bas sont exemptés d’impôt conformément à la loi relative à l’impôt sur le dividende (Wet op de dividendbelasting) de 1965.

12.      Cependant, l’article 11, paragraphe 3, du BRK, a été modifié à partir du 1er janvier 2002. Depuis lors, les dividendes liés à une participation qui sont distribués des Pays-Bas à une société établie dans les Antilles néerlandaises sont soumis à un nouveau taux d’imposition à la source de 8,3 %. Depuis l’année 2002 également, les Antilles néerlandaises exonèrent intégralement de l’impôt sur le bénéfice les dividendes liés à des participations (25 % des actions souscrites) dans des filiales établies aux Pays-Bas. La charge fiscale pesant effectivement sur les dividendes liés à des participations est de ce fait désormais égale au prélèvement à la source de 8,3 %.

C –    Les faits et le litige au principal

13.      X BV est une société de droit néerlandais dont le siège social est établi aux Pays-Bas. Elle a pour activité le transport maritime international de marchandises. Toutes les actions de X BV sont détenues par Stichting A. Les certificats d’actions émis sont détenus par B NV, dont le siège social est établi dans les Antilles néerlandaises. Le 27 juin 2005, X BV a versé un dividende, qui a cependant donné lieu à une retenue de 8,3 % à titre d’impôt sur le dividende, conformément à l’article 11, paragraphe 3, du BRK.

14.      Hollandsch-Amerikansche Beleggingsmaatschappij Holland-American Investment Corporation NV (ci-après «HAIC») (8) était une société anonyme de droit néerlandais dont l’actionnaire unique était une société de droit des Antilles néerlandaises, TBG Holding NV. Le 1er septembre 2006, HAIC a versé à TBG un dividende, qui a cependant donné lieu à une retenue de 8,3 % à titre d’impôt sur le dividende, conformément à l’article 11, paragraphe 3, du BRK.

15.      Tant TBG Ltd que X BV ont introduit des réclamations contre l’acquittement de ce dividende et en ont demandé la restitution. Ces demandes ont été rejetées par l’administration fiscale néerlandaise compétente. Des appels ont été formés auprès du Rechtbank te Haarlem (tribunal de première instance, Haarlem), qui ont cependant été déclarés non fondés.

16.      C’est ainsi que des recours ont été introduits auprès du Gerechtshof te Amsterdam (cour régionale d’appel, Amsterdam), qui a cependant confirmé les décisions du Rechtbank. Le Gerechtshof a considéré que l’article 56 CE n’était pas d’application générale aux PTOM. Il a, en outre, estimé, à la lumière de la décision PTOM, que les rapports entre les Pays-Bas et les Antilles néerlandaises doivent être assimilés à une «situation interne» du point de vue de la Communauté européenne. En conséquence, le litige était exclusivement régi par le droit néerlandais.

17.      Des pourvois ont ensuite été interjetés devant le Hoge Raad der Nederlanden, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le propre PTOM peut-il être qualifié de pays tiers aux fins de l’application de l’article 56 CE (devenu article 63 TFUE), auquel cas l’article 56 CE peut être invoqué dans les mouvements de capitaux entre un État membre et le propre PTOM?

2)      a)     Si la première question appelle une réponse affirmative, faut-il, dans le présent cas d’espèce, où, depuis le 1er janvier 2002, l’imposition à la source de dividendes liés à une participation distribués par une filiale établie aux Pays-Bas à sa société mère établie dans les Antilles néerlandaises est majorée par rapport à 1993 de 7,5 ou 5 à 8,3 %, pour déterminer s’il y a majoration aux fins de l’application de l’article 57, paragraphe 1, CE (devenu article 64, paragraphe 1, TFUE), viser exclusivement la majoration de l’imposition à la source néerlandaise ou faut-il également prendre en compte le fait que, dans le contexte de la majoration de l’imposition néerlandaise à la source, les autorités néerlando-antillaises accordent depuis le 1er janvier 2002 une exonération pour les dividendes liés à une participation recueillis d’une filiale établie aux Pays-Bas alors que, auparavant, ces dividendes faisaient partie du bénéfice imposé aux taux de 2,4 à 3 ou 5 %?

b)      S’il faut également prendre en compte l’abaissement de l’imposition dans les Antilles néerlandaises réalisé par la mise en place de l’exonération des participations, évoquée ci-dessus au point 2.a, faut-il prendre de surcroît en compte des régimes néerlando-antillais propres à la phase d’application, en l’espèce le ruling néerlando-antillais, qui aboutissaient éventuellement, avant le 1er janvier 2002, et en 1993 déjà, à ramener nettement au-dessous de 8,3 % l’impôt effectivement dû sur les dividendes recueillis d’une filiale établie aux Pays-Bas?»

18.      Le 27 février 2012, les affaires C-24/12 et C-27/12 ont été jointes par ordonnance du président de la Cour. Des observations écrites ont été présentées par TBG Ltd, le gouvernement néerlandais, le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que par la Commission européenne. Ils ont tous participé à l’audience qui s’est tenue le 23 octobre 2013.

