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ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

16 mai 2013 (*)

«Non-remboursement de l’intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée indûment versée – Législation nationale excluant le remboursement de la TVA en raison de sa répercussion sur un tiers – Compensation sous la forme d’une aide couvrant une fraction de la TVA non déductible – Enrichissement sans cause»

Dans l’affaire C-191/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Hongrie), par décision du 14 mars 2012, parvenue à la Cour le 23 avril 2012, dans la procédure

Alakor Gabonatermelő és Forgalmazó Kft.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Észak-alföldi Regionális Adó Főigazgatósága,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. G. Arestis, président de chambre, MM. J.-C. Bonichot et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour Alakor Gabonatermelő és Forgalmazó Kft., par Me A. Nacsa, ügyvéd,

–        pour la Hongrie, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós ainsi que par Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme C. Soulay et M. A. Sipos, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du droit de l’Union en matière de répétition de l’indu.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Alakor Gabonatermelő és Forgalmazó Kft. (ci-après «Alakor») à la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Észak-alföldi Regionális Adó Főigazgatósága (direction principale régionale des impôts d’Észak-alföld, relevant de l’administration nationale des impôts et des douanes, ci-après la «Főigazgatósága»), au sujet du refus de cette dernière de rembourser l’intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») dont la déduction a été écartée en violation du droit de l’Union.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La règle n° 7 du règlement (CE) n° 448/2004 de la Commission, du 10 mars 2004, modifiant le règlement (CE) n° 1685/2000 portant modalités d’exécution du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil en ce qui concerne l’éligibilité des dépenses dans le cadre des opérations cofinancées par les Fonds structurels et abrogeant le règlement (CE) n° 1145/2003 (JO L 72, p. 66), est libellée comme suit:

«Règle n° 7: TVA et autres impôts, taxes et charges

1.      La TVA ne constitue pas une dépense éligible, sauf si elle est réellement et définitivement supportée par le bénéficiaire final ou par le destinataire ultime dans le cadre des régimes d’aide relevant de l’article 87 du traité et dans le cas des aides octroyées par les organismes désignés par les États membres. La TVA qui est récupérable, par quelque moyen que ce soit, ne peut pas être considérée comme éligible, même si elle n’est pas effectivement récupérée par le bénéficiaire final ou par le destinataire ultime. Le statut, public ou privé, du bénéficiaire final ou du destinataire ultime n’entre pas en ligne de compte pour déterminer si la TVA constitue une dépense éligible en vertu des dispositions de la présente règle.

2.      La TVA non récupérable par le bénéficiaire final ou le destinataire ultime en application de règles nationales spécifiques ne constitue une dépense éligible que lorsque lesdites règles sont en pleine conformité avec la sixième directive 77/388/CEE du Conseil [, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la ‘sixième directive’]»

 Le droit hongrois

4        L’article 38, paragraphe 1, de la loi LXXIV de 1992 relative à la taxe sur la valeur ajoutée [az általános forgalmi adóról szóló 1992. évi LXXIV. törvény, Magyar Közlöny 1992/128 (XII. 19.), ci-après la «loi relative à la TVA»], abrogé avec effet au 1er janvier 2006, disposait:

«L’assujetti est tenu d’indiquer dans ses comptes de manière distincte le montant de la taxe en amont déductible et non déductible (distinction positive). L’assujetti qui bénéficie de subventions sur des fonds publics n’entrant pas dans l’assiette de l’impôt en application de l’article 22, paragraphes 1 et 2, de la présente loi, dans la mesure où la loi annuelle de finances n’en dispose pas autrement,

a)      peut, en cas de subventions obtenues en vue de l’acquisition de biens déterminés, exercer son droit à déduction uniquement en ce qui concerne la fraction de TVA afférente à la part non subventionnée de l’acquisition en question;

[…]»

5        L’article 124/C de la loi XCII de 2003 relative au régime de l’imposition [az adózás rendjéről szóló 2003. évi XCII. törvény, Magyar Közlöny 2003/131 (XI. 14.), ci-après la «loi relative au régime de l’imposition»] est libellé comme suit:

«(1)      Lorsque la Cour constitutionnelle, la Kúria ou la Cour de justice de l’Union européenne constatent, avec effet rétroactif, qu’une règle de droit prescrivant une obligation fiscale est contraire à la loi fondamentale ou à un acte obligatoire de l’Union européenne ou, s’il s’agit d’un règlement communal, à toute autre règle de droit, et que cette décision juridictionnelle fait naître un droit à remboursement pour le contribuable, l’autorité fiscale du premier degré procède au remboursement à la demande de ce dernier – selon les modalités spécifiées dans la décision concernée – conformément aux dispositions du présent article.

