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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 mars 2013 (*)

«Régime d’aide à finalité régionale – Investissements dans la transformation et la commercialisation de produits agricoles – Décision de la Commission – Incompatibilité avec le marché intérieur – Suppression des aides incompatibles – Moment auquel une aide est accordée – Principe de protection de la confiance légitime»

Dans l’affaire C-129/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht des Landes Sachsen-Anhalt (Allemagne), par décision du 27 février 2012, parvenue à la Cour le 8 mars 2012, dans la procédure

Magdeburger Mühlenwerke GmbH

contre

Finanzamt Magdeburg,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. G. Arestis, J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev (rapporteur) et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. V. Kreuschitz et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2 de la décision 1999/183/CE de la Commission, du 20 mai 1998, relative aux aides d’État dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles qui pourraient être octroyées en Allemagne sur la base de régimes d’aide existants à finalité régionale (JO 1999, L 60, p. 61).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Magdeburger Mühlenwerke GmbH (ci-après «Magdeburger Mühlenwerke») au Finanzamt Magdeburg (ci-après le «Finanzamt») au sujet du refus par ce dernier de prendre en compte, dans le calcul d’une aide aux investissements, certains investissements dans la meunerie.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La décision 94/173/CEE de la Commission, du 22 mars 1994, relative à l’établissement des critères de choix à retenir pour les investissements concernant l’amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles et sylvicoles et abrogeant la décision 90/342/CEE (JO L 79, p. 29), dispose, au point 2.1, premier tiret, de son annexe:

«2.1. Dans les secteurs des céréales et du riz (à l’exception des semences), les investissements suivants sont exclus:

–        investissements concernant […] la meunerie […]»

4        En 1995, la Commission des Communautés européennes a adopté un encadrement des aides d’État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles (JO 1996, C 29, p. 4, ci-après l’«encadrement agricole»). Par lettre no SG (95) D/13086 du 20 octobre 1995, elle a communiqué cet encadrement aux États membres.

5        Au point 3, sous b), dudit encadrement agricole, la Commission a précisé, notamment, qu’une «aide d’État accordée en rapport avec des investissements […] exclus de façon inconditionnelle au point 2 de [l’annexe de la décision 94/173] ne peut être considérée comme compatible avec le marché commun». Il ressort de ce même point, sous b), qu’il vise notamment les aides accordées dans le cadre d’un régime d’aide à finalité régionale.

6        Le dispositif de la décision 1999/183 prévoit notamment:

«Article premier

Les régimes d’aide allemands à finalité régionale sont incompatibles avec le marché commun […] dans la mesure où ils ne respectent pas l’encadrement et les mesures utiles concernant les aides d’État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles qui ont été communiqués à [la République fédérale d’Allemagne] par la lettre [SG (95) D/13086] du 20 octobre 1995.

Article 2

Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, [la République fédérale d’Allemagne] modifie ou, s’il y a lieu, abroge, les aides et régimes d’aide existants afin d’assurer leur compatibilité avec le marché commun. [La République fédérale d’Allemagne] veille en particulier, conformément au point 3[, sous] b)[,] de l’encadrement visé à l’article 1er, à ce que:

1)      aucune aide d’État relative à des investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles ne soit accordée pour des investissements […] exclus sans condition par le point 2 de [l’annexe de la décision 94/173]

[…]

Article 3

[La République fédérale d’Allemagne] informe la Commission dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision des mesures prises pour s’y conformer.

[...]»

 Le droit allemand

7        La loi sur les subventions à l’investissement (Investitionszulagengesetz), du 22 janvier 1996, dont l’objectif était l’accélération et l’intensification de l’activité d’investissement des entreprises privées dans la région aidée, à savoir le Land de Berlin et les nouveaux Länder, prévoyait le versement d’une subvention à l’investissement, sous la forme d’une subvention de l’État, aux assujettis ayant réalisé certains investissements dans leur entreprise.

8        Aux termes de l’article 2, première phrase, de cette loi:

«Sont des investissements éligibles l’acquisition et la production de biens meubles consommables neufs affectés aux actifs immobilisés qui, au moins 3 ans après leur acquisition ou leur fabrication,

1)      font partie de l’actif immobilisé d’une entreprise ou d’un établissement dans la région éligible,

2)      restent dans un établissement dans la région éligible, et

3)      chaque année, sont utilisées à 10 % au maximum à des fins privées.»