III – Observations préliminaires

19.      D’emblée, il importe de relever que les faits pertinents de la procédure au principal sont intervenus avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Les dates décisives de retenue de l’impôt sur le dividende étaient le 27 juin 2005 pour XBV et le 1er septembre 2006 pour HAIC, alors que le traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009. Par conséquent, les dispositions applicables du traité sont celles du traité CE et non celles du TFUE.

20.      Alors que ce point ne paraît pas déterminant en ce qui concerne les dispositions sur la libre circulation de capitaux, les dispositions relatives au champ d’application des traités ont été, dans une certaine mesure, modifiées par le traité de Lisbonne.

21.      Les États membres auxquels «les traités s’appliquent» figurent à présent à l’article 52, paragraphe 1, TUE, alors que, antérieurement, ils apparaissaient à l’article 299, paragraphe 1, CE (9). Avant l’article 52, paragraphe 1, le TUE ne comportait pas de disposition sur son applicabilité territoriale. Pour cette raison, il y avait une incertitude quant à savoir si les dispositions dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune et dans celui de la coopération policière et judiciaire en matière pénale étaient, conformément à l’article 29 de la convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales (10), applicables à tout le territoire des États membres ou si le TUE s’étendait uniquement aux territoires auxquels le traité CE s’appliquait conformément à l’article 299 CE (11).

22.      L’article 52, paragraphe 1, TUE inclut, bien entendu, le «Royaume des Pays-Bas». Les règles détaillées régissant le champ d’application territorial des traités sont prévues à l’article 355 TFUE, qui correspond à l’article 299, paragraphes 2, premier alinéa, et 3 à 6, CE. Bien qu’elles fassent partie du Royaume des Pays-Bas, les Antilles néerlandaises sont exclues du champ d’application territorial des traités.

23.      Cela résulte de l’article 299, paragraphe 3, CE, devenu article 355, paragraphe 2, TFUE, et de l’annexe II de ces deux traités. L’annexe II du traité CE, intitulée «Pays et territoires d’outre-mer auxquels s’appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne» inclut les Antilles néerlandaises. Par le «Protocole relatif à l’application du traité instituant la Communauté économique européenne aux parties non européennes du Royaume des Pays-Bas», du 25 mars 1957, le gouvernement néerlandais n’a ratifié le traité que pour le Royaume en Europe et pour la Nouvelle-Guinée néerlandaise (12).

24.       Conformément à l’article 182 CE (devenu article 198 TFUE), le but de l’association est la promotion du développement économique et social des PTOM ainsi que l’établissement de relations économiques étroites entre ces derniers et la Communauté dans son ensemble. L’article 183, paragraphe 1, CE (devenu article 199 TFUE) énonce que les États membres doivent appliquer à leurs échanges commerciaux avec les PTOM le régime qu’ils s’accordent entre eux en vertu du traité.

25.      Conformément à l’article 187 CE (devenu article 203 ТFUE), le Conseil a adopté plusieurs décisions établissant les modalités et les procédures de l’association entre les PTOM et la Communauté. La décision PTOM, évoquée au point 6 des présentes conclusions, constitue la version de cette série de décisions qui est applicable ratione temporis au présent litige.

26.      Par conséquent, abstraction faite du statut des Antilles néerlandaises, que ce soit en droit constitutionnel néerlandais ou en droit public international, en ce qui concerne le droit de l’Union, les Antilles néerlandaises ne faisaient pas partie de la Communauté économique européenne au début et ne font pas à présent partie de l’Union européenne.

27.      Les dispositions générales du traité UE et du traité FUE ne sont pas applicables sans référence expresse aux PTOM (13), qui englobent de toute évidence les Antilles néerlandaises. La Cour a décidé que les PTOM «ne bénéficient donc des dispositions du droit de l’Union d’une manière analogue aux États membres que lorsqu’une telle assimilation des PTOM aux États membres est expressément prévue par le droit de l’Union» (14). C’est le point de départ de toute appréciation de la question de savoir si les Antilles néerlandaises constituent un pays tiers au sens de l’article 56 CE.

28.      En outre, alors que la Cour doit à présent décider si des mouvements de capitaux en provenance d’un État membre vers l’un de ses propres PTOM relève de l’article 56, paragraphe 1, CE, elle s’est prononcée sur l’interprétation de la décision PTOM dans le cadre d’autres relations entre les Pays-Bas et les Antilles néerlandaises (15). Il n’y a dès lors a priori aucune raison qu’un litige impliquant le propre PTOM d’un État membre soit différent de celui surgissant entre un État membre et un PTOM quelconque.

29.      Deux exemples illustrent ce point. Dans une affaire, la Cour a jugé que le déplacement d’un bateau des Antilles néerlandaises vers les Pays-Bas devait être considéré comme constituant une entrée à l’intérieur de la Communauté aux fins de l’article 7, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive TVA») (16). Dans une autre affaire, il a été décidé que les dispositions du chapitre III de la directive 92/46/CEE du Conseil, du 16 juin 1992, arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait (17), et qui imposent le respect de règles sanitaires pour les importations de produits à base de lait en provenance de pays tiers, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’appliquent à la mise sur le marché communautaire de tels produits en provenance des PTOM, tels que les Antilles néerlandaises (18).