(2)      Le contribuable peut introduire sa demande par écrit auprès de l’autorité fiscale dans un délai de 180 jours suivant la publication ou la notification de la décision de la Cour constitutionnelle, de la Kúria ou de la Cour […]; aucune demande de relevé de forclusion ne sera admise à l’expiration du délai. L’autorité fiscale rejette la demande en cas de prescription, à la date de publication ou de notification de la décision, du droit afférent à l’établissement de l’impôt. […]

(3)      La demande doit mentionner, outre les données nécessaires à l’identification du contribuable auprès de l’administration fiscale, l’impôt acquitté à la date de l’introduction de la demande et dont le remboursement est demandé ainsi que le titre exécutoire sur le fondement duquel il a été acquitté; elle doit également faire référence à la décision de la Cour constitutionnelle, de la Kúria ou de la Cour […] et contenir une déclaration selon laquelle

a)      le contribuable n’a pas, à la date de l’introduction de la demande, répercuté sur une autre personne l’impôt dont il demande le remboursement,

[…]»

6        L’article 124/D de cette loi prévoit:

«(1)      Pour autant que le présent article n’en dispose pas autrement, les dispositions de l’article 124/C sont applicables aux demandes de remboursement fondées sur le droit à déduction de la TVA.

(2)      Le contribuable peut faire valoir le droit visé au paragraphe 1 ci-dessus au moyen d’une déclaration de régularisation […].

(3)      Si le décompte, tel que rectifié dans la déclaration de régularisation, fait apparaître que le contribuable a un droit à remboursement […] l’autorité fiscale applique à la somme à rembourser un taux d’intérêt équivalent au taux de base de la banque centrale […].

(5)      Il y a répercussion au sens de l’article 124/C, paragraphe 3, sous a), également dans le cas où le contribuable s’est vu octroyer une aide d’une manière qui – compte tenu de l’interdiction de la déduction de la TVA – finance également la TVA, ou qu’il s’est vu octroyer une aide supplémentaire de la part du budget de l’État en compensation de la TVA non déductible.

[…]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

7        Au cours de l’année 2005, Alakor a conclu avec le Földművelésügyi és Vidékfejlesztési Minisztérium (ministère de l’Agriculture et du Développement rural, ci-après le «bailleur de fonds»), un contrat de subvention destiné à lui permettre de financer un projet dans le cadre du programme opérationnel de développement rural et agricole relatif au second semestre de l’année 2005 (ci-après l’«aide»).

8        En conséquence de l’article 38, paragraphe 1, sous a), de la loi relative à la TVA, dans sa version en vigueur à l’époque des faits au principal, ne pouvait être déduite, proportionnellement au montant de l’aide, la fraction de la TVA acquittée en amont afférente aux dépenses liées au projet subventionné.

9        En revanche, en application des lignes directrices du ministère des Finances, les «coûts éligibles» d'un projet subventionné comprenaient, aux fins du calcul de l’aide, une partie de la TVA correspondant au pourcentage du projet financé par cette aide. Ainsi, en l’espèce, le coût éligible du projet en cause au principal, revenant à 207 174 606 forints hongrois (HUF) au total, comprenait 18 645 714 HUF de TVA non déductible. Le bailleur de fonds a accordé, aux fins du financement de ce projet, une aide de 90 000 000 HUF correspondant à 43,44 % du coût éligible du projet, cette aide étant financée à hauteur de 75 % par des fonds communautaires, les 25 % restants étant à la charge du budget national.

10      La TVA afférente aux dépenses de développement a été liquidée dans les déclarations mensuelles de TVA des mois de septembre et de novembre 2005, ainsi que, en tant que solde reportable à des exercices ultérieurs, dans celles des mois de décembre 2005 et de janvier 2006. En application de l’article 38, paragraphe 1, sous a), de la loi relative à la TVA, la requérante au principal n’a pas pu exercer son droit à déduction à hauteur de 4 440 000 HUF au titre de la TVA afférente aux dépenses de développement facturée en amont et liquidée dans la déclaration du mois de septembre 2005, ainsi qu’à hauteur de 13 282 000 HUF au titre de celle qui a été liquidée dans la déclaration du mois de novembre 2005, ce qui représentait un total de 17 722 000 HUF.