9        La deuxième phrase de la même disposition spécifie les investissements inéligibles à la subvention à l’investissement. Selon son point 4, inséré par la loi de 1999 sur les allègements fiscaux (Steuerentlastungsgesetz 1999), du 19 décembre 1998, entrée en vigueur le 24 décembre 1998, sont, notamment, inéligibles:

«4)      les biens que l’intéressé a acquis […] après le 2 septembre 1998 et qui sont mentionnés […] au point 2 de l’annexe de la [décision 94/173] […]»

10      L’article 3, point 4, de cette loi dispose:

«[...] les investissements sont éligibles lorsque le bénéficiaire:

4.      les a débutés après le 30 juin 1994 et conclus avant le 1er janvier 1999 et qu’il s’agit d’investissements dans des entreprises de transformation […]»

11      Les quatrième et cinquième phrases de cette disposition précisent:

«Les investissements sont réputés conclus au moment où les biens sont acquis […]. Les investissements sont réputés débutés au moment où les biens sont commandés […]»

12      Conformément à l’article 4, première phrase, de ladite loi:

«La base de calcul de la subvention à l’investissement est constituée par la somme des coûts d’acquisition […] des investissements aidés conclus pendant l’année comptable.»

13      L’article 6, paragraphe 1, de cette loi prévoit que la «demande de subvention à l’investissement doit être présentée avant le 30 septembre de l’année civile suivant l’année comptable durant laquelle les investissements ont été conclus».

14      L’article 9a du règlement d’application de la loi sur l’impôt sur le revenu (Einkommensteuer-Durchführungsverordnung) définit l’année de l’acquisition comme étant «l’année de la livraison».

15      Selon le Finanzgericht des Landes Sachsen-Anhalt, il ressort de la jurisprudence du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) que la date de livraison doit être considérée comme étant le moment où le bien est prêt à fonctionner dans l’entreprise de l’acquéreur.

 Les antécédents du litige et la question préjudicielle

16      La loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement ne comportait pas, à l’origine, de restriction pour les investissements dans le secteur agricole, dès lors que le gouvernement fédéral allemand avait considéré l’encadrement agricole comme une recommandation ne le liant pas.

17      Il ressort du dossier que la République fédérale d’Allemagne a notifié la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement à la Commission le 31 mai 1995, en application de l’article 88, paragraphe 3, CE. Cette dernière l’a examinée dans le cadre des dossiers N494/A/95 et N710/C/95 et a donné son autorisation par décision du 29 novembre 1995 laquelle précisait que l’application de ce régime d’aide devait respecter les dispositions communautaires applicables, notamment, à l’agriculture.

18      Par l’encadrement agricole, la Commission a invité les États membres à confirmer dans un délai de deux mois qu’ils se conformeraient au plus tard à partir du 1er janvier 1996 audit encadrement en modifiant leurs aides existantes. En l’absence d’une telle confirmation, la Commission se réservait le droit d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. La République fédérale d’Allemagne ne s’est pas conformée à cette demande.

19      Ainsi, le 12 juin 1996, la Commission a décidé d’engager, contre les régimes d’aide à finalité régionale dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles existants en Allemagne, la procédure formelle d’examen. Cette décision a été publiée le 5 février 1997 au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 36, p. 13).

20      Cette procédure a été clôturée le 20 mai 1998 avec l’adoption, à cette date, de la décision 1999/183 qui a été signifiée le 2 juillet 1998 à la République fédérale d’Allemagne.

21      Par lettre du 18 septembre 1998, publiée le 28 septembre 1998 au Bundessteuerblatt (journal officiel d’information fiscale, ci-après le «BStBl»), le ministère fédéral des Finances allemand a informé les instances supérieures des Länder en matière financière que, à partir du 3 septembre 1998, notamment pour les investissements visés au point 2 de l’annexe de la décision 94/173, aucune aide à l’investissement ne pourrait plus être accordée et a indiqué qu’une modification de la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement en ce sens était prévue (ci-après la «lettre du 18 septembre 1998»).

22      Par la loi de 1999 sur les allègements fiscaux, le législateur allemand a procédé à la modification de la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement relevée au point 9 du présent arrêt.