30.      Ainsi, les relations entre le Royaume des Pays-Bas et les Antilles néerlandaises sont essentiellement régies par le régime spécial d’association défini à la quatrième partie du traité CE, tel que prévu à l’article 299, paragraphe 3, CE, dès lors que les Antilles néerlandaises sont répertoriées à l’annexe II (19). Cela signifie que la décision PTOM et toute disposition des traités pertinente pour son interprétation régissent l’association entre les Antilles néerlandaises et l’Union dans son ensemble (20), même lorsqu’un litige surgit en ce qui concerne les relations entre l’Union et le Royaume des Pays-Bas.

31.      En revanche, comme je l’ai déjà mentionné, les dispositions générales des traités ne s’appliquent pas sans référence expresse aux PTOM (21), ce qui n’empêche cependant pas les règles sur la libre circulation des capitaux de s’appliquer aux Antilles néerlandaises. Il en va ainsi, parce que, conformément à l’article 56 CE, les restrictions aux mouvements de capitaux sont interdites non seulement entre les États membres, mais aussi entre les «États membres et les pays tiers».

IV – Analyse

A –    Sur la première question

32.      La première question porte sur les mouvements de capitaux entre un État membre et son propre PTOM. Il convient essentiellement d’en chercher la réponse sur le fondement de l’interprétation de la décision PTOM qui met en œuvre le régime spécial de l’Union requis à la fois par le traité CE et le traité FUE et qui est applicable à tous les PTOM. La décision PTOM est donc une lex specialis qui doit avoir la primauté sur toute règle de droit de l’Union qui pourrait entrer en concurrence avec elle. Cependant, comme l’a relevé l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Prunus et Polonium, précitée, il ne s’agit pas pour autant de la seule source de droit sur laquelle la Cour peut s’appuyer, comme si la décision PTOM et la quatrième partie du traité CE existaient dans une sorte de vide juridique. Il convient également de prendre en considération les dispositions des traités qui sont pertinentes pour ces deux corpus de normes ainsi que, plus généralement, pour la résolution du litige (22).

33.      De plus, il faut bien reconnaître que, comme l’a relevé l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Prunus et Polonium, précitée, dans certaines situations, la Cour a assimilé les PTOM à des pays tiers et, dans d’autres situations, à des territoires habituels d’États membres, tels que prévus à l’article 299, paragraphe 1, CE (23). Par conséquent, alors même que la Cour a jugé, dans deux avis en matière d’accords internationaux, que les PTOM se trouvent en dehors du domaine d’application du droit de l’Union et, par conséquent, «se trouvent à l’égard de la Communauté dans la même situation que les pays tiers» (24), il y a lieu de se demander laquelle des deux approches est la plus adéquate pour interpréter la clause de «pays tiers» à l’article 56, paragraphe 1, CE.

34.      Il convient en l’espèce, bien entendu, de ne pas oublier que qualifier le propre PTOM d’un État membre de «pays tiers» entraînera l’applicabilité de l’article 56, paragraphe 1, CE et non pas, comme c’est le cas en ce qui concerne d’autres libertés fondamentales, son exclusion du champ d’application de la liberté. En revanche, si la Cour devait conclure que les relations entre les Pays-Bas et les Antilles néerlandaises constituaient une situation purement interne en ce qui concerne le droit de l’Union, le cas d’espèce se trouverait en dehors du champ d’application du traité et, partant, de celui de toute liberté fondamentale (25).

35.      Je relève également que le considérant 6 de la décision PTOM prévoit dans sa dernière partie que les PTOM «doivent, sur le plan commercial, répondre aux obligations arrêtées à l’égard des pays tiers, notamment quant aux règles d’origine, au respect des normes sanitaires et phytosanitaires et aux mesures de sauvegarde» (26). Cela correspond à la conclusion de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Prunus et Polonium, précitée, aux termes de laquelle, «en cas de silence», à savoir à défaut de règle spécifique dans la décision PTOM régissant la situation pertinente, «une liberté générale prévue dans le traité qui, de manière très spécifique, se projette sur tous les pays tiers, sans exception, doit également s’appliquer aux PTOM» (27).

36.      Par conséquent, la réponse à la première question doit essentiellement être recherchée sur le fondement de la décision PTOM en tant que lex specialis. Toutefois, c’est à mon avis à tort que le Royaume-Uni soutient que le cas d’espèce est régi par l’article 47, paragraphe 1, sous b), de la décision PTOM et que la clause d’exception fiscale de l’article 55 de la décision PTOM s’applique en conséquence (28).

37.      À mon avis, l’article 47, paragraphe 1, sous b), de la décision PTOM porte essentiellement, quoique non exclusivement, sur la protection et la promotion de l’investissement étranger en provenance des États membres vers les PTOM, et non dans le sens inverse. Cela est la seule interprétation conforme aux objectifs politiques traduits dans les articles 182 et 183 CE et, en particulier, à la promotion du développement économique et social des PTOM. Cette interprétation est également confortée par la genèse de l’article 47, paragraphe 1, sous b), de la décision PTOM elle-même (29). En promouvant l’investissement en provenance de l’Union vers les PTOM, l’article 47 de la décision PTOM protège également le rendement qui en résulte.