11      Dans un arrêt du 23 avril 2009, PARAT Automotive Cabrio (C-74/08, Rec. p. I-3459), la Cour a jugé que «l’article 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, en cas d’acquisition de biens subventionnée par des fonds publics, ne permet de déduire la [TVA] y afférente qu’à concurrence de la partie non subventionnée de cette acquisition».

12      À la lumière de cet arrêt, Alakor a considéré qu’elle pouvait déduire l’intégralité de la TVA acquittée en amont pour les besoins de ses opérations taxables et que la TVA, jusque-là considérée comme non déductible, ne pouvait plus faire partie du coût éligible du projet en question. Pour cette raison, le 21 juillet 2009, Alakor a rendu au bailleur de fonds le montant de l’aide correspondant à la TVA non déductible, tout en sollicitant une modification du contrat. Le bailleur de fonds a rejeté cette demande et a restitué à Alakor la somme en question.

13      Le 22 juillet 2009, Alakor a déposé auprès de l’administration fiscale des déclarations de régularisation pour les mois de septembre, de novembre et de décembre 2005 ainsi que pour le mois de janvier 2006, dans lesquelles elle demandait, sur le fondement de l’arrêt PARAT Automotive Cabrio, précité, le remboursement de la TVA que la limitation du droit à déduction l’avait empêchée de déduire, d’un montant total de 17 722 000 HUF, ainsi que le paiement d’intérêts de retard.

14      En réponse à cette demande, l’autorité fiscale de premier degré a fixé le montant de la taxe déductible et les sommes susceptibles d’être remboursées à la requérante au principal à un niveau inférieur au montant qui figurait dans les déclarations de régularisation de cette dernière. La Főigazgatósága a confirmé ces décisions en soulignant que la requérante avait déjà reçu la somme correspondant à 43,44 % de la TVA non déductible sous la forme de l’aide. Partant, en application des articles 124/C, paragraphe 3, sous a), et 124/D, paragraphe 5, de la loi relative au régime de l’imposition, cette somme devait être considérée comme répercutée.

15      Saisie de recours en réformation ou en annulation des décisions rendues par l’administration fiscale, la juridiction de première instance a conclu au bien-fondé de ces recours, annulé les décisions en cause au motif qu’elles restreignaient illégalement le droit à déduction en violation de l’arrêt PARAT Automotive Cabrio, précité, et ordonné à l’administration fiscale d’engager une nouvelle procédure.

16      La Főigazgatósága s’est pourvue en cassation, faisant valoir, notamment, qu’Alakor avait déjà reçu, sous la forme de l’aide, une partie de la TVA qu’elle souhaitait récupérer dans les déclarations de régularisation. Par conséquent, selon la Főigazgatósága, seule la fraction de la TVA non compensée par cette aide devait faire l’objet d’un remboursement.

17      Pour sa part, Alakor a fait valoir que les articles 124/C et 124/D de la loi relative au régime de l’imposition étaient contraires au droit de l’Union et que les décisions des autorités fiscales étaient incompatibles avec la règle n° 7 du règlement n° 448/2004. Les autorités fiscales auraient ainsi violé le droit de l’Union dans la mesure où elles auraient restreint le droit à déduction de la taxe en remboursant non pas la totalité de la TVA, mais une somme calculée de manière proportionnelle. Alakor serait, en outre, exposée au risque de devoir rembourser l’aide en raison de la violation de la réglementation applicable en matière d’aides au développement rural.

18      Dans ces conditions, la Kúria a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Peut-on considérer qu’il y a répercussion de l’impôt au sens des règles du droit [de l’Union] lorsque le contribuable – compte tenu de l’interdiction de la déduction de la TVA – s’est vu octroyer une aide d’une manière qui finance également la TVA, ou qu’il s’est vu octroyer une aide supplémentaire de la part de l’État en compensation de la TVA non déductible?

2)      En cas de réponse affirmative, en va-t-il de même lorsque le contribuable n’a pas perçu l’aide de la part de l’État membre, ou de l’administration fiscale de l’État membre, mais que celle-ci a été cofinancée – sur le fondement d’un contrat conclu avec l’organisme bailleur de fonds – par l’Union et le budget central de l’État membre?