23      Le 10 septembre 1999, Magdeburger Mühlenwerke, qui exploite dans les nouveaux Länder une entreprise de meunerie, a demandé une subvention à l’investissement pour des investissements relatifs à l’année 1998 d’un montant d’environ 5,9 millions de DEM.

24      Le Finanzamt a cependant considéré que les investissements éligibles au titre de la perception de l’aide n’étaient que d’une valeur de 1,9 million de DEM. En effet, il a refusé de prendre en compte dans la base de calcul de l’aide, en application de l’article 2, deuxième phrase, point 4, de la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement, les investissements pour lesquels la décision d’investissement ferme avait été prise au plus tard le 2 septembre 1998, mais dont la livraison n’était intervenue qu’après cette date.

25      Le 26 septembre 2001, Magdeburger Mühlenwerke a formé un recours à l’encontre de cette décision devant le Finanzgericht des Landes Sachsen-Anhalt, faisant valoir que l’insertion de l’article 2, deuxième phrase, point 4, de la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement violait le principe constitutionnel de non-rétroactivité.

26      En particulier, Magdeburger Mühlenwerke a fait valoir que l’effet rétroactif de l’article 2, deuxième phrase, point 4, de la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement avait porté atteinte à sa confiance légitime, car, d’une part, à partir du moment où la décision d’investir est prise, la norme sur la base de laquelle l’aide est octroyée fonde la confiance légitime du demandeur d’aide. Or, sa décision d’investir aurait été prise avant le 3 septembre 1998 et le législateur allemand n’aurait assorti cette disposition d’aucune réserve au titre du droit de l’Union ni créé de régime transitoire applicable aux investissements déjà réalisés.

27      D’autre part, cette société n’aurait pu être informée de l’impossibilité de percevoir une subvention à l’investissement qu’au plus tôt le 28 septembre 1998, c’est-à-dire à la date de la publication au BStBl de la lettre du 18 septembre 1998, et après un délai approprié pour en prendre connaissance.

28      Le Finanzamt a soutenu devant la juridiction de renvoi que la décision 94/173 a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 23 mars 1994 et a été accessible à chacun depuis lors, de sorte que, à partir de cette date, la confiance légitime des demandeurs d’aide ne pourrait plus faire l’objet d’une protection.

29      Le 20 décembre 2007, le Finanzgericht des Landes Sachsen-Anhalt a sursis à statuer et a saisi le Bundesverfassungsgericht de la question de savoir si l’article 2, deuxième phrase, point 4, de la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement était compatible avec le principe constitutionnel de non-rétroactivité. À cet égard, il a précisé que, dès lors que la modification litigieuse de la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement s’applique également aux décisions d’investissement fermes qui ont été prises par l’investisseur avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, conformément à la jurisprudence et à la doctrine allemandes, cette modification a un effet rétroactif.

30      Selon le Finanzgericht des Landes Sachsen-Anhalt, l’aide devrait être considérée comme étant accordée au moment où la décision ferme d’investir est prise. En effet, le régime d’aide national aurait eu un effet d’incitation une fois qu’il a conduit un investisseur à prendre la décision d’investir. En outre, cette interprétation serait corroborée par le libellé de la décision 1999/183 qui prévoit un délai pour se conformer à cette dernière. De plus, l’article 2 de la décision 1999/183 devrait être interprété à l’aune du principe de protection de la confiance légitime.

31      À cet égard, le Finanzgericht des Landes Sachsen-Anhalt a estimé que, par souci de protection de la confiance légitime, la Commission avait autorisé, par la décision 1999/183, un régime transitoire pour les décisions d’investissement fermes conclues avant la publication de ladite décision. Ainsi, dès lors que la République fédérale d’Allemagne avait eu la possibilité de mettre en place un régime transitoire et qu’elle a choisi de modifier la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement de façon rétroactive, la modification législative litigieuse ne pourrait pas être justifiée par l’intérêt général.

32      Le Bundesverfassungsgericht a, par ordonnance du 4 octobre 2011, rejeté la demande comme étant irrecevable, considérant notamment que, préalablement à sa saisine, le Finanzgericht des Landes Sachsen-Anhalt aurait dû interroger la Cour sur la question de savoir si l’article 2, point 1, de la décision 1999/183 visait ou non les aides aux investissements pour lesquels la décision d’investissement ferme avait été prise au plus tard le 2 septembre 1998, mais dont la livraison du bien n’est intervenue qu’après cette date.