38.      Dès lors qu’en vertu de son article 1, paragraphe 1, la décision PTOM vise à établir des relations économiques étroites entre les PTOM et la Communauté dans son ensemble et que l’Union européenne a unilatéralement libéralisé les mouvements de capitaux en provenance des pays tiers et vers ceux-ci, l’on ne saurait concevoir que l’Union se soit réservée le droit de traiter les PTOM dans ce domaine moins favorablement que les pays tiers avec lesquels elle n’a aucun lien particulier. C’est pourquoi, bien que le texte de l’article 47 de la décision PTOM n’établisse pas de distinction entre les obligations de la Communauté, des États membres et des PTOM, la seule interprétation raisonnable du champ d’application de cette disposition est qu’elle définit le niveau de libéralisation que les PTOM doivent appliquer à l’égard de l’Union et de ses États membres.

39.      Par conséquent, les autorités des Antilles néerlandaises sont liées par l’article 47 de la décision PTOM en ce qui concerne les investissements étrangers provenant des États membres. Elles doivent également appliquer l’article 47 de la décision PTOM à des mouvements de capitaux vers l’étranger, tels que des paiements de dividendes vers des États membres de l’Union, ce qui constitue un aspect autre, quoique moindre, de l’établissement de liens économiques plus étroits.

40.      Il convient d’appliquer une logique similaire à la clause d’exception fiscale de l’article 55 de la décision PTOM. Dans le cas d’espèce aussi, l’interprétation doit être fondée sur le postulat que l’Union n’a pas l’intention de traiter les PTOM moins favorablement que les pays tiers en général (30). Il s’ensuit que l’article 55, paragraphes 2 et 3, de la décision PTOM doit être interprété en ce sens qu’il vise à fixer le niveau de libéralisation que les PTOM doivent accorder aux investisseurs en matière d’impôt sur les paiements provenant de l’étranger et vers celui-ci ainsi qu’en matière de flux de capitaux en provenance des États membres de l’Union et vers ceux-ci.

41.      Ainsi, dès lors qu’il a été confirmé que des dispositions spécifiques de la décision PTOM ne s’appliquent pas à un cas particulier, il y a lieu de vérifier si, eu égard aux objectifs de la quatrième partie du traité CE, il est approprié d’invoquer une disposition du traité relative aux pays tiers (31), alors même que le litige concerne le propre PTOM d’un État membre. À mon avis, la réponse doit être affirmative. En raison de la relation spéciale d’association entre l’Union et les PTOM, les dispositions du traité pertinentes pour cette relation doivent être interprétées au bénéfice des PTOM et non à leur détriment.

42.      En outre, comme l’avait relevé la Commission lors de l’audience, la création d’une règle exceptionnelle applicable aux transactions entre un État membre et son propre PTOM entraînerait une distorsion dans le marché intérieur de l’Union. En effet, les États membres ne devraient pas respecter en ce qui concerne leur propre PTOM les mêmes règles que les autres États membres.

43.      J’ajouterai que cet argument est conforté par l’arrêt Prunus et Polonium, précité, dans lequel la Cour a appréhendé le litige en relevant qu’il y avait «lieu de déterminer, d’abord, si les PTOM, aux fins de l’application des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, doivent être assimilés à des États membres ou à des États tiers» (32). En d’autres termes, le fait que le litige dans l’affaire Prunus et Polonium, précitée, concernait des mouvements de capitaux entre la France et une PTOM du Royaume-Uni, à savoir les îles Vierges britanniques, ne revêtait aucune conséquence significative.

44.      De surcroît, à mon avis, le champ d’application territorial du droit de l’Union en général est une question juridique distincte du champ d’application de règles particulières du droit de l’Union, singulièrement lorsque ces dernières contiennent des clauses spécifiques introduisant des activités de pays tiers au sein de leurs rubriques.

45.      Comme je l’ai déjà relevé, les territoires dans lesquels le droit de l’Union est «valide» sont mentionnés à l’article 299, paragraphes 1 et 2, CE. Cela ne signifie cependant pas que toute règle particulière du droit de l’Union qui, par sa nature, peut avoir certains effets extraterritoriaux, est inapplicable aux PTOM. L’exemple classique en a été offert lors de l’examen d’un comportement anticoncurrentiel intervenu en dehors de l’Union dans l’arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85) (33), mais il peut se présenter chaque fois que la matière régie par le droit de l’Union vise nécessairement un comportement ou des relations juridiques à l’extérieur des frontières de l’Union (34).

46.      Ainsi, s’agissant des libertés fondamentales, des situations purement internes se présentent lorsqu’il n’y a pas de division géographique pertinente entre deux parties d’un État membre selon le droit de l’Union qui régit la question. C’est, par exemple, le cas en ce qui concerne les mouvements de capitaux entre l’Angleterre et l’Écosse (35). Pour prendre un autre exemple, les mouvements de biens entre un État membre et son territoire situé en dehors du territoire douanier et/ou fiscal de l’Union ne sont pas des situations purement internes au regard de la libre circulation de biens, parce qu’il y a une division géographique définie par le droit de l’Union.