3)      Peut-on considérer que le principe de récupération de la TVA, qui repose sur le principe de la neutralité de l’impôt, les principes d’effectivité et d’équivalence, le principe de l’égalité de traitement et l’interdiction de l’enrichissement sans cause sont respectés lorsque l’administration fiscale de l’État membre – du fait d’une réglementation contraire au droit de l’Union en ce qui concerne le droit à déduction – ne satisfait au droit à récupération ou à indemnisation du contribuable que pour la partie ou la proportion qui n’a pas été antérieurement financée par l’aide visée [aux première et deuxième questions] ci-dessus?»

 Sur les questions préjudicielles

19      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe du remboursement des taxes perçues par un État membre en violation des règles du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il permet à cet État de refuser de rembourser une partie de la TVA, dont la déduction avait été empêchée par une mesure nationale contraire au droit de l’Union, au motif que cette partie de la taxe a été subventionnée par une aide accordée à l’assujetti et financée tant par l’Union que par ledit État.

20      Le litige au principal trouve son origine dans l’application de l’article 38, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA, tel qu’en vigueur au moment des faits au principal, aux termes duquel l’assujetti ayant bénéficié d’une subvention pouvait exercer son droit à déduction uniquement en ce qui concerne la fraction de la TVA afférente à la part non subventionnée de l’acquisition en question.

21      Dans son arrêt PARAT Automotive Cabrio, précité, la Cour a d’abord rappelé, au point 15 de celui-ci, que le droit à déduction de la TVA constitue, en tant que partie intégrante du mécanisme de TVA, un principe fondamental inhérent au système commun de TVA qui ne peut en principe être limité. Elle a ensuite jugé, au point 20 du même arrêt, qu’une réglementation nationale qui contient une limitation générale du droit à déduction de la TVA applicable à toute acquisition d’un bien bénéficiant d’une subvention financée par des fonds publics n’est pas autorisée par l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive. Enfin, la Cour a indiqué, aux points 33 à 35 dudit arrêt, que ledit article 17, paragraphe 2, confère aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir devant le juge national pour s’opposer à une réglementation nationale incompatible avec ladite disposition et que l’assujetti, ayant été soumis à une telle mesure, doit pouvoir recalculer la dette de TVA qui lui incombe, conformément à l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, dans la mesure où les biens et les services ont été utilisés pour les besoins d’opérations taxées.

22      Il convient de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante, le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union telles qu’elles ont été interprétées par la Cour. Les États membres sont donc tenus, en principe, de rembourser les taxes perçues en violation du droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a., C-591/10, point 24 et jurisprudence citée).

23      Partant, l’État membre doit, en principe, rembourser intégralement la TVA que l’assujetti a été empêché de déduire en violation du droit de l’Union.

24      Il appert ainsi que le droit à répétition de l’indu tend à remédier aux conséquences de l’incompatibilité de la taxe avec le droit de l’Union en neutralisant la charge économique qu’elle a fait indûment peser sur l’opérateur qui l’a, en définitive, effectivement supportée (arrêt du 20 octobre 2011, Danfoss et Sauer-Danfoss, C-94/10, Rec. p. I-9963, point 23).

25      Toutefois, par exception, une telle restitution peut être refusée lorsqu’elle entraîne un enrichissement sans cause des ayants droit. La protection des droits garantis en la matière par l’ordre juridique de l’Union n’impose donc pas le remboursement des impôts, des droits et des taxes perçus en violation du droit de l’Union lorsqu’il est établi que la personne astreinte au paiement de ces droits les a effectivement répercutés sur d’autres sujets (arrêt du 6 septembre 2011, Lady & Kid e.a., C-398/09, Rec. p. I-7375, point 18).

26      En l’absence de réglementation de l’Union en matière de demandes de restitutions de taxes, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être exercées, sous la réserve, néanmoins, du respect des principes d’équivalence et d’effectivité (arrêt Danfoss et Sauer-Danfoss, précité, point 24 et jurisprudence citée).

27      À cet égard, compte tenu de la finalité du droit à répétition de l’indu telle que rappelée au point 24 du présent arrêt, le respect du principe d’effectivité commande que les conditions d’exercice de l’action en répétition de l’indu soient fixées par les États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale, de telle manière que la charge économique de la taxe indue puisse être neutralisée (arrêt Danfoss et Sauer-Danfoss, précité, point 25).

28      Dès lors, c’est à la condition que la charge économique que la taxe indûment perçue a fait peser sur l’assujetti ait été intégralement neutralisée qu’un État membre peut alors refuser de rembourser une partie de cette taxe au motif qu’un tel remboursement engendrerait au profit de l’assujetti un enrichissement sans cause.