33      Dans ces conditions, le Finanzgericht des Landes Sachsen-Anhalt a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La [décision 1999/183] a-t-elle ménagé au législateur allemand, aux fins de la formulation de l’article 2, deuxième phrase, point 4, de la [loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement], une marge d’appréciation telle qu’elle couvrirait une disposition qui favorise les investissements qui en relèvent, pour lesquels la décision d’investissement ferme a été prise avant l’expiration du délai de transposition de la décision [1999/183] ou avant la publication au [BStBl] des mesures envisagées, la livraison du bien d’investissement ainsi que la fixation et le versement de la subvention intervenant en revanche après?»

 Sur la question préjudicielle

34      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2 de la décision 1999/183 s’oppose à ce que soient accordées des aides aux investissements concernant la meunerie pour lesquels la décision d’investissement ferme a été prise avant l’expiration du délai laissé à la République fédérale d’Allemagne pour se conformer à cette décision ou avant la publication au BStBl des mesures prises à cet effet, alors que la livraison du bien d’investissement ainsi que la fixation et le versement de la subvention ne sont intervenus qu’après l’expiration dudit délai ou après ladite publication.

35      Il ressort de la décision de renvoi que, eu égard aux circonstances de l’affaire au principal, le Finanzgericht des Landes Sachsen-Anhalt s’interroge, notamment, sur le moment où une aide doit être considérée comme étant accordée ainsi que sur les exigences du principe de la protection de la confiance légitime.

36      Il convient de relever à cet égard que l’article 2, point 1, de la décision 1999/183 impose à la République fédérale d’Allemagne de veiller à ce que, à partir de l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, en l’occurrence, à partir du 3 septembre 1998, aucune aide relative à des investissements concernant, notamment, la meunerie ne soit accordée.

37      Or, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, si la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine. Le délai mentionné au point 36 du présent arrêt n’a donc été accordé à la République fédérale d’Allemagne que pour modifier ou, s’il y a lieu, abroger, les aides en cause au principal.

38      En outre, la décision 1999/183 ne prévoit aucun régime transitoire. Partant, force est de constater que l’interdiction d’accorder, après le 2 septembre 1998, des aides relatives à des investissements concernant la meunerie est inconditionnelle.

39      Il s’ensuit que l’article 2, point 1, de la décision 1999/183 ne permet pas que des aides relatives à des investissements concernant la meunerie soient accordées après le 2 septembre 1998.

40      En ce qui concerne la question de savoir à quel moment la subvention à l’investissement en cause au principal a été accordée, il importe d’observer que les aides doivent être considérées comme étant accordées au moment où le droit de les recevoir est conféré au bénéficiaire en vertu de la réglementation nationale applicable.

41      Dès lors, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, sur la base du droit national applicable, le moment où ladite aide doit être considérée comme accordée. À cette fin, elle doit tenir compte de l’ensemble des conditions posées par le droit national pour l’obtention de l’aide en cause.

42      Par conséquent, si l’ensemble desdites conditions était réuni au plus tard le 2 septembre 1998, l’interdiction énoncée à l’article 2, point 1, de la décision 1999/183 n’affecte pas le versement de la tranche correspondante de l’aide, dès lors que cette décision n’exige pas la récupération des aides déjà accordées. En revanche, si toutes les conditions n’étaient réunies qu’après cette date, ladite interdiction s’appliquerait sans réserve.

43      Cela étant, il importe de souligner qu’il incombe à la juridiction de renvoi de veiller à ce que l’interdiction énoncée à l’article 2, point 1, de la décision 1999/183 ne soit pas contournée. Or, ainsi que l’exposé figurant aux points 8 à 15 du présent arrêt tend à l’indiquer, parmi les conditions requises en droit allemand pour que le droit à une subvention à l’investissement soit acquis figure, en tout état de cause, celle selon laquelle l’investissement doit être conclu. Dès lors, la juridiction nationale ne saurait considérer, postérieurement à la décision 1999/183, que le droit à cette aide est acquis au moment où la décision d’investissement ferme est prise par le demandeur d’aide.