47.      Je tiens, enfin, à préciser que la situation examinée par la Cour dans l’arrêt Eman et Sevinger, précité, se distingue des cas d’espèce. Cet arrêt concernait le champ d’application des droits des citoyens de l’Union, partie de l’acquis communautaire, mais dont l’application territoriale n’est pas délimitée, que ce soit dans les traités de l’Union ou ailleurs (36). Par exemple, aucune règle explicite n’oblige les États membres à exclure leurs ressortissants qui résident dans des PTOM du droit de la citoyenneté de l’Union ainsi que des droits et des obligations qu’il crée. La Cour a décidé que «des personnes qui possèdent la nationalité d’un État membre et qui résident ou sont domiciliées dans un territoire faisant partie des PTOM, visé à l’article 299, paragraphe 3, CE, peuvent invoquer les droits reconnus aux citoyens de l’Union dans la deuxième partie du traité» (37).

48.      Par conséquent, les mouvements de capitaux entre les Pays-Bas et les Antilles néerlandaises, ou, en d’autres termes, entre deux territoires ayant un statut distinct s’agissant de l’applicabilité du droit de l’Union, ne constituent pas une situation purement interne. Partant, l’article 56, paragraphe 1, CE est applicable et, par rapport aux Pays-Bas, les Antilles néerlandaises doivent être considérées comme étant dans une position identique à celle des pays tiers.

B –    Sur la deuxième question

1.      Observations préliminaires

49.      La deuxième question, sous a) et sous b), porte sur les éléments que la juridiction de renvoi doit prendre en compte pour déterminer si ladite clause de «standstill» figurant à l’article 57 CE s’applique pour sauver une restriction prétendument irrégulière de la libre circulation de capitaux. Pour déterminer si une restriction existait le 31 décembre 1993, la juridiction de renvoi doit-elle prendre uniquement en considération le droit néerlandais, qui arrête l’imposition à la source en question, ou bien doit-elle également considérer l’exemption fiscale accordée au même moment par les Antilles néerlandaises [deuxième question, sous a)]? Si la réponse à cette question est affirmative, les régimes néerlando-antillais propres à la phase d’application, tels que traduits dans la pratique du ruling néerlando-antillais, doivent-il également être pris en considération [deuxième question, sous b)]?

50.      D’emblée, je précise que, selon la juridiction de renvoi, il ressort de la genèse du BRK que la modification de 2002 visait à débarrasser les Antilles néerlandaises d’une réputation de «paradis fiscal» tout en maintenant au même niveau la charge fiscale déjà existante pesant effectivement sur les dividendes liés à une participation qui sont distribués des Pays-Bas vers les Antilles néerlandaises.

51.      En outre, je relève qu’aucune question n’a été déférée quant à savoir si la clause de «standstill» qui figure à l’article 57 CE sauve en fait le prélèvement néerlandais à la source qui est l’objet de la procédure au principal. La deuxième question, sous a) et sous b), est circonscrite à l’identification des sources pertinentes de droit auxquelles doit recourir la juridiction lorsqu’elle entreprend cet examen.

2.      La pertinence de la législation néerlando-antillaise

52.      Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le BRK coordonne l’usage des compétences fiscales de deux entités fiscales autonomes, à savoir les Pays-Bas et les Antilles néerlandaises, et fixe le niveau du taux d’impôt effectif sur les dividendes transfrontaliers versés par les premiers aux secondes. À cet égard, le BRK a une fonction analogue à celle d’une convention fiscale bilatérale, alors même qu’elle constitue un instrument de consensus adopté par un État membre en coopération avec son propre PTOM.

53.      Pour ce motif, il semble que la jurisprudence de la Cour sur les traités fiscaux bilatéraux soit pertinente pour résoudre le litige. Dans ce contexte, la Cour a jugé qu’«il appartient effectivement aux États membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d’introduire, à cet effet, de façon unilatérale ou au moyen de conventions conclues avec d’autres États membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition économique. Toutefois, ce seul fait ne leur permet pas d’appliquer des mesures contraires aux libertés de circulation garanties par le traité CE» (38).

54.      Il semble ressortir de cette jurisprudence que la juridiction de renvoi pourrait prendre en compte à la fois le BRK et les mesures néerlando-antillaises pertinentes pour déterminer aussi bien le point de savoir si une restriction existe ou non, que celui de savoir si les conditions d’application de la clause de «standstill» sont remplies. En effet, le BRK et l’exonération fiscale néerlando-antillaise correspondante forment un cadre juridiquement contraignant accepté par les deux parties.