29      En l’espèce, il ressort du dossier soumis à la Cour que l’article 124/D, paragraphe 5, de la loi relative au régime de l’imposition, lequel a été adopté à la suite de l’arrêt PARAT Automotive Cabrio, précité, permet de refuser le remboursement d’une partie de la TVA n’ayant pu être déduite en violation du droit de l’Union, au motif que l’assujetti avait déjà obtenu, sous la forme d’une aide, une compensation pour une partie de la TVA non déductible afférente à l’acquisition subventionnée.

30      La question de savoir si le remboursement réclamé dans le litige au principal vise uniquement à neutraliser la charge économique de la taxe indue ou engendrerait, en revanche, un enrichissement sans cause au profit de l’assujetti constitue une question de fait qui relève de la compétence du juge national, ce dernier appréciant librement les éléments de preuve qui lui sont soumis au terme d’une analyse économique qui tienne compte de toutes les circonstances pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2003, Weber’s Wine World e.a., C-147/01, Rec. p. I-11365, points 96 et 100).

31      Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour, appelée à fournir au juge national des réponses utiles, est toutefois compétente pour donner des indications tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations qui lui ont été soumises, susceptibles de permettre à la juridiction de renvoi de statuer (voir, par analogie, arrêts du 9 février 1999, Seymour-Smith et Perez, C-167/97, Rec. p. I-623, point 68, ainsi que du 26 juin 2001, Brunnhofer, C-381/99, Rec. p. I-4961, point 65).

32      À cet égard, la juridiction nationale doit examiner, notamment, la question de savoir si le montant de l’aide accordé à la requérante au principal aurait été moindre dans l’hypothèse où cette dernière n’avait pas été empêchée d’exercer son droit à déduction. En effet, il ressort du dossier soumis à la Cour que le montant de l’aide en question avait été calculé par référence au «coût éligible» du projet, lequel comprend tant le coût net de ce projet que la TVA non déductible. La juridiction nationale doit ainsi vérifier si, dans l’hypothèse où le coût éligible avait été calculé en faisant abstraction de la TVA non déductible, le montant de l’aide aurait été inférieur à celui qui a été réellement accordé. Si tel devait être le cas, l’excédent résultant du montant plus élevé de l’aide dont Alakor a pu ainsi bénéficier serait la conséquence du fait qu’une partie de la TVA non déductible avait été couverte par cette aide. La charge économique afférente à la partie de la taxe correspondant à cet excédent serait, dès lors, supportée par le bailleur de fonds, et non par Alakor.

33      Il s’ensuit que, pour neutraliser la charge économique afférente à l’interdiction de déduction de la TVA, le montant du remboursement auquel la requérante au principal peut prétendre doit correspondre à la différence entre, d’une part, le montant de la TVA qu’Alakor n’a pas pu déduire en raison de la législation nationale dont l’incompatibilité avec le droit de l’Union a été relevée dans l’arrêt PARAT Automotive Cabrio, précité, et, d’autre part, le montant de l’aide accordé à Alakor qui excède celui qui lui aurait été accordé si elle n’avait pas été empêchée d’exercer son droit à déduction.

34      Enfin, la circonstance que le financement de l’aide en question provient tant du budget de l’Union que de celui de l’État membre en cause n’a pas d’incidence sur les considérations qui précèdent. En effet, ainsi qu’il ressort du point 22 du présent arrêt et ainsi que le souligne la Commission européenne, le droit d’obtenir le remboursement des taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union. Le droit au remboursement ne saurait, par conséquent, varier en fonction de la source dont provient le financement de l’aide en question.

35      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que le principe du remboursement des taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à ce que cet État refuse de rembourser une partie de la TVA, dont la déduction avait été empêchée par une mesure nationale contraire au droit de l’Union, au motif que cette partie de la taxe a été subventionnée par une aide accordée à l’assujetti et financée tant par l’Union que par ledit État, à condition que la charge économique afférente au refus de déduction de la TVA ait été intégralement neutralisée, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

 Sur les dépens

36      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

Le principe du remboursement des taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à ce que cet État refuse de rembourser une partie de la taxe sur la valeur ajoutée, dont la déduction avait été empêchée par une mesure nationale contraire au droit de l’Union, au motif que cette partie de la taxe a été subventionnée par une aide accordée à l’assujetti et financée tant par l’Union européenne que par ledit État, à condition que la charge économique afférente au refus de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ait été intégralement neutralisée, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

Signatures


* Langue de procédure: le hongrois.