44      En effet, eu égard, notamment, au caractère inconditionnel de l’interdiction énoncée à l’article 2, point 1, de cette décision et à la circonstance que le délai prévu n’a été accordé à la République fédérale d’Allemagne que pour modifier ou, s’il y a lieu, abroger, les aides et les régimes d’aide existants afin d’assurer leur compatibilité avec le marché intérieur, toute interprétation par les autorités nationales des conditions d’octroi de l’aide en cause au principal qui avancerait dans le temps le moment où cette aide est considérée comme accordée reviendrait à contourner cette interdiction.

45      Par ailleurs, l’effet incitatif d’une mesure d’aide relève de l’examen de sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2011, Allemagne/Commission, C-544/09 P, point 68). Dès lors, il convient d’ajouter que la circonstance selon laquelle la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement a pu avoir un effet incitatif pour les investissements en cause n’est pas pertinente aux fins de la détermination du moment où une aide doit être considérée comme accordée.

46      Pour autant que la juridiction de renvoi se demande si les exigences du principe de la protection de la confiance légitime requièrent que, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, une décision d’investissement ferme prise avant le 3 septembre 1998 puisse néanmoins bénéficier d’une aide, il convient de rappeler que c’est le 12 juin 1996 que la Commission a engagé la procédure formelle d’examen à l’encontre, notamment, des aides aux investissements concernant la meunerie octroyées en vertu de la loi du 22 janvier 1996 sur les subventions à l’investissement et que la décision d’ouverture de cette procédure a été publiée le 5 février 1997 au Journal officiel des Communautés européennes.

47      À supposer même que, préalablement à ladite publication, un opérateur économique diligent ait pu prétendre à une confiance légitime dans l’octroi d’une telle aide, il ne pouvait plus entretenir une telle confiance à partir de cette publication. En effet, l’ouverture de la procédure formelle d’examen implique que la Commission nourrit des doutes sérieux quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le droit de l’Union. Un opérateur économique diligent ne peut donc plus, à partir de ce moment, se fier à la pérennité de cette aide.

48      Au demeurant, pour les raisons exposées aux points 46 et 47 du présent arrêt, la publication au BStBl de la lettre du 18 septembre 1998 est sans pertinence aux fins de l’appréciation de l’existence d’une confiance légitime dans le chef de la requérante au principal.

49      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 2 de la décision 1999/183 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que soient accordées des aides aux investissements concernant la meunerie pour lesquels la décision d’investissement ferme a été prise avant l’expiration du délai laissé à la République fédérale d’Allemagne pour se conformer à cette décision ou avant la publication au BStBl des mesures prises à cet effet, alors que la livraison du bien d’investissement ainsi que la fixation et le versement de la subvention ne sont intervenus qu’après l’expiration de ce délai ou de cette publication, si le moment où une subvention à l’investissement est considérée comme accordée ne se situe qu’après l’expiration dudit délai. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer le moment où une subvention à l’investissement, telle que celle en cause au principal, doit être considérée comme étant accordée, en tenant compte de l’ensemble des conditions posées par le droit national pour l’obtention de l’aide en cause et en veillant à ce que l’interdiction énoncée à l’article 2, point 1, de la décision 1999/183 ne soit pas contournée.

 Sur les dépens

50      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 2 de la décision 1999/183/CE de la Commission, du 20 mai 1998, relative aux aides d’État dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles qui pourraient être octroyées en Allemagne sur la base de régimes d’aide existants à finalité régionale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que soient accordées des aides aux investissements concernant la meunerie pour lesquels la décision d’investissement ferme a été prise avant l’expiration du délai laissé à la République fédérale d’Allemagne pour se conformer à cette décision ou avant la publication au Bundessteuerblatt des mesures prises à cet effet, alors que la livraison du bien d’investissement ainsi que la fixation et le versement de la subvention ne sont intervenus qu’après l’expiration de ce délai ou de cette publication, si le moment où une subvention à l’investissement est considérée comme accordée ne se situe qu’après l’expiration dudit délai. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer le moment où une subvention à l’investissement, telle que celle en cause au principal, doit être considérée comme étant accordée, en tenant compte de l’ensemble des conditions posées par le droit national pour l’obtention de l’aide en cause et en veillant à ce que l’interdiction énoncée à l’article 2, point 1, de la décision 1999/183 ne soit pas contournée.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.