3.      La pertinence du ruling néerlando-antillais

55.      S’agissant de la deuxième question, sous b), et de la pertinence de la pratique du ruling néerlando-antillais pour l’appréciation de l’article 57 CE, je rappelle que la Cour a jugé que si «une disposition qui est, dans sa substance, identique à la législation antérieure ou qui se borne à réduire ou à supprimer un obstacle à l’exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans la législation antérieure bénéficie de la dérogation. En revanche, une législation qui repose sur une logique différente de celle du droit antérieur et met en place des procédures nouvelles ne peut être assimilée à la législation existante à la date retenue par l’acte communautaire en cause» (39).

56.      En outre, une analogie utile peut être faite dans le domaine du droit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et plus particulièrement des dépenses ouvrant un droit à déduction de la TVA, dans lequel la Cour a jugé que «doivent être pris en compte non seulement les actes législatifs proprement dits, mais également les actes administratifs ainsi que les pratiques administratives des autorités publiques de l’État membre concerné» (40).

57.      Dès lors que, conformément à la jurisprudence de la Cour, il est essentiel d’analyser l’«approche» et les «procédures» pour apprécier si une restriction sur les capitaux est sauvée par la clause de «standstill», à mon avis, la pratique du ruling néerlando-antillais doit nécessairement être prise en compte lors de cet exercice. À mon avis, le critère doit être le taux effectif d’imposition frappant les distributions en faveur des actionnaires des Antilles néerlandaises en 1993 (41). Il est utile, à cet égard, de rappeler que leur pratique se fondait sur des décisions administratives individuelles exonérant les contribuables de certains impôts des sociétés et réduisant de ce fait le taux effectif d’imposition (42).

4.      Observations subsidiaires

58.      Ainsi que je l’ai relevé dans les présentes conclusions, ce que la juridiction de renvoi veut connaître ce sont les éléments pertinents pour l’application de l’article 57 CE et non pas une appréciation du point de savoir si le droit d’un État membre est sauvé par cette disposition. Je fais néanmoins les observations suivantes, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que la question devrait être examinée plus avant pour donner une réponse utile à la juridiction de renvoi.

59.      Le nouveau cadre régulatoire adopté en 2002 repose sur une approche conceptuelle différente de celle de l’ancien cadre. L’ancien régime impliquait un cumul de retenue néerlandaise à la source et d’impôt antillais des sociétés, atténué par des rulings individuels. Après l’année 2002, la retenue néerlandaise à la source s’est accompagnée d’une exemption applicable dans les Antilles néerlandaises. La juridiction nationale a reconnu que cette nouvelle approche mène à des taux d’imposition effectifs supérieurs pour des revenus similaires, alors même que le législateur néerlandais avait pour objectif de préserver le même niveau effectif d’imposition.

60.      Il semble en résulter que le nouveau système n’est pas sauvé par la clause de «standstill» figurant à l’article 57 CE.

61.      Enfin, je souhaiterais souligner le fait que le revenu recueilli au moyen de la retenue néerlandaise à la source est transféré du gouvernement néerlandais au gouvernement néerlando-antillais. Le gouvernement néerlandais a relevé lors de l’audience qu’il n’accepterait pas de conclure avec un pays tiers arbitraire ce type d’arrangement, aux termes duquel un État contractant prélève l’impôt tout en en transférant le revenu intégralement à l’autre État contractant.

62.      Cette argumentation laisse entendre qu’il n’y a aucune restriction imputable aux Pays-Bas, parce que, d’un point de vue économique, l’État membre n’impose pas les dividendes sortants payés aux actionnaires néerlando-antillais, mais il se borne à collecter un impôt pour le compte de son PTOM pour le transférer ensuite au Trésor des Antilles néerlandaises. En d’autres termes, d’un point de vue économique, la retenue néerlandaise à la source doit être considérée comme un impôt néerlando-antillais. Il en résulte qu’il n’y aurait aucune différence de traitement entre les dividendes nationaux et les dividendes sortants, dès lors qu’aucun impôt n’est levé au profit du Trésor néerlandais.

63.      À mon avis, il n’est ni nécessaire ni conseillé d’examiner plus avant cette question, dès lors qu’elle n’était pas soulevée par la juridiction nationale.

V –    Conclusion

64.      Pour ces motifs, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles du Hoge Raad der Nederlanden de la façon suivante:

1)      Aux fins de l’application de l’article 56 CE (devenu article 63 TFUE), le propre pays ou territoire d’outre-mer d’un État membre doit être qualifié de pays tiers par rapport à cet État membre.

2)      a)      Aux fins de l’application de l’article 57, paragraphe 1, CE (devenu article 64, paragraphe 1, TFUE), lorsqu’une imposition à la source est perçue sur les dividendes liés à une participation distribués par une société filiale établie dans un État membre à sa société mère établie dans un pays ou territoire d’outre-mer de l’État membre, mais qui constitue une partie d’un territoire fiscal autonome, la question de savoir s’il y a eu majoration de la restriction applicable le 31 décembre 1993 doit être examinée en prenant en compte les mesures d’imposition pertinentes à la fois dans l’État membre et dans le territoire d’outre-mer concerné, si le niveau combiné d’imposition est déterminé par un instrument juridique contraignant dans les deux États.

2)      b)     En appliquant l’article 57 CE (devenu article 61 TFUE), il faut également prendre en compte la réduction de l’impôt résultant des régimes du territoire d’outre-mer propres à la phase d’application, lorsque ces régimes avaient pour effet, en 1993, de ramener l’impôt effectivement dû sur les dividendes recueillis d’une filiale établie dans un État nettement au-dessous du taux d’imposition combiné résultant des mesures introduites après le 31 décembre 1993.


1 –      Langue originale: l’anglais.


2 – Arrêt du 5 mai 2011 (C-384/09, Rec. p. I-3319).


3 – JO L 314, p. 1. Il convient de noter que la décision PTOM a été abrogée par la décision 2013/755/UE du Conseil, du 25 novembre 2013, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne («décision d’association outre-mer») (JO L 344, p. 1). La décision 2013/755 est entrée en vigueur le 1er janvier 2014. Par conséquent, la décision 2001/822 régit le cas d’espèce ratione temporis.


4 – Voir point 26 des conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire Espagne/Royaume-Uni ayant donné lieu à l’arrêt du 12 septembre 2006 (C-145/04, Rec. p. I-7917) et l’affaire M.G. Eman et O.B. Sevinger/College van burgemeester en wethouders van Den Haag ayant donné lieu à l’arrêt du 12 septembre 2006 (C-300/04, Rec. p. I-8055) ainsi que son exposé intitulé «organisation constitutionnelle du Royaume des Pays-Bas».


5 – Staatsblad 1954, nº 503, PB 121, tel que modifié par la loi du 7 septembre 1998 (Staatsblad 1998, nº 579) (Rijkswet van 28 oktober 1954 houdende aanvaarding van een Statuut voor het Koninkrijk der Nederlanden, zoals gewijzigd biu de rijkswet van 7 september 1998 (Stb. 579; PB 1999, 22).


6 – Les Antilles néerlandaises ont été dissoutes le 10 octobre 2010 en deux nouveaux États, Curaçao et Sint Maarten, tandis que les îles de Bonaire, Saba et Saint-Eustache ont été placées sous l’administration directe des Pays-Bas.


7 – Ces arrangements individuels ont pu avoir pour effet qu’avant le 1er janvier 2002 – en ce compris en 1993 – l’impôt réel afférent aux dividendes reçus par une société néerlando-antillaise d’une filiale établie aux Pays-Bas était nettement inférieur à 8,3 %.


8 – Conformément au dossier, en 2009, TBG Holding NV a déménagé de Curaçao à Malte et a été transformée en TBG Ltd, une société à responsabilité limitée de droit maltais. Ensuite, HAIC a fusionné avec cette dernière et a cessé d’exister juridiquement. TBG Ltd est dès lors subrogée à la fois dans les actions de TBG BV et de HAIC relatives à la retenue à la source qui a été effectuée.


9 – À présent abrogé.


10 – Signée à Vienne le 23 mai 1969 et entrée en vigueur le 27 janvier 1980. Voir Recueil des traités des NationsUnies, vol. 1155, p. 331.


11 – La première interprétation a été défendue par le gouvernement finlandais durant ses négociations d’adhésion, tandis que Stapper, par exemple défend la deuxième alternative (voir Stapper, V., Europäische Mikrostaaten und Autonome Territorien im Rahmen der EG, Nomos Verlag, Baden-Baden, 1999, p. 17-18).


12 – Arrêt du 28 janvier 1999, van der Kooy (C-181/97, Rec. p. I-483, point 4).


13 – Voir arrêts du 12 février 1992, Leplat (C-260/90, Rec. p. I-643, point 10), et van der Kooy, précité (point 37).


14 – Arrêt Prunus et Polonium, précité (point 29). Mise en italique par mes soins.


15 – Voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1999, DADI et Douane-Agenten (C-106/97, Rec. p. I-5983), et van der Kooy, précité.


16 – Voir arrêt van der Kooy, précité (point 42).


17 – JO 1992, L 268, p. 1.


18 – Voir arrêt DADI et Douane-Agenten, précité (point 46).


19 – Initialement, les Antilles néerlandaises n’apparaissaient pas dans la liste des pays et territoires non européens que les États membres ont accepté d’associer à la communauté. Elles y ont été insérées par la convention 64/533/CEE, du 13 novembre 1962, portant révision du traité instituant la Communauté économique européenne en vue de rendre applicable aux Antilles néerlandaises le régime spécial d’association défini dans la quatrième partie de ce traité (JO 1964, 150, p. 2414). Voir arrêt DADI et Douane-Agenten, précité (point 13).


20 – Voir points 33 à 35 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Prunus et Polonium, précitée.


21 – Voir arrêts précités van der Kooy (point 37) et Leplat (point 10).


22 – Voir points 33 à 35.


23 – Ibidem (points 36 à 38). Aux points 37 et 38, l’avocat général Cruz Villalón relève que, dans les arrêts du 12 décembre 1990, Kaefer et Procacci (C-100/89 et C-101/89, Rec. p. I-4647), du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger (C-300/04, Rec. p. I-8055), et du 7 septembre 2006, N (C-470/04, Rec. p. I-7409), la Cour a adopté une approche dans laquelle les PTOM ont été considérés comme appartenant à l’Union, alors que dans les arrêts précités van der Kooy et DADI et Douane-Agenten ainsi que dans les avis 1/78, du 4 octobre 1979 (Rec. p. 2871), et 1/94, du 15 novembre 1994 (Rec. p. I-5267), la Cour a considéré que les PTOM devaient faire l’objet d’un traitement équivalent à celui d’un pays tiers.


24 – Avis précités 1/78 (point 61) et 1/94 (point 17).


25 – Cependant, il y a des circonstances dans lesquelles des litiges impliquant des situations purement internes seront recevables devant la Cour. Voir, notamment, arrêt du 8 mai 2013, Libert e.a. (C-197/11 et C-203/11, points 32 à 36).


26 – Voir, également, arrêt DADI et Douane-Agenten, précité.


27 – Point 57.


28 – L’article 47, paragraphe 1, de la décision PTOM prévoit ce qui suit sous l’intitulé «Paiements courants et mouvements de capitaux»:


      «1.      Sans préjudice du paragraphe 2 ci-après:


      a)            les États membres et les autorités des PTOM n’imposent aucune restriction aux paiements en monnaie librement convertible, sur le compte de la balance des opérations courantes entre ressortissants de la Communauté et des PTOM;


      b)            en ce qui concerne les transactions relevant du compte des opérations en capital de la balance des paiements, les États membres et les autorités des PTOM n’imposent aucune restriction aux libres mouvements des capitaux concernant les investissements directs réalisés dans des sociétés constituées conformément au droit de l’État membre du pays ou territoire d’accueil et les investissements réalisés conformément aux dispositions de la présente décision et à la liquidation ou au rapatriement de ces investissements et de tous les profits qui en résultent».


      L’article 55 de la décision PTOM énonce ce qui suit sous l’intitulé «clause d’exception fiscale»:


      «1.      Sans préjudice des dispositions de l’article 54, le traitement de la nation la plus favorisée accordé en vertu des dispositions de la présente décision ne s’applique pas aux avantages fiscaux que les États membres ou les autorités des PTOM s’accordent ou peuvent s’accorder à l’avenir en application d’accords visant à éviter la double imposition, d’autres arrangements fiscaux ou de la législation fiscale en vigueur.


      2.            Aucune disposition de la présente décision ne pourra être interprétée aux fins d’empêcher l’adoption ou l’exécution de mesures destinées à prévenir l’évasion ou la fraude fiscale conformément aux dispositions fiscales d’accords visant à éviter la double imposition ou d’autres arrangements fiscaux, ou de la législation fiscale nationale en vigueur.


      3.            Aucune disposition de la présente décision ne doit être interprétée aux fins d’empêcher les autorités compétentes respectives dans l’application des dispositions pertinentes de leur législation fiscale, de faire une distinction entre des contribuables qui ne se trouvent pas dans une situation identique, en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence ou le lieu où leur capital est investi».


29 – Voir, en particulier, point 50 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Prunus et Polonium, précitée.


30 – Sans préjudice de la possibilité de dérogation au principe de la nation la plus favorisée en matières fiscales dans le contexte d’accords fiscaux bilatéraux, comme prévu à l’article 55, paragraphe 1, de la décision PTOM.


31 – Voir point 54 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Prunus et Polonium, précitée.


32 – Point 28.


33 – Rec. p. I-5193.


34 – Voir, notamment, les questions examinées dans mes conclusions du 25 juin 2013 dans l’affaire Google Spain et Google (C-131/12).


35 – Dans l’arrêt du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon (C-212/06, Rec. p. I-1683, points 37 et 38), la Cour a jugé que «l’exclusion du régime de l’assurance soins des ressortissants belges exerçant une activité professionnelle sur le territoire de la région de langue néerlandaise ou sur celui de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, mais qui résident dans les régions de langue française ou allemande, et n’ont jamais exercé leur liberté de circuler à l’intérieur de la Communauté européenne», était une situation purement interne sortant du champ d’application du droit de l’Union.


36 – Ziller, J., «The European Union and the Territorial Scope of European Territories», 38 Victoria University of Wellington Law Review, 51, 2007, p. 56 et 57.


37 – Voir arrêt Eman et Sevinger, précité (point 29).


38 – Arrêt du 8 novembre 2007, Amurta (C-379/05, Rec. p. I-9569, point 24). Voir, également, arrêt du 19 janvier 2006, Bouanich (C-265/04, Rec. p. I-923, points 49 à 51).


39 – Arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C-446/04, Rec. p. I-11753, point 192 et jurisprudence citée).


40 – Arrêt du 11 décembre 2008, Danfoss et AstraZeneca (C-371/07, Rec. p. I-9549, point 42).


41 – Arrêt du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C-35/11).


42 – À cet égard, je précise que les circonstances de fait de l’espèce se distinguent de celles examinées par la Cour dans l’arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a. (C-338/11 à C-347/11), ainsi que, en particulier, de la considération de la Cour au point 38, selon laquelle une pratique administrative souple ne pourrait pas sauver une législation fiscale par ailleurs discriminatoire.